OC/SM
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- Me Gwendoline VILDY
- la SCP AVOCATS CENTRE
LE : 25 MAI 2023
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 25 MAI 2023
N° - Pages
N° RG 22/00838 - N° Portalis DBVD-V-B7G-DPIT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal judiciaire de BOURGES en date du 30 Juin 2022
PARTIES EN CAUSE :
I - M. [I] [U]
né le 07 Décembre 1957 à SAIGON (VIETNAM)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Gwendoline VILDY, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANT suivant déclaration du 08/08/2022
II - M. [P] [U]
né le 01 Janvier 1935 à SAÏGON
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par la SCP AVOCATS CENTRE, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
INTIMÉ
25 MAI 2023
N° /2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CIABRINI, Conseillère chargée du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CLEMENT Présidente de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme MAGIS
***************
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
**************
EXPOSE DU LITIGE
M. [P] [U] et Mme [G] [B] ont eu quatre enfants dont M. [I] [U].
De novembre 2017 jusqu'à son décès le 25 novembre 2019, Mme [B] a résidé chez son fils [I] [U].
Par acte du 21 septembre 2021, M. [I] [U] a fait assigner M. [P] [U], son père au visa des articles 1303,1303-4 et 212 du code civil en paiement d'une somme de 72 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 16 août 2021, date de la mise en demeure et capitalisation des intérêts, faisant valoir qu'il s'est occupé quotidiennement de sa mère jusqu'à son décès du fait que M. [P] [U] n'apportait aucune assistance à son épouse, contrairement au devoir de secours découlant du mariage et qu'il s'est ainsi enrichi tandis que lui-même s'est appauvri.
M. [I] [U] sollicitait subsidiairement que lui soit reconnu une créance d'assistance envers la succession de sa mère.
Par jugement du 30 juin 2022, le tribunal judiciaire de Bourges a débouté M. [I] [U] de sa demande et l'a condamné à verser à M. [P] [U] une somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la demande principale, le tribunal a dit que M. [I] [U] ne rapportait pas la preuve de son appauvrissement dû à la prise en charge de sa mère, comme d'un enrichissement corrélatif de son père.
Sur la demande subsidiaire, il a estimé que M. [I] [U] n'explicitait pas en quoi sa mère se serait enrichie à son détriment, élément essentiel pour établir l'existence à son profit d'une créance à l'encontre de la succession et qu'en tout état de cause, la demande était dirigée contre M. [P] [U] et non contre la succession entière dont la composition n'était pas connue du tribunal.
M. [I] [U] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 8 août 2022 en tous ses chefs, expressément critiqués dans la déclaration.
Par conclusions signifiées le 12 janvier 2023, aux quelles il est renvoyé en application de l'article 455 du code de procédure civile pour plus ample exposé, M. [I] [U] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement
- Condamner M. [P] [U] à lui payer la somme de 72 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 16 août 2021, date de la mise en demeure et anatocisme ;
- Condamner M. [P] [U] à lui payer une somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et 3 000 € en appel, ainsi qu'aux dépens ;
-Débouter M [P] [U] de ses demandes.
M.[I] [U], rappelant que le devoir de secours auquel est tenu un époux envers l'autre en vertu de l'article 205 du code civil prime l'obligation alimentaire due par les enfants, fait valoir qu'en l'espèce, M. [P] [U] avait les moyens de subvenir seul aux besoins de sa femme et que lui-même n'était pas obligé à la dette envers sa mère.
Il précise que sa mère n'avait pas accès aux comptes bancaires communs du couple et qu'elle n'a reçu que la somme de 900 € de son mari.
Par conclusions signifées par RPVA le 2 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 du code de procédure civile pour plus ample exposé, M. [P] [U] demande à la cour de :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- Condamner M. [I] [U] à lui verser une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Le condamner aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023.
MOTIFS
Sur le fondement des articles 1303-1 et suivants du code civil relatifs à l'enrichissement injustifié, le devoir moral d'un enfant envers ses parents n'exclut pas qu'il puisse obtenir une indemnité pour l'aide et l'assistance qu'il leur a apportée dans la mesure où, ayant excédé les exigences de la piété filiale, les prestations fournies ont réalisé à la fois un appauvrissement pour l'enfant et un enrichissement corrélatif des parents.
En l'espèce, M. [I] [U] fait valoir que sa mère, qui n'était plus autonome pour réaliser les actes de la vie courante et qui ne recevait pas d'aide de la part de son mari, a quitté le domicile conjugal le 11 novembre 2017, qu'il l'a hebergée jusqu'à son décès le 25 novembre 2019, qu'il n'était pas obligé à la dette alimentaire envers sa mère du fait que son père, M. [P] [U] avait les moyens de subvenir aux besoins de son épouse, que ce dernier, qui détenait l'ensemble des moyens de paiement sur les différents comptes du couple, aurait dû assumer des charges importantes, dépassant la somme de 1 377,59 € à hauteur de laquelle il prétend avoir participé et s'est donc enrichi au détriment de son fils.
