Le DIX JUIN DEUX MILLE HUIT LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
dans la cause n° 01/01840- 2e Chambre
opposant :
APPELANTE
BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER, dénommée anciennement CIF BANQUE, et plus anciennement BANQUE WOOLWICH, dont le siège social est sis 9 Rue Boudreau - 75009 PARIS prise en la personne de son représentant légal aux droits de la société MIDLAND BANK par suite d'une cessation d'activité
représentée par la SCP BOLLONJEON-ARNAUD-BOLLONJEON, avoués à la Courassistée de la SCP GRAFMEYER-BAUDRIER, avocats au barreau de LYON
à :
INTIMEE
SCI BOUSSOLENC, dont le siège social est sis 9 Allée des Marronniers - 38700 CORENC prise en la personne de son représentant légal
représentée par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Courassistée de Me Hassan KAIS, avocat au barreau de GRENOBLE
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 06 mai 2008 avec l'assistance de Madame DURAND, Greffier, et après rapport oral de l'affaire par son Président,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Chantal MONARD FERREIRA, Conseiller faisant fonction de Président, à ces fins désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 19 décembre 2007
- Monsieur Pierre VIARD, Conseiller
- Monsieur Bernard BETOUS, Conseiller,
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FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 4 octobre 2000, la Banque Woolwich, devenue Banque Patrimoine et Immobilier a diligenté devant le tribunal de grande instance de Bonneville, une procédure de saisie immobilière à l'encontre de la SCI Boussolenc pour obtenir paiement d'une somme de 525 309.63 € (3 445 805.30 F) résultant d'un prêt consenti par la société Midland Bank, la créance ayant été cédée à la Banque Woolwich.
La SCI Boussolenc a déposé un dire, soulevant diverses nullités ainsi que l'irrecevabilité de la demande pour défaut de droit d'agir et le mal fondée de celle-ci.
Par jugement en date du 12 juillet 2001, le Tribunal de Grande Instance de Bonneville statuant en matière de saisie immobilière a :
- déclaré nulle la procédure de saisie immobilière
- condamné la Banque Woolwich à payer à la SCI Boussolenc la somme de 4 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par arrêt en date du 29 mars 2005, la Cour d'appel de Chambéry a :
- dit l'appel régulier en la forme
- réformé le jugement déféré en ce qu'il a annulé la procédure de saisie immobilière parce que la banque saisissante s'est dispensée d'avoir notifié le transfert de la créance
- ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation à intervenir sur le pourvoi contre l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble du 3 septembre 2003 sur l'ensemble des demandes des parties
- réservé les dépens.
Une procédure de saisie attribution opposant les mêmes parties pour la même créance s'est en effet déroulée devant les juridictions grenobloises.
Par arrêt du 11 janvier 2006, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble au motif que la Cour avait privé sa décision de base légale, en se déterminant par des motifs inopérants, la cause et les parties étant renvoyées devant la Cour d'appel de Chambéry.
Par arrêt du 10 juillet 2007, la Cour d'appel de Chambéry a infirmé en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Grenoble en date du 18 juin 2002 et statuant à nouveau, a déclaré bonne et valable la saisie attribution pratiquée le 22 octobre 2001.
La SCI Boussolenc a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.
Le pourvoi formé par la SCI Boussolenc à l'encontre de l'arrêt du 29 mars 2005, a été rejeté par la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 26 septembre 2007. Les causes du sursis à statuer ayant été levées par l'arrêt de cassation du 11 janvier 2006, la procédure en matière de saisie immobilière a repris.
Par conclusions récapitulatives après sursis à statuer déposées le 18 avril 2007, la Banque Patrimoine et Immobilier, dénommée anciennement CIF Banque et plus anciennement Banque Woolwich, demande à la Cour de:
- constater que le débat ne porte plus que sur le caractère liquide et exigible de la créance de la banque, la Cour dans son arrêt du 29 mars 2005, ayant définitivement jugé les moyens relatifs à la signification du titre, le changement de dénomination sociale de la banque et le pouvoir aux fins de saisie immobilière ainsi que les prétendues nullités de l'acte de prêt et la déchéance du droit aux intérêts
- constater qu'elle est porteur de la copie exécutoire à ordre d'un prêt consenti le 2 septembre 1987 endossé à son profit par la Midland Bank
- constater que le titre exécutoire contient tous les éléments permettant d'apprécier la liquidité et l'exigibilité de la créance puisqu'il constate une créance en principal de 3 000 000 F et précise aux articles III les conditions financières et IV les conditions de remboursement, peu important que le prêt contracté comporte une clause de variabilité et un calcul des intérêts qualifié de complexe
- débouter la SCI Boussolenc de son dire tendant à la nullité de la procédure de saisie immobilière
- la débouter de toutes ses demandes
- dire que la saisie immobilière sera poursuivie sur ces derniers errements devant la Chambre des Criées du tribunal de grande instance de Bonneville
- condamner la SCI Boussolenc à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
- la condamner en tous les dépens.
