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28/08/2024 | FRANCE | N°21/07140

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 28 août 2024, 21/07140


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 28 AOUT 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/07140 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MPS2







S.A.S. Méditerranéenne Food Services



c/



Monsieur [B] [N]

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :




à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 décembre 2021 (R.G. n°F 19/01186) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 29 décembre 2021,





APPELANTE :

SAS Méditerranéenne Food Services, prise en la personne de ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 28 AOUT 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/07140 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MPS2

S.A.S. Méditerranéenne Food Services

c/

Monsieur [B] [N]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 décembre 2021 (R.G. n°F 19/01186) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 29 décembre 2021,

APPELANTE :

SAS Méditerranéenne Food Services, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de PARIS substituant Me Nelly COUPAT, avocat au barreau de ST ETIENNE

INTIMÉ :

Monsieur [B] [N]

né le 06 Juillet 1976 à [Localité 4] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté de Me Magali LE MAY substituant Me Aurélie NOEL de la SELARL HARNO & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 juin 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ROUAUD-FOLLIARD Catherine, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [B] [N], né en 1976, a été engagé en qualité d'attaché commercial par la SAS Méditerranéenne Food Services, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 décembre 2007.

Par un avenant du 1er juin 2009, M. [N] a bénéficié du statut d'agent de maîtrise avec majoration de sa rémunération.

A compter du 1er octobre 2012, M. [N] a bénéficié de la qualité d'attaché commercial expert formation statut agent de maitrise. Son secteur de prospection a été limité au département 33 et il s'est vu confier l'encadrement des autres attachés commerciaux de la société sur les régions Aquitaine, Midi Pyrénées et Poitou Charentes.

Par un avenant du 1er février 2015, le champ géographique des missions de M. [N] a été élargi au département 47. Une clause de mobilité a été ajoutée à son contrat de travail et sa rémunération a évolué avec ajout d'une prime mensuelle et annuelle collective sur les ventes des produits TTSO et une prime mensuelle collective sur les ventes des produits Sierra Noble.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de l'import-export.

Le 2 janvier 2019, M. [N] a sollicité de son employeur de bénéficier du statut de cadre et de percevoir le salaire équivalent à ses fonctions.

Par courrier du 16 janvier 2019, l'employeur a refusé la demande de M. [N].

Deux mois plus tard, la société Méditerranéenne Food Services a proposé à M. [N] un nouvel avenant prévoyant un statut cadre commercial niveau C15 de la convention collective nationale d'import-export, une rémunération de base étant portée à la somme de 3.200 euros bruts et l'attribution d'un véhicule de fonction. A cette proposition d'avenant a été joint un courrier de fixation des objectifs pour l'année 2019.

Par courrier du 2 avril 2019, M. [N], par l'intermédiaire de son conseil, a interrogé son employeur sur cet avenant.

Par une lettre du 16 avril 2019, la société Méditerranéenne Food Services a maintenu sa position.

Par lettre datée du 3 mai 2019, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 14 mai 2019 avec mise à pied à titre conservatoire.

M. [N] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 17 mai 2019.

A la date du licenciement, M. [N] avait une ancienneté de 11 ans et 5 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 23 octobre 2019, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux, contestant la légitimité de son licenciement et réclamant une somme au titre du salaire pendant la mise à pied, diverses indemnités, des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail et en raison des circonstances vexatoires du licenciement.

Par jugement rendu en formation de départage le 17 décembre 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de M. [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Méditerranéenne Food Services à payer à M. [N], avec exécution provisoire, les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2019,

* la somme de 2.265,86 euros brut à titre du rappel de salaire dû pendant la mise à pied conservatoire, outre 226,58 euros brut à titre d'indemnité de congés payés,

* la somme de 6.277,50 euros brut à titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 627,75 euros brut à titre d'indemnité de congés payés,

* la somme de 9.374,41 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts en application de l'article L.1235-3 du code du travail,

* la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts en raison des circonstances vexatoires du licenciement,

- ordonné d'office le remboursement par la société Méditerranéenne Food Services aux organismes intéressés des indemnités de chômage versée à M. [N], du jour de son licenciement au jour du présent jugement, dans la limite de six mois d'indemnités,

- condamné la société Méditerranéenne Food Services aux dépens et à payer à M. [N] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 29 décembre 2021, la société Méditerranéenne Food Services a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 20 décembre 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 mars 2022, la société Méditerranéenne Food Services demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- juger que le licenciement pour faute grave prononcé à l'encontre de M. [N] est particulièrement régulier et justifié,

