COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 04 SEPTEMBRE 2024
N° RG 22/03317 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MZHV
Monsieur [R] [M]
Madame [U] [X] épouse [M]
c/
Monsieur [O] [S]
Madame [W] [J] épouse [S]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 juin 2022 (R.G. 20/00784) par le Tribunal Judiciaire de BERGERAC suivant déclaration d'appel du 11 juillet 2022
APPELANTS :
Monsieur [R] [M], né le 01 Février 1957 à [Localité 5] (24), de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
Madame [U] [X] épouse [M], née le 20 Décembre 1956 à [Localité 3] (19), de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
Représentés par Maître Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Emmanuel ARCIS-FAYAT, avocat au barreau de BERGERAC
INTIMÉS :
Monsieur [O] [S], né le 06 Avril 1975 à [Localité 2] (33), de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]
Madame [W] [J] épouse [S] née le 19 Janvier 1977 à [Localité 4], de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]
Représentés par Maître Pierre DE OLIVEIRA de la SAS MDO AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
* * *
Monsieur [R] [M] et Madame [U] [X] son épouse ont, les 4 et 5 mars 2019, conclu avec Monsieur [O] [S] et Madame [W] [J] son épouse un compromis de vente d'un ensemble immobilier situé [Adresse 6] au prix de 435.000 euros.
Les parties ont également conclu, le 5 mars 2019, un compromis de vente du fonds de commerce d'hôtel restaurant exploité dans l'immeuble.
Par acte authentique reçu le 27 décembre 2019 par Maître [F], M. et Mme [M] ont cédé l'ensemble immobilier à la société civile immobilière SKDE, constituée par M. et Mme [S], associés et gérants.
Le 13 mai 2020, M. et Mme [M] ont fait délivrer à M. et Mme [S] une sommation interpellative aux fins de réitérer la vente du fonds de commerce.
Par courrier du 27 mai 2020, Monsieur [S] a indiqué à M. et Mme [M] son souhait de ne pas donner suite à l'acquisition du fonds de commerce, les mettant en demeure de récupérer le matériel leur appartenant.
Par acte du 10 septembre 2020, M. et Mme [M] ont assigné M. et Mme [S] devant le tribunal judiciaire de Bergerac principalement en exécution forcée du compromis de vente du fonds de commerce.
Par jugement prononcé le 21 juin 2022, le tribunal judiciaire a statué ainsi qu'il suit :
Vu les articles 768 du code de procédure civile et 1103, 1117, 1124 et 1240 du code civil,
- juge que les demandes présentées par M. et Mme [S] dans le dispositif de leurs conclusions au fond et tendant 'à constater' ne constituent pas des prétentions au sens des articles 53 et suivants du code de procédure civile et ne saisissent pas en conséquence le présent tribunal ;
- déboute M. et Mme [M] de leurs demandes présentées à l'encontre de M. et Mme [S] tendant à juger que la vente est parfaite, à ordonner l'exécution forcée du compromis de vente du fonds de commerce et la réitération de l'acte de vente devant notaire (sous astreinte) et à leur payer la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi ;
- déboute également M. et Mme [M] de leurs demandes subsidiaires tendant à la condamnation de M. et Mme [S] à leur payer les sommes de 60.000 euros en réparation du préjudice subi pour inexécution contractuelle et de 10.000 euros par mois au titre de l'indemnité de dépossession ;
- condamne Monsieur [O] [S] et Madame [W] [J] épouse [S] à restituer (sans astreinte) à Monsieur [R] [M] et Madame [U] [X] épouse [M] le matériel stocké leur appartenant et régulièrement inventorié ;
- déboute Monsieur [O] [S] et Madame [W] [J] épouse [S] de leur demande tendant à la condamnation de M. et Mme [M] à leur payer la somme de 1.000 euros par mois à compter de février 2020 jusqu'à la récupération des matériels entreposés ;
- condamne in solidum Monsieur [R] [M] et Madame [U] [X] épouse [M] à payer à Monsieur [O] [S] et à Madame [W] [J] épouse [S] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance (dont distraction au profit de Me de Oliveira, avocat) ;
- déboute Monsieur [O] [S] et à Madame [W] [J] épouse [S] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée à l'encontre de Monsieur [R] [M] et Madame [U] [X] épouse [M] ;
- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.
