COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 02 SEPTEMBRE 2024
N° RG 24/00182 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NS4M
S.A.R.L. CROM MULTITECHNIQUES - MULTISERVICES GROUPE CROM
c/
S.A.S.U. PROGEAS
S.A.R.L. PHENIX ASSURANCES
MUTUELLE DE L'EST
S.A. AXERIA IARD
Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 21 novembre 2023 (R.G. 2022R00829) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 12 janvier 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. CROM MULTITECHNIQUES - MULTISERVICES GROUPE CROM, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]
représentée par Maître Cédric BERNAT de la SELARL LEX CONTRACTUS, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Jean-Marc VIALATTE, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉES :
S.A.S.U. PROGEAS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]
représentée par Maître Aurélie VIANDIER-LEFEVRE de la SELAS AVLH AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Céline LEMOUX, avocat au barreau de PARIS
S.A.R.L. PHENIX ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]
représentée par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Antoine FONTAINE, avocat au barreau de PARIS
MUTUELLE DE L'EST, société d'assurance mutuelle, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
non représentée, assignée à personne habilitée
S.A. AXERIA IARD, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]
représentée par Maître Clément GERMAIN de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Delphine LOYER, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
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EXPOSE DU LITIGE
La société Crom Multitechniques- Group Crom (ci-après société Crom) a souscrit une police d'assurance responsabilité civile et une police responsabilité civile décennale auprès de la société Mutuelle de l'Est par l'intermédiaire des sociétés de courtage Progeas et Phénix Assurances.
Par courrier recommandé du 24 mai 2022, la société Progeas a informé son assurée que les deux polices souscrites étaient réputées nulles et de nul effet, sur le fondement de l'article L 113-8 du code des assurances en raison d'une fausse déclaration effectuée par celle-ci sur le montant de son chiffre d'affaires ayant modifié l'opinion du risque que pouvait en avoir l'assureur.
La société Crom, par courrier du 15 septembre 2022, a indiqué contester la position de l'assureur.
Par acte de commissaire de justice du 16 novembre 2022, la société Crom a fait citer en référé devant la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux la société Progeas aux fins de voir juger nulle et non avenue la résiliation des contrats d'assurance. L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 2022R00829.
Par acte de commissaire de justice du 15 février 2023, la société Crom a assigné en intervention forcée la société Phenix Assurances, la société Mutuelle de l'Est et la société Axeria Iard. L'affaire a été enrôlée sous le numéro RG 2023R00093.
Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 21 novembre 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a statué comme suit :
Constatons la non comparution de la Société Phenix Assurances SAS.
Constatons le désistement d'instance et d'action de la société Crom Multitechniques Multiservices Groupe SARL sur les assignations délivrées la société Progeas SAS, à la société Phenix Assurance SAS, à la société d'assurance Mutuelle de l'Est et à la société Axeria SA, enrôlée sous les n° RG 2022R00829 et 2023R00093 et jointes.
Donnons acte à la Société d'assurance Mutuelle de l'Est, à la société Progeas SAS de ce qu'elles acceptent ce désistement.
Condamnons la société Crom Multitechniques Multiservices Groupe SARL à payer à la société d'assurance Mutuelle de l'est la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamnons la société Crom Multitechniques Multiservices Groupe SARL à payer à la société Axeria Iard la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamnons la société Crom Multitechniques Multiservices Groupe SARL aux entiers dépens.
Prononçons notre dessaisissement.
Par déclaration au greffe du 12 janvier 2024, la SARL Crom Multitechniques Multiservices Groupe Crom a relevé appel de l'ordonnance intimant les sociétés Progeas, Phénix Assurances, Mutuelle de l'Est et Axeria.
Par acte du 12 mars 2024, les conclusions d'appelant ont été signifiées à la Mutuelle de l'Est la Bresse Assurances.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières écritures notifiées par message électronique le 6 mai 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Crom Multitechniques demande à la cour de :
Vu les conclusions signifiées en première instance par la Société Crom Multitechniques -Multiservices Groupe, notifiant sa volonté de se désister uniquement des instances enrôlées devant la juridiction des référés près le tribunal de Bordeaux,
Vu les articles 394, 395, 484, 488, 834 et 835 du code de procédure civile,
Constater que la société Crom Multitechniques-Multiservices Groupe a bien notifié son intention de se désister uniquement des instances introduites devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux et enrôlées sous les numéros RG 2022R00829 et RG 2023R00093,
Constater que la société Crom a bien mentionné dans le corps de ses conclusions que dans le dispositif qu'elle entendait se désister des instances,
Constater qu'il existe bien une contradiction entre le dispositif et le corps des conclusions
Constater au surplus que le désistement d'instance et d'action n'a nullement été accepté par la Société Axeria et par la Société Phenix Assurance.
