COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 23 Mars 2023
N° RG 18/02255 - N° Portalis DBVY-V-B7C-GDGX
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ANNECY en date du 29 Juin 2018, RG 18/00558
Appelants
M. [R] [O]
né le [Cadastre 6] Juin 1932 à [Localité 10], demeurant [Adresse 8]
M. [U] [O]
né le 07 Décembre 1959 à [Localité 9], demeurant [Adresse 7]
Représentés par la SELARL CHAMBET NICOLAS, avocat au barreau d'ANNECY
Intimés
M. [W] [O] - appelé en cause -
né le 14 Avril 1986 à [Localité 9], demeurant [Adresse 3]
sans avocat constitué
S.A.S. MGM dont le siège social est sis [Adresse 11] - prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SELURL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SARL BALLALOUD & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau d'ANNECY
-=-=-=-=-=-=-=-=-
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 24 janvier 2023 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
EXPOSÉ DU LITIGE
La société MGM est propriétaire sur la commune d'[Localité 10] de parcelles cadastrées AL [Cadastre 2] et [Cadastre 4], sur lesquelles elle envisage une opération de construction. En janvier 2014, la délivrance d'un certificat d'urbanisme lui a été refusée en raison des modalités d'accès à ces parcelles.
Par ordonnance du 29 mai 2017 rendue à sa demande, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Annecy a confié une expertise à M. [Z], sa mission étant de vérifier l'état d'enclave des parcelles et d'indiquer les modalités de leur désenclavement.
Les opérations d'expertise ont été réalisées au contradictoire des époux [R] et [J] [O] et de M. [U] [O].
Le rapport d'expertise a été déposé le 4 décembre 2017.
Par jugement réputé contradictoire du 29 juin 2018, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance d'Annecy a :
- dit que les parcelles AL[Cadastre 2] et [Cadastre 4] appartenant à la société MGM étaient enclavées,
- ordonné leur désenclavement par l'impasse de la Plantée, selon le tracé défini par l'expert dans le plan figurant en page 14 de son rapport, conforme aux prescriptions et orientations de l'OAP de la commune d'[Localité 10], le fonds servant étant les parcelles AL [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 1] appartenant aux consorts [O],
- fixé les indemnités dues aux propriétaires des fonds servants aux montants suivants :
. 2 640 euros pour la parcelle AL [Cadastre 5],
. 19 070 euros pour la parcelle AL [Cadastre 6],
. 36 332 euros pour la parcelle AL [Cadastre 1],
- constaté que la société MGM consent à verser ces indemnités aux propriétaires des fonds servants,
- condamné Mme [J] [O] et Messieurs [R] et [U] [O] :
. à payer à la société MGM la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
. aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Ballaloud -Aladel.
Les consorts [O] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 3 décembre 2018.
Par ordonnance du 19 décembre 2019, le conseiller de la mise en état a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure engagée le 29 août 2019, devant le tribunal de grande instance d'Annecy par la société MGM à l'encontre de M. [K] [O].
Par jugement réputé contradictoire rendu le 18 mai 2020, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire d'Annecy a :
- dit que les parcelles AL [Cadastre 2] et [Cadastre 4] appartenant à la société MGM étaient enclavées,
- ordonné leur désenclavement par l'impasse de la Plantée, selon le tracé défini par l'expert, conforme aux prescriptions et orientations de l'OAP de la commune d'[Localité 10], le fonds servant étant les parcelles AL [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 1] appartenant aux consorts [O],
- fixé l'indemnité due aux propriétaires de la parcelle AL [Cadastre 6] à 19 070 euros,
- constaté que la société MGM consent à verser cette indemnité à M. [K] [O],
- rejeté toute autre demande,
- condamné M. [K] [O] aux dépens, avec distraction au profit de la SCP Ballaloud -Aladel en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par arrêt du 13 juillet 2021, la cour d'appel de Chambéry a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Messieurs [R] et [U] [O],
- confirmé le jugement déféré en ce qu'il a :
- constaté l'état d'enclave des parcelles AL [Cadastre 2] et [Cadastre 4] appartenant à la société MGM,
- ordonné leur désenclavement par l'impasse de la Plantée, puis par la servitude déjà existante sur la parcelle AL [Cadastre 1], et enfin par la création d'une servitude sur les parcelles AL [Cadastre 5] et AL [Cadastre 6], conformément aux plans figurant en pages 14 (3ème tracé) et 15 du rapport d'expertise du 4 décembre 2017,
- réformé le jugement déféré en ses dispositions relatives aux indemnités dues au propriétaire des fonds servants,
Statuant à nouveau sur ce point,
- s'agissant de la parcelle AL [Cadastre 1], fixe l'indemnité due à M. [R] [O] à la somme de 36 540 euros,
- s'agissant de la parcelle AL [Cadastre 5], fixe l'indemnité due à Messieurs [R] et [U] [O] à la somme de 3 960 euros,
- s'agissant de la parcelle AL [Cadastre 6], réouvre les débats et renvoie l'affaire à la mise en état du 18 novembre 2021, pour laquelle la société MGM appellera en la cause M. [W] [O]
- réservé les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la réouverture des débats, notre cour a jugé que :
- la parcelle AL [Cadastre 6] est celle qui est la plus impactée par la servitude permettant de désenclaver le fonds de la société MGM, car même si l'assiette de la servitude n'est que de 114 m² sur cette parcelle, elle n'est pas déjà grevée d'une servitude comme l'est la parcelle AL [Cadastre 1],
- la société MGM demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a fixé l'indemnité due au titre de cette parcelle à la somme de 19 070 euros, alors qu'elle a régularisé un avant-contrat avec M. [W] [O], désormais nu-propriétaire de la parcelle AL [Cadastre 5], dans lequel elle offre la somme de 20 630 euros, dont le mode de calcul n'est pas explicité.
