PL/ DA
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
chambre civile-première section
Arrêt du Mardi 18 Octobre 2011
RG : 10/ 01675
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE en date du 24 Juin 2010, RG 10/ 648
Appelante
La Société CNA INSURANCE COMPANY LIMITED
dont le siège social est sis 77 Grace Chuch Street-LONDRES-ANGLETERRE
représentée par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Cour
assistée de Maître Dominique-Pierre LACAN, avocat au barreau de Paris
Intimée et appelante incidente
La SARL LE BOIS DU CERF,
dont le siège social est sis 74 Allée des Marmousets-74120 MEGEVE
représentée par la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avoués à la Cour
assistée de la SCP BALLALOUD/ ALADEL, avocats au barreau d'ANNECY
La SARL GEO ARVE,
dont le siège social est sis 27 rue de Messy-74300 CLUSES
représentée par la SCP FILLARD COCHET-BARBUAT, avoués à la Cour
assistée de Me Marie-Laure CARRIERE, avocat au barreau de PARIS
La SARL MONT BLANC MATERIAUX B...,
dont le siège social est sis ...-74120 MEGEVE
représentée par la SCP Jean et Charles CALAS, avoués à la Cour
assistée de Me Sandra MOUSSAFIR, avocat au barreau de PARIS
La SARL ERM-ECONOMIE REALISATION ET MANAGEMENT,
dont le siège social est sis 151 Route du Granier-73230 ST ALBAN LEYSSE
représentée par la SCP FORQUIN-RÉMONDIN, avoués à la Cour
assistée de la SCP ARRUE BERTHIAUD DUFLOT ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
Mme Colette X... épouse Y...-
en son nom personnel et en qualité d'héritière de son mari Monsieur Albert Y...
née le 24 Octobre 1927 à LA CLUSAZ (74220),
demeurant...-74120 MEGEVE
Mme Martine Y... épouse Z...
née le 11 Janvier 1952 à ANNECY (74000),
intervenant volontairement en qualité d'héritière de son père Monsieur Albert Y...
demeurant...-74000 ANNECY
M. François Y...
né le 18 Août 1953 à ANNECY (74000),
intervenant volontairement en qualité d'héritier de son père Monsieur Albert Y...
demeurant...-74120 MEGEVE
M. Philippe Y...
né le 27 Octobre 1955 à ANNECY (74000),
intervenant volontairement en qualité d'héritier de son père Monsieur Albert Y...
demeurant...-17800 AVY
M. Jean Y...
né le 27 Janvier 1961 à ANNECY (74000),
intervenant volontairement en qualité d'héritier de son père Monsieur Albert Y...
demeurant...-74220 SAINT-ANDRE DE BOEGE
représentés par la SCP HERVÉ-JEAN POUGNAND, avoués à la Cour
assistés de la SELARL JURIS-MONT BLANC, avocats au barreau de BONNEVILLE
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 20 septembre 2011 avec l'assistance de Madame Vidal, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Monsieur Billy, Président de chambre,
- Monsieur Leclercq, Conseiller
-Monsieur Morel, Conseiller.
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La SARL Le bois du cerf a fait construire à Megève un ensemble immobilier sur un terrain lui appartenant comprenant trois bâtiments à usage d'habitation à proximité et en contrebas de la propriété des époux Y... sur laquelle étaient édifiés un chalet et un bâtiment annexe ;
Cette société était assurée en responsabilité civile par la société de droit anglais CNA Insurance Limited ;
Sont notamment intervenus à l'opération de construction :
- la SARL E. R. M. en qualité de maître d'oeuvre d'exécution
-la SARL Geo Arve qualité de contrôleur technique pour les études géotechniques, cette société étant assurée en responsabilité professionnelle par la SMABTP ;
- la SARL Mont Blanc Matériaux B... titulaire du lot terrassements généraux,
Au cours des travaux de terrassement, un glissement de terrain s'est déclenché le 5 juillet 2007 et a provoqué des désordres importants à la maison des époux Y... ;
Les tentatives de règlement amiables n'ont pas abouti,
La SARL le bois du cerf a fait citer devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bonneville, les époux Y... ainsi que les intervenants aux opérations de construction
Par ordonnance du 8 novembre 2007, et du 28 août 2008, celui-ci a désigné M. A... comme expert.
