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25/07/2024 | FRANCE | N°22/04463

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre expropriations, 25 juillet 2024, 22/04463


ARRET RENDU PAR LA



COUR D'APPEL DE BORDEAUX



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Le : 25 Juillet 2024





CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS



N° de rôle : N° RG 22/04463 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M47Y









S.C.I. PHILAJENI



c/



BORDEAUX METROPOLE

COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT



















Nature de la décision : AU FOND















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Grosse délivrée le :



à :





Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.



Le 25 Juillet 2024



Par Mon...

ARRET RENDU PAR LA

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

--------------------------

Le : 25 Juillet 2024

CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS

N° de rôle : N° RG 22/04463 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M47Y

S.C.I. PHILAJENI

c/

BORDEAUX METROPOLE

COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

Le 25 Juillet 2024

Par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président

La COUR d'APPEL de BORDEAUX, CHAMBRE DE L' EXPROPRIATION, a, dans l'affaire opposant :

S.C.I. PHILAJENI

[Adresse 7]

représentée par Maître Mathieu RAFFY substitué par Maître Laurent DEMAR, avocats au barreau de BORDEAUX

Appelante d'un jugement rendu le 1er septembre 2022 par le juge de l'expropriation du département de la Gironde suivant déclaration d'appel en date du 28 septembre 2022,

à :

BORDEAUX METROPOLE

[Adresse 15]

représenté par Maître Clotilde GAUCI substituée par Maître Amandine NAVARRO, avocats au barreau de BORDEAUX

COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 14]

Comparant en la personne de Monsieur [R] [F], inspecteur divisionnaire des finances publiques.

Intimés,

Rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue le 22 mai 2024 devant :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Sophie MASSON, Conseillère, Madame Marie GOUMILLOUX, Conseillère,

Greffier lors des débats : François CHARTAUD

en présence de Monsieur [R] [F], inspecteur divisionnaire, entendu en ses conclusions,

et qu'il en ait été délibéré par les Magistrats du siège ci-dessus désignés.

FAITS ET PROCÉDURE

Le préfet de la Gironde a, par arrêté du 18 février 2019, déclaré d'utilité publique au profit de l'Établissement Public de Coopération Intercommunale (ci-après EPCI) Bordeaux Métropole les travaux d'aménagement du [Adresse 13] et de résorption des inondations sur le territoire de la commune de [Localité 17] (Gironde).

Dans ce cadre, Bordeaux Métropole a été chargé d'acquérir une surface de 570 m², détachée de la parcelle C[Cadastre 4] d'une superficie totale de 5967 m² et située [Adresse 1] à [Localité 17], propriété de la société civile immobilière Philajeni.

La propriété de la parcelle a été transférée à Bordeaux Métropole par ordonnance du juge de l'expropriation de la Gironde en date du 8 juillet 2020.

Bordeaux Métropole a, le 10 mars 2021, notifié une offre totale de 8.116 euros à la société Philajeni, laquelle a été rejetée par courrier du 26 mars suivant.

Bordeaux Métropole a saisi le juge de l'expropriation de la Gironde par mémoire reçu au greffe le 7 juillet 2021, ce aux fins de fixation des indemnités de dépossession.

Le juge de l'expropriation s'est transporté sur les lieux le 28 février 2022 puis, par jugement prononcé le 1er septembre 2022, a statué ainsi qu'il suit :

- fixe les indemnités revenant à la société Philajeni pour l'expropriation de la parcelle cadastrée section C n° [Cadastre 5] d'une contenance de 570 m², située [Adresse 1] à [Localité 17], aux sommes suivantes :

- 6.840 euros au titre de l'indemnité principale,

- 1.276 euros au titre de l'indemnité de remploi,

- 1.360,20 euros au titre de l'indemnité pour frais de bornage ;

- condamne Bordeaux Métropole à payer à la société Philajeni la somme de l. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déboute les parties pour le surplus ;

- condamne Bordeaux Métropole aux dépens.

La société civile immobilière Philajeni a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 28 septembre 2022.

***

La société Philajeni a déposé son mémoire d'appelante accompagné de 13 pièces le 6 janvier 2023 au greffe de la cour. Ils ont été notifiés par le greffe le 9 janvier suivant au commissaire du gouvernement et le 10 janvier au conseil de l'EPCI Bordeaux Métropole, qui les a reçus à une date non précisée à l'accusé de réception.

