PL/ DA
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
chambre civile-première section
Arrêt du Mardi 18 Octobre 2011
RG : 10/ 02458
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 14 Octobre 2010, RG 10/ 86
Appelant
M. Pierre-Emmanuel X... demeurant...-73100 GRESY SUR AIX
représenté par la SCP FILLARD COCHET-BARBUAT, avoués à la Cour assisté de la SCP PEREZ ET CHAT, avocats au barreau de CHAMBERY
Intimée
CREDIT AGRICOLE DES SAVOIE, dont le siège social est sis PAE Les Glaisins-4 avenue du Pré Félin-74985 ANNECY CEDEX 09
représentée par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Cour assistée de la SCP OLLAGNON-DELROISE et VISIER-PHILIPPE
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 19 septembre 2011 avec l'assistance de Madame Vidal, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Monsieur Billy, Président de chambre,
- Monsieur Leclercq, Conseiller
-Monsieur Morel, Conseiller.
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Par acte du 1er août 2007, la société « Crédit Agricole des Savoie » a consenti à la société Y... mesures une ouverture de crédit d'un montant de 25 000 € à durée indéterminée assortie du cautionnement solidaire des deux dirigeants de cette société, dont M. Pierre-Emmanuel X..., chacun à concurrence de 12 500 € ;
Par ailleurs, par deux actes authentiques du 19 septembre 2007, la même banque a consenti :
1- A la société Y... mesure un prêt d'un montant de 325 000 € destiné à financer l'acquisition d'un fonds de commerce, garanti encore par l'engagement de caution solidaire des époux X... à hauteur de 50 000 €, outre le cautionnement de l'autre dirigeant à hauteur également de 50 000 €, et encore par un nantissement sur le fonds de commerce ;
Dans le même temps, les époux X... se sont portés caution du prêt de même montant consenti par la banque populaire des Alpes à hauteur de 100 000 € ;
2- A la société Acteamo sud un prêt d'une somme de 485 000 € destiné à financer l'acquisition des murs du fonds de commerce de la société Y... mesure, garanti encore par l'engagement de caution solidaire des époux X... à hauteur de 50 000 ~, et le cautionnement solidaire de l'autre dirigeant pour le même montant, outre le privilège de prêteur de deniers et une hypothèque sur les biens acquis par la société Acteamo sud ;
Dans le même temps, les époux X... se sont portés cautions solidaires du prêt de même montant consenti par la banque populaire des Alpes à hauteur de 50 000 € ;
Les actes de prêt prévoyaient dans les deux cas que l'inscription d'hypothèque à prendre viendrait en premier rang sur des biens donnés en garantie, « pari passu » avec l'inscription prise par la banque populaire des Alpes pour deux prêts de même montant consentis par cette banque ;
Par jugement du 5 mai 2009, le tribunal de commerce de Chambéry a mis la société Y... mesures en redressement judiciaire ;
Le crédit agricole des Savoie a déclaré sa créance auprès du mandataire ;
Par jugement du 13 octobre 2009, le tribunal a adopté le plan de redressement prévoyant la cession des éléments d'actif de la société Y... mesure à une autre société ;
Le crédit agricole des Savoie a perçu une somme de 20 000 € sur le prix de cession du fonds de commerce en vertu de son inscription de nantissement ;
Les créances chirographaires ont été déclarées irrécouvrables ;
Par lettre recommandée du 6 novembre 2009, le crédit agricole des Savoie a mis en demeure M. X... de lui payer les sommes suivantes :
11 963, 46 € en vertu du cautionnement du compte courant, 50 000 € en vertu du cautionnement du prêt souscrit pour financer l'achat du fonds de commerce
Par acte d'huissier du 16 février 2010, la banque a fait assigner M. X... par-devant le tribunal de commerce de Chambéry pour avoir paiement de la somme de 11 963, 46 € ;
M. X... s'est prévalu du caractère disproportionné de son engagement de caution ;
Par jugement du 14 octobre 2010, le tribunal de commerce de Chambéry a condamné M. X... à payer au crédit agricole des Savoie les sommes de :
-11 963, 46 € et intérêts au taux de 9, 8 % jusqu'à 12 500 € et au taux légal au-delà
-une indemnité de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
M. X... en a interjeté appel par déclaration au greffe du 4 novembre 2010 ;
Vu les dernières conclusions de M. X... du 13 septembre 2011 qui tendent à la réformation du jugement déféré pour voir débouter le Crédit Agricole des Savoie de ses demandes, le condamner à lui payer une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec application de l'article 699 du même code au profit de la SCP Fillard et Cochet Barbuat, avoués associés ;
Vu les dernières conclusions de la Caisse de Crédit Agricole des Savoie du 5 septembre 2011 qui tendent à la confirmation du jugement déféré et au paiement par M. X... d'une indemnité de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens avec application de l'article 699 du même code au profit de la SCP Dormeval et Puig, avoués associés ;
SUR CE :
Attendu que selon l'article L 341-4 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;
1- sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution au moment de sa conclusion :
Attendu que si la caution a souscrit d'autres engagements dont la banque a connaissance, les biens et revenus qui doivent être pris en considération en sont réduits d'autant ;
