CB/ DA
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
chambre civile-première section
Arrêt du Mardi 08 Novembre 2011
RG : 10/ 02345
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance de THONON LES BAINS en date du 30 Septembre 2010, RG 08/ 148
Appelants
M. Claude X...
né le 29 Juillet 1939 à GAILLARD (74240),
demeurant...-74100 ETREMBIERES
M. John X...
né le 14 Juin 1964 à ANNEMASSE (74100),
demeurant ...-74100 ETREMBIERES
M. Yves X...
né le 31 Mai 1966 à ANNEMASSE (74100),
demeurant ...-74100 ANNEMASSE
représentés par la SCP DORMEVAL-PUIG, avoués à la Cour
assistés de la SCP PIANTA et ASSOCIES, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS
Intimé
MONSIEUR LE PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE,
Préfecture de la Haute-Savoie-74000 ANNECY
représenté par la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avoués à la Cour
assisté de la SELARL REBOTIER-ROSSI et Associés, avocats au barreau de LYON
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 10 octobre 2011 avec l'assistance de Madame Vidal, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Monsieur Billy, Président de chambre,
- Monsieur Leclercq, Conseiller
-Monsieur Morel, Conseiller.
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Attendu que monsieur Claude X... a obtenu le 6 février 2007 un acte de notoriété établi par monsieur Y..., notaire à Gaillard et publié à la Conservation des hypothèques, le déclarant propriétaire par prescription acquisitive des parcelles section B, no 1334, 1350, 1953, 2231, 2232, 2233, 2234, 2235, 2236, 2237, 2240, 2244, 2247, 2252 à 2267 et 384 de la commune d'Etrembières pour 12 ha 3 a et 13 ca, et le 28 mars 2007 un autre acte de notoriété concernant la parcelle no 2243 de 4 ha 46 a 48 ca ;
Qu'il a fait donation desdites parcelles à ses fils John et Yves X... par acte du 25 juillet 2007, reçu également par monsieur Y...;
Que monsieur le Préfet de la Haute-Savoie a demandé l'annulation de ce certificat et que, par jugement du 30 septembre 2010, le tribunal de grande instance de Thonon les Bains a fait droit à cette demande et annulant partiellement l'acte de donation reçu par monsieur Y...le 25 juin 2007 mais uniquement en ce qui concerne les immeubles faisant l'objet des actes de notoriété acquisitive des 6 février et 28 mars 2007, condamné les défendeurs in solidum à payer à l'Etat français 2. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté les autres prétentions des parties ;
Attendu que messieurs Claude, John et Yves X... en ont interjeté appel par déclaration du 21 octobre suivant ;
Attendu que, soutenant que madame Z..., monsieur A...et monsieur B...ont attesté qu'ils était de notoriété publique que monsieur Claude X... possédait les parcelles susdites depuis plus de trente ans, que l'Etat demandeur a la charge de la preuve, qu'il ne soutient même pas que ces parcelles font partie de son domaine privé, qu'elles ont pu antérieurement être incorporées au domaine public, mais en raison de fréquentes modifications du lit majeur de l'Arve au fil du temps, sont sorties du domaine public pour être incorporées au domaine privé de l'Etat en application de la règle du plenissimum flumen, que le domaine public par définition n'est pas cadastré ce qui n'est pas le cas des parcelles litigieuses, que monsieur X... exploitait des carrières sur ces parcelles et ses fils après lui, que cette exploitation a nécessairement été autorisée par des arrêtés préfectoraux, que jusqu'à une lettre du président de la communauté de communes de l'agglomération annemassienne du 26 mars 2007 personne n'avait contesté sa possession, que le rapport du commissaire enquêteur du 4 février 1991, préalable à la délimitation du domaine public fluvial indique que " monsieur Claude X... revendique la propriété de parcelles au-delà de la limite du domaine fluvial attribuées à tort au service des domaines ", que l'Etat ne les a jamais entretenues, que les consorts C...ont vendu à la commune d'Etrembières la parcelle 2238, mitoyenne de la parcelle 1953, qui, de la même façon était antérieurement incorporée au domaine public, et la parcelle 2241, correspondant à la partie du bras de l'Arve qui a disparu, que les parcelles sont exploitées et occupées dans les conditions prévues à l'article 2229 du code civil, qu'ils en justifient par un grand nombre d'attestations, que les lettres de 1986 et 1988 n'émanent pas d'eux (maire, DDE, sous-préfet) et sont contraires au principe que nul ne peut se constituer une preuve à soi-même, qu'il conteste avoir reçu les correspondances alléguées, que la preuve du caractère équivoque de la possession doit émaner du revendiquant, messieurs Claude, John et Yves X... demandent de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que les parcelles litigieuses relèvent du domaine privé de l'Etat à l'exception de la parcelle 384 qui n'appartient pas à l'Etat, de dire que la preuve n'est pas rapportée du caractère équivoque de leur possession, de réformer le jugement pour le surplus, subsidiairement de dire que l'annulation de l'acte de notoriété acquisitive ne concerne pas la parcelle 384 ;
