R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X
R N° RG 24/00195 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N5Q6
ORDONNANCE
Le TRENTE AOUT DEUX MILLE VINGT QUATRE à 15 H 00
Nous, Loïc MALBRANCKE, président de chambre à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de Marie-Françoise DACIEN, greffier,
En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,
En présence de M. [Y] [P], représentant du Préfet de Gironde,
En présence de Monsieur [M] [X], né le 01 Novembre 1990 à [Localité 1], se disant de nationalité palestinienne, et de son conseil la SELARL Céline CONQUAND-VALAY,
Vu la procédure suivie contre Monsieur [M] [X], né le 01 Novembre 1990 à [Localité 1], se disant de nationalité palestinienne et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 14 juin 2024 visant l'intéressé,
Vu l'ordonnance rendue le 28 août 2024 à par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [M] [X], pour une durée de 15 jours,
Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [M] [X], né le 01 Novembre 1990 à [Localité 1]de nationalité israëlienne le 29 août à 5 heures16,
Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,
Avons rendu l'ordonnance suivante:
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [M] [X], se disant né le 1er novembre 1990 en Palestine et de nationalité palestinienne, a fait l'objet d'une interdiction du territoire français pour une durée de 10 ans prononcée par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Bordeaux le 2 février 2022.
Il a été placé en rétention administrative par arrêté du Préfet de la Gironde en date du 14 juin 2024.
La prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours a été autorisée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux du 16 juin 2024, décision confirmée par la cour d'appel de Bordeaux par ordonnance du 18 juin 2024.
La deuxième prolongation de la rétention administrative pour une durée de 30 jours supplémentaires
a été autorisée par ordonnance du juge des libertés et de la détention de Bordeaux par ordonnance du 14 juillet 2024, qui a été confirmée par la cour d'appel de Bordeaux par ordonnance du 17 juillet 2024.
La troisième prolongation de la rétention administrative pour une durée de 15 jours supplémentaires
a été autorisée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du 13 août 2024, qui a été confirmée par ordonnance de la cour d'appel de Bordeaux du 14 août 2024.
Par requête reçue et enregistrée au greffe le 27 août 2024 à 15 heures 05, à laquelle il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, le Préfet de la Gironde sollicite, au visa de l'article L.742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Cesada), une nouvelle prolongation de 15 jours.
Par ordonnance du 28 août 2024 à 15 heures 11, le juge des libertés et de la détention a :
- accordé l'aide juridictionnelle provisoire à M. [M] [X],
- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,
- déclaré régulière la procédure diligentée à son encontre,
- ordonné la prolongation de la rétention pour une durée de 15 jours supplémentaires,
- dit n'y avoir lieu à faire droit à la demande formée sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Par acte motivé, déposé et signé au centre de rétention administratif le 28 août 2024 à 17 heures 55, M. [M] [X] a fait appel de cette ordonnance.
Par un courriel adressé au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 29 août 2024 à 15 heures 36, l'avocate de M. [M] [X] a demandé à la cour :
- d'accorder à l'intéressé le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire,
- d'infirmer l'ordonnance entreprise du 28 août 2024 en toutes ses dispositions,
- de rejeter la requête en quatrième prolongation,
- d'ordonner sa remise en liberté et le cas échéant avec assignation à résidence,
- de condamner la préfecture de la Gironde à lui verser la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles en application des dispositions combinées de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
A l'appui de son appel, à l'argumentation duquel il convient de se référer, elle fait essentiellement valoir, d'une part, qu'aucun élément ne permet d'affirmer que le laissez-passer consulaire pourrait intervenir dans le bref délai de l'article L.742-5 du Cesada et, d'autre part, que la menace à l'ordre public, qui n'a pas été visée dans la requête en prolongation, n'est pas caractérisée.
A l'audience, le représentant du préfet a sollicité la confirmation de l'ordonnance entreprise.
M. [M] [X] a eu la parole en dernier.
L'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 30 août 2024 à 15 heures.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'appel
Formé dans le délai légal et motivé, l'appel est recevable.