- dire que M. [N] ne démontre pas les conditions vexatoires entourant la rupture dont il se prévalait en première instance,

En conséquence,

- le débouter de l'ensemble de ses demandes,

- le condamner à titre reconventionnel à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 outre aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 juin 2022, M. [N] demande à la cour de :

- confirmer en tout point le jugement du 17 décembre 2021,

Et par conséquent,

- constater l'absence de faute de M. [N],

- constater l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé à son égard,

- condamner la société Méditerranéenne Food Services à lui verser les sommes suivantes :

* 2.265,86 euros à titre de salaire pour mise à pied injustifiée ainsi que 226,58 euros à titre de congés payés y afférents,

* 6.277,50 euros à titre de préavis non effectués ainsi que 627,75 euros à titre de congés payés y afférents,

* 9.374,41 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire,

* 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance,

- dire que les condamnations porteront intérêts à compter du 20 septembre 2019,

Y ajoutant,

- condamner la société Méditerranéenne Food Services à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

La médiation proposée aux parties le 20 décembre 2023 n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 11 juin 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

le licenciement pour faute grave

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise, étant en outre rappelé qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

Le doute, s'il subsiste, profite au salarié.

Le licenciement de M. [N] est motivé par trois griefs que la cour examinera successivement.

a- ne plus fournir le travail pour lequel il était rémunéré - prospection et service auprès des clients- cette situation étant à l'origine de l'insatifaction grandissante de ceux - ci et du déclin de son secteur

La société fait valoir que les manquements antérieurs au délai de deux mois précédant la convocation à l'entretien préalable sont de même nature que les suivants de sorte que la prescription pour dépassement du délai de deux mois

n'était pas acquise.

Elle renvoie à des messages de mécontentement de clients notamment les magasins Intermarché de [Localité 7], de [Localité 5] et d'[Localité 3] qui signeraient la dégradation de leurs relations avec le salarié et auraient conduit certains à passer directement avec la centrale d'achat et le chiffre d'affaires de deux autres commerciales.

M. [N] oppose que ce grief relève d'une insuffisance professionnelle et que le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il conteste les attestations de clients et la baisse de son chiffre d'affaires, rappelle qu' un avenant lui octroyant le statut de cadre et une rémunération majorée lui a été proposé trois mois avant son licenciement enfin que la société a pris des mesures à l'origine de difficultés.

La cour constate que le salarié n'oppose pas la prescription de ces griefs, celle- ci n'étant invoquée que pour des faits datés de décembre 2018 relatifs à son comportement à l'égard de la directrice commerciale.

La société a licencié M. [N] pour des faits fautifs ayant, pour certains, entraîné une baisse de son chiffre d'affaires (plus de travail depuis plusieurs semaines, extrême désinvolture) relevant du domaine disciplinaire et non d'une insuffisance professionnelle. Il revient à la société d'établir la réalité du comportement fautif de M. [N].

La société produit des messages et attestations de :

-M. [P], dirigeant des magasins Intermarché de [Localité 7] et [Localité 5], se plaignant du défaut de suivi, d'assortiment et de proposition d'offres promotionnelles. Leur chiffre d'affaires aurait considérablement chuté.

La société ne verse pas d'élément comptable certifié établissant cette baisse et M. [N] oppose en pièce 17 des résultats en hausse ( 38% et 300%) entre les années 2017 et 2018 ; l'employeur fait état d'une période au cours de laquelle les clients ont commandé directement auprès de la centrale d'achat avant que M. [N] ne reprenne la main et du rebond consécutif du chiffre d'affaires mais aucune pièce fiable ne l'établit. En tout cas, la société ne verse pas de pièce corroborant le défaut d'assortiment, de suivi et de propositions promotionnelles ;

-M. [A], dont il n'est pas contesté qu'il dirige l'Intermarché d'[Localité 3], qui évoque une dégradation au cours de l'année 2019 de ses relations avec M. [N] qui aurait oublié des commandes et manqué de suivi; cette situation aurait conduit à un baisse de son chiffre d'affaires et le référencement d'un autre fournisseur de charcuterie régionale ( [Localité 6]) ;

M. [N] oppose l'absence de pièce et produit des échanges de mails qui établiraient ses bonnes relations avec ce client, ajoutant que Mme [Y] était chargée d'appeler la cliente pour faire le point. Il ne pouvait être responsable du retard ; M. [N] fait aussi valoir que des déférencements opérés par de nombreux clients résultaient de frais de port trop importants ou d' une vente insuffisante des produits; suite à la demande de l' employeur lui même, des clients auraient aussi préféré passer directement par la centrale d'achat.