M. et Mme [M] ont relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 11 juillet 2022. M. et Mme [S] ont formé un appel incident.
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Par dernières conclusions notifiées le 22 mars 2023, Monsieur [R] [M] et Madame [U] [X] son épouse demandent à la cour de :
Vu les articles 1104, 1582, 1650 et 1221 du code civil,
- juger recevables et bien fondés M. et Mme [M] en leur appel de la décision rendue par le tribunal judiciaire de Bergerac en date du 21 juin 2022 ;
- débouter M. et Mme [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
En conséquence,
- réformer le jugement prononcé le 21 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Bergerac en ce qu'il a :
-jugé que les demandes présentées par M. et Mme [S] dans le dispositif de leurs conclusions au fond et tendant à « constater » ne constituaient pas des prétentions au sens des articles 53 et suivants du code de procédure civile et ne saisissaient pas en conséquence le tribunal,
-débouté M. et Mme [M] de leurs demandes présentées à l'encontre de M. et Mme [S] tendant à juger que la vente était parfaite, a ordonner l'exécution forcée du compromis de vente de fonds de commerce et la réitération de l'acte de vente devant notaire (sous astreinte) et à leur payer la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi,
-débouté également M. et Mme [M] de leur demande subsidiaire tendant à la condamnation de M. et Mme [S] à leur payer les sommes de 60.000 euros en réparation du préjudice subi pour inexécution contractuelle et de 10.000 euros par mois au titre de l'indemnité de dépossession,
-condamné M. et Mme [S] à restituer (sans astreinte) à M. et Mme [M] le matériel stocké leur appartenant et régulièrement inventorié,
-débouté M. et M. [S] de leur demande tendant à la condamnation de M. et Mme [M] à leur payer la somme de 1.000 euros par mois à compter de février 2020 jusqu'à la récupération des matériels entreposés,
-condamné in solidum Monsieur [R] [M] et Madame [U] [X] épouse [M] à payer à M. [S] et à Mme [J] épouse [S] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
-débouté M. [S] et Mme [J] épouse [S] de leur demande de dommages intérêts pour procédure abusive présenté à l'encontre de M. et Mme [M],
-ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
- juger que la vente est parfaite ;
- ordonner l'exécution forcée du compromis de vente du fonds de commerce et la réitération de l'acte de vente par devant notaire sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- condamner solidairement M. et Mme [S] à régler une somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi ;
- les condamner solidairement au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;
A titre subsidiaire,
- condamner solidairement M. et Mme [S] au paiement d'une somme de 60.000 euros en réparation du préjudice subi pour inexécution contractuelle ;
- les condamner solidairement au paiement d'une somme de 10.000 euros par mois au titre de l'indemnité de dépossession ;
- condamner solidairement M. et Mme [S] à restituer le matériel d'une valeur de 50.000 euros suivant inventaire figurant au compromis sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
- les condamner solidairement au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
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Par dernières écritures notifiées 4 avril 2024, Monsieur [O] [S] et Madame [W] [J] son épouse demandent à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1103, 1117, 1134, 1240 et 1584 du code civil,
Vu les articles 32-1, 699 et 700 du code de procédure civile,
- juger Mme et M. [M] mal fondés en l'ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions d'appelants ;
- juger Mme et M. [S] recevables et bien fondés en leurs demandes, fins et conclusions ;
Et en conséquence,
- débouter Mme et M. [M] de leur demande de réformation partielle du jugement différé (sic) ;
- confirmer partiellement le jugement de tribunal judiciaire de Bergerac du 21 juin 2022 en ce qu'il a débouté Mme et M. [M] de leur demande d'exécution forcée du compromis de vente du fonds de commerce et de leurs demandes indemnitaires et les a condamnés à payer1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
- infirmer partiellement le jugement différé (sic) en ce qu'il a débouté Mme et M. [S] de leur demande de condamnation de M. et Mme [M] au paiement d'une indemnité de 1.000 euros par mois à compter de février et jusqu'à la récupération des matériels entreposés pour occupation abusive ;
- infirmer partiellement le jugement différé (sic) en ce qu'il débouté Mme et M. [S] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Et statuant à nouveau,
- condamner in solidum Mme et M. [M] au paiement de la somme de 29.000 euros à M. et Mme [S] au titre de l'occupation abusive des locaux ;
- condamner in solidum Mme et M. [M] au paiement de la somme de 10.000 euros à M. et Mme [S] pour dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par la procédure abusive intentée à leur encontre, hors frais et dépens de procédure ;
En tout état de cause,
- condamner in solidum M. et Mme [M] à payer la somme de 5.000 euros à M. et Mme [S] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum M. et Mme [M] à verser à M. et Mme [S] la somme de 712,75 euros relative aux dépens de première instance ;
- condamner in solidum M. et Mme [M] aux dépens de la procédure d'appel.