Attendu que, alléguant que les parcelles B 2234 à 2237, 2240, 2253 à 2267, qui ne sont pas représentées sur les croquis du cadastre de 1969 et donc à l'époque dans le lit de l'Arve appartiennent bien au domaine public de l'Etat, que le cadastre ne constitue pas une délimitation officielle, que seule peut être admise la règle de la limite des plus hautes eaux depuis 1969, que les parcelles font bien partie du domaine public, qu'il n'est pas contesté qu'elles font au moins partie du domaine privé de l'Etat, que l'acte de notoriété acquisitive est insuffisant pour prouver l'usucapion, que la plupart des attestations sont stéréotypées et non circonstanciées, que le maire atteste que l'exploitant est une Sarl X... et non monsieur X..., que monsieur D...ignore quelles parcelles sont occupées et si les parcelles sont louées ou propriété de l'entreprise, que la possession est équivoque, que monsieur X... a cherché à acquérir les terrains en 1986, qu'il n'y a eu qu'une occupation précaire, qu'il n'y a pas de preuve d'actes positifs de possession, monsieur le Préfet de la Haute-Savoie conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de messieurs X... à lui payer 3. 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que l'établissement d'un acte de notoriété ne dispense pas son bénéficiaire de démontrer qu'il a acquis par usucapion, dès lors que le rôle du notaire se borne à dresser l'acte constatant seulement ce qui lui est dit ;
Qu'en l'espèce, les témoins ont seulement dit parfaitement connaître monsieur Claude X..., et attesté comme étant de notoriété publique et à leur parfaite connaissance que ce dernier a possédé depuis plus de trente ans les parcelles litigieuses, et que cette possession a eu lieu à titre de propriétaire, d'une façon continue et non interrompue, paisible, publique et non équivoque ;
Que le notaire n'a personnellement fait aucune autre vérification et que les affirmations des témoins constituent des appréciations qui méritent, dès lors qu'elles sont contestées, d'être confirmées de façon circonstanciée ;
Attendu que le rapport du commissaire enquêteur du 4 février 1991, intervenu dans l'enquête sur la délimitation du domaine public fluvial de l'Arve, rive gauche à l'aval du pont de zone, qui indique que " X... Claude revendique la propriété des parcelles suivantes, au-delà de la limite du domaine fluvial, attribuées à tort au service des domaines ", parcelles 1333, 1349 à 1353 et 1953, a préalablement indiqué que ces parcelles étaient répertoriées au service des domaines ;
Que le domaine public a été délimité par arrêté du 3 avril 1991 et que monsieur X... n'a donné aucune suite à sa revendication, en sorte que lesdites parcelles qui appartenaient officiellement à l'Etat ont continué, sans autre contestation de sa part, à lui appartenir ;
Attendu qu'une lettre du maire d'Etrembières à monsieur Claude X..., en date du 8 août 1986, lui écrivait que " lors de sa séance du 4 juillet dernier, le Conseil Municipal n'a pas émis d'objection à votre projet de récupérer, conjointement avec monsieur E...Georges, les terrains classés dans le domaine privé de l'Etat et situés en bordure de l'Arve " ;
Que, le 23 septembre 1986, c'est le Directeur départemental de l'Equipement qui écrivait à monsieur X... : " suite à notre entrevue sur place le 20 août 1986, et soucieux de concilier les intérêts de chacun des partenaires... je vous propose de mettre en oeuvre la procédure suivante : dans un premier temps il convient de préciser en la matière les droits et obligations de chacun. Les origines de propriété des terrains revendiqués doivent être clairement établies... Il vous appartient donc d'apporter les éléments permettant de classer l'origine de propriété des terrains en fonction des cas précités en vue d'engager les procédures d'acquisition convenables dans chaque classe ", et, rappelant la servitude " de marchepied " en bordure d'Arve, " elle doit être rétablie dans les meilleurs délais tant sur vos propriétés actuelles en bordure d'Arve que sur les terrains revendiqués " ;
