COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
ORDONNANCE DU CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT
du 08 Décembre 2022
N° RG 21/00851 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GV2I
Appelant
M. [W] [P], demeurant [Adresse 1]
Représenté par la SELARL DUBY DELANNOY JANICK, avocat au barreau de CHAMBERY
contre
Intimés
M. [B] [J] [L], demeurant [Adresse 3] PAYS-BAS
Représenté par Me Daniel ANXIONNAZ, avocat au barreau d'ALBERTVILLE
Société DELTA LLOYD dont le siège social est sis [Adresse 5]/ PAYS-BAS prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Daniel ANXIONNAZ, avocat postulant au barreau d'ALBERTVILLE et la SCP SOULIE & COSTE-FLORET, avocat plaidant au barreau de PARIS
CAISSE PRIMAIRE DE LA SAVOIE (CPAM) Pôle recours contre tiers CPAM CLERMONT-FERRAND, [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Christian ASSIER de l'AARPI ASSIER & SALAUN, avocat au barreau d'ALBERTVILLE
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Nous, Alyette FOUCHARD, Conseillère chargée de la mise en état de la 2ème Chambre de la Cour d'appel de Chambéry, assistée de Sylvie DURAND, Greffière, avons rendu l'ordonnance suivante le 08 Décembre 2022 après examen de l'affaire à notre audience du10 novembre 2022 et mise en délibéré :
Le 31 janvier 2009, M. [W] [P], moniteur de ski, a été victime d'un accident alors qu'ils évoluait sur une piste de la station du [2], en étant percuté par un autre skieur, M. [B] [L], qui arrivait à grande vitesse de l'amont.
M. [P] a subi divers traumatismes ayant entraîné notamment une intervention chirurgicale, le 5 mars 2009, pour la mise en place d'une prothèse totale de la hanche droite suite à une fracture de la tête fémorale.
M. [P] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'Albertville aux fins d'expertise médicale, laquelle a été ordonnée le 19 novembre 2013 et confiée au docteur [X] qui a déposé son rapport le 20 septembre 2014.
M. [P] a également obtenu l'allocation de sommes provisionnelles à la charge de M. [L] et de son assureur la compagnie Delta Lloyd, pour un montant total de 45.626 euros.
Par actes du 3 janvier 2018, M. [P] a fait assigner M. [L], la compagnie Delta Lloyd et la CPAM de la Savoie devant le tribunal de grande instance d'Albertville aux fins d'indemnisation de ses préjudices à hauteur de la somme globale de 254.206 euros, portée à 326.926 euros aux termes de ses dernières conclusions.
M. [L] et la compagnie Delta Lloyd n'ont pas contesté le droit à indemnisation de M. [P] et ont proposé des indemnités très inférieures à celles réclamées par la victime, en contestant le principe même de l'indemnisation de certains postes, notamment l'incidence professionnelle.
La CPAM a sollicité le paiement de ses débours arrêtés à 15.430 euros.
Par jugement contradictoire rendu le 16 mars 2021, le tribunal judiciaire d'Albertville a :
dit que M. [L] est entièrement responsable de l'accident de ski dont M. [P] a été victime le 31 janvier 2009,
condamné in solidum M. [L] et la société Delta Lloyd à réparer intégralement le préjudice subi par M. [P],
condamné in solidum M. [L] et la société Delta Lloyd à payer à M. [P] la somme de 8.704 euros à M. [P] outre intérêts au taux légal à compter de la décision, déduction déjà faite des provisions versées,
condamné in solidum M. [L] et la société Delta Lloyd à payer à la CPAM de la Savoie la somme de 15.430 euros au titre des ses débours définitifs,
condamné les mêmes in solidum à payer à M. [P] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné les mêmes in solidum à payer à la CPAM de la Savoie la somme de 2.034 euros au titre de l'indemnité forfaitaire,
condamné les mêmes in solidum aux entiers dépens de l'instance, comprenant les frais d'expertise,
rejeté le surplus des demandes des parties,
ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 19 avril 2021, M. [P] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées le 6 juillet 2022, M. [P] a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident et demande, au visa des articles 907, 771-4 et 771-5 du code de procédure civile, de :
ordonner une nouvelle mesure d'expertise judiciaire confiée à tel médecin-expert qu'il plaira, spécialisé en traumatologie et médecine légale, avec une mission complète telle qu'elle figure dans les conclusions,
condamner M. [L] et la compagnie Delta Lloyd aux entiers dépens de l'incident.