L'appelante y demande à la cour de :

- réformer le jugement du 1er septembre 2021 de la juridiction de l'expropriation de la Gironde ;

En conséquence,

- fixer à la somme de 70.817 euros l'indemnité devant être versée par Bordeaux Métropole à la société Philajeni, propriétaire de la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 5], sise [Adresse 1], à [Localité 17], d'une contenance de 570 m², se décomposant

comme suit :

-une indemnité principale de 54.150 euros ;

-une indemnité de remploi de 6.415 euros ;

-une indemnité pour perte de revenus locatifs de 8.892 euros ;

-une indemnité relative au bornage de 1.360 euros ;

- débouter Bordeaux Métropole de ses demandes ;

- condamner Bordeaux Métropole à verser à la société Philajeni la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Bordeaux Métropole aux entiers dépens.

***

L'EPCI Bordeaux Métropole a déposé au greffe le 17 mars 2023 son mémoire d'intimé accompagné de 15 pièces.

Ils ont été notifiés par le greffe le jour-même au commissaire du gouvernement et au conseil de l'appelante, qui les ont reçus respectivement le 20 et le 29 mars 2023.

L'intimé y demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 1er septembre 2022 par le juge de l'expropriation de la Gironde en ce qu'il a :

-fixé à la somme de 6.840 euros l'indemnité principale revenant à la société Philajeni, propriétaire de la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 5] d'une contenance totale de 570 m², située [Adresse 1], sur le territoire de la Commune de [Localité 17],

- fixé à la somme de 1.276 euros l'indemnité de remploi revenant à la société Philajeni propriétaire de la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 5] d'une contenance totale de 570 m², située [Adresse 1], sur le territoire de la Commune de [Localité 17],

- débouté la société Philajeni de sa demande d'indemnité pour perte de loyers,

- infirmer le jugement rendu le 1er septembre 2022 par le juge de l'expropriation de la Gironde, en ce qu'il a :

- fixé à la somme de 1.360,20 euros l'indemnité pour frais de bornage revenant à la société Philajeni, propriétaire de la parcelle cadastrée section C n°[Cadastre 5] d'une contenance totale de 570m², située [Adresse 1], sur le territoire de la Commune de [Localité 17] ;

En conséquence de cette infirmation,

- débouter la société Philajeni de sa demande d'indemnité relative à l'indemnité pour frais de bornage de la parcelle cadastrée section AZ n°[Cadastre 3] d'une contenance de 556 m² ;

- rejeter toute demande plus ample ou contraire ;

- condamner la société Philajeni aux dépens de l'instance et à verser la somme de 3.000 euros à Bordeaux Métropole au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

La société Philajeni a, le 19 juin 2023, déposé au greffe un deuxième mémoire accompagné d'une nouvelle pièce n°14.

Le commissaire du gouvernement n'a pas déposé de mémoire.

A l'audience, la cour a, au visa de l'article R.311-26 du code de l'expropriation, invité les parties à faire connaître leurs observations sur la recevabilité de l'appel de la société Philajeni.

L'appelante a déposé le 27 mai 2024 une note en délibéré qui a été notifiée le jour-même aux autres parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la recevabilité de l'appel principal

Par note en délibéré déposée le 27 mai 2024, l'appelante a justifié de ce qu'elle avait remis le 22 décembre 2022 par RPVA non seulement son mémoire d'appel mais également la totalité des pièces dont elle entendait se prévaloir au cours des débats.

L'appel ayant été relevé le 28 septembre précédent, il apparaît que la société Philajeni s'est donc parfaitement conformée aux exigences de forme et de délai imposées par le premier alinéa de l'article R.311-26 du code de l'expropriation et que son appel est recevable.

2. Sur la date de référence

L'article L.321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose :

« Les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.»

Il résulte des dispositions combinées des articles L.322-1 et L.322-2 du même code que le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété. Les biens sont estimés à la date de la décision de première instance.

Toutefois, et sous réserve de l'application des dispositions des articles L.322-3 à L.322-6, est seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L.1 du code de l'expropriation ou, dans le cas prévu à l'article L.122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique ou, dans le cas des projets ou programmes soumis au débat public prévu par l'article L.121-8 du code de l'environnement ou par l'article 3 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, au jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat ou, lorsque le bien est situé à l'intérieur du périmètre d'une zone d'aménagement concerté mentionnée à l'article L.311-1 du code de l'urbanisme, à la date de publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique.

