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28/08/2024 | FRANCE | N°21/03193

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 28 août 2024, 21/03193


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 28 AOUT 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03193 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MERQ













S.A.R.L. NEWDEAL INSTITUT



c/



Monsieur [K] [O]

















Nature de la décision : AU FOND






















>Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 mai 2021 (R.G. n°F 19/01112) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 03 juin 2021,





APPELANTE :

SARL Newdeal Institut, agissant en la personne de sa représent...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 28 AOUT 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03193 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MERQ

S.A.R.L. NEWDEAL INSTITUT

c/

Monsieur [K] [O]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 mai 2021 (R.G. n°F 19/01112) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 03 juin 2021,

APPELANTE :

SARL Newdeal Institut, agissant en la personne de sa représentante légale Madame [G] [B] en sa qualité de gérante domiciliée en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 511 363 632

assistée de Me Charlotte VUEZ de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [K] [O]

né le 08 Décembre 1981 à [Localité 3], de nationalité Française

Profession : Chef d'entreprise, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Sophie BAILLOU-ETCHART, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 juin 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [K] [O], né en 1981, a été engagé en qualité de formateur animateur par la SARL Newdeal Institut, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2015.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des organismes de formation (IDCC 3249).

Par avenant en date du 1er septembre 2017, M. [O] a été promu chargé de développement.

Des échanges de courriels ont eu lieu entre les parties entre les 21 et 23 mai 2018 relativement au paiement d'heures supplémentaires.

Suite à la signature d'une rupture conventionnelle, le contrat de travail de M. [O] a pris fin le 30 septembre 2018.

A cette date, il avait une ancienneté de 2 ans et 9 mois, et la société occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Le 29 juillet 2019, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux, demandant la condamnation de la société Newdeal Institut à lui verser des rappels de salaires pour heures supplémentaires, une indemnité pour travail dissimulé et des dommages et intérêts pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires et non-respect du droit au repos.

Par jugement rendu le 7 mai 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit que :

* la présente requête est recevable et bien fondée,

* M. [O] a effectué des heures supplémentaires à hauteur de 10.669,38 euros bruts qui n'ont pas été payées,

* le contingent annuel d'heures supplémentaires a été dépassé en 2016 et 2017,

- condamné la société Newdeal Institut à verser à M. [O] les sommes suivantes :

* 10.669,38 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées et non payées,

* 1.066,93 euros bruts au titre des congés payés afférents,

* 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires,

- débouté M. [O] de sa demande d'indemnités pour travail dissimulé et de sa demande de dommages et intérêts pour droit au repos non respecté,

- débouté la société Newdeal Institut de ses demandes reconventionnelles,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour le rappel de salaire et congés payés afférents,

- condamné la société Newdeal Institut à verser à M. [O] la somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Newdeal Institut à la charge des dépens.

Par déclaration du 3 juin 2021, la société Newdeal Institut a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 1er août 2022, la société Newdeal Institut demande à la cour de

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 7 mai 2021 en ce qu'il a :

* dit que M. [O] a effectué des heures supplémentaires n'ont pas été réglées,

* dit que le contingent annuel d'heures supplémentaires a été dépassé en 2016 et 2017,

* condamné la société Newdeal Institut à verser à M. [O] les sommes suivantes :

- 10.669,38 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées et non payées, outre 1.066,93 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires,

- 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

- dire que M. [O] n'a accompli aucune heure supplémentaire non rémunérée,

En conséquence,

- le débouter de l'intégralité de ses demandes,

Pour le surplus, et sur l'appel incident de M. [O],

- le débouter de son appel incident,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié :

* de sa demande d'indemnités pour travail dissimulé,

* de sa demande de dommages et intérêts pour droit au repos non respecté,

En tout état de cause,

- condamner M. [O] à lui régler la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 mai 2022, M. [O] demande à la cour de :

- déclarer l'appel de la société Newdeal Institut recevable mais mal fondé,

- déclarer son appel incident recevable et bien fondé,

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a jugé :

* qu'il a effectué des heures supplémentaires à hauteur de 10.669,38 euros bruts qui n'ont pas été payées,

* que le contingent annuel d'heures supplémentaires a été dépassé en 2016 et 2017,