Le défaut de suivi et l'oubli de commande ne sont pas corroborés par d'autres pièces que l'attestation de M. [A]. La décision de certains clients de passer directement par le centrale d'achat ne peut être reprochée au salarié.

- l'attestation de M. [W] dont M. [N] dit à juste titre qu'elle n'est corroborée par aucune pièce,

- quelques messages électroniques de la période de novembre et décembre 2018 dont certains sont sans rapport avéré avec un manquement de M. [N] : frais de port trop importants, le choix de privilégier les produits festifs, trop d' invendus ;

- des mails de Mme [Y], télévendeuse, sur la période de novembre 2018 à janvier 2019 dont la cour constate que certains sont étrangers à la désinvolture ou le désengagement de M. [N] ; bac vide, ilot central en panne, absence de [U] et d'[I], demande de passage d'un nouveau responsable dont il n'est pas établi qu'il n'a pas été réalisé et d'informations.

De son coté, le salarié verse les attestations de mesdames [X] et [G] qui louent le travail de M. [N] ; bon suivi, mise en oeuvre des produits et promotions, passages réguliers, absence de baisse de présence ou d'assiduité, M. [N] répondait toujours aux demandes.

Considération prise de ces éléments, la cour estime que la désinvolture voire le défaut de réalisation de ses prestations par le salarié, ne sont pas suffisamment établis. La cour s'interroge aussi sur la proposition en mars 2019, d'un avenant conférant à M. [N] le statut de cadre ,une rémunération significative de son salaire de base, l'usage d'un véhicule de fonction. La société ne peut valablement faire état de sa volonté de donner un nouvel élan à un salarié qui se serait désinvesti depuis plusieurs mois.

La cour constate aussi que de nouveaux objectifs ont été soumis le 25 mars 2019 que M. [N] a refusés par la voix de son conseil par lettre du 2 avril ; la société y a répondu le 16 avril que le comportement et les allégations du salarié n'étaient pas de nature à la mettre en confiance quant au devenir de leur collaboration.

Le licenciement de M. [N] est intervenu après la proposition d'un avenant avantageux et le refus de ce dernier d'accepter ses nouveaux objectifs.

b- son attitude volontairement irrespectueuse et provocatrice à l'égard de Mme [Z], directrice commerciale

Mme [Z] atteste sous pièce cotée 44 que, depuis son arrivée dans la société le 7 janvier 2019, M. [N] a eu un refus d'autorité et d'appliquer les consignes de travail, qu'il a déstabilisé l'équipe commerciale par ses propos, son attitude, sa profonde désinvolture. M. [N] aurait adopté une attitude ' désagréable et méprisante qui était palpable et trés génante. En plus de refuser de répondre à mes mails, mes appels téléphoniques et mes questions directes, il était irrespecteux envers moi et envers ses collègues. Irrespectueux par son attitude physique, son regard ou ses actes lors des réunions ou lors de ses passages dans l' entreprise (ne venait pas me saluer, me regardait avec mépris et parlait tous bas'.

Sous pièce cotée 59, Mme [Z] ajoute que M. [N] a quitté promptement un entretien relatif à un avenant.

Remerciant l'équipe commerciale de sa présence et de sa motivation lors d'une réunion du 26 avril 2019, Mme [Z] présente ses excuses aux trois destinataires pour l'attitude de '[C] qui a été ni sympathique ni respectueuse'.

Aux termes d'un mail daté du 10 mai 2019, M. [S] écrit à Mme [Z] après une réunion commerciale du 29 avril précédent, que' M. [N] a adopté - selon moi-, un comportement frondeur et une constante défiance sur la politique commerciale'.

M. [N] oppose la cordialité des mails ou courriers échangés avec Mme [Z], qu'au cours de l'entretien relatif à un avevant d'une dizaine de pages, l' employeur a refusé de le remettre au salarié pour réflexion. Il verse des attestations pour établir les pressions exercées par M. [V] sur les salariés pour obtenir des attestations.

Selon M. [N], les faits qui auraient prétendument survenus en décembre 2018 sont prescrits par l'effet du délai de deux mois prévu à l' article L.1332-4 du code du travail. La société oppose que des faits antérieurs de même nature peuvent êre évoqués.

Les faits datés du mois de décembre 2018 sont mentionnés dans l'attestation de Mme [L], salariée de l' entreprise : M. [N] aurait ' fait le pitre pour amuser l'équipe. Ces faits ne sont pas de la même nature que ceux mentionnés plus avant et ils sont prescrits au regard de la date de la convocation du salarié à l'entretien préalable.

