JM/ DA
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
chambre civile-première section
Arrêt du Mardi 08 Novembre 2011
RG : 10/ 02934
Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BONNEVILLE en date du 01 Décembre 2010, RG 07/ 267
Appelante
La Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU CHABLAIS,
dont le siège social est sis 12 AVENUE DU GENERAL DE GAULLE-74200 THONON LES BAINS
représentée par la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avoués à la Cour
assistée de la SELARL REBOTIER-ROSSI et Associés, avocats au barreau de LYON
Intimés
La SCI FINANCIERE DU BAS CHABLAIS,
sise 9 A Avenue du Général de Gaulle-74200 THONON-LES-BAINS
M. Jean-Jacques X...
né le 26 Août 1946 à LILLE (59000),
demeurant...-74200 THONON LES BAINS
M. Vincent X...
né le 19 Avril 1970 à LILLE (59000),
demeurant... E-28430 ALPEDRETE-ESPAGNE
M. François-Philippe X...
né le 26 Avril 1971 à SAINT GERMAIN EN LAYE,
demeurant...-92110 CLICHY
M. Nicolas X...
né le 10 Juin 1974 à LYON (69454),
demeurant...-74200 THONON-LES-BAINS
représentés par la SCP FORQUIN-RÉMONDIN, avoués à la Cour
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 11 octobre 2011 avec l'assistance de Madame Vidal, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Monsieur Billy, Président de chambre,
- Monsieur Leclercq, Conseiller,
- Monsieur Morel, Conseiller.
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FAITS ET PROCEDURE
Par acte du 10/ 02/ 2005 la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU CHABLAIS a consenti à la SOCIETE CIVILE FINANCIERE DU BAS CHABLAIS deux prêts dont le montant a été affecté au remboursement d'un premier prêt in fine remboursable au bout de 5 ans, accordé le 13/ 10/ 1999, lequel était garanti par un contrat d'assurance vie souscrit par M. Jean-Jacques X..., gérant de la société emprunteuse, sur lequel la somme provenant de ce prêt avait été versée, mais dont la valorisation en 2004 n'avait pas permis le remboursement.
En garantie de ces deux nouveaux prêts, M. X... a, le 01/ 02/ 2005, donné à nouveau en gage son contrat d'assurance vie et ont été également fournies sa caution solidaire ainsi que celle de ses enfants Vincent, François-Philippe et Nicolas X....
Par courrier du 19/ 05/ 2005, M. X... a informé la Banque qu'il renonçait à son contrat d'assurance vie et a demandé le remboursement du capital investi, soit la somme de 304. 898 euros, renonciation qui a été jugée valable par un jugement à présent définitif du tribunal de grande instance de BONNEVILLE du 17/ 08/ 2007.
D'autre part, la déchéance du terme des deux prêts consentie en 2005 est intervenue, de sorte que, par acte du 21/ 12/ 2006, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU CHABLAIS a fait assigner la SOCIETE CIVILE FINANCIERE DU BAS CHABLAIS et les consorts X... en paiement devant le tribunal de grande instance de BONNEVILLE.
Les défendeurs ont conclu principalement à la caducité des contrats de prêts en raison de la renonciation de M. X... à son assurance vie, s'agissant d'une opération financière indivisible, de sorte qu'après compensation entre le capital reçu par l'emprunteur et les intérêts et frais perçus par la Banque, ils n'étaient débiteurs que d'une somme de 225. 966 euros qu'ils avaient déjà payée.