* condamné la société Newdeal Institut à verser à M. [O] les sommes suivantes :

- 10.669,38 euros bruts au titre des heures supplémentaires réalisées et non payées,

- 1.066,93 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour dépassement du contingent d'heures supplémentaires,

- 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer le jugement pour le surplus, en ce qu'il l'a débouté :

* de sa demande d'indemnités pour travail dissimulé,

* de sa demande de dommages et intérêts pour droit au repos non respecté,

Statuant à nouveau,

- juger que la société Newdeal Institut s'est rendue coupable de travail dissimulé,

En conséquence,

- la condamner à lui verser la somme de 12.928,86 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- juger que son droit au repos n'a pas été respecté,

- la condamner à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des dommages et intérêts à ce titre,

- la condamner aux dépens de l'instance et à lui verser la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La médiation proposée aux parties le 22 novembre 2023 par le conseiller de la mise en état n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 17 juin 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur les heures supplémentaires

Aux termes des articles L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, L. 3173-3 et L. 3171-4 lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande et au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

M. [O] soutient avoir effectué 40 heures de travail par semaine alors qu'il n'a été rémunéré qu'à hauteur de 35 heures et ce, depuis l'origine de la relation de travail.

Il soutient que l'employeur n'a jamais comptabilisé dans les plannings les temps de préparation des cours, qui représentent 25,20 heures hebdomadaires, annualisées, qu'il avait des plages de travail supérieures à celles fixées par la société, devant assurer les cours collectifs et les cours individuels. Il relève en outre que le logiciel Manageall ne permettait pas de comptabiliser les heures de préparation ni les fonctions de chargé de développement qu'il occupait depuis le 1er septembre 2017.

Enfin, il indique qu'il était en charge de la préparation des afterworks une fois par mois, qu'il animait, mission qui figurait à son contrat de travail et que ces soirées, dont il devait assurer la publicité par des publications Facebook permettaient à la société de recruter de nouveaux clients, se terminaient après 21h30.

Il verse à l'appui de sa demande :

- le courriel du 18 mai 2018 aux termes duquel la directrice lui demande de cesser de travailler à son domicile, qui était autorisé jusque là, pour la préparation des cours et de prendre ses rendez-vous en dehors de ses périodes de travail, puis les échanges entre le 21 et 23 mai 2018 dans lesquels il rappelle travailler plus de 40h et avoir commencé à comptabiliser ses heures de travail sur l'agenda partagé Google . Dans ce courriel, M. [O] rappelle à la directrice s'être déjà entretenu deux fois avec elle à ce sujet,

- le courriel de la directrice du 23 mai 2018 qui reconnaît l'existence d'heures supplémentaires, lui indiquant 'le rattrapage des heures est toujours d'actualité, mais je n'ai pas pris le temps de m'en occuper avant maintenant, je vais faire un mail général pour tout le monde à la suite de celui-là', et le courriel du lendemain dans lequel elle indique 'je vais faire passer un planning précis pour la semaine prochaine afin que tu ne dépasses pas ton temps de travail',

- l'extraction de son agenda partagé Google sur la période concernée faisant apparaître les heures réalisées ainsi qu'un tableau récapitulatif pour chaque journée entre le 30 septembre 2015 et le 30 septembre 2018 ainsi qu'un tableau rectifié pour tenir compte des erreurs commises dans la compulsion des plannings,

- l'attestation de Mme [C], enseignante d'anglais à l'institut [4], ayant effectué un stage d'un an au sein de la société Newdeal, confirmant la pratique des heures supplémentaires non payées, la limite de l'heure de pause méridienne à 1h, l'organisation des afterworks par M. [O], auxquels les salariés étaient très fortement encouragés à participer et confirmant avoir vu M. [O] effectuer de nombreuses heures supplémentaires.

Il produit également l'attestation de Mme [F], compagne de M. [O], qui confirme qu'il rentrait tard et fatigué et animait les afterworks une fois par mois.

- des extraits des pages Facebook de la page de la société au sujet des afterworks, le témoignage de M. [T], restaurateur qui accueillait les afterworks une fois par mois selon lequel M. [O] en était bien l'animateur et s'occupait des inscriptions.

