La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2022 | FRANCE | N°20/00697

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 18 octobre 2022, 20/00697


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 18 Octobre 2022





N° RG 20/00697 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GPCB



Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] en date du 29 Mai 2020, RG 17/00755





Appelante



SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE C.W. IMMO, dont le siège social est situé [Adresse 2]



Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la S

ELARL CABINET RIONDET, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE









Intimés



M. [G] [Z]

né le 04 Janvier 1961 à [Localité 8] ([Localité 8]), demeurant [Adresse 7...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 18 Octobre 2022

N° RG 20/00697 - N° Portalis DBVY-V-B7E-GPCB

Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 4] en date du 29 Mai 2020, RG 17/00755

Appelante

SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE C.W. IMMO, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL CABINET RIONDET, avocats plaidants au barreau de GRENOBLE

Intimés

M. [G] [Z]

né le 04 Janvier 1961 à [Localité 8] ([Localité 8]), demeurant [Adresse 7]

Mme [J] [H] épouse [Z]

née le 12 Août 1960 à [Localité 8] ([Localité 8]), demeurant [Adresse 7]

Représentés par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentés par la SELARL DREZET - PELET, avocats plaidants au barreau de LYON

Me [C] [P], demeurant [Adresse 1]

S.C.P. [C] [P] ET MARIE ANNE [N] dont le siège social est situé [Adresse 1] / FRANCE

Représentés par la SCP BRIFFOD/PUTHOD/CHAPPAZ, avocats postulants au barreau de BONNEVILLE

Représenté par la SCP TACHET, AVOCAT, avocats plaidants au barreau de LYON

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 28 juin 2022 avec l'assistance de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- M. Michel FICAGNA, Président,

- Mme Alyette FOUCHARD, Conseiller,

- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Il a été procédé au rapport.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [K] [A] était propriétaire d'une parcelle de terrain cadastrée section B n° [Cadastre 3] à [Localité 5], d'une superficie de 07a 14ca, pour laquelle elle a déposé une demande de permis de construire le 26 novembre 2010, objet d'un modificatif le 21 janvier 2011 pour tenir compte de la proximité d'un cours d'eau.

Par arrêté du 24 janvier 2011, ce permis a été accordé à Mme [A] pour la construction d'un chalet d'une SHON de 166,89 m².

Parallèlement, par arrêté du 14 janvier 2011, le préfet de la Haute-Savoie a autorisé des travaux de prolongement du busage du ruisseau, ces travaux devant être achevés avant le 31 octobre 2011.

Le 23 juin 2011, Mme [A] a vendu son terrain assorti du permis de construire à M. [G] [Z] et Mme [J] [H] épouse [Z], lesquels ont bénéficié du transfert de ce permis le 12 juillet 2011. Les acquéreurs ont obtenu un permis modificatif le 28 janvier 2013. La validité du permis de construire a été prorogée jusqu'au 24 janvier 2014.

Par acte authentique reçu le 2 septembre 2013 par Me [P], notaire associé à [Localité 6], M. et Mme [Z] ont vendu ce même terrain à la SCI C.W. Immo, avec le bénéfice du permis de construire et de son modificatif.

Après avoir présenté une première demande de transfert du bénéfice du permis de construire, qui lui a été refusée le 14 octobre 2013, la SCI C.W. Immo a fini par obtenir ce transfert par arrêté du maire de Combloux en date du 28 février 2014.

Une déclaration d'ouverture de chantier datée du 21 novembre 2013 a été déposée au nom des époux [Z] alors seuls titulaires du permis de construire.

Le 11 juillet 2014, le maire de Combloux a abrogé le permis de construire du 24 janvier 2011 et son modificatif, au motif de l'absence de commencement des travaux, puis est revenu sur cette décision dès le 29 juillet 2014 en considération des observations de la SCI C.W. Immo.

Par courrier du 18 novembre 2014, le préfet de la Haute-Savoie a demandé au maire de la commune de [Localité 5] de faire cesser immédiatement les travaux entrepris sur le terrain litigieux pour les motifs suivants:

- les travaux engagés ne constituent pas un début de chantier, de sorte que le permis de construire est caduc,

- les travaux de busage n'ont pas été entrepris alors qu'ils devaient être réalisés avant le 31 octobre 2011.