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L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mai 2024.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. Sur la demande principale
1. En vertu des articles 1582 et 1583 du code civil, la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer. Elle peut être faite par acte authentique ou sous seing privé. Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
L'article 1221 du code civil dispose :
« Le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier.»
2. Au visa de ces textes, M. et Mme [M] font grief au jugement déféré d'avoir rejeté leur demande en exécution forcée du compromis de vente du fonds de commerce signé le 5 mars 2019.
Les appelants expliquent que la vente de l'immeuble d'une part et celle du fonds de commerce d'autre part étaient liées mais que les atermoiements des acquéreurs ont conduit les parties à négocier un avenant afin de reporter la date de réitération des actes ; que cet avenant des 18 et 23 octobre 2019 concerne également la vente du fonds de commerce, à laquelle M. et Mme [M] n'ont pas renoncé, ce qui est démontré par la poursuite des négociations postérieurement au 27 décembre 2019, date de la signature de l'acte authentique de vente de l'immeuble.
M. et Mme [M] soutiennent que les intimés, après avoir acquis l'immeuble, ont décidé de faire l'économie de l'achat du fonds de commerce qui y était exploité mais y ont ensuite implanté leur propre commerce d'hôtellerie-restauration en se servant de l'ensemble des éléments constitutifs du fonds de commerce des cédants.
Les appelants indiquent que l'affirmation de M. et Mme [S] selon laquelle le fonds n'était pas exploité est inexacte pour deux raisons : l'exploitation de ce fonds était saisonnière, d'une part, et elle était suspendue aux opérations de cession, d'autre part. Ils excipent donc de la perfection de la vente du fonds de commerce et tendent à l'exécution forcée du compromis du 5 mars 2019.
3. M. et Mme [S] répondent que l'avenant au compromis de vente de l'immeuble est en réalité le fruit des carences des cédants qui tardaient à transmettre les documents nécessaires à la conclusion de l'acte authentique ; que, par ailleurs, il n'a été signé aucun avenant au compromis de vente du fonds de commerce, de sorte que, à la date de signature de l'acte de vente de l'immeuble, le compromis de vente du fonds de commerce était caduc, conformément à son titre 19 paragraphe VII.
Les intimés expliquent que cet acte prévoit au premier alinéa du Titre 21 que la réalisation des conditions suspensives et la réitération de la vente devaient intervenir au plus tard le 5 juin 2019 mais que, à cette date, plusieurs conditions suspensives n'étaient pas levées puisque d'une part, M; et Mme [M] n'avaient pas réalisé les conditions suspensives à leur charge, d'autre part, M. et Mme [S] n'ont pas obtenu le crédit bancaire dans le délai contractuellement prévu.
Ils ajoutent que le fait qu'ils aient pu obtenir une réponse bancaire favorable le 28 septembre 2019 est sans effet sur la caducité du compromis de vente du fonds de commerce puisqu'il est de principe que si la condition suspensive enfermée dans un délai n'est pas réalisée à la date prévue, la promesse est caduque de plein droit, sauf accord des parties sur la prorogation des délais, ce qui n'a pas été ici le cas, peu important que les formalités prévues au sein de la promesse de vente afin de constater la caducité aient été accomplies ou non.