- un relevé de ses horaires de travail,

- un tableau détaillé des heures supplémentaires réalisées semaine par semaine,

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l' employeur de fournir les horaires effectivement réalisés.

La société s'oppose à cette demande et sollicite l'infirmation du jugement, contestant la réalisation d'heures supplémentaires par M. [O].

Elle soutient que :

- M. [O] ne s'est jamais plaint de ses conditions de travail ni de la durée de son temps de travail, produisant un message SMS de M [O] du 30 janvier 2016 dans lequel il fait indique être 'heureux de faire parti de l'aventure de Newdeal, qui est au quart de son potentiel' ainsi que des photographies d'un repas de fin d'année en date du 23 décembre 2017 sur lequel on peut voir M. [O] souriant avec les autres personnes de la société,

- M. [O] a commencé à réclamer le paiement d'heures supplémentaires de manière concomitante avec sa nouvelle activité, ayant besoin d'argent pour ouvrir son restaurant,

- son temps de travail ne pouvait pas excéder 35 h par semaine :

* s'agissant des cours collectifs, le volume horaire ne dépassait pas 7 heures par jour,

* s'agissant des cours individuels, ils étaient librement fixés par le formateur en fonction des demandes et des besoins des élèves et des contraintes personnelles, le formateur étant libre de son organisation entre 9 et 18h et disposant d'une pause méridienne de 2 h.

Cette liberté d'organisation est attestée par Mme [J], secrétaire de direction, et plusieurs autres salariés et la société produit également un SMS de M. [O] en date du 26 décembre 2017 adressé à sa collègue, l'informant qu'il décalait le rendez-vous de travail du jeudi pour raison privée, et un autre du 27 mars 2018 dans lequel M. [O] indique à son collègue qu'il préfère rester lui faire des évaluations.

- les heures supplémentaires étaient récupérées au cours des semaines suivantes, pratique confirmée par Mme [W], ayant réalisé un audit RH dans la structure et n'ayant pas relevé ni plainte ni élément qui laissent à penser que les salariés faisaient des heures supplémentaires non rémunérées.

- la société acceptait de payer le salarié des heures supplémentaires effectuées s'il le préférait, ce que confirme Mme [V], formatrice pour les heures effectuées au-delà des 1130 heures annuelles et Mme [M], formatrice, arrivée dans la société en mai 2019.

Il existe par ailleurs une procédure de suivi des heures réalisées selon laquelle chaque salarié doit compléter un document de suivi des heures. De plus, les salariés sont invités à communiquer leur planning aux autres salariés grâce à un agenda partagé.

La société relève que M. [O] n'a jamais demandé à compenser une heure supplémentaire qu'il aurait effectuée sur une autre semaine ni à être payé pour ses heures supplémentaires sauf à partir de mai 2018.

- la société a mis en place un suivi du temps de travail de trois façons :

* un système auto-déclaratif, le salarié ayant effectué un temps de travail supplémentaire devait en informer l'employeur en fin de semaine ou de mois, accompagné d'un suivi régulier par la responsable pédagogique et la responsable administrative.

La société produit les attestations des salariés qui y ont eu recours : M. [X], Mme [Y] et Mme [M], laquelle précise noter toutes les heures effectuées, sa responsable faisant de même via le logiciel de l'entreprise.

Mme [Y], chargée de mission confirme que les plannings étaient revus par Mme [B] et elle-même pour s'assurer de la charge de travail de chacun.

* le logiciel Manageall permettant de suivre les heures de formation effectuées par chaque salarié. Elle produit les extraits de certaines journées concernant M. [O].

Mme [V] atteste de l'utilisation du logiciel où chacun peut inscrire ses cours, les valider et de la consultation des plannings partagés.

* l'agenda partagé Google, sous la réserve qu'il est facilement modifiable a posteriori par le salarié et n'est pas sous le contrôle de l'employeur. Il ne constituait qu'un système d'organisation sans être un planning officiel.

Mme [L], responsable pédagogique confirme utiliser Google agenda pour consulter les plannings de chacun, qui sont facilement modifiables, n'étant donc pas une source d'information fiable. Mme [N] ajoute que la modification de son emploi du temps était toujours possible à n'importe quel moment et même après le cours.