M. [P] [U] réplique que l'action ne saurait être fondée sur l'article 205 du code civil mais seulement sur l'enrichissement sans cause ainsi que l'a jugé le tribunal. Sur les faits, il soutient avoir été évincé de la vie de son épouse pour des motifs sans lien avec une quelconque piété familiale. Il fait valoir que Mme [G] [B] ne devait se rendre chez son fils que pour un court séjour d'une semaine, suivi d'une semaine chez l'une des ses filles [G] [R] [U], que retournée chez [I] [U] qui devait la reconduire à son domicile dans le Cher, elle y est restée encore compte tenu d'un incident de santé.
M. [P] [U] évoque alors une altercation avec M. [I] [U] au sujet de la société familiale Cari-Mael, le 29 janvier 2018, au cours de laquelle son fils l'a agressé, et soutient qu'à compter de cette date, il n'a plus pu avoir de contact avec son épouse, sauf lorsqu'elle était chez leur fille [G] [R]. Il soutient qu'il n'est démontré aucun appauvrissement de M. [I] [U] mais une volonté de lui nuire caractérisée par des procédures judiciaires, dont la contestation de son licenciement pour faute.
Si les attestations produites par l'appelant établissent que Mme [G] [U], qui avait alors 80 ans, a vécu chez ce dernier et son épouse, Mme [W] [U], du 11 novembre 2017 au 25 novembre 2019 et a reçu de leur part l'assistance et les soins que son état nécessitait, il ressort des attestations produites par l'intimé que son épouse n'était pas partie définitivement chez leur fils mais bien pour un court séjour et que la dégradation des relations entre les parties liée à la société familiale Cari-Mael a conduit au maintien de la situation et donc au non retour de Mme [G] [U] à son domicile.
Il ne ressort d'aucune des pièces produites par l'appelant que M. [P] [U] a refusé de contribuer aux charges de son épouse au domicile de M. [I] [U], lequel a réclamé le remboursement des frais engagés, dûment remboursés par M. [P] [U] ainsi qu'il ressort des chèques produits en copie à son dossier, mais n'a pas sollicité une participation supplémentaire de la part de son père.
Tant Mme [G] [R] [U] que le témoin Mme [S] [Z], attestent que M. [I] [U], à qui avait été remis les formulaires de demandes d'aide à domicile, les avait déchirés, signifiant son refus de toute aide financière, même celles prévues par dispositions sociales.
Il n'est pas davantage établi que Mme [G] [U] était dépourvue de moyens financiers.Sa fille atteste en effet qu'elle a donné des enveloppes pour ses enfants et petits-enfants à Noël 2017. Quant aux deux attestations dactylographiées, signées '[G] [U]' (pièces 1 et 27), il ne peut qu'être constaté qu'elles ont été rédigées par M. [I] [U], de même d'ailleurs que l'attestation (pièce 6) de M. [T] [F] (qui porte le même nom que Mme [W] [F] épouse de M. [I] [U]) dont la présentation et les caractères typographiques sont identiques. Ces attestations, utilisant les termes de 'maltraitance psychologique' ou 'maltraitance morale' qu'aurait subie Mme [G] [U] de la part de son époux, seront en conséquence écartées.
Dans les circonstances résultant des témoignages produits, il apparaît que Mme [G] [U], tout en étant très bien entourée par son fils et sa belle-fille, n'avait pas la force de s'opposer à la volonté de son fils malgré son souhait de retourner chez elle et qu'elle était très affectée par le différend existant entre son fils et son mari.
Par conséquent, au vu de l'ensemble des pièces des dossiers, c'est exactement que le premier juge a considéré que M. [I] [U], qui ne procédait que par affirmations, ne rapportait pas la preuve que l'assistance prodiguée à sa mère, sur une durée d'un peu moins de deux ans, excédait les exigences de la piété familiale et entraînait pour lui un appauvrissement, pas plus qu'il ne démontrait un enrichissement corrélatif de son père.
Le jugement sera donc confirmé.
Sur le moyen subsidiaire tenant à la réclamation d'une créance à l'encontre de la succession de Mme [G] [U], il ne saurait prospérer à l'encontre de M. [P] [U] seul, lequel n'est pas son seul héritier et ce, peu important le régime de communauté universelle ayant existé entre les époux.
Le jugement sera de même confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dispositions du jugement seront confirmées.
Nonobstant l'issue de l'appel, l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimé.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [I] [U] aux dépens d'appel.
L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Présidente, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
S. MAGIS O. CLEMENT