M. et Mme [S] soutiennent que les discussions postérieures au mois de décembre 2019 ne font pas la preuve de la prolongation des effets du compromis de vente du fonds de commerce, puisque celui-ci était caduc, mais ont été engagées dans le cadre d'une nouvelle négociation.
Sur ce,
4. Le compromis de vente du fonds de commerce d'hôtel restaurant dénommé 'Hôtel [M]' stipule un titre 19 intitulé 'conditions suspensives' dont le paragraphe IV indique :
« L'acquéreur déclare avoir l'intention de financer son acquisition en partie ou en totalité au moyen de fonds d'emprunt ainsi qu'il sera dit ci-après.
Plan de financement :
- apport personnel 10.000 euros
- emprunt auprès d'un établissement de crédit 55.000 euros
Total égal au montant du financement à assurer 65.000 euros.
L'acquéreur déclare que le prêt qu'il se propose de solliciter d'un établissement bancaire de crédit répondra ou devra répondre aux définitions suivantes :
- montant maximum du prêt : 65'000 euros
- durée maximale du prêt : 7 ans
- taux d'intérêt maximum annuel hors assurance : 2 %
(...) L'acquéreur s'oblige à effectuer toutes les démarches nécessaires à l'obtention de son financement par emprunt dans les meilleurs délais et notamment à déposer le dossier d'emprunt dans un délai de 15 jours de la date de la signature du présent et à justifier de ce dépôt à première demande du vendeur qui, faute de justification, pourra faire constater par simple procès-verbal la caducité du présent accord. (...)
Mode de réalisation de la condition suspensive de demande de prêt :
Les parties conviennent que le mode de réalisation de cette condition sera le suivant :
L'accord de prêt devra être obtenu par l'acquéreur dans un délai de 45 jours à compter des présentes, et justifié au vendeur par la production écrite de cet accord donné par l'organisme financier.
La production de cet accord rendra la condition suspensive réalisée.
Passé ce délai sans que le vendeur (sic) puisse justifier de l'accord de principe de ce prêt, les présentes conventions seront de plein droit résiliées, si bon semble au vendeur, chacune des parties reprenant sa pleine et entière liberté par la simple survenance de cette défaillance sans qu'il soit besoin d'accomplir aucune formalité judiciaire et toute somme versée par l'acquéreur lui sera restituée sans indemnité, sauf inexécution fautive de sa part.»
Le paragraphe VII ajoute :
« Caducité du compromis :
A défaut de réalisation de l'ensemble des conditions suspensives ci-dessus énoncées au plus tard le jour ci-après fixé pour la régularisation des présentes par acte sous signature privée contresignée par avocat, les présentes seront considérées comme nulles et non avenues et les parties seront déliées de tout engagement ; le cédant reprendra alors la libre disposition du fonds. »
Enfin le titre 21 du compromis litigieux précise que la réitération de la vente, après la levée des conditions suspensives, devra être accomplie au plus tard le 5 juin 2019. Il est précisé à ce titre que, à partir de cette date, la partie qui aura rempli ses obligations pourra mettre l'autre en demeure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'avoir à régulariser la cession du fonds de commerce dans un délai de 15 jours francs à compter de la réception de la lettre.
5. Il faut tout d'abord relever que le titre 3 article 3 du contrat du 5 mars 2019 précise que les appelants s'obligeaient à céder le fonds de commerce libre de toute occupation en résiliant le contrat de location-gérance conclu avec la société à responsabilité limitée Hôtel [M] et à résilier par ailleurs, en leur qualité de bailleurs, le bail commercial attaché au fonds auquel ils étaient également partie en qualité de locataire au travers d'une société, les acquéreurs de l'immeuble -via une société civile immobilière à constituer- faisant leur affaire personnelle de la conclusion d'un nouveau bail avec la société commerciale en cours de constitution, la vente du fonds de commerce et la vente de l'immeuble 'formant un tout indivisible' selon les termes du compromis.
