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06/09/2022 | FRANCE | N°20/00530

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 06 septembre 2022, 20/00530


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 06 Septembre 2022





N° RG 20/00530 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GOEY



Décision attaquée : Jugement du Président du TJ de THONON LES BAINS en date du 12 Mars 2020, RG 17/01132





Appelante



S.A. MARGAIRAZ, dont le siège social est sis [Adresse 1]



Représentée par la SELAS AGIS, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS









Intimés



M. [R] [M]
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Mme [S] [M]

née le 05 Décembre 1971, demeurant [Adresse 2]



Représentés par la SELARL LEVANTI, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS





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COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 06 Septembre 2022

N° RG 20/00530 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GOEY

Décision attaquée : Jugement du Président du TJ de THONON LES BAINS en date du 12 Mars 2020, RG 17/01132

Appelante

S.A. MARGAIRAZ, dont le siège social est sis [Adresse 1]

Représentée par la SELAS AGIS, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS

Intimés

M. [R] [M]

né le 08 Juin 1973 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

Mme [S] [M]

née le 05 Décembre 1971, demeurant [Adresse 2]

Représentés par la SELARL LEVANTI, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 17 mai 2022 avec l'assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- M. Michel FICAGNA, Président,

- Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Il a été procédé au rapport.

EXPOSÉ DU LITIGE

A la fin de l'année 2011, M. [R] [M] et Mme [S] [M] ont fait appel à la SA Margairaz Vitrerie Miroiterie Menuiserie Aluminum pour procéder à des travaux d'extension de leur maison d'habitation à [Localité 4], consistant en la construction d'une véranda. Les travaux ont été exécutés sur la base d'un devis en date du 1er mars 2012, accepté le 24 juillet 2012, d'un montant TTC de 20.302,57 euros.

L'ouvrage a fait l'objet d'un procès-verbal de réception des travaux daté du 28 février 2013, faisant mention de diverses réserves. La facture émise le 29 mars 2013 pour un montant équivalent à celui du devis n'a été payée qu'à hauteur de 6.090,77 euros. Les époux [M], se plaignant de divers désordres affectant l'ouvrage, ont refusé de payer le sole de 14.211,80 euros.

M. et Mme [M] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains aux fins d'expertise. Par ordonnance du 9 juillet 2013, M. [W] [X] a été désigné en qualité d'expert.

Entre temps, par jugement du 21 février 2014, le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains a placé la société Margairaz en redressement judiciaire, Me [F] étant désigné en qualité de mandataire judiciaire, et Me [G] en qualité d'administrateur judiciaire. L'expertise leur a alors été étendue.

L'expert a déposé son rapport le 4 novembre 2014.

Le 25 avril 2014, M. et Mme [M] ont déclaré au passif de la société Margairaz une créance à titre chirographaire d'un montant de 27.000 euros. Sur contestation émise par le mandataire judiciaire, le juge commissaire, par ordonnance rendue le 1er septembre 2016, a admis en totalité la créance des époux [M].

La société Margairaz, Me [F] et Me [G], ès qualités, ont interjeté appel de cette décision et, par arrêt rendu le 9 mai 2017, la cour d'appel de Chambéry a essentiellement :

- infirmé l'ordonnance en toutes ses dispositions,

- constaté que le juge commissaire est incompétent pour statuer sur l'existence et le montant de la créance déclarée par M. et Mme [M],

- sursis à statuer sur l'admission de ladite créance et invité les parties à saisir la juridiction compétente, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, à peine de forclusion.

C'est dans ces conditions que, par acte délivré le 20 juillet 2017, M. et Mme [M] ont fait assigner la société Margairaz, Me [G], ès qualités d'administrateur judiciaire, et la SELARL Luc [F], ès qualités de mandataire judiciaire, devant le tribunal de grande instance de Thonon-Les-Bains pour obtenir, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, la fixation de leur créance au passif de la société Margairaz à la somme de 27.454,50 €, la condamnation de la société Margairaz à leur payer la somme de 20.454,50 € à titre de dommages et intérêts, ainsi que 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens évalués à 4.000 €.

La société Margairaz, Me [G] et la SELARL Luc [F], ès qualités, se sont opposés aux demandes et ont formé une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 14.211,80 € correspondant au solde restant dû par les époux [M].