Par courrier du 28 novembre 2014, le maire a donc demandé à la SCI C.W. Immo de cesser immédiatement les travaux, sauf ceux de remise en état du terrain, compte tenu de la caducité des autorisations délivrées.

Puis en novembre 2015, un procès-verbal a été dressé pour réalisation de travaux sans autorisation d'urbanisme et contraires au règlement du PPRN approuvé le 31 juillet 2013 (soit antérieurement à la vente à la SCI C.W. Immo). Un arrêté interruptif de travaux a été pris le 7 décembre 2015, suivi d'une mise en demeure de remise en état en date du 15 avril 2016, par les services de la préfecture, visant notamment l'enlèvement du busage et la restauration du lit du cours d'eau, le terrain étant situé pour partieen zone rouge du PPRN (zone inconstructible).

Il est à noter que ces faits ont donné lieu à des poursuites pénales à l'encontre de M. [L] (associé de la SCI C.W. Immo), terminées par un non lieu.

C'est dans ces conditions que, par actes délivrés le 11 mai 2017, la SCI C.W. Immo a fait assigner Me [P] et la SCP Bazaille et associés, notaires à [Localité 6], ainsi que M. et Mme [Z] devant le tribunal de grande instance de Bonneville pour obtenir l'annulation de la vente du 2 septembre 2013 sur le fondement de l'erreur (le terrain vendu comme constructible ne l'étant finalement pas) et subsidiairement sur le fondement du dol (réticence dolosive des vendeurs à faire connaître l'arrêté de busage), avec restitution du prix de vente (289.000 € + 14.999 € de frais d'acte), et pour obtenir réparation des préjudices subis par la faute commise par le notaire, et par les vendeurs, (55.637,52 € coût de la remise en état du terrain).

M. et Mme [Z] ont fait appeler en cause leur propre vendeur, Mme [A], qui n'a pas comparu devant le tribunal.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 29 mai 2020, le tribunal judiciaire de Bonneville a :

débouté la SCI C.W. Immo de sa demande d'annulation de l'acte de vente du 2 septembre 2013, conclu entre M et Mme [Z],

mis hors de cause Mme [A],

dit que Me [P] a manqué à son devoir de conseil et de renseignement, en omettant de demander et d'annexer l'arrêté d'autorisation de busage en date du 14 janvier 2011, à l'acte de vente du 2 septembre 2013 et en omettant de solliciter à nouveau l'état du PPRN de la commune de [Localité 5] juste avant la signature dudit acte,

débouté la SCI C.W. Immo de ses demandes dommages et intérêts, tant à l'encontre de Me [P], notaire à [Localité 6], que de la SCP [C] [P] et [I] [N], au titre des sondages géotechniques, de l'étude structure, de la facture création regard, des travaux de voirie, des travaux de terrassement, des honoraires de l'architecte, des honoraires de l'agence immobilière et des frais de démolition,

condamné la SCI C.W. Immo aux entiers dépens de l'instance,

débouté l'ensemble des parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 3 juillet 2020, la SCI C.W. Immo a interjeté appel de cette décision, à l'encontre de M. et Mme [Z] et des notaires, enregistré sous le n° RG 20/00697.

Par ordonnance rendue le 29 avril 2021, le conseiller de la mise en état a dit que la déclaration d'appel était régulière et rejeté la demande de nullité de cette déclaration faite par les intimés (problème d'adresse).

Par une déclaration du 8 janvier 2021, la SCI C.W. Immo a régularisé un second appel contre la même décision (avec la bonne adresse), enregistré sous le n° RG 21/00042

Dans les deux affaires, la clôture est intervenue le 30 mai 2022 et elles ont été renvoyées à l'audience du 28 juin 2022, à laquelle elles ont été retenues et mises en délibéré au 18 octobre 2022.

Les deux appels portant sur la même décision, et opposant les mêmes parties qui ont conclu de manière identique dans les deux dossiers, il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'en ordonner la jonction. Il sera donc statué par une décision unique.

