CR/RP
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- Me Margot PINKOS
- la SELARL ALCIAT-JURIS
LE : 18 AOUT 2022
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 18 AOUT 2022
N° - Pages
N° RG 21/00974 - N° Portalis DBVD-V-B7F-DMJJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de BOURGES en date du 27 Mai 2021
PARTIES EN CAUSE :
I - Mme [Y] [S]
née le 18 Janvier 1947 à [Localité 10]
[Adresse 5]
Représentée par Me Margot PINKOS, avocat au barreau de BOURGES
aide juridictionnelle Totale numéro 18033 2021/002290 du 07/09/2021
APPELANTE suivant déclaration du 07/09/2021
II - Mme [G] [L] épouse [R]
née le 08 Mars 1960 à [Localité 12]
[Adresse 1]
- Mme [Z] [O]
née le 30 Novembre 1989 à [Localité 11]
[Adresse 4]
- Mme [C] [A]
née le 25 Novembre 1993 à [Localité 6]
[Adresse 3]
- M. [K] [A]
né le 20 Novembre 1992 à [Localité 6]
[Adresse 3]
- M. [V] [L]
né le 19 Octobre 1966 à [Localité 11]
[Adresse 2]
Représentés par la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
INTIMÉS
18 AOUT 2022
N° /2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WAGUETTEPrésident de Chambre
M. PERINETTIConseiller
Mme CIABRINIConseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme GUILLERAULT
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ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSÉ :
Selon acte notarié du 13 juin 2014, Mme [Y] [S] divorcée [T] et M. [U] [L] ont acquis un ensemble immobilier, situé au [Adresse 9], cadastré section [Cadastre 15] à [Cadastre 16], en indivision avec la répartition suivante :
- 83 % détenus par Monsieur [L]
- 17 % détenus par Madame [S].
[U] [L] est décédé le 2 décembre 2014, laissant pour lui succéder :
- [G] [L], sa fille
- [V] [L], son fils
- [Z] [O], sa petite-fille
- [C] [A], sa petite-fille
- [K] [A], son petit-fils.
Par acte d'huissier de justice du 29 novembre 2019, ces derniers ont fait assigner Madame [S] devant le tribunal judiciaire de Bourges aux fins notamment de la voir condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation.
Par jugement du 27 mai 2021, le tribunal judiciaire de Bourges a condamné Madame [S] au paiement des sommes suivantes :
- 30 710 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2019 au titre de l'indemnité d'occupation due du mois de mars 2015 au mois de mai 2021,
- 415 € par mois à compter du mois de juin 2021 au titre de l'indemnité d'occupation due du fait de l'occupation privative et exclusive d'un bien immobilier indivis dans lequel elle ne possède qu'une quote-part de 17 %,
- 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
[Y] [S] a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 7 septembre 2021 et demande à la cour, dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 8 avril 2022, à la lecture desquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, de :
Vu le jugement du 27 mai 2021 du Tribunal judiciaire de Bourges,
Vu les articles 815-9 et 815-13 du Code civil,
- DECLARER recevable et bien-fondé l'appel interjeté par Madame [Y] [S],
- INFIRMER le jugement critiqué dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
- DEBOUTER Madame [G] [L], Monsieur [V] [L], Madame [Z] [O], Madame [C] [A] et Monsieur [K] [A] de l'intégralité de leurs demandes,
- A titre subsidiaire : JUGER que l'immeuble indivis situé [Adresse 5]) est dépourvu de toute valeur locative,
- A titre infiniment subsidiaire : LIMITER le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle à 75 % de la valeur locative l'immeuble indivis situé [Adresse 5].
Sur la demande reconventionnelle de Madame [Y] [S] :
- CONDAMNER in solidum Madame [G] [L], Monsieur [V] [L], Madame [Z] [O], Madame [C] [A] et Monsieur [K] [A] à payer à Madame [Y] [S] la somme de 4 880,40 € au titre de leur contribution aux impôts fonciers du bien indivis situé [Adresse 5],
En tout état de cause :
- CONDAMNER in solidum Madame [G] [L], Monsieur [V] [L], Madame [Z] [O], Madame [C] [A] et Monsieur [K] [A] aux dépens de la première et de la seconde instance.