Les appréciations subjectives de Mme [Z] et de M. [S] sont imprécises et ne sont corroborées par aucucune pièce. Au contraire, M. [S], rédacteur du mail sus visé du 10 mai 2019, atteste le 22 septembre 2020, qu'au cours de la réunion du 26 avril 2019, le comportement de M. [N] avait été exemplaire et que M. [V] l'avait appelé plusieurs fois pour rédiger ce mail.

Mme [D], salariée présente lors de la réunion du 26 avril 2019, écrit que, malgré les attaques de Mme [Z], M. [N] avait répondu sèchement mais en gardant toujours son calme. M. [N] n'a jamais été insultant avec Mme [Z].

L'employeur n'établit pas que M. [N] aurait quitté l'entrevue dédiée à son avenant après avoir obtenu celui- ci pour lecture et réflexion.

Considération prise de ces éléments, ce grief ne peut fonder le licenciement.

- le refus de respecter les instructions ou procédures internes mises en oeuvre pour le bon fonctionnement de l'équipe commerciale : établissement et communication de fiches DN , de plannings et de compte-rendus

M. [N] n'aurait pas transmis ces pièces ou très rarement pour défier l' entreprise. Il ne visitait que quatre prospects par jour.

M. [N] répond que contrairement à d'autres salariés, il a tranmis, la plupart du temps ses relevés DN et qu'il transmettait chaque jour ses plannings. Il avait par ailleurs été confronté à des difficultés informatiques.

La société verse :

- deux mails du 24 septembre 2017 qui font obligation à tous les commerciaux de transmettre les fiches DN chaque jeudi soir et qui rappelle cette obligation à M. [N] ; il ne peut retenu que seule la DN de la semaine précédente n'a pas été transmise ;

-un message du 12 novembre 2018 repochant au salarié de ne transmettre aucun relevé DN, contrairement à ses collègues ;

- un mail du 8 avril 2019 reprochant à M. [N] de n'avoir pas transmis ses plannings des semaines précédentes ;

-un mail du 17 avril 2019 reprochant à M. [N] de ne pas avoir transmis ses plannings et un compte-rendu hebdomadaire, au moins par papier.

M. [N] ne conteste pas véritablement le défaut de transmission des relevés DN et les quelques messages du début du mois d' avril 2019, relatifs à une connexion informatique défaillante ne justifient pas le défaut de transmission régulière des DN et plannings.

Il est établi qu'en dépit de plusieurs rappels à l'ordre, M. [N] n'a pas réalisé les transmissions demandées pendant plusieurs semaines.

Ce grief est fondé.

Mais il doit être considéré qu'en dépit de son ancienneté (2007), M. [N] n'avait pas reçu de rappel à l'ordre ou de sanction et que la décision querellée est disproportionnée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société au paiement du salaire de la mise à pied conservatoire et d' indemnités de rupture dont le montant est conforme à la rémunération et à l'ancienneté du salarié.

S'agissant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [N] fait état du paiement d'allocations de retour à l'emploi à compter du 29 juin 2019 sans précision de la durée de sa période de chômage. Il ne verse aucune pièce relative à sa situation professionnelle.

Compte- tenu de ces éléments, de l' ancienneté et de l' âge du salarié à la date du licenciement, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société au paiement de la somme de 20 000 euros.

Le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement par la société des indemnités versées par France Travail depuis le licenciement dans la limite de six mois.

le caractère vexatoire du licenciement

M. [N] fait valoir qu'il connaissait depuis très longtemps M. [V] qui n'a pas hésité à le licencier pour de faux motifs alors qu'il devait obtenir le statut de cadre. Tout aurait été mis en oeuvre pour le faire quitter la société sans lui permettre de lire l'avenant qui le privait des indemnités kilométriques et qu'il s'est retrouvé sans travail du jour au lendemain.

La société conteste la décision non motivée du conseil des prud'hommes.

La notification d'une mise à pied conservatoire ne caractérise pas à elle seule des circonstances manifestement vexatoires d'un licenciement.

Les autres circonstance relèvent de l' indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [N] sera débouté de ce chef et le jugement sera infirmé.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2.

La société sera condamnée à payer à M. [N] la somme complémentaire de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel.

Partie perdante, la société supportera la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il condamne la société au paiement de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement,

statuant de ce chef et y ajoutant,

Déboute M. [N] de ce chef ;

Dit n'y avoir lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 ;

Condamne la société Méditerranéenne Food Services à payer à M. [N] la somme complémentaire de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel ;

Condamne la société Méditerranéenne Food Services aux entiers dépens.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/07140
Date de la décision : 28/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-28;21.07140 ?
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