Au vu d'un pré-rapport déposé par l'expert qui mettait en évidence la responsabilité de Geo Arve, la SARL le bois du cerf a, par assignation du 8 janvier 2009, demandé paiement à cette société et à son assureur d'une provision pour obtenir remboursement des dépenses qu'elle avait déjà engagées ;
Par ordonnance du 19 février 2009, rectifiée par une ordonnance du 11 juin 2009, la Société GEO ARVE a été condamnée solidairement avec la SMABTP à payer à la SARL le bois du cerf la somme de 74. 227, 33 € à titre de provision ;
Au cours de la suite des opérations d'expertise la SMABTP a accepté de prendre en charge les travaux jusqu'à un montant de 610 000 € correspondant à son plafond de garantie.
Par ordonnance du 28 mai 2009, le juge des référés a :
Ordonné que la somme de 610 000 € soit versée par la SMABTP sur un compte séquestre entre les mains du bâtonnier du barreau de Bonneville, avec mission de libérer les fonds au fur et à mesure de l'exécution des travaux confortatifs et au vu des situations de travaux, après visa de la maîtrise d'oeuvre et, en cas de difficulté, après avis de l'expert judiciaire.
Condamné la société CNA à payer la somme de 811 225, 55 € sur un compte séquestre entre les mains du bâtonnier du Barreau de Bonneville ;
La Société CNA a interjeté appel de cette ordonnance et obtenu la suspension de l'exécution provisoire au motif que les conclusions de la SARL le bois du cerf ne lui avaient pas été notifiées par voie d'huissier, compte-tenu de l'absence de constitution d'avocat dans ses intérêts.
Par arrêt du 24 novembre 2009, la Cour d'Appel de Chambéry a annulé les dispositions de l'ordonnance qui ont condamné la Société CNA à consigner sur un compte séquestre la somme de 811 225, 55 €.
M. A... a déposé le 9 septembre 2009 un pré-rapport, puis le 26 juillet 2010 des pré-conclusions no 2 et un rapport final modificatif d'expertise partiel ;
La SARL le bois du cerf a saisi, par acte en date du 30/ 10/ 2009, le Juge des référés aux fins de voir condamner la Société GEO ARVE, la SARL mont Blanc matériaux B..., la SARL ERM sur le fondement des articles 1147 du Code Civil et 808 du Code de Procédure Civile pour voir condamner ces sociétés à consigner la somme de 513 000 €.
Les époux Y... sont intervenus volontairement et ont demandé paiement d'une somme de 513 000 € sur le fondement du trouble anormal de voisinage.
La Société le bois du cerf a appelé en cause son assureur de responsabilité civile suivant acte en date du 24 février 2010.
Par jugement du 27 juin 2010, le tribunal de grande instance de Bonneville a :
- Déclaré recevable l'intervention volontaire des époux Y...,
- Condamné in solidum la SARL le bois du cerf, la SARL Géo Arve, la société ERM et la société Mont Blanc matériaux B... et la compagnie CNA à leur payer une provision de 513. 000 € sur un compte séquestre avec mission pour celui-ci de libérer les fonds au fur et à mesure d'exécution des travaux confortatifs NB : condamnation au profit des époux Y... ;
- Désigné Monsieur A..., comme expert avec la mission complémentaire de :
* Se faire communiquer par la SARL LE BOIS DU CERF ou par le cabinet C... les mesures réalisées pour les travaux confortatifs au fur et à mesure de leur avancement ;
* Contrôler le comportement de la fouille et vérifier que les dimensionnements prévus par le maître d'oeuvre C... dans son projet en cours de réalisation sont conformes à ceux prescrits par l'expert.
- Dit qu'il n'y a pas lieu de laisser à la charge définitive du maître d'ouvrage une part du coût des travaux confortatifs.
- Débouté la SARL le bois du cerf et la CNA de leur action récursoire sur le fondement de la responsabilité contractuelle à l'égard de la société ERM et de la SARL mont Blanc matériaux B...