Il est tenu compte des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date correspondante pour chacun des cas prévus au deuxième alinéa, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive.

Quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subis depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou par la réalisation dans les trois années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé l'immeuble.

Il est constant en droit que la date de référence doit elle-même s'apprécier à la date de la décision de première instance, soit ici le 1er septembre 2022.

Il est également de principe qu'une modification du plan local d'urbanisme qui n'affecte pas les caractéristiques de la zone litigieuse, telle que la hauteur des immeubles, ne peut être retenue pour fixer la date de référence au sens de l'article L.213-4 a) du code de l'urbanisme, même si le périmètre de la zone dans laquelle est située la parcelle expropriée est lui-même modifié.

En l'espèce, il doit être rappelé que l'emprise litigieuse est grevée d'un emplacement réservé S407 portant sur l'élargissement de l'[Adresse 11] et de la route départementale n°211 entre l'[Adresse 10] et l'[Adresse 9], ce qui commande l'application de l'article L.322-6 du code de l'expropriation en vertu duquel, d'une part le terrain doit être considéré, pour son évaluation, comme ayant cessé d'être compris dans un emplacement réservé, d'autre part la date de référence est celle de l'acte le plus récent rendant opposable le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou le plan d'occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle est situé l'emplacement réservé.

Il n'est pas discuté par les parties que la date de référence qui s'applique au bien exproprié est le 24 février 2017, date à laquelle est devenue opposable aux tiers la révision du Plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole, approuvée le 16 décembre 2016, qui délimite la zone AU 12-5, soit une zone d'extension urbaine pour artisanat et industrie légère, sans commerce, au sein de laquelle est située la parcelle litigieuse.

3. Sur la consistance du bien et son usage effectif

Le juge de l'expropriation, qui s'est transporté sur les lieux, décrit ainsi le bien :

« La parcelle est située à [Localité 17] dans la zone d'activités d'[Localité 16], dans laquelle sont implantées plusieurs entreprises de bâtiment et travaux publics. Elle consiste en une étroite bande de terrain située le long et à l'angle du [Adresse 13] et de l'[Adresse 11]. Elle est pour partie en nature de futaie, pour une autre en nature de fossé et pour une dernière elle est goudronnée, correspondant à une partie de la route.

Le surplus de la parcelle dont elle est issue supporte une clôture en grillage sur piquets

métalliques et petit sous-bassement en béton, outre deux portails sur le [Adresse 13].»

Il est constant que cette parcelle de 570 m² est issue de plusieurs divisions puisque la société Philajeni, qui a acquis le 17 mai 2006 un terrain cadastré C [Cadastre 2] d'une surface totale de 6040 m², a ensuite vendu le 16 février 2017 à la société E.S. une parcelle d'une surface de 103 m².

Puis Bordeaux Métropole a bénéficié d'un arrêté préfectoral du 18 février 2019 déclarant d'utilité publique les travaux d'aménagement du [Adresse 13] afin de remédier aux inondations, ce qui a conduit à une nouvelle division cadastrale puisqu'une partie du terrain appartenant à la société Philajeni était nécessaire à la réalisation de cette opération.

4. Sur l'indemnité principale

L'appelante fait grief au jugement déféré d'avoir évalué la parcelle expropriée en considération de son usage de terrain partiellement nu, partiellement à usage d'accotement et partiellement à usage de voirie.

La société Philajeni soutient qu'il s'agit d'un terrain à bâtir au sens de l'article L.322-3 du code l'expropriation puisqu'il se situe dans une zone d'activités occupée par des entreprises du BTP, nécessairement desservies par des réseaux de capacité suffisante, et qu'il a été raccordé dès 2016 au réseau d'assainissement et d'électricité.

Elle mentionne le fait qu'elle a vendu le 14 décembre 2020 à la société Picoty Aquitaine une parcelle C [Cadastre 6] détachée du terrain acquis le 17 mai 2006 et que cette parcelle a été qualifiée à l'acte de 'terrain à bâtir destiné à la construction à usage professionnel'. Elle indique qu'elle a également cédé le 16 février 2017 une parcelle contiguë, donc en tous points comparable à la parcelle expropriée, au prix de 100 euros/m².

L'appelante fait valoir que, en conséquence, les termes de comparaison retenus par le premier juge sont inopérants puisqu'ils sont relatifs à des terrains qui ne sont pas qualifiés de constructibles.