- seules les heures demandées par l'employeur peuvent donner lieu à majoration et M. [O] ne démontre pas les projets qui auraient nécessité qu'il effectue un travail et des heures supplémentaires.

S'appuyant sur les heures renseignées dans le logiciel Manageall, la société constate que M. [O] effectuait un volume de cours plus faible que ses autres collègues, que certains de ses collègues attestent qu'il était démotivé et avait cessé de s'investir dans ses missions, développant d'autres activités par ailleurs, et qu'enfin il prenait des rendez-vous personnels sur son temps de travail;

- certaines incohérences sont relevées, M. [O] reconnaissant avoir établi le décompte en mai 2018 pour un temps de travail déclaré depuis décembre 2015 :

* les temps de trajet ne sont pas du temps de travail effectif dès lors qu'il n'avait pas l'obligation de passer par la société avant de se rendre sur le lieu où il donnait les cours.

* il a retiré de l'agenda Google certains rendez-vous personnels d'achat d'appartement notamment ou pour son activité de loueur via Air Bnb, a supprimé les journées ou demi-journées de récupération dont il a bénéficié sauf celles des 8 juin 2017, 26 février 2018 et 19 mars 2018.

* le tableau récapitulatif qu'il a établi sur Excell ne correspond pas aux temps qui figurent sur son agenda Google, un écart entre 4 et 6 heures supplémentaires pouvant être relevées en décembre 2015, entre 3h30 et 10 heures supplémentaires sur certaines journées en 2017 et 5 h et 7h 30 sur certains jours de l'année 2018,

* certains temps de travail renseignés sont mensongers en ce qu'il a 'gonflé' certaines de ses tâches (l'évaluation d'une élève ne dure que 15 mn), qu'il n'était pas en pause de 12h à 13h de manière régulière, la société justifiant à partir du logiciel Manageall des pauses plus longue;

Mme [V] atteste que '[K] arrive souvent vers 9h30 - 10 heures et partait le plus souvent vers 18 heures voire parfois plus tôt, prenant des pauses de 2 heures le midi'.

* M. [O] atteste avoir effectué certains cours qui en réalité, n'ont pas eu lieu les 14 janvier, 4, 24 et 31 mars 2016, le 26 septembre 2017, le 6 octobre 2017, le 11 septembre 2017. La société produit des extraits du logiciel Manageall et du tableau Excell qu'elle tenait à jour avant l'utilisation du logiciel par la société.

* M. [O] décompte des heures de travail pour des cours qu'il n'a pas assurés lui-même et qui ont été dispensés par des salariés d'une autre société les 29 avril, 9, 23 mai et 1er juillet 2016, produisant le planning de la salariée qui a effectué ces cours, et le 4 janvier 2017, le cours ayant été dispensé par sa collègue [A] et enfin le 26 février 2018 alors qu'il était en récupération, le cours a été assuré par sa collègue [R].

* M. [O] ne peut décompter de son temps de travail les temps de réalisation et de préparation des cours. La convention collective applicable prévoit une durée de formation de 25,20 heures par semaine mais de manière annualisée.

- s'agissant des afterworks ou soirées festives de la société, il ne s'agissait pas de temps de travail effectif, la présence était facultative et l'entrée libre pour toute personne souhaitant parler anglais comme en attestent plusieurs salariés (Mme [L], Mme [M]), et de participants extérieurs, comme M. [E], chef d'entreprises négoces et vins. Dans un SMS du 23 mai 2018, la gérante lui demandait s'il serait présent à l'afterwork de jeudi. Il n'était donc pas à la disposition de l'employeur sur ses temps, pouvait vaquer à ses obligations personnelles et n'avait pas à se conformer aux directives de la société.

S'il indique avoir préparé, organisé ces afterworks, il ne le démontre pas et ne peut décompter 3 heures de travail forfaitaire.

***

Aux termes de l'article 10-3 de la convention collective applicable en l'espèce, 'le temps de travail se répartit entre l'acte de formation (AF), les temps de préparation et de recherche liés à l'acte de formation (PR) et les activités connexes (AC).

Par acte de formation, il faut entendre toute action à dominante pédagogique, nécessitant un temps de préparation et de recherche, concourant à un transfert de connaissances, à l'animation de séquences de formation en présence, individuelle ou collective, directe ou médiatisée, sur place ou à distance, de stagiaire(s) ou apprenant(s).