Par jugement du 01/ 12/ 2010, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :
- dit que la renonciation par M. X... au contrat d'assurance-vie entraînait la caducité des contrats de prêt à compter du 19/ 05/ 2005,
- condamné la SOCIETE FINANCIERE DU BAS CHABLAIS solidairement avec les consorts X..., en leur qualité de caution, à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU CHABLAIS les sommes de :
* 78. 927, 96 euros au titre du prêt no 18360802
* 42. 055, 93 euros au titre du prêt no 18360803,
outre intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 26/ 04/ 2010,
- débouté les défendeurs de leurs demandes relatives aux intérêts sur les sommes objets des saisies conservatoires et aux mainlevées desdites saisies,
- débouté les défendeurs de leur demande d'indemnisation à l'égard du banquier pour manquement à ses obligations,
- dit qu'il n'y avait pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe le 31/ 12/ 2010 la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU CHABLAIS a relevé appel de ce jugement.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU CHABLAIS demande à la cour :
- de réformer partiellement le jugement,
- de condamner solidairement la SOCIETE CIVILE FINANCIERE DU BAS CHABLAIS et les consort X..., dans la limite de leurs engagements de caution à hauteur de 366. 000 euros chacun, outre intérêts légaux postérieurs à la mise en demeure du 19/ 10/ 2006, à payer les sommes suivantes :
* 136. 675, 71 euros outre intérêts au taux conventionnel de 7, 90 % l'an et les cotisations d'assurance vie au taux de 0, 50 % l'an à compter du 5 mai 2010, au titre du prêt no 18360802,
* 69. 646, 80 euros outre intérêts au taux conventionnel de 7, 50 % l'an et les cotisations d'assurance vie au taux de 0, 50 % l'an à compter du 5 mai 2010, au titre du prêt no 18360803,
* la somme de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient qu'en l'absence d'indivisibilité entre le contrat d'assurance vie et les contrats de prêt, faute d'identité de parties et d'objet, la caducité de ces derniers ne pouvait être prononcée.
Subsidiairement, elle fait valoir que l'indivisibilité ne pourrait entraîner que la caducité, laquelle ne produit effet que pour l'avenir, de sorte que la débitrice restait redevable du capital restant dû à la date de la caducité, augmenté des intérêts légaux courus depuis lors, sans pouvoir déduire les intérêts contractuels payés antérieurement à la caducité, les intimés ne pouvant donc lui réclamer un trop payé.
La SOCIETE CIVILE FINANCIERE DU BAS CHABLAIS et les consorts X... demandent à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il retenu la caducité des contrats de prêt,
- de le réformer pour le surplus,
- de condamner la Banque à leur rembourser la somme de 66. 147, 76 euros, au titre du trop versé,
- de la condamner à leur payer une somme de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent que l'assurance vie et le prêt qui l'a financée faisaient partie d'une opération indivisible, de sorte que la renonciation à l'assurance vie entraîne la caducité des prêts.
Ils en déduisent qu'ils avaient l'obligation de restituer le capital des prêts à la date de la renonciation, soit une somme totale de 303. 608, 50 euros, de laquelle il y avait lieu de déduire la somme de 225. 966 euros réglée au moyen de la saisie pratiquée, de sorte qu'il leur restait devoir la somme de 77. 642, 50 euros seulement, alors qu'en exécution des causes du jugement ils ont réglé la somme de 120. 983, 89 euros, soit un trop versé de 43. 341, 39 euros auquel il convient d'ajouter une somme de 22. 806, 37 euros représentant la différence entre les intérêts au taux légal et les intérêts au taux conventionnel antérieurs à la renonciation ainsi que l'indemnité de résiliation.
MOTIFS
Sur la caducité
Attendu que le prêt du 13/ 10/ 1999, expressément stipulé comme destiné à la trésorerie de la SOCIETE CIVILE FINANCIERE DU BAS CHABLAIS, et les deux prêts du 10/ 02/ 2005, affectés au remboursement de ce premier prêt, ont été consentis par la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU CHABLAIS à la SOCIETE CIVILE FINANCIERE DU BAS CHABLAIS, alors que l'assurance vie a été personnellement contractée le 10/ 11/ 1999 par M. Jean-Jacques X..., son gérant, auprès de la société ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL ;
Qu'il s'agissait de contrats ayant un objet distinct : financement de la trésorerie de la société, d'une part, assurance personnelle de M. X..., d'autre part, et des parties différentes : la société CREDIT MUTUEL DU CHABLAIS et la SOCIETE FINANCIERE DU BAS CHABLAIS en ce qui concerne les prêts, la société ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL et M. X... personnellement en ce qui concerne l'assurance vie ;