- l'indemnité due l'est au titre de la perte de valeur du fonds servant et quand la propriété de celui-ci est soit démembrée soit divisée entre plusieurs personnes, le montant de l'indemnité ne peut varier en fonction des droits respectifs de ces personnes.
- dans ces circonstances, il convient de réouvrir les débats afin que M. [W] [O] soit appelé en la cause par la société MGM.
Par acte d'huissier du 23 novembre 2021, notifié à étude, la société MGM a fait délivrer une assignation en appel forcé contre M. [W] [O]. Cette assignation a été dénoncée le 4 janvier 2022 au conseil de MM [R] et [U] [O].
Dans l'assignation ainsi délivrée, la société MGM demande à la cour de :
- dire et juger recevable l'appel en cause de M. [W] [O],
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé à la somme de 19 070 euros le montant de l'indemnité due au propriétaire de la parcelle AL [Cadastre 6], fonds servant,
- fixer le montant de l'indemnité due au propriétaire de la parcelle AL26 fonds servant à la somme de 20 630 euros,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Au soutien de ses prétentions la société MGM précise que si l'expert avait estimé le montant de l'indemnisation pour la parcelle litigieuse à 19 070 euros, elle avait néanmoins convenu avec M. [W] [O], dans le cadre d'une promesse de servitude une indemnisation à hauteur de 20 630 euros.
Messieurs [R] et [U] [O] n'ont pas déposé de nouvelles conclusions après la réouverture des débats. Sur les points restant en litige, dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 20 février 2019, ils demandent à la cour de :
- fixer l'indemnité due pour la parcelle AL [Cadastre 6] à la somme de 84 110 euros,
- condamner la société MGM au paiement de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société MGM aux dépens avec distraction au profit de maître Nicolas Chambet.
Au soutien de leur prétention Messieurs [R] et [U] [O] précisent que la parcelle AL [Cadastre 6] servira essentiellement aux parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 4], sauf les 5 premiers mètres qui servent à l'accès à la parcelle. Ils proposent de retenir un coefficient de 0,9 et procèdent à leur calcul sur cette base.
M. [W] [O] n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2022
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'appel en cause de M. [W] [O]
M. [W] [O] est l'héritier de M. [K] [O] et il est nu-propriétaire de la parcelle AL[Cadastre 6]. Son intervention à hauteur d'appel, à l'audience tendant à la fixation de l'indemnité due au fonds servant, dont il est nu-propriétaire, pour la création d'un droit de passage est donc recevable.
Sur l'indemnisation portant sur la parcelle AL26
L'article 682 du code civil dispose que l'indemnité due pour la réalisation d'une servitude de passage doit être proportionnée au dommage occasionné par cette servitude.
La cour, dans son arrêt du 13 juillet 2021, a précisé que les indemnités pour les différentes parcelles avaient toutes été calculées par l'expert en fonction de quatre paramètres :
- la superficie de l'assiette de la servitude ;
- le prix de 300 euros le m² du terrain ;
- un coefficient tenant compte de l'impact de la servitude sur le droit de propriété des consorts [O] ;
- une indemnité de nuisance.
S'agissant du coefficient, la cour a relevé, dans sa décision du 13 juillet 2021, que la création d'une servitude de passage ne faisait pas perdre la propriété de l'assiette de cette servitude mais en limitait très sérieusement la jouissance et en a déduit qu'il convenait d'appliquer un coefficient maximal non pas de 0,50 tel que l'a indiqué l'expert et l'a appliqué le tribunal, mais de 0,80.
Pour la parcelle AL26, les appelants demandent un coefficient de 0,90. La société MGM sollicite l'application du montant contractuellement convenu avec M. [W] [O].
Il convient de relever que la parcelle AL [Cadastre 6] est concernée, pour l'assiette de la servitude, sur 114 mètres carrés. Le prix fixé par l'expert est à 300 euros le mètre carré.
L'indemnité de 19 070 euros allouée par le premier juge est égale à l'opération suivante : 114 x 300 X 0,40 = 13 680 + 5 390 (indemnité de nuisance). Elle correspond au calcul de l'expert.
Toutefois, à l'occasion d'une promesse de constitution de servitude en date du 22 juillet 2020, M. [W] [O] et la société MGM se sont accordés sur un montant indemnitaire de 20 630 euros. En gardant le même taux d'indemnisation de la nuisance (5 390 euros) parfaitement calculé par l'expert en page 16 de son rapport, cela revient à appliquer un coefficient d'environ 0,45 pour le reste de l'indemnité. Ce coefficient est supérieur à celui retenu dans l'expertise (0,40) et conduit à l'application d'une juste et proportionnelle indemnité.
En conséquence, le jugement déféré sera réformé sur l'indemnité allouée au propriétaire de la parcelle AL26. Celle-ci sera fixée à la somme de 20 630 euros.
Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Par application de l'article 696 du code de procédure civile, M. [U] [O] et M. [R] [O] qui succombent seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel. Ils seront corrélativement déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile comme n'en remplissant pas les conditions d'octroi.
PAR CES MOTIFS, la cour après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et par décision par défaut,
Dit recevable l'appel en cause de M. [W] [O],
Réforme le jugement déféré sur les points restant en litige,
Statuant à nouveau,
Fixe à la somme de 20 630 euros l'indemnité due à M. [W] [O] nu-propriétaire de la parcelle AL26,
Condamne in solidum M. [U] [O] et M. [R] [O] aux dépens de première instance et d'appel,
Déboute M. [U] [O] et M. [R] [O] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Ainsi prononcé publiquement le 23 mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente