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30/08/2024 | FRANCE | N°24/00197

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 30 août 2024, 24/00197


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







R N° RG 24/00197 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N5RJ





ORDONNANCE









Le TRENTE AOUT DEUX MILLE VINGT QUATRE à 15 H 00



Nous, Loïc MALBRANCKE, président de chambre à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de Marie-Françoise DACIEN, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence

de M. [J] [Y], représentant du Préfet de Gironde,



En présence de Monsieur [F] [C] Alias [S] [M]

né le 03 Octobre 1998 à [Localité 1] (MAROC), de nationalité Marocaine, de son...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

R N° RG 24/00197 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-N5RJ

ORDONNANCE

Le TRENTE AOUT DEUX MILLE VINGT QUATRE à 15 H 00

Nous, Loïc MALBRANCKE, président de chambre à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de Marie-Françoise DACIEN, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de M. [J] [Y], représentant du Préfet de Gironde,

En présence de Monsieur [F] [C] Alias [S] [M]

né le 03 Octobre 1998 à [Localité 1] (MAROC), de nationalité Marocaine, de son conseil la Céline CONQUAND-VALAY, et de Madame [T] [E], interprète en langue arabe,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [F] [C] Alias [S] [M], né le 03 Octobre 1998 à [Localité 1] (MAROC), de nationalité Marocaine et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 28 juin 2024 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 28 août 2024 à 15h11 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [F] [C] Alias [S] [M], pour une durée de 15 jours,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [F] [C] Alias [S] [M], né le 03 Octobre 1998 à [Localité 1] (MAROC), de nationalité Marocaine le 29/08/2024 à 14 heures 47,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Avons rendu l'ordonnance suivante:

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 3 octobre 2023, le Préfet de la Corrèze notifiait à M. [F] [C] alias [S] [M], se disant né le 3 octobre 1998 à [Localité 1] et de nationalité marocaine, un arrêté portant obligation de quitter le territoire en date du même jour assortie d'une interdiction de retour pendant une durée de trois ans.

Le 28 juin 2024, le préfet de la Gironde prenait à l'encontre de l'intéressé un arrêté portant placement en rétention administrative dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par ordonnance en date du 30 juin 2024, confirmée en appel le 2 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux autorisait la préfecture de la Gironde à maintenir la rétention administrative de M. [F] [C] alias [S] [M] pour une durée maximum de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures de la mesure.

Par ordonnance du 27 juillet 2024 (confirmée en appel le 31 juillet 2024), le juge des libertés et de la détention autorisait la deuxième prolongation de la rétention administrative de l'intéressé pour une durée de 30 jours supplémentaires.

Par requête reçue au greffe le 27 août 2024 à 15 heures 28, à laquelle il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, le préfet de la Gironde sollicite, au visa de l'article L.742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Cesada), une troisième prolongation de la rétention administrative de l'intéressé pour une durée maximale de 15 jours.

Par ordonnance du 28 août 2024 à 15 heures 11, le juge des libertés et de la détention a :

- accordé l'aide juridictionnelle provisoire à M. [F] [C] alias [S] [M],

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,

- déclaré régulière la procédure diligentée à son encontre,

- ordonné la prolongation de la rétention pour une durée de 15 jours supplémentaires,

- dit n'y avoir lieu à faire droit à la demande formée sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Par courriel adressé au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 29 août 2024 à 14 heures 47, l'avocate de M. [F] [C] alias [S] [M] a fait appel de cette ordonnance.

Elle demande à la cour :

- d'accorder à M. [F] [C] alias [S] [M] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire,

- d'infirmer l'ordonnance entreprise du 28 août 2024 en toutes ses dispositions,

- de rejeter la requête en prolongation,

- d'ordonner sa remise en liberté et le cas échéant avec assignation à résidence,

- de condamner la préfecture de la Gironde à lui verser la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles en application des dispositions combinées de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

A l'appui de son appel, à l'argumentation duquel il convient de se référer, elle fait essentiellement valoir, d'une part, que le juge de première instance n'a pas vérifié si les documents de voyage pourraient être délivrés dans le bref délai de l'article L.742-5 du Cesada et, d'autre part, que le refus de présentation de l'intéressé aux autorités consulaires le 1er août 2024 n'est pas apparu dans les 15 derniers jours comme le texte l'exige.

A l'audience, le représentant du préfet a sollicité la confirmation de l'ordonnance entreprise.

M. [F] [C] alias [S] [M], assisté à l'audience d'un interprète, a eu la parole en dernier.

L'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 30 août 2024 à 15 heures.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Formé dans le délai légal et motivé, l'appel est recevable.

Sur la demande de troisième prolongation de la rétention administrative

Selon l'article L.741-3 du Ceseda, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet.

La charge de la preuve des diligences accomplies incombe à l'autorité administrative.