Par conclusions notifiées le 8 avril 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la SCI C.W. Immo demande en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles 1109 et suivants du code civil dans leur version applicable au litige,

Vu l'article 1382 du code civil dans sa version applicable au litige,

Vu l'article L. 125-5 du code de l'environnement,

Vu l'article L. 271-5 du code de la construction,

réformer le jugement déféré en ce qu'il a :

- débouté la SCI C.W. Immo de sa demande d'annulation de l'acte de vente du 2 septembre 2013, conclu entre M et Mme [Z],

- débouté la SCI C.W. Immo de ses demandes dommages et intérêts, tant à l'encontre de Me [P], notaire à [Localité 6], que de la SCP [C] [P] et [I] [N], au titre des sondages géotechniques, de l'étude structure, de la facture création regard, des travaux de voirie, des travaux de terrassement, des honoraires de l'architecte, des honoraires de l'agence immobilière et des frais de démolition,

- condamné la SCI C.W. Immo aux entiers dépens de l'instance,

- débouté la SCI C.W. Immo de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

dire et juger que le consentement de la SCI C.W. Immo a été vicié en raison d'une erreur sur les qualités substantielles du bien vendu,

dire et juger que les époux [Z] ont commis une faute à l'égard de la SCI C.W. Immo par réticence dolosive en ne lui communiquant pas les annexes du permis de construire,

En conséquence,

annuler l'acte de vente du 2 septembre 2013 et son rectificatif du 16 mai 2014,enregistrés et publiés au service de la publicité foncière de [Localité 4], portant sur la parcelle B [Cadastre 3] située à [Localité 5] (Haute-Savoie), lieudit Colomb, d'une surface de 00ha 07a 14ca, conclus entre M. et Mme [Z] (sic),

A titre subsidiaire,

dire et juger que les époux [Z] étaient tenus d'informer la SCI C.W. Immo de la modification du classement de la parcelle en zone X inconstructible,

ordonner la résolution de l'acte de vente du 2 septembre 2013 et son rectificatif du 16 mai 2014,enregistrés et publiés au service de la publicité foncière de [Localité 4], portant sur la parcelle B [Cadastre 3] située à [Localité 5] (Haute-Savoie), lieudit Colomb, d'une surface de 00ha 07a 14ca, conclus entre M. et Mme [Z] (sic),

En tout état de cause,

condamner M. et Mme [Z] à restituer à la SCI C.W. Immo la somme de 289.000 € correspondant au prix de vente outre les intérêts à compter de l'assignation du 11 mai 2017,

condamner in solidum Me [P], notaire à [Localité 6], la SCP [P] & associés, M. et Mme [Z] à payer à la SCI C.W. Immo la somme de 75.347,52 € à titre de dommages et intérêts outre les intérêts à compter de l'assignation du 11 mai 2017,

condamner in solidum Me [P], notaire à [Localité 6] et la SCP [P] & associés, M. et Mme [Z] à payer 6.000 € à la SCI C.W. Immo au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'instance comprenant les frais de publication des actes de procédure qui seront recouvrés pour les dépens d'appel par l'avocat de la SCI C.W. Immo conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées les 4 janvier 2021 (RG 20/00697) et 27 mars 2021 (RG 21/00042), auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. et Mme [Z] demandent en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles 1109, 1110, 1116, 1304, 1347 du code civil dans leur version antérieure au 1er octobre 2016,

A titre principal,

confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

en conséquence, débouter la SCI C.W. Immo de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions, en principal, intérêts et frais,

A titre subsidiaire,

dans l'hypothèse où la cour prononcerait l'annulation de la vente et ferait droit aux réclamations financières formées par la SCI C.W. Immo,

condamner l'étude notariale [P] [N] à relever et garantir les époux [Z] de l'intégralité des condamnations qui pourraient être mises à leur charge en principal, intérêts et frais,

en tout état de cause, condamner la SCI C.W. Immo à payer aux époux [Z] une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la SCI C.W. Immo aux dépens.