Juger que l'ordonnance de référé en date du 21 novembre 2023 RG 2022R00829 est bien affectée d'une erreur matérielle, la Société Crom Multitechniques - Multiservices Groupe ne s'étant pas désisté de l'action introduite à l'encontre des Sociétés Progeas, Phoenix, Mutuelle de l'Est et Axeria.
En toute hypothèse,
Infirmer l'ordonnance de référé en date du 21 novembre 2023 en ce qu'elle a :
Constaté le désistement d'action de la Société Crom Multitechniques - Multiservices Groupe sur les assignations délivrées à la Société Progeas, à la Société Phenix Assurance, à la Société Mutuelle de l'Est et à la Société Axeria, enrôlée sous le N° RG 2022R00829 et 2023R00093 jointes,
En ce qu'elle a donné acte à la Société d'assurance Mutuelle de l'Est, à la Société Progeas de ce qu'elles acceptent ce désistement.
En ce qu'elle a condamné la Société Crom Multitechniques - Multiservices Groupe SARL à payer à la Société d'assurance Mutuelle de l'Est la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Et ce qu'elle a condamné la Société Crom Multitechniques - Multiservices Groupe SARL à payer à la Société Axeria la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Et en ce qu'elle a condamné la Société Crom Multitechniques - Multiservices Groupe SARL aux entiers dépens.
Et en ce qu'elle a prononcé son dessaisissement,
Juger que le désistement d'action n'est pas valable.
Confirmer les termes de son ordonnance en ce qu'elle a constaté le désistement d'instance.
Voir statuer ce que de droit sur les dépens dont distraction au profit de Selarl Lex Contractus représentée par Maître Cédric Bernat.
Par dernières écritures notifiées par message électronique le 8 mars 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Progeas demande à la cour de :
Confirmer l'ordonnance du 21 novembre 2023 ;
Et de :
Juger que le désistement d'action de la société Crom à l'égard de la société Progeas, accepté purement et simplement par la société Progeas, est parfait et fait définitivement obstacle à ce que la société Crom introduise une nouvelle instance à l'encontre de la société Progeas qui aurait le même objet que l'action dont elle s'est désistée ;
Condamner la société Crom à verser à la société Progeas une somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Aurélie Viandier Lefevre.
Par dernières écritures notifiées par message électronique le 11 mars 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la SA Axeria Iard demande à la cour de :
Vu les articles 514 et 524 du code de procédure civile,
A titre liminaire :
Radier l'affaire faute pour l'appelant d'avoir appliqué la décision de première instance ;
Sur le fond :
Confirmer l'ordonnance de référé en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Condamner la société Crom Multitechniques au paiement de la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par dernières écritures notifiées par message électronique le 12 mars 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Phenix Assurances demande à la cour de :
Vu les articles 395 et 446-2 du code de procédure civile,
Il est demandé à la cour de bien vouloir :
Confirmer l'ordonnance de référé rendue le 21 novembre 2023 par le président du tribunal de commerce de Bordeaux (RG n° 2022R0082),
Et jugeant de nouveau :
Constater que le désistement d'instance et d'action de la société Crom à l'égard de la société Phenix Assurances est parfait,
Debouter en conséquence la société Crom de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Condamner la société Crom à verser à Phenix Assurances la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société Crom aux entiers dépens.
La société Mutuelles de l'Est, régulièrement assigné, n'a pas constitué avocat.
Par ordonnance du 2 février 2024, l'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 27 mai 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de radiation de l'affaire :
1- La société Axeria demande à la cour de radier l'affaire pour défaut d'exécution de la décision de première instance, sur le fondement des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, arguant du fait que la cour est bien compétente à défaut de désignation d'un conseiller de la mise en état et ne s'agissant pas d'une question relevant de la compétence du président de la chambre ou du magistrat délégué à cet effet.
2- L'appelant n'a pas conclu sur ce point.
Sur ce :
3- Aux termes de l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.
La demande de l'intimé doit, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, être présentée avant l'expiration des délais prescrits aux articles 905-2, 909, 910 et 911.
La décision de radiation est notifiée par le greffe aux parties ainsi qu'à leurs représentants par lettre simple. Elle est une mesure d'administration judiciaire.