Par PR, il faut entendre, à titre d'exemple, les activités de conception, de recherche, de préparation personnelle ou matérielle des stages, les réunions et l'ingénierie, quand ces activités sont directement liées à la mise en 'uvre de l'AF.

Par activités connexes, il faut entendre, à titre d'exemple non exhaustif, selon les organisations mises en 'uvre dans l'entreprise, les activités de conception, d'ingénierie, quand elles ne sont pas directement liées à la mise en 'uvre de l'AF et les activités complémentaires : information, accueil, orientation, bilan, placement, réponse aux appels d'offres, suivi, relations « tutorales », réunion dont l'objet n'est pas directement lié à l'AF, permanence, commercialisation et relation avec les prescripteurs ou partenaires.

Le temps d'AF, selon la définition ci-dessus, ne peut excéder 72 % de la totalité de la durée de travail effectif consacrée à l'AF et à la PR, l'AC étant préalablement déduite de la durée de travail effectif.

La durée moyenne hebdomadaire d'AF est de 25,20 heures sur l'année pour un salarié à plein temps.

Les temps de travail consacrés à l'AF, à la PR et aux AC sont aussi modulables sur l'année.'

Les heures supplémentaires sont dues en cas d 'accord implicite de l'employeur, et lorsqu'elles ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.

L'absence de demande antérieure du salarié ne le prive pas de son droit à solliciter le paiement d' heures supplémentaires devant la juridiction prud'homale.

La société ne démontre pas l'existence d'un lien entre la demande en paiement d'heures supplémentaires de M. [O] et son projet professionnel ayant créé sa société en avril 2019.

En l'espèce, l'employeur ne verse aucun élément alors qu'il a la charge de la preuve et du contrôle des horaires effectués. L'employeur doit vérifier la réalité des périodes de travail effectuées permettant le paiement éventuel des heures supplémentaires.

L'employeur ne verse aucun formulaire ni courriel demandant aux salariés de déclarer leurs horaires individuels chaque semaine pour vérification. Si Mme [V] confirme que son planning était vérifié par Mme [B], aucun échange n'est produit pour attester de ce contrôle du temps de travail de M. [O], Mme [V] étant au demeurant soumise à forfait heure annuel et Mme [M] atteste de la mise en place d'une déclaration à compter de son embauche en mai 2019.

Il ne produit pas de tableau comparatif permettant d'attester que les horaires de travail de M. [O] aurait été d'un volume inférieur à ceux de ses collègues.

Ce n'est que le 23 mai 2018 que la société adresse à l'ensemble des salariés un message formalisant les demandes de congés, rappelant les horaires de travail et demandant qu'en cas de dépassement des horaires de travail en raison de déplacements (cours, réunions, constats), il faudrait en faire état le vendredi avec un récapitulatif des heures à récupérer. Elle terminait en indiquant qu'elle ferait alors une proposition de planning pour récupérer ces heures.

Dans cette même série d'échanges, la directrice reconnaissait ne pas avoir eu le temps de s'occuper du rattrapage des heures, les autres courriels qu'elle produit ainsi que les attestations étant postérieures. Elle ne démontre donc pas avoir permis ce rattrapage de manière équilibrée avant le 23 mai 2018.

En contre partie, Mme [B] rappelait qu'il ne serait plus possible de s'absenter pour des raisons personnelles pendant les heures de travail.

De même, la société ne produit pas les planning Excell de M. [O] avant la mise en place du logiciel Manageall et ne verse que quelques extraits de ce logiciel sur 2017 et 2018.

En tout état de causes, elle n'a pas été en mesure d'établir un tableau récapitulatif.

S'agissant de l'agenda partagé Google, la cour note que les extraits de l'agenda partagé produits par la société font état de modifications récentes avant production, sans que M. [O] ait pu y accéder.

L' employeur ne peut reprocher à la salariée d'avoir tenu un registre manuel ni de n'avoir pas fait contresigner ces horaires alors qu'il n'a pas mis en place de son côté un registre individuel de contrôle.

Si l'employeur indique que les facturations des heures de formation étaient uniquement établies à partir des feuilles de présence, signés par les clients après chaque cours, il n'en produit que quelques-unes unes.