- Condamné la société GEO ARVE à relever et garantir la SARL LE BOIS DU CERF et son assureur CNA, la société ERM et la société MONT BLANC MATÉRIAUX sur le fondement de la responsabilité contractuelle, de la condamnation prononcée au profit des époux Y... à hauteur de 513. 000 €
- Condamné la SARL le bois du cerf à payer la SARL Mont blanc matériaux la somme de 149 765, 05 € TTC,
- Dit n'y avoir lieu à compensation de cette dette avec la créance de 513 000 € ;
- Condamné la SARL Geo Arve à relever et garantir la SCI le bois du cerf du montant de cette condamnation prononcée au profit de la SARL mont Blanc matériaux B... à hauteur de 118. 372, 32 €,
- Condamné la SARL le bois du cerf à payer à la SARL ERM la somme de 12 612 76 €,
- Condamné la SARL Geo Arve à payer une indemnité de 3000 € pour chacun, aux époux Y..., à la SARL le bois du cerf, la SARL ERM et à la SARL mont Blanc matériaux B..., le tout sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouté la compagnie CNA de sa demande sur ce fondement à l'égard de la SARL LE BOIS DU CERF.
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.
- Condamné la SARL GEO ARVE aux dépens ;
La société de droit anglais CNA Insurance Limited en a interjeté appel par déclaration au greffe du 15 juillet 2010 ;
La SARL Économie Réalisation et Management (ERM) en a interjeté appel par déclaration au greffe du 19 juillet 2010 ;
La SARL Geo Arve en a interjeté appel par déclaration au greffe du 21 juillet 2010 ;
M. Albert Y... est décédé le 7 juin 2011 ;
Ses héritiers à savoir Mme Colette X..., sa veuve, d'une part, et ses quatre enfants, d'autre part, à savoir :
- Mme Martine Y... épouse Z...,
- M. François Y...
- M. Philippe Y...,
- M. Jean-Charles Y...
Sont intervenus volontairement à l'instance,
Les époux Y... ont déposé le 5 juillet 2011 des conclusions d'incident qui ont été reprises après le décès M. Albert Y... par conclusions du 6 septembre de la même année visant à voir dire que la provision complémentaire réclamée par l'expert sera prise sur la consignation de 513. 000 €, et à défaut condamner in solidum les constructeurs à leur payer une provision ad litem de 27 000 € ;
Par ordonnance du 15 septembre 2011, le conseiller de la mise en état a joint l'incident au fond et réservé les dépens ;
Vu les conclusions d'incident des consorts Y... du 7 septembre 2011
Vu les conclusions d'incident de la SARL le bois du cerf du 7 septembre 2011 ;
Vu les conclusions d'incident de la SARL ERM du 7 septembre 2011 et les conclusions en réponse sur incident de la même société,
Vu les conclusions d'incident de la SARL Mont Blanc Matériaux B... du 7 septembre 2011,
Vu les conclusions d'incident de la société de droit CNA Insurance Limited du 7 septembre 2011
Vu les dernières conclusions de la société de droit anglais CNA Insurance Limited du 15 novembre 2010 ;
Vu les dernières conclusions de la SARL Économie Réalisation et Management du 15 septembre 2011 ;
Vu les dernières conclusions de la SARL Geo Arve du 7 septembre 2010 ;
Vu les dernières conclusions des consorts Y... du 6 septembre 2011,
Vu les dernières conclusions de la SARL Mont Blanc Matériaux B... du 8 septembre 2011 ;
Vu les dernières conclusions de la SARL le bois du cerf intitulées « conclusions récapitulatives et responsives » du 25 août 2011 ;
SUR CE :
1- sur l'action des consorts Y... :
1-1 : sur la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'intervention volontaire des époux Y... :
Attendu que selon la SARL mont Blanc matériaux B..., leur action devrait être considérée comme une intervention volontaire accessoire telle que prévue par l'article 330 du code de procédure civile ;
Attendu selon cette société, cette intervention ne tendrait pas à obtenir l'allocation d'une indemnité qui leur serait destinée, mais aurait pour seul objet d'appuyer les prétentions de la SCI le bois du cerf visant à obtenir le financement de travaux confortatifs en vue de la poursuite du chantier sur son terrain ;
