COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- SCP AVOCATS CENTRE
- SELARL AVELIA AVOCATS
LE : 04 MAI 2023
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 04 MAI 2023
N° - Pages
N° RG 22/00538 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DORJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal judiciaire de Châteauroux en date du 19 Avril 2022
PARTIES EN CAUSE :
I - Mme [F] [H]
née le 26 Mars 1942 à [Localité 8] ([Localité 3])
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANTE suivant déclaration du 20/05/2022
II - M. [A] [O]
né le 17 Février 1955 à [Localité 12]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représenté par la SELARL AVELIA AVOCATS, avocat au barreau de CHATEAUROUX
timbre fiscal acquitté
INTIMÉ
III - Mme [G] [H] épouse [B]
née le 11 Juin 1939 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 1]
non représentée
à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 21/06/2023 et le 12/08/2023, suivant actes d'huissier remis à étude
INTIMÉE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CLEMENT Présidente de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT
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ARRÊT : RENDU PAR DEFAUT
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSE DU LITIGE
Par testament olographe du 21 avril 2009, déposé le 27 mai 2009 en l'étude de Maître [U], Notaire à CAGNES-sur-MER (06), Mme [N] [H] veuve [K], artiste peintre, a institué légataire universel M. [S] [H], son frère, et en cas de prédécès conjointement Mme [C] [I] épouse [O] et le fils de celle-ci, M. [A] [O]. Le testament précisant que le ou les légataires devraient délivrer les legs suivants : sa maison, à la Mairie de Cagnes-sur-mer, et deux garages à M et Mme [M].
Par testament authentique reçu le 19 avril 2011 reçu par Maîtres [Y] et [E] [Z], notaires à [Localité 11] (06), Mme [H] a institué comme légataire universel M. [S] [H] ou en cas de prédécès, M.[A] [O]. Elle rappelait dans ce testament que par acte du 18 novembre 2010, elle avait fait donation de sa maison à la Mairie de [Localité 8] et qu'elle voulait imposer que la commune organise chaque année pendant cinq ans une exposition de ses oeuvres, puis une exposition commémorative à l'occasion du dixième anniversaire de son décès, et désignait pour ce faire un exécuteur testamentaire, Maître Pont, avocat à [Localité 11].
Par testament olographe du 30 juin 2012, Mme [H] a institué son neveu, M. [T] [W] et ses nièces, Mmes [G] et [F] [H], bénéficiaires de ses contrats d'assurance-vie à hauteur de 40 % pour le premier et de 30 % chacune pour Mmes [H].
Mme [N] [H] a été placée sous tutelle en 2014 .
Elle est décédée le 15 avril 2019, sans héritier réservataire.
Les contrats d'assurance-vie ayant été résiliés avant le décès, le testament du 30 juin 2012 est devenu sans objet.
Par acte du 6 octobre 2020, Mme [G] [H] épouse [B] et Mme [F] [H] veuve [J] ont fait assigner M. [A] [O] devant le tribunal judiciaire de Châteauroux en nullité du testament authentique du 19 avril 2011, faisant valoir que leur tante était atteinte d'une pathologie démentielle à l'époque de la signature du testament litigieux, selon des certificats médicaux des 12 janvier 2014 et 16 juin 2016 faisant état d'un processus ancien et évolué.
Par jugement du 19 avril 2022, le tribunal judiciaire de Châteauroux a déclaré irrecevables les demandes de Mme [G] et [F] [H] pour défaut de qualité et d'intérêt à agir en rappelant que seuls les successibles universels légaux testamentaires ont qualité à agir et qu'en outre l'annulation sollicitée du testament du 19 avril 2011 ferait retrouver à celui du 21 avril 2009, son plein effet, lequel instituait déjà M. [O] comme légataire universel et ne prévoyait aucun legs au profit de Mmes [H], de sorte que celles-ci n'auraient donc aucun droit en cas d'annulation du testament litigieux.
Le jugement a en outre condamné Mmes [H] aux dépens et à verser à M. [O] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [F] [H] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 20 mai 2022 en tous les chefs du jugement, expressément repris dans la déclaration d'appel.
