VS/OC
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- SELAS TERRAJURIS AVOCATS
- SELARL AVELIA AVOCATS
LE : 08 JUIN 2023
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 08 JUIN 2023
N° - Pages
N° RG 23/00005 - N° Portalis DBVD-V-B7H-DQJ4
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé du Président du tribunal judiciaire de BOURGES en date du 10 Novembre 2022
PARTIES EN CAUSE :
I - M. [R] [C]
né le 21 Novembre 1944 à
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par la SELAS TERRAJURIS AVOCATS, avocat au barreau de BOURGES
timbre fiscal acquitté
APPELANT suivant déclaration du 03/01/2023
II - M. [G] [B]
né le 11 Juillet 1961 à [Localité 9]
[Adresse 6]
[Localité 11]
Représenté par la SELARL AVELIA AVOCATS, avocat au barreau de CHATEAUROUX
timbre fiscal acquitté
INTIMÉ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CIABRINI, Conseillère chargée du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CLEMENT Présidente de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseillère
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT
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ARRÊT : CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSE DU LITIGE
M. [C], titulaire d'un droit de passage sur [Adresse 10] située sur la propriété de M. [G] [B] cadastrée section C n°[Cadastre 3] à [Localité 11] (18), pour se rendre sur ses parcelles cadatrées section D n° [Cadastre 7] et [Cadastre 8], a saisi le Président du tribunal judiciaire de Bourges en référé aux fins de voir dire que l'implantation d'une barrière fermée par un cadenas à clé ainsi que de poteaux et d'une barrière sur le rond-pont de l'Etoile situé au bout de [Adresse 10] constitue un trouble manifestement illicite et voir ordonner les mesures nécessaires à la cessation du trouble, savoir la démolition des poteaux et la suppression de la barrière fermée à clé sur [Adresse 10] ( la demande de taille des végétaux ayant été abandonnée en cours d'instance).
Par ordonnance de référé du 10 novembre 2022, le Président du tribunal judiciaire de Bourges a :
- Rejeté la demande tendant à la condamnation de M. [B] au titre de l'article 835 du code de procédure civile ;
- Rejeté toutes demandes plus amples ou contraires ;
- Rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné M. [C] aux dépens.
M. [C] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration en date du 3 janvier 2023, appel portant sur l'ensemble des chefs de la décision, expressément énoncés à la déclaration d'appel.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 4 avril 2023, M. [C] demande à la cour de :
- REFORMER l'ordonnance du 10 novembre 2022,
- DECLARER recevable et bien fondée l'action de M. [R] [C],
- CONSTATER que les entraves au libre passage de M. [C] sur l'assiette de la servitude dont il bénéficie constituent un trouble manifestement illicite,
- ORDONNER à M [G] [B] de mettre en 'uvre les mesures nécessaires à la cessation du trouble dans le délai de 15 jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 € par jour de retard, à savoir :
- Démolir les deux poteaux et la barrière implantés sur le rond-point de l'Etoile ;
- Supprimer la barrière fermée par une clé située sur [Adresse 10] ;
- DEBOUTER M [G] [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- CONDAMNER M [G] [B] à verser la somme de 3.500 € à M [R] [C] en application de l'article 700 du Code de procédure civile outre aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 mars 2023, M. [B] demande à la cour de :
- Confirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;
- Condamner M. [C] à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Le condamner aux dépens, en ce compris le constat d'huissier à hauteur de la somme de 459,20 €.
MOTIFS
Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé toutes les mesures conservatoires et de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l'espèce, il est constaté au préalable que l'existence de la servitude de passage par destination du père de famille au profit des parcelles D [Cadastre 7] et [Cadastre 8] dont M. [C] est propriétaire, traversant la parcelle C [Cadastre 3] de M. [B] n'est pas contestée par ce dernier, puisque résultant des arrêts de la cour d'appel de Bourges des 22 mars 1982 et 27 février 2006, définitifs par suite du rejet des deux pourvois.
L'arrêt du 27 février 2006 énonce que : ' c'est à bon droit que le premier juge a ordonné à M et Mme [K] [B] ainsi qu'à M. [G] [B] d'avoir à laisser tant à M. [R] [C] qu'au GAEC des Barreaux, le libre passage sur [Adresse 10] allant depuis le rond-point de l'Etoile jusqu'à la D87 dite [Adresse 12] et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard, au cas où ce libre accès serait refusé'.
L'assiette de la servitude s'étend donc ( dans l'autre sens) de la D87, en passant par le bois du Mayet, puis un pont, jusqu'au Rond-poind de l'Etoile ainsi qu'il ressort du plan versé au dossier de l'appelant.
En vertu de l'article 701 du code civil, le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode.
Sur l'implantation d'une barrière fermée à clé sur [Adresse 10]
L'appelant fait valoir que l'intimé a implanté une barrière après le bois de Mayet et avant le pont, ladite barrière étant fermée par un cadenas.
L'intimé réplique qu' ayant dû sécuriser les abords de sa maison à la demande de son assureur, il a dû fermer la barrière à clé et qu' une clé à été remise à M [C] le 23 septembre 2021, ce dernier ne pouvant se prévaloir d'aucun trouble manifestement illicite.
Le juge des référés a considéré que l'existence de cette barrière n'avait pour seule conséquence que de 'ralentir le passage' de l'appelant sur l'allée, sans pour autant que ne soit entravé l'usage de son droit qui restait plein et entier.