Attendu d'une part que les époux Y... ont formé des demandes contre la SCI le bois du cerf, circonstance qui démontre bien le caractère autonome de leur action ;
Attendu qu'en l'état, leurs demandes visent seulement au paiement d'une provision destinée à permettre les travaux de remise en état les plus urgents, qu'il appartiendra ultérieurement à la juridiction qui en sera saisie de statuer sur l'indemnisation du préjudice des consorts Y... et sur celui de la SCI le bois du cerf ;
Attendu en conséquence que les époux Y... sont bien intervenus à titre principal, qu'il convient donc de confirmer les dispositions du jugement qui ont déclaré recevable leur intervention volontaire ;
Attendu que la responsabilité des architectes et des bureaux d'études est engagée envers la victime du trouble anormal de voisinage lorsque ces troubles sont en relation directe de cause à effet avec les missions qui leur sont confiées, alors que la responsabilité des entrepreneurs est engagée lorsqu'ils se sont personnellement chargés des travaux ;
1-2 contre la SARL le bois du cerf :
Attendu que la SARL le bois du cerf ne conteste pas être tenue de réparer le dommage causé aux consorts Y... à raison du trouble anormal de voisinage ;
1-3 contre la société de droit anglais CNA Insurance Limited :
Attendu que le droit de la victime contre l'assureur puise sa source et trouve sa mesure dans le contrat d'assurance, et ne peut porter que sur l'indemnité d'assurance telle qu'elle a été stipulée, définie et limitée par le contrat, de sorte que l'assureur est en droit d'opposer à la victime les conditions de sa garantie ;
Attendu que pour conclure au débouté des demandes formées contre elle, la société de droit anglais CNA Insurance Limited invoque la clause du contrat d'assurance selon laquelle la garantie n'est acquise que sous réserve du respect des préconisations prévues dans l'étude de sol et des préconisations du contrôleur technique, les préconisations prévues dans l'étude de sol devant être validées par le contrôleur technique et ce, pour tous les travaux effectués ;
Attendu que société CNA Insurance Limited fait valoir que d'une part, le contrôleur technique n'a émis aucun avis avant la survenance du sinistre, et d'autre part que les réserves qu'il a formulées concernaient bien l'étude de sol et non la maîtrise d'oeuvre géotechnique à la charge de Geo Arve ;
Attendu qu'il est constant que le glissement de terrain s'est produit avant le dépôt du rapport du contrôleur technique, que par ce seul motif, le maître de l'ouvrage s'est privé de la garantie de son assureur de responsabilité civile ;
Attendu que pour décider le contraire, les premiers juges ont considéré que les préconisations du contrôleur technique intervenues après sinistre ne pouvaient être prises en considération pour la mise en oeuvre de la garantie qui devait être appréciée au jour du sinistre, puisque selon la clause « chantier assuré » les travaux étaient exécutés dans le respect des préconisations de l'étude de sol ;
Attendu cependant qu'ils ont ainsi dénaturé la clause litigieuse, puisque celle-ci prévoyait qu'à chaque étape des travaux, les préconisations de l'étude de sol devaient être validées par le contrôleur technique ;
Attendu en outre que le rapport de la mission type G2 de Geo Arve porte la date du 14 novembre 2006 alors que l'ordre de service des travaux de construction de la paroi clouée provisoire au droit du chalet A porte la date du 16 octobre 2006, qu'ainsi, les travaux ont été engagés avant même que le maître de l'ouvrage n'ait connaissance de l'étude de sol complète (pièces no2 et no 3 de Geo Arve) ;
Attendu que le débat sur la teneur de l'avis de la SA Socotec est sans intérêt, puisque les remarques figurant en page 8, qui relèvent les insuffisances de l'étude de la SARL Geo Arve, ont été formulées après le sinistre ;
Attendu en conséquence que la société de droit anglais CNA Insurance Limited doit être mise hors de cause ;
1-3 contre la SARL Geo Arve.