Bordeaux Métropole répond que l'article 1.3 du règlement de la zone AU 12-5 admet certes les constructions, mais à la double condition que les réseaux aient une capacité suffisante et que le projet s'inscrive dans une opération d'ensemble ; que c'est à l'échelle de l'ensemble de la zone que cette capacité doit être appréciée ; qu'il n'est pas démontré que les réseaux dont il s'agit seraient en capacité suffisante pour l'ensemble de la zone, compte-tenu des constructions déjà existantes.

L'intimé affirme que la déclaration d'utilité publique relative aux aménagements projetés [Adresse 13] vise précisément à renforcer les réseaux pour la résorption des inondations, ce qui démontre qu'ils ne sont pas en capacité suffisante pour desservir l'ensemble de la zone ; que la seconde condition cumulative posée par le règlement n'est donc pas remplie.

Sur ce,

L'article L.322-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dispose :

« La qualification de terrains à bâtir, au sens du présent code, est réservée aux terrains qui, un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 1 ou, dans le cas prévu à l'article L. 122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique, sont, quelle que soit leur utilisation, à la fois :

1° Situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, ou bien, en l'absence d'un tel document, situés dans une partie actuellement urbanisée d'une commune ;

2° Effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains. Lorsqu'il s'agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, comme devant faire l'objet d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l'ensemble de la zone.

Les terrains qui, à la date de référence indiquée au premier alinéa, ne répondent pas à ces conditions sont évalués en fonction de leur seul usage effectif, conformément à l'article L. 322-2.»

Il en résulte que la qualification de terrain à bâtir dépend de la réunion de deux critères cumulatifs : la situation du bien litigieux en zone désignée comme constructible et la capacité suffisante des réseaux à cet égard, qui doit être appréciée en considération de l'ensemble de la zone et non de la seule parcelle concernée.

L'article 1.3 du règlement de la zone dans laquelle le bien est situé prévoit que « les occupations et utilisation du sol sont admises aux conditions cumulées :

- que les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate de la zone concernée aient une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ;

- s'inscrire dans une opération d'ensemble (du type lotissement, zone d'aménagement concerté, permis valant division'). Si l'opération n'occupe pas l'ensemble de la zone, elle ne doit pas compromettre l'aménagement cohérent du reste de la zone.»

Il n'est pas discuté que le Plan local d'urbanisme prévoit un aménagement de l'ensemble de la zone, au sens de cet article 1.3 et de l'article L.322-3 2° du code de l'expropriation.

La société Philajeni produit aux débats des documents relatifs au raccordement d'une construction située [Adresse 1] au réseau d'assainissement et au réseau d'électricité. Toutefois, un tel raccordement individuel ne met pas en évidence la présence de réseaux suffisants à la desserte de l'ensemble de la zone concernée par l'opération d'ensemble.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce que, après avoir écarté la qualification de terrain à bâtir de la parcelle expropriée, il a retenu que l'évaluation devait en être réalisée en considération de son usage, soit pour partie à usage de voirie, pour partie à usage d'accotement et pour partie à usage de futaie.

La société Philajeni propose trois termes de comparaison qui sont les trois ventes qu'elle a réalisées successivement le 16 février 2017, le 14 décembre 2020 et le 1er juillet 2022 et qui concernent des parcelles issues du partage de son acquisition initiale, en 2006, d'un terrain d'une surface totale de 6040 m².

Toutefois, la vente reçue le 16 février 2017 par Maître [H], notaire à [Localité 12], ne peut être prise en considération dans la mesure où il résulte de l'examen du projet de délimitation, en date du 5 septembre 2016, de la parcelle C [Cadastre 8] appartenant à la société E.S. que l'acquisition par cette société du terrain de 103 m² avait pour but de lui ouvrir un accès au [Adresse 13]. L'acte authentique de vente mentionne d'ailleurs la constitution d'une servitude de passage au bénéfice d'un autre fonds, alors propriété de la société Philajeni, ce qui met en évidence le caractère stratégique de l'emplacement de ce bien.

Le deuxième terme de comparaison proposé par l'appelante est inopérant dans la mesure où il porte sur un terrain de 1.994 m², soit une superficie beaucoup plus importante.

Enfin, le troisième terme de comparaison n'est pas justifié par la production de l'acte authentique de vente. Au demeurant, il est affirmé qu'il s'agit d'un terrain de 3.539 m², de sorte qu'il ne peut être comparé à la parcelle expropriée.