A cet effet, M. [P] expose que l'expertise du docteur [X] est ancienne et que le tribunal n'a pas tenu compte des dernières conclusions du docteur [C], en date du 13 décembre 2019, au seul motif qu'il n'a pas été désigné judiciairement, et que le rapport d'expertise judiciaire ne reflète pas la réalité et l'actualisation nécessaire des séquelles qu'il subit.
Par conclusions notifiées le 7 octobre 2022, la CPAM de la Savoie sollicite que l'expertise demandée par M. [P] soit ordonnée en faisant valoir que l'augmentation du taux de déficit fonctionnel permanent peut avoir une incidence sur le montant des prestations devant être versées par la caisse en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Par conclusions notifiées le 28 septembre 2022, la compagnie Delta Lloyd et M. [L] concluent au rejet de la demande d'expertise médicale de M. [P], et, subsidiairement, à la limitation de la mission de l'expert judiciaire à l'appréciation du déficit fonctionnel permanent. Ils demandent la condamnation de M. [P] au paiement des dépens de l'incident et de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS ET DÉCISION
En application des articles 907 et 789 5° du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est compétent pour ordonner une mesure d'expertise, dont il apprécie la nécessité et l'opportunité.
En l'espèce, M. [P] sollicite une nouvelle expertise complète, de sorte qu'il semble remettre en question la totalité des conclusions de l'expert judiciaire.
Or il convient de relever que le rapport privé du docteur [C], daté du 13 décembre 2019, ne remet nullement en cause les conclusions du docteur [X] dans leur ensemble et aucun élément médical produit ne permet de remettre en cause l'analyse faite par l'expert judiciaire, sauf à en discuter les conclusions dans le cadre du débat de fond. La contre-expertise demandée n'est donc pas justifiée.
Le seul point sur lequel le docteur [C] émet une conclusion différente est le taux du déficit fonctionnel permanent, évalué à 11 % par l'expert judiciaire et à 13 % par le docteur [C].
Or il convient de souligner que M. [P] ne prétend pas subir une aggravation de son état imputable à l'accident et en outre que le docteur [C], pour conclure à un taux supérieur, indique seulement «l'examen clinique de ce jour retrouve un enraidissement de la hanche droite pouvant augmenter le taux de DFP de 2 % soit 13 % au total sans modification des autres postes de préjudice».
Outre que l'emploi du verbe «pouvoir» laisse un doute sur la réalité de l'augmentation du DFP, il y a lieu de relever que la comparaison des mobilités articulaires mesurées par le docteur [X] en 2014 et celles mesurées par le docteur [C] en 2019 sont très similaires, sans évolution notable ni aggravation significative, voire en amélioration pour certaines d'entre elles. Le docteur [C] indique d'ailleurs «il n'est pas noté de laxité antéro-postérieure ou latérale au niveau du genou droit. Les mobilités articulaires des articulations sous-jacentes sont symétriques et se situent dans les normes physiologiques».
Il résulte de ce qui précède que l'expertise sollicitée, même limitée au seul DFP, n'apparaît pas utile à la solution du litige et la demande sera rejetée.
Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.
M. [P] supportera les entiers dépens de l'incident.
PAR CES MOTIFS
Nous, Conseillère de la mise en état, statuant publiquement et contradictoirement,
Rejetons la demande de nouvelle expertise de M. [P],
Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamnons M. [P] aux dépens de l'incident.
Ainsi prononcé le 08 Décembre 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signée par Alyette FOUCHARD, Conseillère chargée de la Mise en Etat et Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Conseillère de la Mise en Etat