Par conclusions notifiées les 4 janvier (RG 20/00697) et 27 mars 2021 (RG 21/00042), auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la SCP [P] & associés et Me [C] [P] demandent en dernier lieu à la cour de :

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI C.W. Immo de ses demandes indemnitaires dirigées contre la SCP [P] & associés et contre Me [C] [P] au titre des différentes dépenses énoncées dans ses écritures et reprises devant la cour pour un montant de 75.347,52 €,

Y ajoutant,

condamner la SCI C.W. Immo aux entiers dépens de première instance et d'appel et dire que, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, Me Jacques Puthod pourra recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance, sans en avoir reçu de provision,

condamner in solidum la SCI C.W. Immo à payer à la SCP [P] & associés et à Me [C] [P] une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [A] n'a pas été intimée.

MOTIFS ET DÉCISION

La vente litigieuse étant en date du 2 septembre 2013, les textes du code civil applicables en l'espèce sont ceux en vigueur avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

1/ Sur la demande de nullité de l'acte de vente

L'article 1109 ancien du code civil dispose qu'il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

En l'espèce, la SCI C.W. Immo demande la nullité de l'acte de vente du 2 septembre 2013 en se fondant tout à la fois sur l'erreur et sur le dol.

A. Sur l'erreur

En application de l'article 1110 ancien du code civil, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

Il appartient à celui qui invoque l'erreur d'en rapporter la preuve. L'erreur s'apprécie selon les qualités de la chose vendue à la date de la vente.

En l'espèce, la SCI C.W. Immo soutient que le terrain vendu par les époux [Z], avec le bénéfice d'un permis de construire, n'était en réalité pas constructible à la date de la vente en raison de l'approbation d'un nouveau PPRN qui a placé la parcelle en zone rouge pour le risque d'inondation, et que le permis de construire ne pouvait plus être utilisé dès lors que le permis de busage, qui conditionnait ce permis, était périmé depuis le 31 octobre 2011, et que, du fait de l'approbation du nouveau PPRN ces travaux de busage sont désormais impossibles.

La vente litigieuse portant sur un terrain et le permis de construire précédemment délivré, il était déterminant pour l'acquéreur que la construction soit réalisable.

Il est constant qu'à la date de l'acte de vente, le 2 septembre 2013, le permis de construire initialement délivré à Mme [A], était encore valable et avait été prorogé au 24 janvier 2014.

La modification du PPRN, alors que le permis de construire était toujours valable, n'en affecte pas la validité: l'acte créateur de droits ne peut pas être modifié ni retiré du seul fait de la modification des règles d'urbanisme après sa délivrance.

Par ailleurs, c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la réalisation des travaux de busage n'était pas une condition du permis de construire. En effet, l'arrêté préfectoral du 14 janvier 2011 (pièce n° 4 de l'appelante) les autorisant a été rendu à la demande du pétitionnaire du permis de construire, et non imposé par l'administration: le projet rendait nécessaires ces travaux de busage, lesquels sont soumis à autorisation, mais la validité du permis de construire n'a jamais dépendu de leur réalisation.

De surcroît, si l'arrêté de busage du 14 janvier 2011 n'était valable que jusqu'au 31 octobre 2011, la SCI C.W. Immo ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle était dans l'impossibilité de solliciter une nouvelle autorisation à la date de l'acte d'achat.

Sur ce point, il convient de noter que le courrier du préfet de la Haute-Savoie du 18 novembre 2014, invitant le maire de [Localité 5] à faire cesser les travaux entrepris, ne fait aucune allusion à la modification intervenue du PPRN, mais seulement à la péremption du permis et à l'absence de réalisation des travaux de busage dans le délai de l'autorisation délivrée.

Par ailleurs, l'examen des pièces produites aux débats révèle que la péremption du permis de construire est essentiellement liée à l'absence de réelle ouverture du chantier avant le 24 janvier 2014, laquelle est exclusivement imputable à la SCI C.W. Immo et ne peut constituer un vice de son consentement.

La SCI C.W. Immo soutient que, selon elle, du fait de l'approbation du nouveau PPRN par le préfet, avant l'acte la réitération de la vente devant notaire, les travaux de busage précédemment autorisés ne pouvaient plus être réalisés, et la construction non plus.

Toutefois, faute pour la SCI C.W. Immo de rapporter la preuve de l'impossibilité dans laquelle elle aurait été d'obtenir une nouvelle autorisation de busage avant la péremption du permis de construire, laquelle lui est imputable, ce moyen est inopérant. Au demeurant, aucune des pièces produites n'établit qu'à la date de l'acte de vente le busage aurait été interdit par le PPRN.

