CR/MMC
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- la SCP ROUAUD & ASSOCIES
LE : 08 SEPTEMBRE 2022
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022
N° - Pages
N° RG 21/00787 - N° Portalis DBVD-V-B7F-DL4L
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de CHATEAUROUX en date du 21 Mai 2021
PARTIES EN CAUSE :
I - S.A. CREATIS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social :
[Adresse 6]
[Localité 5]
N° SIRET : 419 446 034
Représentée par la SCP ROUAUD & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANTE suivant déclaration du 19/07/2021
II - M. [S] [K]
né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 4]
- Mme [W] [L]
née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Non représentés
Auxquels la déclaration d'appel a été signifiée suivant acte d'huissier du 08/09/2021 remise à étude et des conclusions suivant acte d'huissier du 18/10/2021, remis à personne
INTIMÉES
08 SEPTEMBRE 2022
N° /2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CIABRINI, Conseiller chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WAGUETTEPrésident de Chambre
M. PERINETTIConseiller
Mme CIABRINIConseiller
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme GUILLERAULT
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ARRÊT : RENDU PAR DÉFAUT
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSÉ :
Selon offre préalable de crédit acceptée le 3 mars 2015, la SA Creatis a consenti à M. [S] [K] et Mme [W] [L] un contrat de regroupement de crédit pour un montant de 19.100 euros, payable en 144 mensualités.
Se prévalant d'échéances impayées, la SA Creatis a adressé le 3 août 2020 un courrier recommandé avec demande d'avis de réception (reçu le 5 août 2020 pour M. [K] et revenu avec la mention 'pli avisé non réclamé' pour Mme [L]) mettant les débiteurs en demeure de régler l'arriéré dans un délai de trente jours.
Faute de règlement, la SA Creatis a prononcé la déchéance du terme et l'a notifiée à M. [K] et Mme [L], le 18 septembre 2020, par courriers recommandés avec demande d'accusé de réception qui ont tous deux été retournés en raison d'un 'refus à l'adresse'.
Suivant acte d'huissier en date du 9 février 2021, la SA Creatis a fait assigner M. [K] et Mme [L] devant le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Châteauroux aux fins principales de les voir solidairement condamnés au paiement de la somme de 16.774,48 euros en capital, intérêts échus et indemnité conventionnelle outre intérêts de retard au taux contractuel de 7,30% à compter de la mise en demeure ;
M. [K] et Mme [L] n'ont pas comparu ni ne se sont fait représenter.
Par jugement réputé contradictoire du 21 mai 2021, le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Châteauroux a :
Prononcé en totalité la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la SA Creatis au titre du prêt personnel de regroupement de crédits conclu avec M. [K] et Mme [L], le 3 mars 2015,
Condamné solidairement M. [K] et Mme [L] à verser à la SA Creatis la somme de 8.566,67 euros, outre intérêts légaux à compter du 9 février 2021,
Dit n'y avoir lieu à majoration du taux de l'intérêt légal en application de l'article L.313-3 du Code monétaire et financier,
Rejeté le surplus des demandes,
Condamné in solidum M. [K] et Mme [L] aux dépens,
Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du présent jugement.
Le juge des contentieux de la protection a notamment retenu que le juge ne pouvait être irrecevable à soulever une cause de nullité ou de déchéance du droit aux intérêts en raison de la prescription quinquennale applicable, que la SA Creatis ne justifiait pas avoir remis aux emprunteurs de notice d'assurance, et que la nécessité d'assurer l'effectivité de la sanction constituée par la déchéance du droit aux intérêts commandait d'écarter la majoration de cinq points du taux légal d'intérêt.