Attendu que les cinq prêts évoqués par M. X... ont été consentis à la même époque et avec la même finalité, à savoir le financement du rachat d'une entreprise, que la rédaction des deux actes de prêt en la forme authentique montre que l'opération a été négociée avec les deux banques ainsi qu'il résulte de la clause dite de « pari passu », de sorte que le crédit agricole des Savoie avait nécessairement connaissance de l'endettement total de M. X... ;
Attendu que celui-ci observe que le montant total des cautionnements s'élevait à 262 500 € ;
Attendu que la banque se prévaut d'une « fiche de renseignements » du 11 avril 2007 mentionnant que M. X... est employé de la société Georges Renault à Saint-Herblain (44) et qu'il a perçu un salaire annuel net fiscal de 37 000 €, que son conjoint exerce la profession d'infirmière et a perçu un salaire de 14 000 € ;
Attendu que la fiche mentionne encore que les époux sont propriétaires d'un appartement au ... avec la mention « va être vendue » ;
Attendu que M. X... a encore déclaré être engagé au titre d'un prêt immobilier avec un capital restant dû de 120 000 € ainsi qu'un autre prêt sur lequel il devait encore un capital de 6. 000 € ;
Attendu que selon les écritures de M. X..., le prix de la vente de l'appartement, soit 270 000 € a servi à hauteur de 60 000 € à financer l'activité de la société Y... mesure et à hauteur de 126 000 € à rembourser les prêts, de sorte qu'il restait un solde de 84 000 € ;
Attendu que M. X... se prévaut de la circonstance qu'il a été licencié le 30 avril 2007 de sorte que les mentions de la fiche de renseignements relatives à ses revenus seraient dépourvues de portée ;
Attendu qu'en toute hypothèse, la banque devait être consciente que M. X... ne pouvait conserver son emploi auprès de la société Georges Renault dans la mesure où, d'une part, il aurait à consacrer tout son temps à son activité de dirigeant de la société Y... mesure, et que d'autre part, il ne pouvait continuer à assurer cette activité de représentant dans son secteur géographique d'activité, à savoir le sud-est de la France, alors que le principal établissement de la société Y... mesure était situé à Rennes ;
Attendu que la banque soutient à tort qu'il conviendrait de prendre en considération d'éventuelles indemnités payées par l'assurance-chômage, puisqu'en effet, M. X... n'avait manifestement pas droit à de telles indemnités dès lors qu'il devenait gérant d'une société commerciale ;
Attendu que la banque était fondée à prendre en considération les revenus que M. X... aurait du tirer de son activité au sein de la SARL Y... mesure, et qui d'après le prévisionnel d'activité, se seraient élevés à 28 215 € pour l'exercice 2007-2008, 118 928 € pour l'exercice 2008-2009 et 139 703 € pour l'exercice 2009-2010 ;
Attendu que la banque fait encore valoir que le patrimoine de M. X... comprenait également les actions de la société Y... mesure ;
Attendu cependant que les parts d'une société commerciale perdent toute valeur lorsque celle-ci se trouve en cessation de paiement, ce qui est le cas lorsque le créancier est amené à faire jouer le cautionnement donné pour garantir une ouverture de crédit ;
Attendu que les revenus que M. X... pouvait tirer de l'activité de la société Y... mesure étaient hypothétiques, surtout dans l'hypothèse où son cautionnement serait appelé ;
Attendu que le montant des cautionnements souscrit par M. X... représentait plus de deux années des revenus qu'il pouvait escompter d'après un prévisionnel nécessairement optimiste, que même en additionnant à ces revenus ceux de son épouse et le solde du prix de vente de l'appartement d'Aix-les-Bains, l'engagement de caution n'en était pas moins disproportionné ;
2- sur l'état actuel du patrimoine de M. X... :
Attendu que la Banque invoque principalement la circonstance que M. X... était propriétaire de la moitié des parts de la SCI Acteamo sud, elle-même propriétaire d'immeubles, dont l'un donné en location à la société Décathlon ;
Mais attendu que M. X... fait valoir sans être utilement contredit que les loyers ne permettent pas de faire face au remboursement des échéances de l'emprunt contracté par cette société, que le prix de vente des immeubles serait probablement insuffisant pour permettre de rembourser ces emprunts, de sorte qu'il ne percevrait aucune somme dans l'hypothèse de vente de ces immeubles ;
Par ces motifs :
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré et statuant à nouveau ;
Dit que la société Crédit Agricole des Savoie ne peut se prévaloir du cautionnement donné par M. X... pour garantir l'ouverture de crédit consentie à la société Y... mesure par acte du 1er août 2007 ;
Déboute en conséquence la société Crédit Agricole des Savoie de ses demandes contre M. X... ;
Déboute celui-ci de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Crédit Agricole des Savoie aux dépens de première instance d'appel avec application pour ces derniers de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Fillard et Cochet Barbuat, avoués associés ;
Ainsi prononcé publiquement le 18 octobre 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Claude Billy, Président de Chambre, et Marina Vidal, Greffier.
Le Greffier, Le Président,