Or le tribunal a relevé à juste titre que seule une partie de la parcelle vendue est concernée par le classement en zone rouge du PPRN, de sorte que, dans l'ignorance de l'implantation exacte de la construction par rapport au nouveau classement de la parcelle, il n'est pas établi que ce projet était irréalisable, ni que tout autre projet serait interdit. En effet, si le recul de 9 mètres de la voirie ne peut être respecté, il convient de souligner que le permis de construire initialement délivré à Mme [A] avait prévu une réduction de ce recul compte tenu de la configuration des lieux.

Aussi, l'erreur alléguée par la SCI C.W. Immo n'est pas établie et c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de nullité de la vente sur ce fondement.

B. Sur le dol

En application de l'article 1116 ancien du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

La SCI C.W. Immo soutient que les époux [Z], vendeurs, lui ont caché délibérément que l'arrêté d'autorisation de busage n'était plus valable.

Toutefois, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que le tribunal a retenu que l'arrêté du 14 janvier n'a pas été joint à l'acte d'acquisition des époux [Z], de sorte que ceux-ci n'avaient pas eux-mêmes connaissance du délai fixé pour la réalisation des travaux de busage.

Il sera ajouté que l'attestation produite en pièce n° 21 par l'appelante, dont les termes sont fermement contestés par les intimés, ne permet aucunement de prouver que les époux [Z] auraient effectivement eu connaissance de la date de validité de l'autorisation de busage, le témoin (architecte auteur de la demande de permis de construire initiale) indiquant expressément qu'il ne leur a remis aucun des documents puisque «leur ayant probablement été remis par l'agence immobilière qui s'est chargée de la vente du terrain, et lors de la vente, par leur notaire», ce qui n'est qu'une allégation non prouvée et même contredite par l'acte d'achat des époux [Z].

En tout état de cause, les manoeuvres alléguées ne sont pas prouvées et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la vente sur le fondement du dol.

2/ Sur la résolution de la vente

Pour la première fois en appel, la SCI C.W. Immo entend obtenir la résolution de la vente pour manquement des vendeurs et du notaire rédacteur de l'acte de leur obligation d'information sur l'existence d'un PPRN approuvé au jour de l'acte de vente, conformément aux dispositions de l'article L. 125-5 du code de l'environnement.

L'article L. 125-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que:

I.- Les acquéreurs ou locataires de biens immobiliers situés dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou dans des zones de sismicité définies par décret en Conseil d'Etat, sont informés par le vendeur ou le bailleur de l'existence des risques visés par ce plan ou ce décret.

A cet effet, un état des risques naturels et technologiques est établi à partir des informations mises à disposition par le préfet. En cas de mise en vente de l'immeuble, l'état est produit dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 et L. 271-5 du code de la construction et de l'habitation.

(...)

III.- Le préfet arrête la liste des communes dans lesquelles les dispositions du I et du II sont applicables ainsi que, pour chaque commune concernée, la liste des risques et des documents à prendre en compte.

(...)

V.- En cas de non-respect des dispositions du présent article, l'acquéreur ou le locataire peut poursuivre la résolution du contrat ou demander au juge une diminution du prix.

L'article R. 125-27 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que les obligations découlant pour les vendeurs ou les bailleurs des dispositions des I, II et IV de l'article L. 125-5 sont applicables à compter du premier jour du quatrième mois suivant la publication au recueil des actes administratifs dans le département des arrêtés prévus au III du même article, qui devra intervenir dans un délai d'un an à compter du 17 février 2005.

En l'espèce, si le PPRN de la commune de [Localité 5] a été approuvé par arrêté du 31 juillet 2013, publié au recueil des actes administratifs le 2 août 2013, ce n'est que par arrêté du 6 septembre 2013 (pièce n° 7 de l'appelante) que le préfet de la Haute-Savoie a fixé la liste des communes dans lesquelles l'obligation d'information prévue par l'article L. 125-5 du code de l'environnement s'applique, arrêté visant la commune de [Localité 5] et son PPRN approuvé.