Elle demande à la cour par conclusions signifées le 20 décembre 2022 à la lecture desquelles il est fait référence en application de l'article 455 du code de procédure civile pour plus ample exposé, de :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de Mmes [H] et les a condamnées à payer à M. [O] une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
- Statuant à nouveau :
-Déclarer Mme [H] veuve [J] recevable et bien fondée en son action,
-Prononcer la nullité du testament 'authentique' (sic) de Mme [N] [H] du 21 avril 2009,
-Prononcer la nullité du testament authentique de Mme [N] [H] du 19 avril 2011,
-Débouter M. [O] de toutes ses demandes,
-Condamner M. [O] à payer à Mme [H] veuve [J] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'appelante fait tout d'abord grief au jugement d'avoir soulevé d'office la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir sans inviter les parties à présenter leurs observations, le fait que le tribunal ait invité oralement à l'audience les parties à formuler des observations sur la qualité et l'intérêt à agir des demanderesses par une note en délibéré 'était loin d'être clair' .
Sur le fond, elle soulève désormais également la nullité du premier testament, rendant sa demande recevable dès lors qu'en sa qualité de nièce, elle est héritière de Mme [N] [H].
Dans ses conclusions signifiées le 2 novembre 2022, M. [A] [O] demande à la cour de :
- Confirmer le jugement ;
- A titre subsidiaire, juger que l'appelante n'apporte pas la preuve de l'insanité d'esprit de la testatrice ;
- Condamner Mme [F] [H] au paiement d'une indemnité complémentaire de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'intimé soulève l'irrecevabilité de la demande en nullité du premier testament du 21 avril 2009 comme étant nouvelle en appel.
Sur le fond, il fait valoir que certains faits démontrent que Mme [N] [H] était en pleine possession de ses facultés, notamment au regard de l'expression de ses volontés quant aux expositions à organiser chaque année, de la manifestation du 15 septembre 2012 pour le dévoilement de la plaque commémorative en son hommage et du testament du 30 juin 2012, gratifiant l'appelante et sa soeur.
Mme [G] [H], intimée, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2023.
MOTIFS
L'appelante, qui fait grief au premier juge de ne pas avoir sollicité les observations des parties sur le moyen soulevé d'office du défaut d'intérêt à agir, n'en déduit pour autant aucune conséquence procédurale, ne sollicitant pas l'annulation du jugement pour violation de l'article 16 du code de procédure civile.
La cour n'est donc pas saisie de ce moyen, non repris dans le dispositif des conclusions de l'appelante, étant au surplus observé que le jugement mentionne de manière claire que ' le tribunal sollicite les observations des parties sur la qualité et l'intérêt des demanderesses à agir en nullité du testament du 19 avril 2011 compte tenu de l'existence de celui du 21 avril 2009 et autorise des notes en délibéré à ce sujet', ce qui signifie sans ambiguïté qu'il entendait éventuellement soulever d'office une telle fin de non recevoir, les parties étant en mesure d'en débattre contradictoirement par notes en délibéré.
M. [O] soulève l'irrecevabilité de la demande en nullité du testament du 21 avril 2009, constituant selon lui une demande nouvelle en appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile selon lequel « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
Mme [H] réplique que cette demande est recevable par application de l'article 566 du code de procédure civile et que le premier juge a lui-même lié le testament du 21 avril 2009 à celui du 19 avril 2011.
Selon l'article 566 du code de procédure civile, « les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire', ce qui est le cas en l'espèce, de sorte que l'irrecevabilité alléguée par l'intimé doit être écartée.
En effet, la demande en nullité du testament du 21 avril 2009 est le complément nécessaire de celle relative au testament du 19 avril 2011, en ce que Mme [F] [H] dispose d'un intérêt à agir en nullité des deux testaments dans la mesure où en l'absence de tout testament, elle a vocation à hériter de Mme [N] [H] en sa qualité de nièce.
L'appelante est donc désormais en appel, recevable en ses demandes en nullité, de sorte que le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande fondée sur l'article 901 du code civil
Aux termes de l'article 901 du code cvil, ' Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. (...).'
A l'appui de sa demande, l'appelante produit un certificat médical du 12 janvier 2014 établi à la demande de M. [W], neveu de Mme [H], et destiné à introduire une requête aux fins de mise sous protection. L'examen établit l'existence d'une altération nette des fonctions supérieures justifiant une mesure de tutelle. Le processus est qualifié d'ancien. Il est noté qu'à la date de l'examen, Mme [H] est âgée de 94 ans.
Le médecin qui a établi ce certificat l'a complété par un certificat du 16 juin 2016 aux termes duquel il précise que 'les troubles observés à cette date là [12 janvier 2014] témoignaient d'un processus non seulement évolué mais aussi ancien, pouvant remonter à quelques années avant notre examen, sans pouvoir au jour de l'examen, en l'état des connaissances scientifiques et médicales actuelles être datables de façon précise'.