4- Contrairement à ce que soutient l'intimée, ce texte ne prévoit pas une compétence concurrente en matière de radiation d'une affaire pour défaut d'exécution de la décision de première instance à celle du premier président ou du conseiller de la mise en état.
5- Il en résulte que le premier président de la Cour d'appel est exclusivement compétent pour statuer sur une demande de radiation régularisée contre un appel d'une ordonnance de référé, étant précisé que la demande de radiation doit être régularisée avant l'expiration des délais prescrits aux articles 905 -2, 909, 910 et 911 du code de procédure civile.
6- La demande formée sur ce fondement est ainsi irrecevable.
Sur le fond :
7- L'appelante soutient que ses conclusions de première instance comportaient une erreur matérielle portant sur la mention 'déclarer éteinte l'action engagée par la société Crom' alors qu'il ressort du corps de ses conclusions qu'elle n'entendait se désister que de son instance afin d'assigner à nouveau la société Mutuelle de l'Est qui est une société civile, devant le tribunal judiciaire en lieu et place du tribunal de commerce. Elle fait en outre valoir que le désistement ne pouvait être déclaré parfait en l'absence d'acceptation de la société Phenix Assurance et de la société Axeria.
8- Les sociétés intimées rétorquent que la société Crom s'est bien désistée de son instance et de son action devant le juge des référés dans le dispositif de ses conclusions, qui seul lie le tribunal, qu'elle a par ailleurs adressé un courrier au juge accompagnant ses dernières conclusions faisant état d'un désistement d'instance et d'action et que le désistement est parfait.
Sur ce :
9 - Aux termes des articles 395 et suivants du code de procédure civile, le désistement n'est parfait que par l'acceptation du défendeur. Toutefois, l'acceptation n'est pas nécessaire si le défendeur n'a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste. Le juge déclare le désistement parfait si la non-acceptation du défendeur ne se fonde sur aucun motif légitime. Le désistement est exprès ou implicite ; il en est de même de l'acceptation. Le désistement d'instance n'emporte pas renonciation à l'action, mais seulement extinction de l'instance.
10- Sur le fondement de ce texte, il a été jugé que si le désistement peut être implicite, la manifestation de la volonté du défendeur ne doit pas être équivoque.
11- En l'espèce,il est produit aux débats les conclusions intitulées 'conclusions de désistement' adressées au juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux avec un courrier d'accompagnement intitulé 'désistement d'instance et d'action'. Ce courrier d'accompagnement n'a cependant aucune portée juridique.
12- Il n'est pas argué du fait que la demanderesse aurait, devant le juge des référés, modifié oralement ses demandes.
13- Le dispositif des conclusions de la société Crom, après une demande de donner acte de son désistement d'instance, comporte la mention 'déclarer éteinte l'action engagée par la société Crom à l'encontre de la société Progeas, de la société Phenix assurances, de la société Mutuelle de l'Est, de la société Axeria', que les premiers juges ont interprété comme une demande de désistement d'action.
14- Cependant dans le corps de conclusions de la société Crom, il est uniquement indiqué que celle-ci 'entend se désister de l'instance introduite par voie de référé selon exploit du 16 novembre 2022 et selon exploit du 15 février 2023".
15- Il n'est ainsi fait aucune mention d'un désistement d'action dans le corps des conclusions et le dispositif de celle-ci ne mentionne pas clairement que la société Crom entend se désister de son action et non seulement de son instance.
16- Il sera dès lors jugé que la société Crom n'a pas exprimé une volonté non équivoque de se désister de son action. La décision de première instance sera ainsi infirmée en ce qu'elle a constaté d'action, seul le désistement d'instance étant parfait.
17- La société Crom, qui est à l'origine de cet appel du fait de la formulation ambigue de ses conclusions de première instance, sera condamnée aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Aurélie Viandier Lefevre.
18- Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevable la demande aux fins de radiation de l'affaire,
Infirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux du 21 novembre 2023 en ce qu'elle a constaté le désistement d'action de la société Crom Multitechniques - Multiservices Group Crom,
Statuant à nouveau de ce seul chef,
Dit que la société Crom Multitechniques - Multiservices Group Crom ne s'est pas désistée de son action,
Confirme l'ordonnance pour le surplus de ses dispositions,
y ajoutant,
Condamne la société Crom Multitechniques - Multiservices Group Crom aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Aurélie Viandier Lefevre,
Déboute la société Progeas, la société Mutuelle de l'Est et la société Axeria de leur demande d'indemnité de procédure.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président