Ainsi, la résolution du contrat ne peut être encourue sur le fondement de l'article L. 125-5, l'arrêté préfectoral prévu par le III de ce texte, étant postérieur de 4 jours à l'acte de vente et l'obligation d'information propre à l'existence du PPRN approuvé le 31 juillet 2013 n'ayant commencé que quatre mois après l'arrêté du 6 septembre 2013.

3/ Sur la responsabilité du notaire

La SCI C.W. Immo soutient que le notaire a manqué à ses obligations d'information et sollicite le paiement de dommages et intérêts à hauteur de 75.347,52 €.

Le tribunal a retenu à la charge de Me [P] les manquements suivants à ses obligations :

- l'omission de joindre l'arrêté de busage à l'acte de vente,

- l'omission de vérifier à nouveau la transformation éventuelle du PPRN prescrit en PPRN approuvé,

mais a rejeté la demande de dommages et intérêts de la SCI C.W. Immo faute de justification suffisante des préjudices allégués et de leur lien de causalité avec la faute.

Concernant la première faute, c'est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu que le notaire aurait dû obtenir l'arrêté d'autorisation de busage du 14 janvier 2011, pour l'annexer à l'acte de vente, ce qui aurait permis à l'acquéreur de constater que sa validité était expirée, ce d'autant que l'acte porte expressément la mention de l'existence d'une autorisation de busage.

Concernant la vérification de la transformation éventuelle du PPRN prescrit en PPRN approuvé, les motifs précédents excluent toute faute du notaire, puisque l'obligation d'information au titre du PPRN approuvé le 31 juillet 2013 n'a commencé que postérieurement de plusieurs mois à l'acte de vente. Aucune faute ne peut donc être retenue de ce chef, le notaire ayant sollicité et obtenu toutes les informations disponibles à la date de l'acte de vente.

Enfin, aucune faute n'est établie concernant la date de péremption du permis de construire, laquelle figure expressément dans l'acte de vente.

En tout état de cause, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts de la SCI C.W. Immo, dès lors que les travaux dont il est demandé l'indemnisation (pièces n° 23, 24, 25 et 27 à 29 de l'appelante), liés au busage du ruisseau, sont tous postérieurs à la date de péremption du permis de construire, de sorte qu'à la date de leur réalisation, la SCI C.W. Immo n'était plus titulaire d'aucune autorisation de construire. Ainsi elle est seule responsable de son préjudice.

Tous les autres préjudices invoqués sont sans lien avec la seule faute établie contre le notaire, la vente n'étant ni annulée ni résolue (honoraires de l'agence immobilière, remboursement des frais d'acte notarié et impôts fonciers notamment).

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la SCI C.W. Immo.

4/ Sur les autres demandes

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme [Z], d'une part, et de la SCP [P] & associés et de Me [C] [P], d'autre part, la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de condamner la SCI C.W. Immo à leur payer, à chacun la somme de 2.000 e sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI C.W. Immo supportera les entiers dépens de l'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Jacques Puthod, avocat.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Ordonne la jonction des affaires enrôlées respectivement sous les n° RG 20/00697 et 21/00042,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bonneville le 29 mai 2020, sauf en ce qu'il a dit que Me [C] [P] a manqué à son devoir de conseil et de renseignement en omettant de solliciter à nouveau l'état du PPRN de la commune de Combloux juste avant la signature dudit acte,

Infirmant et statuant à nouveau de ce seul chef,

Dit que Me [C] [P] n'a commis aucune faute en ne sollicitant pas à nouveau l'état du PPRN de la commune de [Localité 5] juste avant la signature dudit acte,

Y ajoutant,

Condamne la SCI C.W. Immo à payer, au titre des frais exposés en appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :

- à M. [G] [Z] et Mme [J] [H] épouse [Z] la somme de 2.000 €,

- à la SCP [P] & associés et à Me [C] Bazaille, la somme de 2.000 €,

Condamne la SCI C.W. Immo aux entiers dépens de l'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Jacques Puthod, avocat.

Ainsi prononcé publiquement le 18 octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Alyette FOUCHARD, Conseillère, en remplacement de Michel FICAGNA, Président régulièrement empêché et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, P / Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/00697
Date de la décision : 18/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-18;20.00697 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award