Attendu que le glissement de terrain est la conséquence directe de l'instabilité des terrains dans lesquels la SARL le bois du cerf a entrepris son opération de promotion immobilière de sorte que le dommage est nécessairement en relation directe de cause à effet avec la mission confiée à la SARL Geo Arve ;
Attendu que pour tenter de s'exonérer de sa responsabilité, celle-ci fait valoir qu'elle n'aurait pas reçu toutes les pièces utiles au bon déroulement de sa mission puisque d'une part elle n'avait qu'une mission partielle, la mission G 3 étant confiée à un autre bureau d'études, que d'autre part, les constructeurs auraient été particulièrement défaillants, et qu'enfin, le contexte géologique, hydrologique et géotechnique était particulièrement difficile ;
Attendu qu'il résulte des explications de l'expert que les reconnaissances ont mis en évidence la présence d'une nappe en charge rencontrée à une dizaine de mètres à l'amont (propriété Y...) se stabilisant à 2 m sous le terrain naturel, rencontrée entre 7 m et 10 m de profondeur à l'aval (plate-forme terrassée sur la propriété bois du cerf) remontant bien au-dessus du terrain naturel puisque provoquant la boulance de la gravelette remplissant l'espace annulaire des piézomètres ;
Attendu que l'expert conclut en précisant que les conditions de sol et d'eau ainsi décrites montrent que les méthodes de terrassement et de soutènements prévues n'étaient pas en accord avec les dites conditions ;
Attendu que les explications de la SARL Geo Arve ne font apparaître aucune circonstance relevant de la force majeure de nature à l'exonérer de la responsabilité ainsi caractérisée par l'expert ;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer les dispositions du jugement qui ont condamné la SARL Geo Arve indemniser les consorts Y... ;
1-4 : contre la SARL ERM :
Attendu que ce maître d'oeuvre avait notamment reçu la mission M 3 : « direction de l'exécution des travaux, organisation des réunions de chantier, établissement du calendrier général des travaux, pilotage et suivi financier des travaux avec établissement des bons de paiement mensuels » ;
Attendu dès lors que le dommage subi par les consorts Y... est en relation directe de cause à effet avec l'intervention de la SARL ERM, de sorte qu'il convient de confirmer les dispositions du jugement qui l'ont condamnée in solidum à les indemniser de leur préjudice ;
1-5 : contre la SARL mont Blanc matériaux B... :
Attendu que cet entrepreneur a mis en oeuvre les travaux de terrassement au cours desquels le glissement de terrain s'est produit de sorte qu'il convient également de confirmer les dispositions du jugement qui l'ont condamné in solidum à indemniser les consorts Y... de leur préjudice ;
2 sur l'action récursoire de la SCI le bois du cerf :
2-1 : contre la société de droit anglais CNA Insurance Limited :
Attendu que la SCI le bois du cerf doit être déboutée de son recours contre cet assureur pour les motifs précédemment énoncés à propos du recours des consorts Y... ;
2-2 : contre la SARL Geo Arve :
Attendu que les explications de l'expert, exposées à propos du recours des consorts Y..., montrent que la SARL Geo Arve n'a pas mis en oeuvre toutes les diligences utiles pour éviter le dommage, notamment faute d'avoir conduit ses sondages à une profondeur suffisante pour déceler la présence de la nappe d'eau, et encore pour avoir utilisé un pénétromètre dynamique qui ne pouvait permettre que difficilement d'identifier des conditions de sol difficile (page 16 du pré-rapport du 22 mai 2008) ;