Par jugement contradictoire rendu le 12 mars 2020, le tribunal judiciaire de Thonon-Les-Bains a :

condamné la société Margairaz, représentée par Me [G] agissant en qualité d'administrateur judiciaire et par la SELARL Luc [F] agissant en qualité de mandataire judiciaire, à payer à M. et Mme [M] la somme de 20.454,50 € à titre de dommages et intérêts,

débouté la société Margairaz, représentée par Me [G] agissant en qualité d'administrateur judiciaire, de sa demande,

condamné la société Margairaz, représentée par Me [G] agissant en qualité d'administrateur judiciaire et par la SELARL Luc [F] agissant en qualité de mandataire judiciaire, à payer la somme de 2.000 € à M. et Mme [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté la société Margairaz, représentée par Me [G] agissant en qualité d'administrateur judiciaire, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Margairaz, représentée par Me [G] agissant en qualité d'administrateur judiciaire et par la SELARL Luc [F] agissant en qualité de mandataire judiciaire, au paiement des entiers dépens de l'instance.

Par déclaration du 5 mai 2020, la société Margairaz et Me [E] [G], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société Margairaz, ont interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été clôturée à la date du 25 avril 2022 et renvoyée à l'audience du 17 mai 2022, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 6 septembre 2022.

Par conclusions notifiées le 27 juillet 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Margairaz et Me [G], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, demandent en dernier lieu à la cour de :

infirmer la décision déférée et juger à nouveau,

A titre principal,

condamner les époux [M] à payer la somme de 14.211,80 €,

constater la levée des réserves,

A titre subsidiaire,

donner acte à ce que la société Margairaz mandate une entreprise du réseau Schuco pour reprendre les désordres à ses frais,

débouter les époux [M] de l'intégralité de leurs demandes et de toutes demandes contraires,

condamner les époux [M] à payer la somme de 14.211,80 €,

condamner les époux [M] à la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner les époux [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise.

Par conclusions notifiées le 5 mars 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. et Mme [M] demandent en dernier lieu à la cour de :

Vu l'article ancien 1147 du code civil devenu 1231-1,

Vu les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce,

Vu le rapport de M. [X] du 4 novembre 2014,

Vu le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon-Les-Bains le 12 mars 2020,

Vu les pièces verses aux débats,

confirmer partiellement le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit et jugé que la société Margairaz a manqué à ses obligations contractuelles, outre à son devoir de conseil et en conséquence engagé sa responsabilité à l'égard des époux [M],

- rejeté les demandes de la société Margairaz, représentée par Me [G] et par la SELARL Luc [F],

infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,

fixer au passif de la société Margairaz la créance de M. et Mme [M] arrêtée à la somme de 228.454,50 €, décomposée comme suit:

- dommages et intérêts contractuels

(travaux de mise en conformité)20.454,50 € HT

- indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile3.000 €

- dépens de la procédure

(frais d'expertise, première instance et appel, pour mémoire)5.000 €

MOTIFS ET DÉCISION

En application de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'espèce, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il résulte des pièces produites aux débats, et notamment du rapport d'expertise de M. [X], que la véranda commandée par M. et Mme [M] à la société Margairaz présente plusieurs désordres :

- des infiltrations, apparues pour certaines en cours de chantier, et qui n'ont jamais été résolues par l'entreprise, provenant de défauts ponctuels d'exécution imputables à la société Margairaz,

- une absence de ventilation qui constitue une non-conformité et provoque des condensations importantes, imputables à un défaut de conseil de l'entreprise, les règles professionnelles Vérandas SNFA n'étant pas respectées.

Les travaux réalisés par la société Margairaz ont été achevés en octobre 2012 et ont fait l'objet d'une réception le 28 février 2013, avec mention de 9 réserves.

Le constat de levée des réserves, signé le 6 mars 2013, ne peut être retenu comme libérant la société Margairaz de toute obligation de réparation, puisque le maître de l'ouvrage a mentionné «sous réserve de contrôle». Or les infiltrations ont persisté par la suite, de sorte qu'à l'évidence les reprises effectuées n'ont pas été efficaces, ce qu'a constaté l'expert.

C'est donc en vain que la société Margairaz soutient qu'elle ne serait tenue d'aucune réparation du fait de la levée des réserves.

L'expert judiciaire conclut que la véranda est impropre à sa destination en raison des désordres constatés.

La responsabilité de la société Margairaz est entière puisque, ayant conçu et posé la véranda, elle se devait de réaliser un ouvrage conforme à sa destination. Or il est amplement acquis que les défauts constatés résultent de manquements de l'entreprise lors de l'exécution qui n'a pas réalisé un ouvrage conforme.

En effet, le support (muret existant) ne permettait pas de réaliser un ouvrage satisfaisant, il appartenait à la société Margairaz d'en informer ses clients et de refuser la pose dans ces conditions, ce qu'elle n'a pas fait. L'expert a ainsi relevé un défaut de verticalité de la porte fenêtre qui n'est pas jointive, un défaut d'étanchéité à l'angle du coulissant (infiltration), des défauts sur les fixateurs dans le caniveau et en bas de pente, le déboîtement des joints de vitrage, et l'absence de toute ventilation.