L'employeur verse des attestations de salariés sur leurs horaires, mais certains d'entre eux n'exerçaient pas les mêmes fonctions que M. [O], Mme [J] étant assistante de direction et M. [X] responsable marketing et communication et ayant un lien avec la gérante pour être son compagnon, de sorte qu'ils ne peuvent attester des horaires des formateurs. Certains plannings produits par la société font en effet apparaître des cours collectifs ou individuels après 18h.

Les attestations produites par l'employeur sont contredites par deux attestations versées par M. [O], celui ayant également versé aux débats un courriel adressé par la directrice à un salarié dans lequel elle lui demande de reprendre une trame pré-rédigée pour attester sur le respect des horaires de M. [O].

Enfin, la société ne démontre pas avoir rémunéré M. [O] pour l'organisation et la gestion des événements de type afterworks, une fois par mois, dont la durée est évaluée par lui à 3h, les extraits de pages Facebook et attestations confirmant que ces soirées, conçues et animées par le salarié prenaient fin après 21h30.

La cour relève que le tableau récapitulatif établit par M. [O] comporte des erreurs et lacunes par rapport à l'agenda Google qu'il produit aux débats mais qui porte trace de modification après son départ de l'entreprise.

S'agissant des cours qu'il n'aurait pas assurés, M. [O] a rectifié les trois erreurs commises (4 mars 2016, 14 janvier et 24 mars 2017), les cours ayant été assurés sur les autres journées ou bien sa présence assurée. Il confirme également ne pas avoir assuré les cours des 29 avril, 9 et 23 mai ainsi que 1er juillet 2016, mais assure avoir été occupé à d'autres tâches incombant à ses fonctions.

M. [O] conteste les rendez- vous personnels allégués par la société, précisant qu'il s'agissait d'une rencontre professionnelle pour un programme Erasmus, d'un rendez vous professionnel avec l'assureur de la société ou d'un rendez vous avec un banquier pour un élève qui ne parlait pas français ou encore un match avec les élèves clients de la société.

Les contestations émises par la société ne sont pas démontrées, notamment en ce que le 16 mars 2016, aucun planning ne porte trace d'une évaluation d'une élève qui n'aurait dû durer que 15 mn et que de manière générale, la société ne peut procéder par voir de contestation sans produire des éléments probants en contre partie alors que M. [O] soutient qu'il était à son bureau occupé à des tâches relevant de ses fonctions de chargé de développement.

S'agissant des temps de pause méridienne dont le respect et la preuve reposent sur l' employeur, M. [O] a décompté sur chaque jour de travail une pause d'une heure. L'employeur qui détient les plannings du salarié et dispose de l'ensemble des éléments de preuve concernant l'organisation du temps de travail et de temps de pause méridienne ne démontre pas les avoir fait respecter.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, de ce que les documents produits par la société sont inexistants s'agissant des fichiers horaires du salarié, incomplets pour ceux produits et modifiés à une date postérieure au départ de M. [O] de la société, et que les attestations versées ne concernent pas les salariés dans une position similaire à M. [O] et sont contredites par celles versées par lui, la cour a la conviction que M. [O] a, au cours de la période de décembre 2015 à septembre 2018 effectué des heures supplémentaires non rémunérées. En conséquence et, au vu des éléments dont la cour dispose, tenant compte notamment des bulletins de paie et des tableaux récapitulatifs, rectifiées faisant apparaître le nombre d'heures supplémentaires hebdomadaires, les majorations à 25% et celles à 50%, la créance de M. [O] sera fixé, à la somme de 10.669,33 euros bruts.

La société sera en conséquence condamnée à payer à M. [O] les sommes de 10.669,33 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires et 1.066,93 euros pour les congés payés y afférents.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande au titre du dépassement du contingent

Soutenant avoir dépassé le contingent d'heures supplémentaires en 2016 à hauteur de 143h30 et en 2017 à hauteur de 135h45, M. [O] en sollicite l'indemnisation.

La société s'y oppose, contestant la réalisation d'heures supplémentaires.

Aux termes des dispositions du code du travail, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.

La convention collective applicable en l'espèce fixe en son article 10-1 le contingent annuel d'heure supplémentaire à 145.