Que la circonstance que l'assurance vie ait été remise en garantie des prêts ne démontre pas qu'il y ait eu intention commune de toutes les parties de constituer un ensemble contractuel indivisible, alors que le prêt initial a été détourné de sa destination par M. X..., puisqu'au lieu de financer la trésorerie de la société qu'il dirigeait, ainsi qu'il était stipulé, il lui a permis de souscrire en son nom personnel une assurance vie, sans qu'il soit possible de discerner l'intérêt que cette façon, pour le moins curieuse, de procéder, présentait pour la SOCIETE CIVILE FINANCIERE DU BAS CHABLAIS, privée par son gérant, n'hésitant pas à confondre son intérêt personnel et celui de la personne morale qu'il dirigeait, du capital qu'elle avait emprunté ;
Qu'il n'est pas établi qu'il aurait été convenu avec l'organisme prêteur que le prêt, expressément stipulé de trésorerie, consenti à une personne morale, servirait en réalité à la souscription d'une assurance vie au profit d'une personne physique ;
Qu'aucune pièce produite ne vient même confirmer l'affirmation des intimés selon laquelle le montant du prêt aurait été directement versé à la société ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL ;
Attendu qu'il n'y avait donc pas indivisibilité entre les prêts et l'assurance-vie ;
Que la renonciation à ce dernier contrat n'a, par conséquent, pas entraîné la caducité des prêts du 10/ 02/ 2005 ;
Sur la créance de la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU CHABLAIS
Attendu qu'il ressort des contrats de prêt, clauses contractuelles, tableaux d'amortissement, courriers de mise en demeure et décomptes détaillés produits que la créance de la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU CHABLAIS à l'encontre de la SOCIETE CIVILE FINANCIERE DU BAS CHABLAIS, après ventilation au marc le franc entre les deux prêts puis déduction de la somme de 225. 966 euros provenant de la saisie conservatoire opérée le 05/ 01/ 2010, se chiffre aux sommes suivantes :
-136. 675, 71 euros outre intérêts au taux conventionnel de 7, 90 % l'an et les cotisations d'assurance vie au taux de 0, 50 % l'an à compter du 05/ 05/ 2010 au titre du prêt no 18360802,
-69. 646, 80 euros outre intérêts au taux conventionnel de 7, 50 % l'an et les cotisations d'assurance vie au taux de 0, 50 % l'an à compter du 05/ 05/ 2010 au titre du prêt no 18360803 ;
Attendu que, dans les contrats de prêt, Jean-Jacques, Vincent, François-Philippe et Nicolas X... se sont chacun portés cautions solidaires des engagements de la société emprunteuse dans la limite de la somme de 336. 000 euros, couvrant le principal, les intérêts et, le cas échéant les pénalités ou les intérêts de retard ;
Attendu, par conséquent, qu'il sera fait droit aux demandes de la banque au titre des prêts, sauf en ce qui concerne les intérêts au taux légal réclamés en outre aux cautions, alors que ces dernières sont déjà tenus aux intérêts conventionnels dûs par la débitrice principale ;
Attendu que les intimés succombant au principal, il y a lieu de rejeter leurs demandes reconventionnelles ;
Attendu, enfin, qu'il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne ses dispositions non remises en cause devant la cour,
Statuant à nouveau,
Condamne solidairement la SOCIETE CIVILE FINANCIERE DU BAS CHABLAIS, Jean-Jacques X..., Vincent X..., François-Philippe X... et Nicolas X..., les quatre derniers dans la limite de leurs engagements de caution à hauteur de 366. 000 euros chacun, à payer à la société CAISSE DE CREDIT MUTUEL DU CHABLAIS les sommes suivantes :
-136. 675, 71 euros outre intérêts au taux conventionnel de 7, 90 % l'an et les cotisations d'assurance vie au taux de 0, 50 % l'an à compter du 5 mai 2010, au titre du prêt no 18360802,
-69. 646, 80 euros outre intérêts au taux conventionnel de 7, 50 % l'an et les cotisations d'assurance vie au taux de 0, 50 % l'an à compter du 5 mai 2010, au titre du prêt no 18360803,
Rejette les autres demandes,
Condamne solidairement la SOCIETE CIVILE FINANCIERE DU BAS CHABLAIS, Jean-Jacques X..., Vincent X..., François-Philippe X... et Nicolas X... aux dépens de première instance, distraits au profit de Me Isabelle BOGGIO, avocat, et aux dépens d'appel, distraits au profit de la SCP BOLLONJEON ARNAUD BOLLONJEON, avoués.
Ainsi prononcé publiquement le 08 novembre 2011 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Claude Billy, Président, et Marina Vidal, Greffier.
Le Greffier Le Président