Or il est établi par M. et Mme [S] que, plusieurs semaines après le 5 juin 2019, date limite de levée des conditions suspensives, M. et Mme [M] n'avaient pas transmis au notaire instrumentaire les éléments relatifs à la résiliation de la location gérance et du bail commercial, lequel les réclamait encore le 15 novembre 2019.
6. Il est également établi par les intimés que, le 24 mai 2019, la société Banque Tarneaud a répondu négativement à la demande de prêt déposée par ceux-ci ; le 20 juin 2019 soit postérieurement à la date limite contractuellement prévue, la société Crédit Mutuel du Sud Ouest a également manifesté un refus ; il n'est pas précisé à quelle date les demandes
afférentes ont été présentées à ces deux banques ni quels en ont été les éléments.
Néanmoins, il doit être observé que M. et Mme [M] ne poursuivent pas l'inexécution fautive des cessionnaires au sens du paragraphe IV du titre 19 cité supra en ce qui concerne les délais et la forme des démarches nécessaires auprès des établissements financiers.
7. En effet, les appelants réclament l'exécution forcé du compromis de vente en faisant valoir que cet acte n'est pas caduc puisqu'il a fait l'objet d'un avenant conclu les 18 et 23 octobre 2019.
Toutefois, cet avenant est postérieur de plusieurs mois à la date limite contractuellement prévue pour la levée des conditions suspensives et ne peut donc avoir un effet sur la caducité qui en est résulté par l'application du titre 21 et des paragraphes IV et VII du titre 19
M. et Mme [M] ont certes fait adresser une sommation interpellative aux intimés le 13 mai 2020 les enjoignant, notamment, de réitérer le compromis par acte authentique aux prix et conditions qui y étaient prévus. Toutefois, cette sommation est postérieure de près d'une année à la date limite contractuellement prévue et il n'est pas établi que les appelants auraient de leur côté rempli leurs obligations au sens du titre 21 du compromis de vente.
8. Enfin, l'avenant des 18 et 23 octobre 2019 dont se prévalent M. et Mme [M] n'a pas pour effet de proroger les effets du compromis d vente du fonds de commerce mais ne porte que sur la prorogation des effets du compromis de vente de l'immeuble, ce qui résulte clairement du visa de l'acte initial ainsi que de l' 'exposé préalable' aux stipulations relatives à cette prorogation.
9. Dès lors, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que la vente du fonds de commerce est parfaite et à en réclamer l'exécution forcée.
10. M. et Mme [M] tendent, de plus, à la condamnation des intimés au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison du fait qu'ils n'ont pu vendre leur fonds de commerce.
Toutefois, les appelants n'établissent pas qu'ils auraient engagé des pourparlers avec d'autres candidats acquéreurs du fond de commerce.
De plus, dans la mesure où le compromis de vente était caduc depuis le 5 juin 2019, ils étaient déliés de leurs engagements à l'égard de M. et Mme [S] et étaient libres de céder le fonds à un tiers.
Enfin, il doit être relevé que le Conseil de M. et Mme [S] avait repris les négociations par courriel du 17 février 2020 et qu'il affirme aujourd'hui, sans être démenti, que les appelants n'ont pas répondu à ce message, ce qui établit les propres atermoiements de M. et Mme [M] qui n'ont fait sommation aux intimés de réitérer la vente que le 13 mai suivant.
Dès lors, le préjudice qui résulterait du fait que les appelants n'ont pu céder leur fonds de commerce n'est pas établi.
11. Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes principales de M. et Mme [M].
2. Sur la demande subsidiaire
12. Les appelants discutent le jugement entrepris en ce qu'ils les a également déboutés de leur demande subsidiaire tendant à l'allocation de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de dépossession de 10.000 euros par mois depuis le mois de janvier jusqu'au jour de la décision à intervenir.
M. et Mme [M] expliquent qu'ils attendent depuis plus de deux ans la signature de l'acte définitif concernant le fonds de commerce ; que, s'ils avaient su que M. et Mme n'achetaient pas le fonds, ils auraient engagé une vente à un tiers.