Le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité dont le montant correspond à ses droits acquis et qui a un caractère de salaire.

Sauf disposition conventionnelle plus favorable, la contrepartie en repos due pour toute heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent est de 50 % des heures accomplies au-delà du contingent pour les entreprises de 20 salariés au plus, et de 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de 20 salariés.

En l'espèce, au regard de l'effectif de l'entreprise (moins de 20 salariés), du nombre d'heures supplémentaires effectuées et du taux horaire appliqué, la société sera condamnée à verser à M. [O] la somme de 1. 538,27 euros.

Sur la demande d'indemnisation au titre du non-respect du droit au repos

Soutenant avoir été contraint de dépasser fréquemment la limite des 10 heures de travail effectif par jour à 40 reprises entre décembre 2015 et septembre 2018, la durée maximale hebdomadaire de 48 heures par semaine à 4 reprises de 30 mn en mars 2016, mars et juillet 2017, et 49 heures en février 2017, et enfin avoir dépassé la durée minimale de repos de onze heures consécutives à 25 reprises sur cette même période, M. [O] sollicite une indemnisation de 5.000 euros.

Il soutient que ce rythme a eu des effets négatifs sur sa santé et a entraîné un trouble dans sa vie personnelle, comme en atteste sa compagne.

La société conteste la réalisation de toute heure supplémentaire et par conséquent de tout dépassement des temps de repos.

Elle conteste les répercussions sur l'état de santé de M. [O] notant ses sourires sur les photos Facebook et sur les repas de fin d'année.

***

Aux termes de l'article 10-6 de la convention collective applicable, qui reprend les dispositions du code du travail, 'la durée maximale quotidienne est fixée à 10 heures de travail effectif.

Aucune période de travail effectif ne peut excéder 6 heures consécutives.

Chaque salarié bénéfice d'un repos quotidien minimum de 11 heures consécutives.

Les horaires de travail d'un salarié à temps partiel ne peuvent comporter, au cours d'une même journée, qu'une seule interruption d'activité de 2 heures maximum.

La durée du repos hebdomadaire est de 35 heures consécutives, compte tenu des 11 heures de repos quotidien.

Les heures de travail doivent être décomptées sous une forme manuelle, automatisée ou informatisée.'

M. [O] produit des décomptes hebdomadaires établissant ces dépassements.

Le seul constat que le salarié n'a pas bénéficié du repos journalier de 11 heures entre deux journées de travail prévu, de ce que ses journées ont été à 40 reprises supérieures à 11 heures de travail et ses semaines supérieures à 35 h de travail dans une moindre mesure, participent de l'objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d'un repos suffisant et le respect effectif des limitations de durées maximales de travail concrétisé par la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, ouvre droit à réparation.

En compensation du préjudice ainsi subi, il sera alloué à M. [O] la somme de 3.000 euros.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

M. [O] soutient que l'employeur qui avait connaissance des heures réellement effectuées par lui, qui a refusé de lui régler après avoir abordé le sujet à deux reprises atteste du caractère intentionnel de dissimuler les heures supplémentaires.

En vertu des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Toutefois, aucune réclamation quant aux heures de travail n'a été formulée durant toute la relation contractuelle avant le mois de mai 2018, peu de temps avant la rupture conventionnelle, même si le salarié évoque une précédente demande dont il ne peut justifier. L'élément intentionnel requis par l'article L. 8221-5 du code du travail n'est ainsi pas suffisamment établi en sorte que la demande en paiement de l'indemnité pour travail dissimulé prévue par l'article L. 8223-1du même code doit être rejetée.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

La société, qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [O] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée à ce titre en première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf sur le quantum du montant dû au titre du dépassement du contingent d'heures supplémentaires,

Statuant à nouveau du chef du jugement infirmé,

Condamne la société Newdeal Institut à verser à M. [O] la somme de 1.538,27 euros au titre du dépassement du contingent d'heures supplémentaires pour les années 2017 et 2018,

Y ajoutant,

Condamne la société Newdeal Institut aux dépens ainsi qu'à verser à M. [O] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée à ce titre en première instance,

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/03193
Date de la décision : 28/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-28;21.03193 ?
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