Dans leurs dernières écritures en date du 24 février 2022, à la lecture desquelles il est pareillement renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [G] [L] épouse [R], [V] [L], [Z] [O], [C] [A] et [K] [A] demandent à la cour de :
Vu les articles 815 et suivants du code civil et l'article 815-9 du code civil
Vu l'article 1240 du Code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
- DECLARER Madame [S] mal fondée en son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 27 mai 2021 par le Tribunal judicaire de Bourges
- DECLARER irrecevable la demande en paiement formulée par Madame [S]
En conséquence,
- CONFIRMER le jugement du 27 mai 2021 en toutes ses dispositions
Y ajoutant
- CONDAMNER Madame [Y] [S] à payer à Madame [G] [N] [L], Monsieur [V] [I] [L], Madame [Z] [F] [O], Madame [C] [A] et Monsieur [K] [A], la somme de 3.000 Euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
- CONDAMNER Madame [Y] [S] aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Maitre Ludivine Lamoure, avocat au barreau de Bourges conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile et sa condamnation à prendre en charge les frais liés à l'exécution de la décision de justice à intervenir.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 mai 2022.
Sur quoi :
I) sur les demandes formées au titre de l'indemnité d'occupation :
Selon le second alinéa de l'article 815 ' 9 du Code civil, «l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité».
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats qu'ensuite de l'acte authentique établi le 13 juin 2014 par Maître [W], notaire à [Localité 7], la propriété de l'immeuble cadastré section [Cadastre 15] à [Cadastre 16] sur la commune de [Adresse 5] pour une contenance totale de 92 a 90 ca, a été détenue à hauteur de 83 % par [U] [L], et à hauteur de 17 % par [Y] [S] divorcée [T].
Ensuite du décès de [U] [L], survenu le 2 décembre 2014, les intimés héritiers de ce dernier soutiennent que Madame [S] occupe privativement et exclusivement la propriété indivise et sollicitent ainsi, sur le fondement du texte précité, la condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité d'occupation.
Pour solliciter l'infirmation du jugement entrepris sur ce point, Madame [S] indique en substance, en pages 5 à 7 de ses dernières écritures, qu'elle n'occupe qu'une «infime partie de la propriété, à savoir la grange», qu'elle n'a jamais interdit l'accès à la propriété aux héritiers de [U] [L], ni à l'huissier de justice ayant rédigé un procès-verbal de constat le 7 mars 2015 et, en tout état de cause, que le bien indivis n'a aucune valeur locative compte tenu de son état.
Il convient de rappeler, à cet égard, que dans son procès-verbal de constat en date du 7 mars 2015, Maître [X], huissier de justice à [Localité 13], indique s'être
transporté à cette date au lieu-dit «[Localité 8]» sur la commune de [Localité 14] et mentionne les éléments suivants : «j'ai constaté ce qui suit : Madame [T] [Y] est venue jusqu'à la clôture et m'a déclaré : "j'occupe une grange avec un terrain d'un hectare dont je refuse l'accès, à cause de mes six chiens : des Dobermans et des Tibétains. C'est une grange avec une petite fenêtre en haut, une porte vitrée et une petite fenêtre au rez-de-chaussée. Il existe une grande pièce avec une partie mezzanine, des WC avec douche» (')».
Les indications figurant dans ce procès-verbal de constat ne se trouvant pas utilement contredites par Madame [S] ' et cette dernière étant par ailleurs domiciliée dans le cadre de la présente procédure à l'adresse du bien indivis et demandant en outre à la cour de constater «que le bien indivis occupé par Madame [S] n'a aucune valeur locative compte tenu de l'état de l'immeuble» (page numéro 8 de ses dernières écritures) ' c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la preuve de l'occupation privative et exclusive de la propriété indivise par l'appelante était suffisamment rapportée par les pièces soumises à son appréciation.
L'agence immobilière Cosne-Transactions indique, dans un avis de valeur du 10 mars 2015 (pièce numéro 5 du dossier des intimés) que les «caractéristiques générales relatives au bien estimé» sont : «ancien moulin comprenant une partie habitable et des dépendances sur environ 1 ha 500». Après avoir récapitulé aussi bien les points positifs de ce bien (ancien moulin authentique, cadre bucolique, dépendance à développer, étang, cascade d'eau) que les points négatifs (toiture sur une dépendance à refaire, une dépendance entièrement à reconstruire, remise en état de l'ensemble des bâtiments), l'agent immobilier conclut à une valeur du bien de "80 000/90 000 €".