Sur la demande de quatrième prolongation de la rétention administrative
Selon l'article L.741-3 du Ceseda, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet.
La charge de la preuve des diligences accomplies incombe à l'autorité administrative.
Aux termes de l'article L.742-5 du même code, à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention de 60 jours prévue à l'article L.742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L.631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L.754-1 et L.754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Il incombe aux services de la préfecture, demandeurs à la prolongation exceptionnelle, de rapporter les éléments propres à établir les motifs sur lesquels ils fondent leur demande.
En l'espèce, la requête en quatrième prolongation de la rétention a été motivée par écrit par l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement en raison du défaut de délivrance d'un laissez-passer, l'identification étant toujours en cours, qui est rendue plus complexe par l'usage habituel d'alias.
Lorsque l'impossibilité d'exécuter l'éloignement résulte de la remise tardive par les autorités consulaires d'un document de voyage, il appartient donc au juge, qui ne peut statuer par motifs hypothétiques au regard des diligences étrangères qui pourraient intervenir ou seraient susceptibles de prospérer pour l'avenir sans qu'aucun élément du dossier n'en fasse état, de rechercher si l'administration établit l'existence de cette situation au regard notamment des réponses apportées par les autorités consulaires.
Il résulte des pièces du dossier que les autorités marocaines, israéliennes et algériennes ont fait connaître les 5 et 21 juin et 20 août 2024 qu'elles ne pouvaient identifier l'intéressé comme l'un de leurs ressortissants, les autres autorités consulaires saisies (palestiniennes et égyptiennes, ces dernières depuis le 27 août 2024) n'ont à ce jour pas donné de réponse à la préfecture, de sorte que l'identification de M. [M] [X] est toujours en cours.
Il résulte de ces éléments qu'il n'est pas démontré, malgré les diligences de la préfecture, que la délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé doive intervenir à bref délai.
L'administration sollicite la prolongation sur un deuxième fondement, celui de l'obstruction faite par l'intéressé à l'exécution de la mesure d'éloignement pour avoir utilisé plusieurs alias depuis des années. Cependant, aucune obstruction ne peut être imputée à l'intéressé dans les 15 derniers jours comme l'exige le texte précité.
En revanche, la préfecture a invoqué devant le juge de première instance un troisième moyen, celui de la menace à l'ordre public.
La procédure étant orale, aucun moyen d'irrecevabilité ne peut être utilement soulevé.
Il faut souligner que l'intéressé a été condamné le 3 septembre 2021 par le tribunal correctionnel de Bordeaux à la peine de 4 ans d'emprisonnement assorti du maintien en détention et, notamment, à la peine complémentaire de l'interdiction du territoire français pendant 10 ans (laquelle a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 2 février 2022) du chef de violences ayant entrainé une incapacité de travail supérieure à 8 jours, en l'espèce 45 jours, au préjudice d'une personne qu'il ne connaissait pas, avec usage ou menace d'une arme, en l'espèce un couteau, commises le 22 avril 2019.
L'arrêt de la cour d'appel, qui saisie de la seule question de l'interdiction du territoire a confirmé cette peine complémentaire, est versé au dossier.
Cette condamnation, pour des faits de violence commis avec arme particulièrement graves au regard des conséquences corporelles qu'ils ont engendrées et qui ont conduit au prononcé d'une lourde peine d'emprisonnement, caractérise de manière suffisante la menace à l'ordre public au sens de l'article L.742-5, ce qui justifie la quatrième prolongation ordonnée par le premier juge pour une durée de 15 jours.
Par conséquent il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.
Sur la demande au titre des frais irrépétibles
M. [M] [X] n'ayant pas prospéré dans son appel, il ne sera pas fait droit à sa demande au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS,
Statuant après débats en audience publique par ordonnance mise à la disposition au greffe après avis aux parties,
Déclarons l'appel recevable,
Accordons l'aide juridictionnelle provisoire à M. [M] [X],
Confirmons l'ordonnance prise par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux le 28 août 2024,
Rejetons la demande au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Ceseda.
Le Greffier, Le Président,