La SA Creatis a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 19 juillet 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 12 octobre 2021, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'elle développe, la SA Creatis demande à la Cour, au visa des articles 1134, 1147, 1347, 1902 anciens du code civil, L311-1 et suivants du code de la consommation et L313-13 du code monétaire et financier, de :
Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté,
Y faisant droit,
A titre principal,
Réformer le jugement rendu le 21 mai 2021 par le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Châteauroux en ce qu'il a :
- Prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA Creatis au motif que la remise effective de la notice d'assurance n'est pas rapportée,
- Condamné M. [K] et Mme [L] à payer solidairement à la SA Creatis la somme de 8.566,67 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2021,
- Débouter la SA Creatis de sa demande au titre de l'indemnité conventionnelle, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de sa demande au titre de la capitalisation des intérêts,
Condamner en conséquence solidairement M. [K] et Mme [L] à payer et porter à la SA Creatis les sommes suivantes, arrêtées au 4 janvier 2021 :
Capital restant dû 14.145,52 €
Intérêts 1.497,32 €
Indemnité conventionnelle 1.131,64 €
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Total 16.774,48 €
Outre frais et intérêts de retard au taux contractuel de 7,30 % à compter de la mise en demeure et jusqu'à parfait paiement.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait confirmer la déchéance du droit aux intérêts,
Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à la majoration du taux de l'intérêt légal en application de l'article L313-3 du code monétaire et financier,
Assortir en conséquence toute condamnation en paiement à leur encontre des intérêts au taux légal, avec majoration de cinq points en application des dispositions de l'article L313-3 du Code Monétaire et Financier,
En tout état de cause,
Ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du Code Civil,
Les condamner in solidum à payer et porter à la SA Creatis la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Les condamner in solidum aux entiers dépens,
Dire que, dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le Jugement à intervenir, l'exécution devra être réalisée par l'intermédiaire d'un Huissier de Justice, le montant des sommes retenues par l'Huissier, en application de l'article R444-55 du Code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l'application de l'article 700 du Code de procédure civile, l'article L111-8 du Code des procédures civiles d'exécution ne prévoyant qu'une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.
M. [K] et Mme [L] n'ont pas constitué avocat devant la Cour.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 avril 2022.
MOTIFS :
Sur la demande principale de paiement présentée par la SA Creatis :
Sur la prescription du moyen soulevé d'office par le premier juge
La SA Creatis invoque les dispositions de l'article L110-4 du Code de commerce, prévoyant que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes, pour affirmer, d'une part, que l'emprunteur n'est recevable à soulever les moyens tendant à la déchéance du droit aux intérêts que dans la mesure où il n'a pas dépassé ce délai quinquennal à compter du jour où il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et, d'autre part, qu'il ne saurait être octroyé plus de pouvoirs au juge qu'aux parties au litige.
Aux termes de l'article 71 du Code de procédure civile, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.
Aux termes de l'article 64 du Code de procédure civile, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.
Selon un avis de la Cour de cassation en date du 18 septembre 2019 (19-70013), en ce qu'il tend à faire rejeter comme non justifiée la demande en paiement du prêteur ayant consenti un crédit à la consommation, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts opposé par l'emprunteur constitue une défense au fond.
Toutefois, si l'invocation de la déchéance du droit aux intérêts tend à la restitution d'intérêts trop perçus, elle s'analyse en une demande reconventionnelle, en ce qu'elle procure à l'emprunteur un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.
Dans la mesure où des échéances ont bien été réglées par les emprunteurs, s'ils avaient soulevé ce moyen, l'article L110-4 du Code de commerce aurait pu leur être opposé.
Cependant, c'est le juge qui a soulevé d'office ce moyen tiré de la déchéance des intérêts, et non une partie.
Or, il convient de rappeler à cet égard, tout d'abord, que le juge a tiré de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 le pouvoir de relever d'office des moyens de droit en matière de droit de la consommation, et que cette loi n'a enfermé l'office du juge en la matière dans aucun délai.
L'article R632-1 du code de la consommation énonce ainsi que le juge peut relever d'office toutes les dispositions dudit code dans les litiges nés de son application. Il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat. Aucune limite temporelle n'est posée par ce texte au pouvoir accordé au juge en cette matière.
Il doit ensuite être observé que la prescription invoquée par la SA Creatis ne s'applique qu'aux parties au litige et non au juge qui, lorsqu'il relève un moyen de droit, ne présente aucune demande, mais prend une initiative visant à faire respecter la loi qui ne peut en aucun cas être déclarée irrecevable, ainsi que l'impliquerait l'application des règles de prescription. Une telle prescription ne peut s'appliquer qu'à une action en justice et à la demande reconventionnelle présentée en réponse à cette action, et non au juge chargé de trancher le litige au regard des règles de droit applicables.
Par ailleurs, à la supposer opposable aux moyens relevés d'office par le juge, le point de départ du délai lié à l'application d'une éventuelle règle de prescription opposable au juge ne pourrait être fixé qu'au moment où le juge prend connaissance du contrat irrégulier et non au moment de la signature du contrat, dont il ne peut par définition avoir eu connaissance avant de se voir soumettre le litige.
Enfin, la compensation, par l'initiative du juge de relever d'office les moyens tirés du Code de la consommation, d'une situation d'inégalité du consommateur par rapport au professionnel est nécessaire au regard des objectifs visés par les directives européennes protégeant les consommateurs (voir en ce sens CJUE 21 avril 2016, aff. C-377/14 ; 16 novembre 2016, aff. C-42/15). Le droit interne ne peut interdire au juge d'exercer son office en la matière à l'expiration d'un certain délai (cf CJCE 21 novembre 2002, aff. C-473/00, Cofidis).