Dans une attestation de valeur locative du 29 mai 2015, l'agent immobilier ORDIM G&T conclut à une valeur locative mensuelle du bien de 550 € (pièce numéro 6 du même dossier).
Dans une attestation subséquente du 23 octobre 2020 (pièce numéro 14), cette même agence immobilière propose une «valeur locative mensuelle de l'ensemble immobilier de 500 €».
Madame [S] soutient, sans toutefois aucune preuve tangible à l'appui d'une telle allégation, que les deux avis de valeur précités auraient été réalisés par des agents immobiliers qui seraient restés à l'extérieur de la propriété, sans visiter l'intérieur de celle-ci.
Elle produit, en cause d'appel, une attestation rédigée le 18 novembre 2021 par l'agence immobilière ORPI de Cosne Sur Loire retenant une «valeur locative de 0 € par mois» au motif que la propriété «n'est pas louable en l'état» dès lors qu'il convient de terminer l'isolation de la maison, que les fenêtres et les portes sont à changer, qu'une baie vitrée doit être posée, que les sols ne sont pas terminés ou à refaire et que le chauffage est à revoir et l'électricité n'est pas aux normes (pièce numéro 8 de son dossier).
Toutefois, l'appelante n'apparaît pas fondée à invoquer l'état actuel des lieux en raison des travaux qu'elle y a unilatéralement entrepris pour conclure à l'absence de valeur locative de ces derniers, alors même qu'elle n'avait produit aucune attestation contraire aux évaluations précitées réalisées en 2015 et 2020.
C'est en conséquence par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal de première instance, après avoir relevé qu'en dépit de l'état des finitions intérieures, l'immeuble indivis était un ancien moulin authentique doté d'un vaste terrain avec piscine, a retenu une valeur locative de 500 € et, compte tenu de la part de la propriété détenue par Madame [S] (soit 17 %) une indemnité d'occupation mensuelle devant être mise à la charge de cette dernière à compter du mois de mars 2015 d'un montant de 415 €.
La décision du tribunal devra donc être confirmée sur ce point.
II) sur les autres demandes :
L'appelante sollicite également l'infirmation du jugement entrepris en ce que ce dernier, après avoir retenu qu'elle avait réalisé un blocage persistant à la résolution amiable du litige en violation manifeste des libertés et des droits élémentaires des intimés, a considéré qu'elle s'était rendue coupable de résistance abusive, justifiant sa condamnation au paiement d'une indemnité évaluée à 3 000 €.
Il résulte des pièces 10 à 13 du dossier des intimés que ces derniers, par l'intermédiaire de leur conseil, ont sollicité de Madame [S] le versement d'une indemnité d'occupation dès le 12 février 2016, sans que cette dernière ne donne suite à de telles demandes réitérées.
Dès lors, la résistance abusive de Madame [S] a été retenue à juste titre par le premier juge, lequel a par ailleurs évalué à la juste somme l'indemnité devant revenir aux intimés à titre de dommages-intérêts.
En cause d'appel, Madame [S] sollicite en outre la condamnation in solidum des intimés à lui verser la somme de 4 880,40 € au titre de leur contribution aux impôts fonciers applicables au bien indivis, faisant valoir qu'elle assume seul le règlement de la taxe foncière depuis l'année 2015.
Toutefois, il résulte des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile qu' «à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait» et «les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent» et «les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire».
La demande formée en cause d'appel par Madame [S] au titre de la contribution des co- indivisaires au paiement des taxes foncières applicables à l'immeuble indivis apparaît comme étant nouvelle, comme n'ayant pas été soumise à l'appréciation du premier juge, et ne saurait correspondre aux exceptions limitativement prévues par les textes ci-dessus rappelés.
C'est en conséquence à juste titre que les intimés soutiennent qu'une telle demande doit être déclarée irrecevable.
Le jugement dont appel sera, ainsi, confirmé en l'intégralité de ses dispositions, sans que l'équité ne commande en outre de condamner Madame [S] ' bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale selon décision du bureau d'aide juridictionnelle du 7 septembre 2021 ' au paiement d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour
' Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris
Y ajoutant
' Déclare irrecevable la demande formée par [Y] [S] au titre du paiement des impôts fonciers afférents au bien indivis situé [Adresse 5]
' Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
' Dit que les entiers dépens d'appel seront à la charge de [Y] [S] et recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
L'arrêt a été signé par M. WAGUETTE , Président et par Mme MAGIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
S. MAGISL. WAGUETTE