Par conclusions récapitulatives déposées le 18 février 2008, la SCI Boussolenc, demande à la Cour de :
- constater que la Banque Patrimoine Immobilier ne justifie pas être une nouvelle appellation de la Banque Woolwich
- au principal, confirmer le jugement du 12 juillet 2001
- subsidiairement, vu l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble du 3 septembre 2003, constater que la Banque Patrimoine et Immobilier est dénuée de titre exécutoire
- plus subsidiairement, constater les irrégularités de la procédure de la Banque Patrimoine et Immobilier et son défaut de capacité à agir ; en conséquence, dire et juger nulle la procédure de saisie diligentée par la Banque Woolwich, actuellement dénommée Banque Patrimoine et Immobilier
- encore plus subsidiairement, vu l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble du 3 septembre 2003, dire la Banque Patrimoine et Immobilier dénuée d'un titre certain, liquide et exigible et constater en conséquence la nullité de la procédure de saisie diligentée par la Banque ; que la banque doit fournir un compte précis en principal, intérêts et accessoires alors que l'examen comparé des pièces versées aux débats et de l'acte de prêt du 2 septembre 1987 et en particulier en ses articles II, III, IV, V, permet de voir que la SCI Boussolenc n'est pas en mesure de savoir exactement ce qui est dû
- à titre infiniment subsidiaire, constater la nullité de l'ouverture de crédit contenue dans l'acte notarié du 2 septembre 1987 et encore plus subsidiairement la déchéance des droits aux intérêts réclamés au titre de l'acte notarié du 2 septembre 1987 :* constater que la SCI Boussolenc a procédé à des remboursements supérieurs au capital prêté* dire en conséquence la Banque Patrimoine et Immobilier dénuée de créance à l'encontre de la SCI Boussolenc* dire irrecevable et à défaut mal fondée toute demande de la Banque Patrimoine et Immobilier à l'encontre de la SCI Boussolenc* donner acte à la SCI Boussolenc de ce qu'elle se réserve de réclamer le remboursement des sommes trop perçues par la Banque Patrimoine et Immobilier
- reconventionnellement, condamner la Banque Patrimoine et Immobilier à verser à la SCI Boussolenc la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile- condamner la Banque Patrimoine et Immobilier aux entiers dépens.
SUR QUOI, LA COUR
Attendu que par arrêt en date du 29 mars 2005, confirmé par arrêt de la Cour de cassation en date du 26 septembre 2007, la Cour d'appel de Chambéry, à l'exception du caractère liquide et exigible de la créance qui a fait l'objet d'un sursis à statuer, s'est déjà expliquée sur l'ensemble des autres points en litige ;Qu'il n'y a donc pas lieu d'y revenir, le débat qui reprend, une fois la cause du sursis à statuer levée, étant circonscrit au caractère liquide et exigible de la créance.
Attendu qu'une créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation ; que le caractère liquide d'une créance n'implique pas en effet que le montant exact des sommes pour lequel la voie d'exécution est poursuivie ait fait l'objet d'une liquidation préalable.
Attendu qu'en l'espèce, les modalités contractuelles du prêt sont certes complexes, mais parfaitement détaillées dans l'acte notarié du 2 septembre 1987 et dans la mise en demeure en date du 11 juin 1999 date à laquelle la dette d'un montant total de 3 075 866,09 F était composée des éléments suivants parfaitement vérifiables dans le tableau d'amortissement :- échéances impayées 101 091,92 F - capital restant dû au 25 mai 1999 : 2 743 562,60 F- intérêts du 25/05/1999 au 26/06/99 : 18 084,07 F- pénalités de retard : 14 001,68 F- indemnité contractuelle : 199 125,82 FQue ce sont ces mêmes sommes, à l'exception des intérêts qui ont nécessairement évolué à la hausse, qui sont reprises dans le commandement aux fins de saisie immobilière du 4 octobre 2000 ;Qu'il convient de rappeler que l'acte a été exécuté sans difficulté d'août 1987 à juillet 1998, soit pendant près de 11 ans ;Que la créance est donc bien liquide.
Attendu que la créance n'était pas assortie d'un terme ; que le débiteur ne bénéficiait pas de délais de grâce ;Que la créance est donc bien exigible ;
Qu'il convient en conséquence de débouter la SCI Boussolenc de toutes ses demandes et de dire, vu l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement du 12 juillet 2001, que la procédure de saisie immobilière doit reprendre devant le tribunal de grande instance de Bonneville.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris
Déboute la SCI Boussolenc de l'ensemble de ses demandes
Dit que la procédure de saisie immobilière initiée par la Banque Patrimoine et Immobilier peut reprendre devant le tribunal de grande instance de Bonneville
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Boussolenc à payer à la Banque Patrimoine et Immobilier la somme de 5 000 €
Dit que les dépens d'appel seront supportés par la SCI Boussolenc, avec distraction au profit de la SCP Bollonjeon-Arnaud-Bollonjeon, avoués associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code précité.
Ainsi prononcé en audience publique le 10 juin 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Chantal MONARD FERREIRA, Conseiller faisant fonction de Président et Madame Sylvie DURAND, Greffier.