Que le 20 mai 1988, le sous-préfet de Saint Julien en Genevois écrivait à monsieur Georges E..., avec copie à monsieur X..., en évoquant " des courriers et des projets que vous aviez été amené à présenter conjointement avec monsieur Claude X... aux services de la Direction départementale de l'Equipement ", en lui demandant de rétablir la servitude de marchepied, disant que " lors de la réunion du 16 mai 1988, monsieur X... a déclaré accepter les conditions techniques de réalisation des travaux " ;
Que, en réponse à une lettre du 21 octobre 2005, la Direction générale des impôts écrivait à monsieur John X..., gérant de la société X... père et fils, en un courrier du 14 novembre 2005 ayant pour objet " commune d'Etrembières-Achat de terrains appartenant à l'Etat " : " ces parcelles, situées en bordure de l'Arve sur le territoire de la commune d'Etrembières, tirées de l'ancien lit de l'Arve, appartiennent à l'Etat et sont affectées au service gestionnaire des cours d'eau domaniaux à savoir le Ministère de l'Equipement " ;
Qu'une lettre antérieure du 10 novembre 2005, de la Direction générale des impôts, Brigade domaniale foncière, adressée à la Direction départementale de l'Equipement, service de la navigation que " les parcelles A 1444, A 1368, A 1369, B 1330, B1350, B 1953, B2231, B 2232, B 2233, B 2242, B 2243, B 2244 et B 2247 sont des parcelles tirées de l'ancien lit de l'Arve, appartenant à l'Etat et affectées par erreur à " l'Etat par l'administration des Domaines ". Une rectification sera faite au Service du Cadastre pour que ces parcelles soient affectées au service gestionnaire des cours d'eau domaniaux à savoir le Ministère de l'Equipement " ;
Que, en dernier lieu, par lettre du 26 mars 2007, la communauté de communes Agglomération annemassienne a demandé au Préfet de contester la procédure de prescription acquisitive engagée par monsieur X... ;
Attendu que monsieur X... qui invoque une prescription trentenaire à la date du 6 février 2007, et ne précise aucune possession antérieure à ces trente ans, a donc tenté d'acquérir les parcelles litigieuses en 1986 auprès de la commune et en 2005 auprès de l'Etat, à cette dernière date le candidat à l'acquisition étant la société X..., gérée par un des appelants qui reconnaissait ainsi la propriété de l'Etat ;
Qu'en 1991 la propriété de l'Etat était rappelée lors d'une enquête d'utilité publique et monsieur X... revendiquait la propriété de parcelles dans les observations recueillies par le commissaire enquêteur, mais ne donnait pas de suite à cette revendication ponctuelle et restée théorique ;
Attendu qu'il en résulte que monsieur X..., qui en sollicitant l'acquisition des parcelles, et qui ne soutient pas qu'il puisse y avoir une ambiguïté sur les parcelles concernées par les courriers tant de la commune d'Etrembières que de la Direction générale des impôts de 2005, a reconnu n'en être pas propriétaire, ne justifie pas d'une possession paisible, non équivoque et à titre de propriétaire, la possession étant d'ailleurs, par certains de ses témoins, évoquée au profit de la société X..., sans que monsieur X... soutienne lui avoir loué ou concédé les terrains litigieux ;
Qu'il convient de rappeler que la commune et la communauté de commune sont des personnes différentes de l'Etat et que leurs courriers ne sont pas des preuves constituées pour soi-même ;
Que les courriers de l'Etat portent une date portée par tampon et que rien ne permet d'imaginer qu'ils aient pu être faits pour les besoins de la cause, en particulier celui adressé à monsieur E...et faisant état d'une demande conjointe de ce dernier et de monsieur X... ;
Que, dès lors, et nonobstant les attestations produites, plus intéressantes par leur nombre que par leurs termes, que monsieur X... a tenté de faire diversifier, et alors qu'aucune ne situe le début de la possession revendiquée tout en affirmant qu'elle est plus que trentenaire, le jugement qui a débouté messieurs X... doit être confirmé, sans qu'il soit utile à la solution du litige de rechercher si les dites parcelles font ou non partie du domaine public ;
Attendu qu'il n'y a pas de contestation sur la parcelle 384 non revendiquée par l'Etat ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Constate que le Préfet de Haute-Savoie ne conteste pas l'acte de notoriété du 6 février 2007 en ce qui concerne la parcelle section B, no 384 de la commune d'Etrembières,
Confirme pour le surplus le jugement entrepris,
Condamne messieurs. X..., appelants, à payer à monsieur Le Préfet de la Haute-Savoie la somme de 3. 000 € (TROIS MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamne aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Bollonjeon-Arnaud-Bollonjeon.
Ainsi prononcé publiquement le 08 novembre 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Claude Billy, Président de Chambre, et Marina Vidal, Greffier.
Le Greffier, Le Président,