Les appelants soutiennent qu'ils ont été dépossédés depuis le 27 décembre 2019 de leur fonds de commerce puisque les intimés exploitent l'hôtel restaurant ; ils réclament que soit fixée une indemnité de dépossession qu'ils estiment à 10.000 euros par mois à compter de janvier 2020.
13. M. et Mme [S] répliquent que les appelants ne prouvent pas qu'un autre acquéreur se serait présenté ; que, au demeurant, le fonds ne remplissait plus les conditions légales de son existence puisqu'il était fermé et n'était plus exploité depuis le 15 novembre 2017, de sorte qu'il avait nécessairement perdu sa clientèle, élément essentiel d'un fonds de commerce.
Ils ajoutent qu'ils ont créé ex nihilo un nouveau fonds, avec une nouvelle enseigne, et ne sont pas responsables des erreurs de référencement des moteurs de recherche.
Sur ce,
14. Il doit tout d'abord être relevé que les appelants ne peuvent réclamer le paiement d'une indemnité de dépossession, qui a pour vocation d'indemniser les titulaires de droits réels expropriés pour cause d'utilité publique, ce qui n'est pas l'objet du présent litige.
15. M. et Mme [M] excipent du préjudice qui résulterait du fait que M. et Mme [S] exploiteraient le fonds de commerce qui faisait l'objet du compromis de vente du 5 mars 2019, sans l'avoir préalablement acquis.
Toutefois, les intimés versent aux débats un message électronique en date du 27 février 2019 de M. [D], intermédiaire exerçant sous l'enseigne 'Immo Conseil', qui établit que le fonds de commerce n'était plus exploité depuis le 15 novembre 2017.
Dans la mesure où l'hôtel restaurant était fermé depuis cette date et où le bail commercial devait être résilié, il apparaît que les intimés soutiennent à juste titre que le fonds de commerce était privé de ses éléments essentiels, seul subsistant le matériel qui a au demeurant fait l'objet d'une restitution dûment constatée par Maître [P], commissaire de justice, le 17 novembre 2022.
16. Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes subsidiaires de M. et Mme [M], faute de démonstration du préjudice dont la réparation est demandée.
3. Sur l'appel incident
17. Les intimés font grief au premier juge de les avoir déboutés de leur demande d'indemnité pour inexécution de la mise en demeure et frais de stockage, d'une part, et pour procédure abusive d'autre part.
M. et Mme [S] rappellent qu'ils ont adressé une mise en demeure à ce titre aux appelants par lettre recommandée en date du 27 mai 2020, qui n'ont repris leurs biens que le 17 novembre 2022, ce qui constitue 29 mois d'occupation illégitime d'une grange appartenant aux cessionnaires.
18. Toutefois, compte tenu du fait que des négociations se sont poursuivies entre les parties postérieurement à l'acquisition de l'immeuble lui-même, puis aux difficultés d'agenda de chacune des parties, enfin de ce que les termes de la vente de l'immeuble ne spécifiaient pas qu'il était cédé libre de tout matériel professionnel ce qui devait conduire les acquéreurs à restituer ces biens -ainsi que l'a décidé le premier juge- le préjudice de M. et mme [S] à ce titre n'est pas établi.
De même, la difficulté des opérations de cession de l'immeuble et celle des négociations entourant la cession du fonds de commerce ont été la source d'un différend qui n'a pu trouver de solution amiable ; il n'était dès lors pas abusif de la part de M. et Mme [M] de saisir le tribunal judiciaire de Bergerac.
19. Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. et Mme [S] de ces demandes ainsi qu'en ses chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.
M. et Mme [M], partie succombante, seront condamnés à payer les dépens de l'appel et à verser aux intimés une somme de 1.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles de ces derniers.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 21 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Bergerac.
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [R] [M] et Madame [U] [X] son épouse à payer in solidum à Monsieur [O] [S] et Madame [W] [J] son épouse la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [R] [M] et Madame [U] [X] son épouse à payer in solidum les dépens de l'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président