Attendu d'autre part qu'un représentant de cette société, présent sur le chantier au cours des opérations de terrassement, conformément aux missions confiées à ce contrôleur technique, a pu avoir conscience des difficultés qui s'annonçaient, caractérisées notamment par la circonstance relevée par l'expert qu'il a fallu démonter la grue de chantier en raison de l'inclinaison qu'elle prenait ;
Attendu dès lors qu'il convient de confirmer les dispositions du jugement qui ont condamné la SARL Geo Arve à garantir la SCI bois du cerf des condamnations prononcées contre celle-ci ;
2-3 contre la SARL ERM :
Attendu que celle-ci estime que sa responsabilité serait dégagée par l'intervention de la SARL Geo Arve qui surveillait les travaux de terrassement, et que son rôle serait purement administratif ;
Attendu toutefois que le maître d'oeuvre chargé d'une mission générale de direction de l'exécution des travaux, organisation des réunions de chantier, établissement du calendrier général des travaux, ne peut dégager sa responsabilité à raison de l'intervention d'un contrôleur technique spécialisé ;
Attendu que la faute de la SARL ERM est caractérisée par la circonstance qu'elle a laissé entreprendre les travaux de terrassement alors que l'avis technique de la SARL Geo Arve n'avait pas été validé par la SA Socotec, et sans s'être assuré du respect des règles de l'art par la SARL mont Blanc matériaux B... ;
Attendu que l'intervention d'un contrôleur technique spécialisé ne dispense pas le maître d'oeuvre d'exécution de son obligation de contrôle sur le chantier ;
Attendu dès lors qu'il convient de réformer le jugement déféré pour faire droit à l'action récursoire de la SCI le bois du cerf contre la SARL ERM ;
2-4 contre la SARL mont Blanc matériaux B... :
Attendu que cette société critique les explications de l'expert selon lesquelles il lui appartenait d'établir un plan de terrassement, qu'elle fait valoir qu'il ne lui appartenait pas d'établir ce plan ;
Attendu qu'il est vrai que dans le rapport du 22 mai 2008, l'expert considère que la responsabilité de cet entrepreneur n'est pas engagée,
Attendu que dans le rapport du 29 juillet 2010, il expose au contraire que l'entrepreneur aurait dû proposer un plan de terrassement en bonne et due forme, à chaque stade d'exécution et faire valider ces éléments pour procéder ensuite aux travaux en appliquant une méthode observationnelle ;
Attendu que l'expert conclut en indiquant que l'entrepreneur a procédé au terrassement jusqu'au niveau du fond de fouilles prévu pour dégager l'emprise, et ce, indépendamment des talus que cela créait, que l'examen des comptes rendus de chantier montre que le terrassement a été improvisé plutôt que conçu et réalisé dans les règles de l'art ;
Attendu qu'en toute hypothèse, en sa qualité de professionnelle des travaux de terrassement, la SARL mont Blanc matériaux B... ne pouvait ignorer qu'elle exécutait les travaux en méconnaissance des règles de l'art ;
Attendu qu'en dernier lieu que la SARL mont Blanc matériaux B... fait valoir que certains des travaux devaient, même en l'absence de tout sinistre, être payés par le maître de l'ouvrage, qu'il en résulterait que le quantum de la demande de la SARL le bois du cerf serait excessif, qu'il conviendrait encore de déduire la somme de 610 000 € payée par la SMABTP ;
Attendu cependant que le maître de l'ouvrage est en droit d'exiger les prestations nécessaires à la solidité de l'ouvrage, quand bien même il n'en aurait pas payé le prix ;
Attendu pour le surplus que les premiers juges ont arbitré le montant de la provision en page 9 et 15 de leur décision par des dispositions pertinentes ;
Attendu dès lors qu'il y a lieu de réformer le jugement déféré pour faire droit à l'action récursoire de la SARL le bois du cerf ;
2-5 sur le partage de responsabilité :