L'appelant produit un constat de commissaire de justice en date des 14 et 19 septembre 2022 qui établit l'existence d'une barrière sur [Adresse 10] juste après le bois, barrière fermée avec un cadenas dont M. [C] possède la clé. Il est précisé qu'aucun passage n'est posssible d'un côté et de l'autre de la barrière. Ainsi, il incombe à M. [C], bénéficiaire de la servitude de passage, de descendre de son véhicule, ouvrir le cadenas, déplacer la barrière, faire passer son véhicule, replacer la barrière et refermer le cadenas à clé. Il ne peut qu'être constaté que ces contraintes constituent une diminution de l'usage de la servitude et la rendent plus incommode, et s'imposent actuellement à M. [C] tant lors de ses propres déplacements que lorsqu'un tiers (fermier, prestataire) veut accéder à ses parcelles D[Cadastre 7] et D[Cadastre 8], l'obligeant à être présent pour ouvrir la barrière ou à délivrer la clé ou un double de celle-ci.
Il se déduit de ces observations que M. [C] subit un trouble manifestement illicite, l'accès au passage dont il bénéficie étant entravé.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de ce chef.
Sur l'implantation d'une barrière et de poteaux sur le rond-point de l'Etoile
M. [C] fait valoir que M. [B] a implanté une seconde barrière au rond-point de l'Etoile, l'empêchant d'accéder à la parcelle D[Cadastre 7]. Les photos figurant au constat sus-visé montrent la présence d'une barrière implantée entre un poteau en béton et un autre poteau moins haut . Au delà du poteau en béton se situe un second poteau de même nature distant de 9 mètres du premier. Le commissaire de justice qui est revenu un autre jour véhiculé par le tracteur de M. [C] précise que le tracteur est contraint de passer sur la parcelle voisine pour se rendre sur la parcelle D[Cadastre 7].
M. [B] soutient en réplique que les poteaux et la barrière ont été implantés en 1997 pour définir les limites de sa propriété après [Adresse 10] et au début du chemin rural de St Baudel, qu'ils sont situés sur sa propriété et non sur [Adresse 10] sur laquelle M. [C] bénéficie d'une servitude de passage. Il soutient que le diamètre du rond-point de l'Etoile est de 30 mètres et que M. [C] passe par la demi-lune sud pour se rendre sur ses parcelles, qu'il continue de passer sur le rond-point, et ce depuis 25 ans, sans avoir besoin de passer sur le champ voisin.
Il est rappelé que la servitude de passage dont M. [C] bénéficie s'exerce depuis le rond-point de l'Etoile ( c'est à dire celui-ci inclus) jusqu'à la route D47.
Il ressort des photos insérées dans l'un et l'autre des constats de commissaire de justice produit par chaque partie que la barrière et les deux poteaux sont implantés dans le rond-point de l'Etoile, au bout de [Adresse 10] et avant l'allée du crot au sanglier qui borde la parcelle D[Cadastre 7], cette seconde allée étant le prolongement de [Adresse 10].
Or les photos montrent clairement que pour accéder à la parcelle D[Cadastre 7], il faut manifestement sortir du rond-point et pénétrer sur la parcelle D [Cadastre 1], traverser le chemin rural de St-Baudel et rouler sur l'angle de la parcelle D[Cadastre 2].
Or M. [C] doit pouvoir se rendre directement du rond-point de l'Etoile à sa parcelle, ce que la barrière empêche.
M. [O] [M], exploitant la parcelle D [Cadastre 1] atteste que M. [C] est obligé de rouler sur cette parcelle pour atteindre la sienne.
Le fait qu'il ait attesté pour le compte de M. [B], comme tous les autres témoignages produits par ce dernier, qu'il ne rencontre aucune difficulté pour circuler sur [Adresse 10], ce qui n'est pas contesté, ne signifie pas que la servitude de passage dont bénéficie M. [C] soit pleinement respectée au niveau du rond-point de l'Etoile.
C'est vainement que M. [B] soutient que les poteaux et la barrière sont situés sur son fonds, puisque par hypothèse, une servitude de passage s'exerce sur le fonds servant, en l'espèce, celui dont M. [B] est propriétaire.
Le contournement des barrières et l'obligation de passer sur une parcelle voisine constituent une diminution de l'usage de la servitude et par conséquent un trouble manifestement illicite, le juge des référés ayant considéré à tort le contraire.
Le fait que les poteaux aient été implantés en 1997 est sans emport sur l'existence d'une diminution de l'usage de la servitude.
Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance attaquée.
Sur les demandes de remise en état
Afin de rétablir le plein usage de la servitude, il sera ordonné à M. [B] de supprimer la barrière située sur [Adresse 10] entre le bois Mayet et le pont, et de supprimer la barrière et les deux poteaux en béton implantés au rond-point de l'Etoile.
Afin de garantir l'effectivité de la remise en état, il convient de prononcer une astreinte de 50 € par jour de retard passé le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [B], qui succombe, sera condamné aux dépens de l'instance en référé et d'appel, et à verser à M. [C] une somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
INFIRME l'ordonnance de référé en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Vu l'article 835 du code de procédure civile,
DIT que M. [R] [C] justifie de l'existence de troubles manifestement illicites ;
ORDONNE en conséquence à M. [G] [B] de :
- Supprimer la barrière fermée par un cadenas située sur [Adresse 10], après le bois Mayet et avant le pont,
- Supprimer la barrière et les deux poteaux en béton implantés au rond-point de l'Etoile, le tout sous astreinte de 50 € par jour de retard passé le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt ;
CONDAMNE M. [G] [B] à payer à M. [R] [C] une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [G] [B] aux dépens de l'instance de référé et de l'instance d'appel.
L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Présidente, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
S. MAGIS O. CLEMENT