Sur l'absence de preuve de la remise de notice d'assurance
L'article L311-48 ancien du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, prévoit que le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par les articles L. 311-6 ou L. 311-43, sans remettre et faire signer ou valider par voie électronique la fiche mentionnée à l'article L. 311-10, ou sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-11, L. 311-12, L. 311-16, L. 311-18, L. 311-19, L. 311-29, le dernier alinéa de l'article L. 311-17 et les articles L. 311-43 et L. 311-46, est déchu du droit aux intérêts.
Aux termes de l'article L311-6 ancien du Code de la consommation, en sa rédaction applicable à la cause, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.
L'article précise en son dernier alinéa que lorsque le prêteur offre à l'emprunteur ou exige de lui la souscription d'une assurance, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit informe l'emprunteur du coût de l'assurance en portant à sa connaissance les éléments mentionnés à l'article L. 311-4-1.
Aux termes de l'article L311-19 ancien du Code de la consommation, en sa rédaction applicable à l'espèce, lorsque l'offre de contrat de crédit est assortie d'une proposition d'assurance, une notice doit être remise à l'emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l'assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l'assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus. Si l'assurance est exigée par le prêteur pour obtenir le financement, la fiche d'informations mentionnée à l'article L311-6 et l'offre de contrat de crédit rappellent que l'emprunteur peut souscrire une assurance équivalente auprès de l'assureur de son choix. Si l'assurance est facultative, l'offre de contrat de crédit rappelle les modalités suivant lesquelles l'emprunteur peut ne pas y adhérer.
Il est constant qu'il appartient au prêteur prétendant obtenir paiement des intérêts au taux conventionnel d'établir qu'il a satisfait aux formalités d'ordre public prescrites par le code de la consommation.
La Cour de justice de l'Union européenne, dont les décisions s'imposent aux juridictions nationales, a notamment dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent, d'une part, à une réglementation nationale selon laquelle la charge de la preuve de la non-exécution des obligations prescrites aux articles 5 (informations précontractuelles délivrées à l'emprunteur) et 8 (obligation du prêteur d'évaluer la solvabilité du consommateur) de cette directive repose sur le consommateur et, d'autre part, à ce qu'en raison d'une clause-type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48.
La même juridiction a précisé qu'une telle clause-type constitue un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents.
Le prêteur ne peut ainsi établir la preuve du respect de ses obligations par la seule présence d'une clause contractuelle emportant reconnaissance par l'emprunteur de l'accomplissement de celles-ci sans produire les justificatifs correspondants.
En l'espèce, la SA Creatis produit, au soutien de ses demandes, un exemplaire du contrat de regroupement de crédits signé par M. [K] et Mme [L] et daté du 3 mars 2015, mentionnant que ceux-ci reconnaissent «avoir reçu, pris connaissance et conservé préalablement à la conclusion du contrat d'assurance, l'information précontractuelle prévue à l'article L112-2-1.III du code des assurances, ainsi qu'un exemplaire de la notice d'information [...]». (pièce appelante n°1)
Il ne peut qu'être observé, en réponse à l'argumentation développée par la SA Creatis aux termes de laquelle il appartiendrait aux emprunteurs de démontrer que la reconnaissance par la mention-type précitée de la remise de la notice est erronée ou mensongère ou de contester la conformité de son contenu «notamment en versant aux débats la notice restée en leur possession», qu'une telle production aux débats est difficilement concevable dans l'hypothèse, précisément, d'un défaut de remise de cette notice et serait en outre incompatible avec la réglementation européenne ci-dessus rappelée. Il ne peut être considéré, au vu des principes précédemment rappelés, que la
SA Creatis rapporte la preuve de la remise de la notice d'assurance aux emprunteurs par la seule apposition de la signature de ceux-ci au-dessus de la mention pré-imprimée ci-dessus reproduite.
Il ne saurait en conséquence être estimé que la SA Creatis se soit acquittée des obligations légales qui lui incombaient dans ses rapports contractuels avec M. [K] et Mme [L].
En considération de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la SA Creatis.
Sur la demande subsidiaire relative aux intérêts à échoir et la demande de capitalisation des intérêts présentées par la SA Creatis :
Aux termes de l'article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
Aux termes de l'article L313-3 du Code monétaire et financier , en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision.
Toutefois, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant.