Attendu qu'il ne résulte pas des pièces produites que la SARL le bois du cerf se soit immiscé de manière fautive dans la conduite du chantier alors au surplus qu'il n'apparaît pas qu'elle avait des compétences en matière de travaux de terrassement ;
Attendu qu'il n'est pas non plus établi qu'elle ait voulu faire des économies sur le coût des travaux en dépit de mise en garde des constructeurs, qu'elle s'est au contraire entourée d'une équipe de maîtrise d'oeuvre complète ;
Attendu en conséquence que les premiers juges ont décidé à bon droit de faire droit intégralement à son action récursoire ;
Attendu qu'en considération de la gravité des fautes respectives, il y a lieu de répartir la responsabilité entre les coobligés dans les proportions suivantes :
- SARL Geo Arve : 50 %
- SARL ERM : 25 %
- SARL mont Blanc matériaux B... : 25 %
3- sur la demande reconventionnelle de la SARL mont Blanc matériaux B... :
Attendu que les premiers juges ont chiffré à 149 765, 05 € TTC le montant des sommes dues par la SARL le bois du cerf à la SARL mont Blanc matériaux B... qui sollicite la confirmation des dispositions correspondantes du jugement ;
Attendu que la SARL le bois du cerf fait valoir qu'une somme de 118 372, 32 € correspondrait à des travaux de sécurisation après sinistre, qu'en toute hypothèse, il conviendrait de condamner la SARL Geo Arve, la SARL ERM et la SARL mont Blanc matériaux B... à la garantir de la condamnation au paiement de cette somme ;
Attendu que les premiers juges ont apprécié de manière pertinente les droits des parties, que leur décision sera toutefois réformée pour tenir compte du partage de responsabilité qui doit être prononcé comme ci-dessus ;
Attendu que les premiers juges ont encore décidé à juste titre de ne pas faire bénéficier la SARL mont Blanc matériaux B... de la compensation pour ne pas réduire le montant de la provision ;
4- sur la demande reconventionnelle de la SARL ERM :
Attendu que la SARL ERM demande paiement d'une somme de 12 952, 46 € représentant le solde d'honoraires impayés, que toutefois, en première instance, sa demande, à laquelle le jugement déféré a fait droit était limitée à 12 612, 76 € ;
Attendu que le total des factures produites en pièce no26 s'élève à 12 169, 30 € (les premiers juges ont utilisé les mêmes chiffres que la Cour, mais ont fait une erreur d'addition) ;
Attendu que la SARL le bois du cerf ne conteste pas les explications selon lesquelles ses factures correspondaient à des prestations antérieures au sinistre et dépourvues de rapport avec celui-ci ;
Attendu que pour les mêmes motifs que ci-dessus, il y a lieu d'exclure la compensation ;
5- sur l'incident de mise en état :
Attendu que d'une part, les sommes consignées sont presque entièrement dépensées, que l'expert a déposé un rapport définitif, de sorte qu'il est maintenant dessaisi, que toutefois il indique en page 3 qu'il n'a pu remplir sa mission sur les points suivants :
- Évaluation du coût de reprise des désordres aussi bien sur le fonds des consorts Y... que sur celui de la SARL le bois du cerf
-Evaluation des préjudices ;
Attendu cependant que les premiers juges ont à bon droit décidé de désigner à nouveau l'expert, qu'il conviendra de compléter la mission qu'ils lui ont donnée ;
Attendu que l'intérêt d'une bonne administration de la justice commande de mettre à la charge des consorts Y... la provision que les premiers juges ont omis de prévoir, qu'il y a lieu de faire droit à la demande en paiement d'une provision ad litem ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Donne acte à
-Mme Martine Y... épouse Z..., agissant tant à titre personnel en qualité d'héritière de M. Albert Y... décédé le 7 juin 2011
- M. François Y...
- M. Philippe Y...,
- M. Jean-Charles Y...