En vertu de l'article L.322-8 du code de l'expropriation, il doit être tenu compte des accords intervenus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration d'utilité publique ; ces accords doivent être pris pour base lorsqu'ils ont été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu'ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées.

C'est donc par des motifs pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour fait siens, que le premier juge, après avoir relevé que Bordeaux Métropole justifiait des accords conclus avec 4 propriétaires sur les 5 concernés par l'opération d'aménagement pour une surface de 1.305 m² sur le périmètre total de 1.875 m², soit 69,6 % des superficies concernées, a retenu pour base l'indemnité proposée à hauteur de 12 euros/m² et a, en conséquence, fixé à la somme de 6.840 euros l'indemnité principale due à la société Philajeni pour la dépossession de la parcelle C [Cadastre 5].

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef, ainsi qu'en ce qu'il a arrêté à la somme de 1.276 euros l'indemnité de remploi déterminée par l'article R.322-5 du code de l'expropriation.

5. Sur la demande au titre de la perte de revenus locatifs

La société Philajeni fait grief au premier juge de l'avoir déboutée de sa demande en indemnisation de la perte de revenus locatifs pour une durée de six années.

L'appelante explique que Bordeaux Métropole lui a offert, dès le 23 mars 2016, d'acquérir par voie amiable une emprise de 513 m² à détacher, [Adresse 13], du terrain alors cadastré C [Cadastre 2] ; que, ainsi alertée de la perspective d'une expropriation, elle a réduit de 207 m² sa proposition de surface à louer présentée à la société Axeo, candidate locataire, ce qui a généré un manque à gagner de 8.892,72 euros.

Il faut toutefois relever qu'aucun élément n'établit que les discussions préalables à la conclusion du bail commercial du 14 novembre 2016 auraient porté sur la location de la surface alléguée. Au demeurant, le contrat de bail mentionne à l'article 2 une superficie 'd'environ' 3.500 m² et les termes du troisième paragraphe de cet article 2 mettent en évidence le fait que la locataire, qui exploite les lieux par stockage en plein air de matériaux et d'engins -ce qui résulte des photographies produites par les parties- et la bailleresse se réfèrent à la consistance des lieux tels qu'ils existent, non à leur exacte superficie.

De plus, aucun plan n'est annexé au contrat qui préciserait la délimitation exacte du terrain objet du bail.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré que la société Philajeni ne justifiait pas de la somme réclamée au titre d'une perte de loyers en lien avec l'expropriation intervenue près de quatre années plus tard et a débouté l'expropriée de ce chef.

6. Sur l'appel incident

Bordeaux Métropole a formé un appel incident portant sur l'indemnisation des frais de bornage qu'il reproche au premier juge d'avoir allouée à la société Philajeni.

L'intimé estime que l'appelante ne démontre pas que ces frais présentent un lien direct avec la procédure d'expropriation, alors qu'il apparaît qu'il s'agit en réalité de délimiter clairement le terrain donné à bail à la société Axeo.

Toutefois, il doit être relevé que, dans sa proposition écrite de 2016, Bordeaux Métropole indiquait à la société Philajeni qu'il souhaitait se porter acquéreur d'une parcelle d'une surface de 513 m², tandis que la parcelle expropriée est de 570 m². L'évolution de la situation et des contenances respectives des parcelles appartenant à l'appelante concernées par la procédure d'expropriation et les obligations de celle-ci à l'égard de sa locataire commandaient la réalisation d'un bornage, même quatre années après la conclusion du bail, afin de déterminer avec précision la largeur du terrain nécessaire à l'aménagement public.

Cette opération de bornage est donc bien en lien direct avec la procédure d'expropriation ; le jugement entrepris sera également confirmé à ce titre, ainsi qu'en ses chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.

La société Philajeni, partie succombante en appel, sera condamnée à payer les dépens et à verser à Bordeaux Métropole la somme de 3.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles de celui-ci.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel de la société Philajeni,

Confirme le jugement prononcé le 1er septembre 2022 par le juge de l'expropriation de la Gironde,

Y ajoutant,

Condamne la société Philajeni à payer à l'Établissement Public de Coopération Intercommunale Bordeaux Métropole la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Philajeni à payer les dépens de l'appel.

L'arrêt a été signé par Jean-Pierre FRANCO, Président et par François CHARTAUD, Greffier, auquel a été remis la minute signée de la décision.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre expropriations
Numéro d'arrêt : 22/04463
Date de la décision : 25/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-25;22.04463 ?
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