L'article 23 de la directive 2008/48 CE concernant les contrats de crédit aux consommateurs prévoit que les Etats membres définissent le régime de sanctions nationales applicables en cas de violation des dispositions nationales transcrivant ladite directive. Ils prennent toutes les mesures nécessaires à ce que les sanctions soient effectives, proportionnées et dissuasives.
Dans un arrêt du 27 mars 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que cet article 23 s'opposait à l'application d'intérêts au taux légal, lesquels sont en outre majorés de plein droit deux mois après le caractère exécutoire d'une décision de justice prononçant la déchéance du droit aux intérêts, si les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l'application de la sanction de la déchéance des intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s'il avait respecté ses obligations.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, nonobstant la déchéance du droit aux intérêts contractuels, ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont la SA Creatis pourrait bénéficier si elle avait respecté ses obligations découlant de cette directive.
C'est ainsi par une exacte appréciation, par application directe des dispositions de l'article 23 de la directive 2008/48 du Parlement européen et du Conseil et de la jurisprudence en la matière, que le juge de première instance a écarté l'application des dispositions de l'article L313-3 du code monétaire et financier, considérant que celle-ci reviendrait à priver la sanction de la déchéance du droit aux intérêts de son caractère effectif et dissuasif. Cette application directe de la directive précitée, en ce qu'elle est de nature à assurer la protection effective des consommateurs prévue par cette directive, relève bien des attributions du juge du fond.
De surcroît, dans la mesure où la mise à l'écart de l'article L. 313-3 du Code monétaire et financier n'est pas faite en application des termes de celui-ci mais plus directement de l'application de la directive européenne sus énoncée et de la jurisprudence de la CJUE citée, il ne saurait être retenu une quelconque incompétence du juge de première instance.
Il ne revient pas en outre à la Cour d' 'établir', comme le soutient l'appelante, que les montants susceptibles d'être effectivement perçus par la SA Creatis au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, nonobstant la déchéance du droit aux intérêts contractuels, ne seraient pas significativement inférieurs à ceux dont elle pourrait bénéficier si elle avait respecté ses obligations, mais de procéder à cette appréciation en fonction des éléments produits aux débats, notamment le capital emprunté, le taux d'intérêts contractuel, le taux d'intérêts légal et les montants sollicités par l'appelante. Une telle appréciation conduit à considérer que le taux légal majoré de cinq points ne serait pas significativement inférieur au taux contractuel de 7,30 % au point de constituer une sanction appropriée aux manquements de la SA Creatis dans ses rapports contractuels avec les emprunteurs, quel que soit le montant des sommes auxquelles ces taux d'intérêts seraient susceptibles d'être appliqués.
Enfin, l'application des dispositions de l'article L311-48 ancien du code de la consommation empêche d'accueillir la demande de capitalisation des intérêts présentée par la SA Creatis sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil, le prêteur déchu du droit aux intérêts conventionnels ne pouvant réclamer que le remboursement du capital restant dû et des éventuels intérêts échus restant dus, à l'exclusion de toute autre somme.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé sur ce point.
Sur l'article 700 et les dépens :
L'équité et la prise en considération de la situation économique respective des parties, ainsi que l'issue donnée au litige par la présente décision, ne commandent pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. La SA Creatis, partie succombante, conservera en conséquence la charge des sommes sollicitées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. En l'espèce, la SA Creatis, partie succombante en toutes ses prétentions développées en appel, devra supporter la charge des dépens de l'instance d'appel.
Le jugement entrepris sera par ailleurs confirmé de ces chefs.
Il n'y a enfin pas lieu de dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le Jugement à intervenir, l'exécution devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, ni que le montant des sommes retenues par l'huissier, en application de l'article R444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par les débiteurs. En effet cette demande, s'inscrivant dans l'hypothèse où les emprunteurs ne régleraient pas spontanément les sommes dues et où la SA Creatis serait contrainte de recourir à des procédures d'exécution forcée, ne procède pas d'un intérêt né et actuel qui la rendrait recevable et relèvera, le cas échéant, du juge de l'exécution susceptible d'être saisi de telles difficultés. Elle sera donc écartée par application des dispositions de l'article 31 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et y ajoutant,
REJETTE toutes autres demandes, plus amples ou contraires ;
DIT n'y avoir lieu de décider qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le Jugement à intervenir, l'exécution devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, ni que le montant des sommes retenues par l'huissier, en application de l'article R444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par les débiteurs ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SA Creatis aux dépens de l'instance d'appel.
L'arrêt a été signé par M. WAGUETTE , Président et par Mme MAGIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
S. MAGISL. WAGUETTE