LE VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE HUIT LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
dans la cause 07 / 02152 - 1re Chambre
opposant :
Appelante
Mme Irène X... veuve E..., demeurant ...
représentée par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Cour assistée de la SELARL BJA, avocats au barreau d'ANNECY
à :
Intimée
Mme Marie-Claire X... divorcée Y..., demeurant ...
représentée par la SCP BOLLONJEON-ARNAUD-BOLLONJEON, avoués à la Cour assistée de la SCP Max JOLY, avocats au barreau de CHAMBERY
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 20 mai 2008 par Monsieur Jacquet, Président de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Bétous, Conseiller, avec l'assistance de Madame Bernard, Greffier, Et lors du délibéré, par :
- Monsieur Jacquet, Président de chambre, qui a rendu compte des plaidoiries
-Monsieur Greiner, Conseiller,
- Monsieur Bétous, Conseiller.
- =- =- =- =- =- =- =- =- Faits, procédure et prétentions des parties
Selon les énonciations d'un acte reçu le 5 juillet 1975 par monsieur Georges Z..., notaire, les consorts A... ont vendu pour moitié aux époux Y...-X...et pour l'autre moitié aux époux E...- X...un terrain, inscrit au cadastre de la commune de Viuz-en-Sallaz sous les numéros 2873 et 2875 de la section C, et le grenier y édifié. Cet acte porte les signatures des consorts A..., des époux Y...-X...et du notaire mais pas des époux E...- X... .
Cet acte a été rectifié par acte du même notaire du 8 janvier 1976, passé entre les époux Y...-X...et les époux E...- X...en ce sens que les époux Y...-X...étaient les seuls acquéreurs des biens susvisés.
Le bâtiment édifié sur ce terrain a été rénové et est occupé, comme résidence secondaire par madame Adeline X...-E... .
Par acte du 8 juillet 1996 madame Marie-Claire X... divorcée Y... a assigné madame X...-E... pour faire juger que celle-ci est occupante sans droit ni titre et obtenir son expulsion. Madame X...-E... s'est prétendu seule propriétaire en arguant de la nullité des actes du 5 juillet 1975 et du 8 janvier 1976.
Le 17 avril 2003 le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains a rendu le jugement suivant :
- Dit que madame Marie-Claire X... est seule propriétaire du grenier avec sol, jardin et pré sis à Viuz-en-Sallaz...,
- En conséquence déclare madame Irène X... veuve E... occupante des lieux sans droit ni titre et lui ordonne de les libérer par elle-même et tous occupants de son chef et d'en restituer les clés à madame Marie-Claire X... dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, passé lequel délai elle pourra en être expulsée par tous moyens de droit avec si nécessaire l'assistance de la force publique,
- Condamne madame Irène X... veuve E... à payer à madame Marie-Claire X... une indemnité d'occupation de 150 euros par mois à compter du présent jugement et jusqu'à la libération effective des lieux,
- Condamne madame Marie-Claire X... à payerà madame Irène X... veuve E... la somme de dix mille euros en remboursement des dépenses utiles et nécessaires faites pour l'aménagement et l'entretien de son bien immobilier,
- Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,
- Déboute les parties de leurs autres chefs de demande,
- Dit que les dépens de la présente instance seront supportés par les parties, chacune pour moitié.
Pour statuer ainsi le tribunal a retenu, notamment, que la nullité affectant l'acte du 5 juillet 1975 pour absence de signature de madame E... était couverte par l'acte rectificatif subséquent du 8 janvier 1976.
Sur appel interjeté par madame E..., ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 18 octobre 2005, lequel a été cassé en toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2007 au motif que la cour d'appel avait violé les articles 1317 du Code civil et11 et 13 du décret du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires dans leur rédaction alors applicable dès lors que l'acte de vente du 5 juillet 1975 est nul ; de nullité absolue, de même que l'acte qui le rectifie.
Madame Irène E... a saisi la cour d'appel de Chambéry, désignée cour de renvoi autrement composée.
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Madame Irène E... fait valoir que les actes des 5 juillet 1975 et 8 janvier 1976 sont nuls mais qu'elle est bien propriétaire des biens litigieux dès lors qu'elle-même et son époux en ont payé le prix et les ont occupé sans que madame X...-Y..." sen soucie " ni se soit souciée de participer aux frais d'entretien, d'embellissement et de transformation du grenier et de payer les impôts et l'assurance.
Elle demande donc, principalement, que soit constatée sa qualité de propriétaire et que madame Marie-Claire X... soit déboutée de ses prétentions.
Subsidiairement, elle invoque la gestion d'affaire pour justifier sa demande en payement de 45 000 euros à titre de remboursement des dépenses qu'elle a faites pour les biens litigieux.