Agissant en qualité d'héritiers de M. Albert Y...,
De leur intervention volontaire,
1- action des consorts Y... :
Confirme les dispositions du jugement qui ont déclaré recevable l'intervention volontaire des consorts Y... ;
Confirme les dispositions du jugement qui ont condamné in solidum la SARL le bois du cerf, la SARL Géo Arve, la société ERM et la SARL Mont Blanc matériaux B... à payer aux consorts Y... une provision de 513 000 € sur un compte séquestre avec mission pour celui-ci de libérer les fonds au fur et à mesure d'exécution des travaux confortatifs
Infirme les dispositions du jugement qui ont condamné la société de droit anglais CNA Insurance Limited à payer aux consorts Y... une provision de 513 000 € et statuant à nouveau, les déboute de leurs demandes contre cette société ;
2- action récursoire de la SARL le bois du cerf :
Condamne in solidum la SARL Geo Arve, la SARL ERM, la SARL mont Blanc matériaux B... à garantir la SCI le bois du cerf de la condamnation prononcée contre elle au profit des consorts Y..., et dans les rapports entre coobligés, à concurrence de :
-50 % pour la SARL Geo Arve
-25 % pour la SARL ERM :
-25 % pour la SARL mont Blanc matériaux B... :
Réforme les dispositions du jugement qui ont condamné la société de droit anglais CNA Insurance Limited à garantir la SCI le bois du cerf des condamnations prononcées contre elle, et statuant à nouveau, la déboute de sa demande contre cette société ;
3- demande reconventionnelle de la SARL Mont Blanc Matériaux B... et action récursoire correspondante de la SARL le bois du cerf
Confirme les dispositions du jugement qui ont condamné la SARL le bois du cerf à payer la SARL Mont blanc matériaux la somme de 149 765, 05 € TTC,
Réforme sur l'action en garantie formée de ce chef par la SARL le bois du cerf et statuant à nouveau, condamne in solidum la SARL Geo Arve, la SARL ERM, et la SARL Mont Blanc matériaux B... à garantir la SARL le bois du cerf de cette condamnation à hauteur de 118. 372, 32 €, dans les rapports entre obligés comme ci-dessus ;
Dit n'y avoir lieu à compensation de cette créance avec la dette de 513 000 € ;
4- demande reconventionnelle de la SARL ERM :
Condamne la SARL le bois du cerf à payer à la SARL ERM la somme de 12 169, 30 € ;
Dit n'y avoir lieu à compensation de cette créance avec la dette de 513 000 € ;
Confirme les dispositions du jugement qui ont ordonné un complément d'expertise confié à Monsieur A... ;
Y ajoutant, complète la mission d'expertise dans les termes suivants :
- Chiffrer le coût de réfection des désordres dans la propriété des consorts Y... et sur celle de la SARL le bois du cerf,
- Donner tous éléments d'appréciation, au besoin avec l'aide d'un sapiteur, des divers préjudices subis par les consorts Y... et de la SARL le bois du cerf ;
Dit que les consorts Y... consigneront au greffe de la Cour la somme de 27 000 € dans le délai de 2 mois du prononcé de l'arrêt,
Dit qu'à défaut de consignation à l'expiration de ce délai, la désignation devenant caduque, la procédure sera reprise conformément aux dispositions de l'article 271 du Code de Procédure Civile,
Dit que lors de la première réunion, ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera, d'une manière aussi précise que possible, le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire,
Dit que l'expert déposera au greffe de la Cour d'Appel un rapport de ses opérations dans le délai d'un an à compter de l'avis de consignation et en fera tenir une copie, et une copie de sa note d'honoraires, à chacune des parties et à chacun de leurs avoués, toutes observations pouvant être faites par ceux-ci au Conseiller taxateur dans les dix jours de leur réception,
Dit que le Conseiller de la mise en état- 1ère Section-sera chargé du contrôle des opérations d'expertise,
Dit qu'il sera pourvu au remplacement de l'expert dans les cas, conditions et formes des articles 234 et 235 du Code de Procédure Civile,
Condamne in solidum la SARL Geo Arve, la SARL ERM et la SARL mont Blanc matériaux B... à payer aux consorts Y... une provision ad litem de 27 000 € et dans leurs rapports respectifs, dans les mêmes proportions que la condamnation principale ;
Déboute la société de droit anglais CNA Insurance Limited de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la SARL Geo Arve, la SARL ERM et la SARL Mont Blanc matériaux B... à payer aux consorts Y... une indemnité de 5000 € et à la SARL le bois du cerf une indemnité de 2000 €, le tout sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de référé comprenant les frais d'expertise, de première instance d'appel avec application pour ces derniers des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Pougnand, avoués près la cour d'appel de Grenoble, de la SCP Dormeval et Puig, avoués associés et de la SCP Bollonjeon, Arnaud et Bollonjeon, avoués associés ;
Ainsi prononcé publiquement le 18 octobre 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Claude Billy, Président de Chambre, et Marina Vidal, Greffier.
Le Greffier, Le Président,