C'est donc à juste titre que la responsabilité de la société Margairaz a été retenue en totalité.

La société Margairaz conteste le montant des reprises retenu par le tribunal, celui-ci correspondant à une dépose et repose complète d'une véranda neuve, alors que M. et Mme [M] n'ont même pas payé la totalité des travaux réalisés par elle. Elle soutient que des réparations peuvent être réalisées pour un coût de 1.036 € HT, outre la mise en place d'une ventilation, estimée par l'expert à 1.000 €.

Dans ses conclusions finales, l'expert judiciaire indique que :

«Les réparations étaient techniquement réalisables et ont été chiffrées à 1.036 € HT par la S.A. Margairaz.

Ceci aurait été à compléter par la mise en oeuvre de ventilations (estimée à 1.000 € supplémentaires), soit un total de 2.036 € HT.

Par contre, pour des raisons de transfert de responsabilités, aucune entreprise n'accepte d'effectuer ces réparations en dehors de la S.A. Margairaz.

Nous notons en outre que l'intervention de la S.A. Margairaz s'avère impossible (refus du maître d'ouvrage, compte tenu de l'inefficacité des interventions précédentes).

Il est nécessaire d'envisager une dépose de la véranda existante et la fourniture et la pose d'une nouvelle véranda.

Ces travaux sont évalués à 18.595 € HT selon le devis [C], soit avec TVA à 10 %, 20.454,50 € TTC.»

Il ne peut être fait reproche à M. et Mme [M] de refuser une nouvelle intervention de la société Margairaz, alors qu'il résulte des échanges entre les parties que celle-ci n'a jamais réussi à remédier aux désordres malgré plusieurs tentatives.

Par ailleurs la société Margairaz ne peut imposer à M. et Mme [M] l'intervention d'une autre entreprise du réseau dont elle est membre.

Aussi, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu l'évaluation de l'expert telle que relatée ci-dessus pour les travaux de reprise.

Le jugement déféré doit toutefois être infirmé en ce qu'il a condamné la société Margairaz au paiement, puisque, en raison de la procédure de redressement judiciaire, seule une fixation de créance peut être prononcée. La créance de M. et Mme [M] au passif de la société Margairaz sera donc fixée, au titre des travaux de reprise, à 20.454,50 €.

La société Margairaz forme une demande reconventionnelle en paiement des travaux exécutés et non payés.

Le tribunal a rejeté cette demande en la déclarant sans objet, ce qui est inexact.

En effet, il n'est pas contesté que la véranda a été achevée par la société Margairaz, et, quand bien même celle-ci présente des défauts, ce travail doit être payé conformément à ce qui a été convenu, étant souligné que M. et Mme [M] ne contestent pas le montant du solde réclamé.

Ils se contentent de dire que le solde des travaux ne serait pas dû, ce qui reviendrait, compte tenu de l'indemnisation allouée pour les désordres, à les faire bénéficier d'un ouvrage neuf pour une somme très modeste, soit celle déjà payée par eux de 6.090,77 euros.

Aussi, la société Margairaz est bien fondée à obtenir le règlement du solde des travaux et M. et Mme [M] seront condamnés à lui payer la somme de 14.211,80 €.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme [M] la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de leur allouer la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés tant en première instance qu'en appel.

La société Margairaz, en redressement judiciaire, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise de M. [X].

Il convient de rappeler que le présent arrêt fixe la créance de M. et Mme [M] au passif de la société Margairaz, mais ne vaut pas admission de la créance, laquelle reste soumise à l'appréciation du juge commissaire, et, en l'espèce, de la cour saisie de l'appel de l'ordonnance du juge-commissaire (sursis à statuer prononcé le 9 mai 2017).

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon-Les-Bains le 12 mars 2020 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Fixe la créance de M. [R] [M] et de Mme [S] [M] au passif de la société Margairaz, en redressement judiciaire, aux sommes de :

- 20.454,50 € au titre des travaux de reprise de la véranda,

- 2.000 € au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et l'appel,

- s'il y a lieu les dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise de M. [X],

Condamne M. [R] [M] et Mme [S] [M] à payer à la société Margairaz et à Me [E] [G], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la S.A. Margairaz, la somme de 14.211,80 € au titre du solde restant dû sur les travaux réalisés,

Dit que les dépens de première instance et d'appel resteront à la charge de la société Margairaz, en redressement judiciaire, et comprendront les frais d'expertise de M. [X].

Ainsi prononcé publiquement le 06 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Alyette FOUCHARD, Conseillère, en remplacement de Michel FICAGNA, Président, régulièrement empêché et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, P/ Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/00530
Date de la décision : 06/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-06;20.00530 ?
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