Elle sollicite en outre l'allocation d'une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
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Madame Marie-Claire X... répond que, malgré leur nullité, les actes des 5 juillet 1975 et 8 janvier 1976 constituent un commencement de preuve par écrit qui est complété par des éléments extrinsèques que constituent le payement du prix d'acquisition, de l'assurance et des taxes foncières, l'acte liquidatif du régime matrimonial ayant existé entre elle même et monsieur Y..., les déclarations-jamais démenties par madame Irène E...- faites lors d'une comparution personnelle des parties, un écrit du 30 mai 1980 de madame Irène E... reconnaissant implicitement les droits de propriété de madame Marie-Claude X....
Elle conclut à la confirmation des dispositions du jugement qui déclarent qu'elle est seule propriétaire et que madame Irène E... est occupante sans droit ni titre.
Elle précise que madame Irène E... a libéré les lieux le 18 octobre 2006 et demande que celle-ci soit condamnée à lui payer une indemnité menseulle d'occupation de 250 euros à compter du 8 juillet 1996, date de l'acte introductif d'instance, soit au total 30 750 euros.
Elle conclut au rejet de la demande de madame Irène E... fondée sur l'article 1375 du Code civil et à la condamnation de celle-ci à lui payer une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Motifs de la décision
Attendu que les actes des 5 juillet 1975 et 8 janvier 1976 devaient, à raison de leur nature et de leur objet, être publiés à la conservation des hypothèques de sorte que l'accomplissement de cette formalité ne peut servir à compléter la valeur probante de ces mêmes actes ;
Qu'il en est de même de la circonstance que les avis d'imposition au titre de la taxe foncière ont été établis au nom de madame Marie-Claire X... puisqu'elle est la conséquence de ces mêmes actes et de leur publication ;
Attendu qu'il est justifié, par un reçu établi le 5 juillet 1975 par le notaire Z..., que la somme de mille francs « sur frais de vente A... » a été réglée par monsieur Georges-René Y... mais que cela n'implique pas que le prix de cette vente a aussi été réglé par lui ou par madame Marie-Claire X... dont il était alors l'époux ;
Que cette dernière produit aussi un relevé d'un compte ouvert à son nom auprès de la société Banque Laydernier où figure en débit, à la date du 13 juillet 1975 (date de valeur), un chèque de 5 894 francs avec la mention manuscrite « soeur » ; que rien ne permet de vérifier que cette somme a effectivement été remise à madame à madame Irène E... et qu'il existe un rapport entre cette remise de somme et l'opération décrite par l'acte du 5 juillet 1975 ;
Qu'il ne résulte ni de ces pièces ni d'aucune autre de celles qui sont produites au débat que le prix de vente des biens litigieux a été acquitté par madame Marie-Claire X... ou, ensemble, par elle et monsieur Georges-René Y... ;
Attendu que l'acte de liquidation du régime matrimonial ayant existé entre les époux Y...-X...est dénué de valeur probante à l'égard de madame E... ;
Attendu qu'il n'est pas produit au débat de procès-verbal de comparution personnelle des parties et qu'en toute hypothèse, une partie ne pouvant pas se constituer de preuve à soi-même, madame Marie-Claire X... ne pourrait pas invoquer ses propres déclarations, fût-ce pour compléter un commencement de preuve ;
Attendu que les deux " modèles d'attestation " rédigés par madame Irène X... ne sont pas probants dès lors que, d'une part, ils ne sont pas signés et que, d'autre part, les circonstances dans lesquelles elles ont été établies sont inconnues ;
Que ne sont pas plus probantes les mentions inscrites sur les talons de chèques qui n'offrent aucune garantie d'exactitude ;
Attendu que l'avis d'imposition au titre de la taxe d'habitation 2007, la facture d'eau pour la période du 1er août 2005 au 31 juillet 2006, les primes d'assurances et la facture d'entretien des abords (abattage d'arbres, taille de haies et nettoyage de la végétation), en admettant même qu'ils aient effectivement été acquittés par madame Marie-Claire X..., ne sont pas signes d'un droit de propriété ;
Attendu que le commencement de preuve que constituent les actes des 5 juillet 1975 et 8 janvier 1976 n'est donc complété par aucun élément extrinsèque pertinent ;
Qu'il n'est donc pas établi que madame Marie-Claire X... est propriétaire des biens litigieux de sorte qu'elle est mal fondée à prétendre que madame Irène E... est occupante sans droit ni titre et à demander son expulsion et sa condamnation à payer une indemnité d'occupation ;
Attendu qu'il n'est pas démontré que madame X... a commis un abus de droit en exerçant cette action en justice ; que madame E... est mal fondée à demander des dommages et intérêts ;
Par ces motifs
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement, hormis en ce qu'il a débouté madame Irène X... épouse E... de ses demandes de dommages et intérêts et d'indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau,
Déboute madame Marie-Claire X... de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu d'allouer à madame Irène X... épouse E... une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne madame Marie-Claire X... aux dépens de première instance et d'appel et autorise l'avoué de son adversaire à recouvrer directement contre elle les sommes dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante.
Ainsi prononcé publiquement le 24 juin 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile, et signé par Jean-François Jacquet, Président de Chambre, et Madame Bernard, Greffier.