Dès lors, ainsi que le fait valoir l'intimé, ces deux certificats ne permettent pas d'établir que Mme [H] n'était pas saine d'esprit lorsqu'a été reçu le testament authentique du 19 avril 2011, soit 3 ans auparavant, et a fortiori lorsqu'elle a établi le testament du 21 avril 2009.
M. [O] produit pour sa part un certificat médical du 18 avril 2011 du médecin traitant de Mme [X] [H] attestant qu'elle 'présente un état psychique et psychologique l'autorisant à prendre toutes décisions pour les actes de la vie ordinaire et la gestion de ses affaires et biens.' Il est vraisemblable qu'elle avait pris la peine de se rendre chez son médecin pour établir qu'elle avait la pleine capacité à tester, puisqu'elle ira chez ses notaires 3 jours après et dictera son testament.
Dans le testament du 21 avril 2011, les notaires mentionnent que Mme [N] [H] paraît 'pleinement lucide et saine d'esprit ainsi qu'il est apparu'. Si cette appréciation peut être combattue par la preuve contraire, non rapportée en l'espèce, il est au surplus constaté que le testament est extrêmement précis et contient, outre des dispositions dictées concernant ses biens, celles relatives à ses volontés concernant l'organisation d'expositions annuelles de ses oeuvres pendant cinq ans suivant son décès, 'soit dans l'immeuble donné , soit dans la maison des artistes, Place du [Localité 10]' puis la tenue d'une exposition commémorative à l'occasion du 10ème anniversaire de son décès.
L'année suivante, en septembre 2012, lors de la cérémonie de dévoilement de la plaque commémorative, Mme [N] [H] répond aux journalistes sur sa vie et ses oeuvres.
Puis par courrier du 23 mai 2013 adressé au maire de [Localité 8], Mme [H] modifie ses volontés en indiquant qu'une exposition peut n'avoir lieu que tous les deux ans et non tous les ans, ' la prochaine en 2014, la suivante en 2016 etc...', signe que Mme [N] [H] n'est pas atteinte à cette période, de confusion dans les chiffres et les années.
Enfin, il est constaté que Mme [H] effectuait des dons manuels par chèques en 2012 : 20 000 € à son neveu en juin 2012, 10 000 € à chacune de ses nièces le 7 juillet 2012, 4 000 € à chacun d'eux le 26 juillet 2013.
Dans la même période, le 30 juin 3012, elle rédigeait un testament concernant ses assurances vie, réparties entre M. [W] à concurrence de 40 % et chacune de ses nièces à concurrence de 30 %, en précisant ' tout en maintenant les dispositions testamentaires antérieures prises au profit de mon frère, M. [S] [H] demeurant à [Adresse 9]. Telles sont mes dernières volontés. Fait, écrit , daté et signé en entier de ma main, sain de corps et d'esprit'. Il se déduit du contenu même de ce testament que Mme [H] était en possession de ses facultés lors de sa rédaction.
Ce n'est que deux ans plus tard, en 2014, qu'une procédure de mise sous protection a été engagée.
Il ressort ainsi de l'ensemble des pièces du dossier que la preuve d'une insanité d'esprit de Mme [N] [H] veuve [K] en 2011 pas plus a fortiori en 2009 n'est nullement rapportée.
Il convient en conséquence de débouter Mme [F] [H] veuve [J] de sa demande en nullité des deux testaments.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance sont confirmées.
Mme [F] [H] veuve [J], qui succombe en son appel, sera condamnée aux dépens d'appel et versera à M. [O] une somme de 2 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens mais l'INFIRME en ce qu'il a déclaré les demandes de Mme [F] [H] irrecevables ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
DECLARE recevable la demande de Mme [F] [H] veuve [J] en nullité des testaments du 21 avril 2009 et du 21 avril 2011 ;
La DIT mal fondée ;
DEBOUTE Mme [F] [H] veuve [J] de sa demande en nullité des deux testaments ;
CONDAMNE Mme [F] [H] veuve [J] à payer à M. [A] [O] la somme de 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;
CONDAMNE Mme [F] [H] veuve [J] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
En l'absence du Président empêché, l'arrêt a été signé par R.PERINETTI, Conseiller le plus ancien ayant participé au délibéré et par S. MAGIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Conseiller,
S.MAGIS R.PERINETTI