Aux termes de l'article L.742-5 du même code, à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention de 60 jours prévue à l'article L.742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L.631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L.754-1 et L.754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Il incombe aux services de la préfecture, demandeurs à la prolongation exceptionnelle, de rapporter les éléments propres à établir les motifs sur lesquels ils fondent leur demande.

En l'espèce, la requête en troisième prolongation de la rétention a été motivée par écrit par l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement en raison du défaut de délivrance d'un laissez-passer et par l'obstruction volontaire de l'intéressé à l'exécution de la mesure d'éloignement par l'utilisation d'alias et le refus de coopérer avec les autorités consulaires algériennes.

Lorsque l'impossibilité d'exécuter l'éloignement résulte de la remise tardive par les autorités consulaires d'un document de voyage, il appartient donc au juge, qui ne peut statuer par motifs hypothétiques au regard des diligences étrangères qui pourraient intervenir ou seraient susceptibles de prospérer pour l'avenir sans qu'aucun élément du dossier n'en fasse état, de rechercher si l'administration établit l'existence de cette situation au regard notamment des réponses apportées par les autorités consulaires.

Il résulte des pièces du dossier que les autorités marocaines ont été saisies d'une demande de laissez-passer consulaire le 29 juin 2024 et qu'elles ont répondu par mail du 1er juillet 2024 que les empreintes digitales de l'intéressé ne permettaient pas de le reconnaître comme un de leurs ressortissants et invité les services de la préfecture à leur transmettre tout autre document ou pièce permettant de l'identifier, que les autorités consulaires algériennes ont été quant à elles saisies le 28 juin et le 11 juillet 2024, qu'elles avaient accepté de rencontrer l'intéressé mais l'audition du 11 juillet 2024 n'a pas eu lieu en raison d'une rage de dent tandis qu'il a refusé celle du 1er août 2024 et qu'elles ont enfin été relancées le 26 août 2024.

Il résulte de ces éléments qu'il n'est pas démontré, malgré les diligences de la préfecture, que la délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé doive intervenir à bref délai, puisque les autorités marocaines ne l'ont pas reconnu et qu'aucun élément ne permet d'établir que la réponse des autorités algériennes sera positive, ni à plus forte raison qu'elle interviendra à bref délai.

L'administration sollicite la prolongation sur un deuxième fondement, celui de l'obstruction faite par l'intéressé à l'exécution de la mesure d'éloignement pour avoir utilisé plusieurs alias et refusé de communiquer avec un représentant du consulat algérien. Cependant, aucune obstruction ne peut être imputée à M. [F] [C] alias [S] [M] dans les 15 derniers jours comme l'exige le texte précité.

Enfin, le représentant de la préfecture a oralement invoqué un troisième moyen, celui de la menace pour l'ordre public. Bien que ce motif n'ait pas été visé dans la requête aux fins de prolongation, cette circonstance ne le rend pas irrecevable, la procédure étant orale.

La circonstance qu'il ait fait l'objet de plusieurs signalisations entre 2018 et 2022, qui ne sont pas des antécédents, ne peut caractériser une menace pour l'ordre public au sens de l'article 742-5.

S'il est par ailleurs mentionné dans l'arrêté du 29 septembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français que l'intéressé était alors incarcéré au centre de détention d'[Localité 2] depuis le 24 novembre 2022 et que sa levée d'écrou était fixée au 9 octobre 2023, aucune pièce ne figure au dossier sur cette condamnation, et les faits pour lesquels il était incarcéré sont donc inconnus.

Or la menace pour l'ordre public doit faire l'objet d'une appréciation in concreto se fondant sur des éléments positifs, objectifs et démontrés par l'administration, qui ne figurent pourtant pas au dossier, dont les pièces ne permettent donc pas de caractériser une telle menace.

Il s'ensuit que l'administration ne peut utilement se fonder sur aucun des motifs de l'article 742-5 du code précité pour solliciter une troisième prolongation de rétention.

Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de rejeter la requête en prolongation présentée par le Préfet.

Sur la demande au titre des frais irrépétibles

Il doit être relevé que M. [F] [C] alias [S] [M] fait toujours l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et d'une interdiction de retour sur celui-ci, permettant, si ces injonctions ne sont pas respectées dans un bref délai, le prononcé d'une nouvelle mesure de rétention à son égard.

Dès lors, l'équité ne saurait exiger une condamnation de l'Etat français à la moindre somme au titre des frais irrépétibles, de sorte que la demande formée à ce titre sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

Statuant après débats en audience publique par ordonnance mise à la disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons l'appel recevable,

Accordons l'aide juridictionnelle provisoire à M. [F] [C] alias [S] [M],

Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux du 28 août 2024,

Et, statuant à nouveau,

Rejetons la requête en prolongation présentée par le Préfet,

Ordonnons la libération de M. [F] [C] alias [S] [M],

Lui rappelons qu'il a l'obligation de quitter le territoire national,

Rejetons la demande au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Ceseda.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 24/00197
Date de la décision : 30/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-30;24.00197 ?
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