COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 23 Mars 2023
N° RG 21/00275 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GTYI
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 13 Janvier 2021, RG 2018F00360
Appelante
S.A.S. ADMIRALL & CO, dont le siège social est sis [Adresse 3] - prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SCP SAILLET & BOZON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Anne-Laure BOILEAU de l'AARPI CABINET MATHILDE, avocat plaidant au barreau de CAEN
Intimées
S.A.R.L. EUROAUTO 73 dont le siège social est sis [Adresse 5] - prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SELARL CABINET ALCALEX, avocat au barreau de CHAMBERY
S.A. SANTANDER CONSUMER BANQUE, dont le siège social est sis [Adresse 1] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SCP MILLIAND DUMOLARD THILL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 24 janvier 2023 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant un bon de commande en date du 30 juin 2017, la société Admirall & Co a acquis, auprès de la société Euroauto 73 un véhicule Mercedes Viana V6, 3.0, CDI BlueEfficiency Extralong, Ambiente, millésime 2013, affichant 110 000 kilomètres pour un prix de 35 471,77 euros.
L'achat a été, en partie, financé auprès de la société Santander Consumer Banque laquelle a prêté à l'acheteur la somme de 29 160,10 euros remboursables sur 60 mois à compter du 23 août 2017 par des échéances mensuelles de 579,02 euros. La société Admirall & Co a, par ailleurs, directement payé au vendeur une somme de 5 561,57 euros.
La livraison du véhicule a eu lieu le 21 juillet 2017, au lieu du 13 juillet 2017 initialement prévu. La société Admirall & Co prétend avoir constaté des non conformités dès le lendemain, notamment un défaut d'amortisseur pneumatique ainsi que la faible taille du coffre.
Le 22 juillet 2017, elle adressait un courriel à la société Euroauto 73 dénonçant le dysfonctionnement du contacteur de porte.
Le 27 juillet 2017, la société Admirall & Co signalait au vendeur par lettre recommandée avec avis de réception :
- l'existence de nombreux défauts,
- le fait qu'après une vérification auprès d'un garage Mercedes à [Localité 7] (14) elle avait appris que le véhicule litigieux était 'Long' et non 'Extra Long' comme cela avait pourtant été contractuellement prévu,
- le fait que la carte grise ne lui a jamais été délivrée.
En conclusion de son courrier, la société Admirall & Co sollicitait de son vendeur la résolution du contrat de vente et la restitution des sommes versées.
Par courrier du 31 juillet 2017, la société Euroauto 73 expliquait qu'il avait toujours été question que le modèle était 'long' et qu'une erreur matérielle s'était glissée dans le bon de commande lequel mentionnait 'extra long'. Il rappelait à l'acquéreur qu'il avait proposé de prendre en charge les travaux sur devis s'agissant des dysfonctionnements signalés tout en lui offrant de prendre en charge l'autre moitié de la taxe CO2 soit 760 euros, après avoir déjà payé la première moitié.
Par courrier du 3 août 2017, la société Admirall & Co notifiait à la société Santander Consumer Banque sa volonté de résoudre le contrat de vente, avec comme conséquence, la résiliation du contrat de prêt.
Le 14 novembre 2017, la société Admirall & Co, par la voix de son conseil réitérait auprès du vendeur une demande de résolution de la vente. En réponse la société Euroauto 73 lui faisait parvenir un protocole d'accord déjà signé mais qui ne prévoyait pas le remboursement intégral, notamment la TVA qu'elle avait pourtant réglée. En conséquence ce protocole n'a jamais été accepté.
Par actes d'huissier des 26 et 29 novembre 2018, la société Admirall & Co a assigné la société Euroauto 73 et la société Santander Consumer Banque devant le tribunal de commerce de Chambéry afin d'obtenir la résolution des contrats litigieux.
Par jugement en date du 18 juillet 2019, le tribunal de commerce de Chambéry a ordonné la suspension du contrat de prêt jusqu'à l'issue définitive du litige.
Par jugement contradictoire du 13 janvier 2021, le tribunal de commerce de Chambéry a :
- débouté la société Admirall & Co de ses demandes,
- ordonné à la société Admirall & Co de reprendre le paiement des échéances du crédit dans un délai de 45 jours suivant le prononcé du jugement et jusqu'à l'extinction de la dette,
- condamné la société Admirall & Co aux dépens de l'instance,
- liquidé les frais de greffe,
- débouté les parties de leurs autres demandes.
Par déclaration du 8 février 2021, la société Admirall & Co a interjeté appel du jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Admirall & Co demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu le 14 janvier 2021 par le tribunal de commerce de Chambéry en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, et statuant à nouveau :
A titre principal
- prononcer la nullité de la vente entre elle et la société Euroauto 73 et ordonner la restitution des prestations échangées,
A titre subsidiaire,
- prononcer la résolution de la vente intervenue entre elle et la société Euroauto 73 et condamner la société Euroauto 73 à restituer le prix de la vente à savoir 34 721,77 euros TTC,
En tout état de cause,
- prononcer la résolution du contrat de prêt indissociable du contrat de vente souscrit auprès de la société Santander Consumer Banque pour l'achat du véhicule,
- condamner la société Santander Consumer Banque à rembourser les sommes versées par monsieur [W], à savoir 8 685,30 euros (à parfaire jusqu'en fin de cause),
- condamner la société Euroauto 73 à lui verser la somme de 23 887,82 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice (à parfaire jusqu'en fin de cause),
- condamner la société Euroauto 73 à lui verser la somme de 87 187,35 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice constitué par la perte de chance de développer son activité et par conséquent du gain manqué (à parfaire jusqu'en fin de cause),
- débouter la société Euroauto 73 et la société Santander Consumer Banque de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Euroauto 73 et la société Santander Consumer Banque in solidum au paiement de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure en première instance et la somme de 5 000 euros au titre de la présente procédure ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les dépens de première instance.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 juillet 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens la société Euroauto 73 demande à la cour de :
- dire et juger l'appel totalement infondé et injustifié,
En conséquence,
- confirmer purement et simplement la décision déféré,
- dire et juger la demande en résolution ou en nullité de la vente du 21 Juillet 2017 irrecevable ou à tout le moins infondée et injustifiée,
- débouter dès lors la société Admirall & Co de sa demande visant à voir prononcer la résolution ou la nullité de cette vente,
- la débouter également de l'ensemble des condamnations financières présentées à son encontre, lesquelles sont tant irrecevables qu'infondées et injustifiées,
A titre subsidiaire, et en cas d'annulation du contrat de vente,
- dire et juger qu'elle ne saurait devoir à la société Admirall & Co une somme supérieure à la côte argus du véhicule lors de sa restitution, selon le kilométrage parcouru,
- enjoindre la société Admirall & Co de justifier objectivement du kilométrage actuel du véhicule,
- débouter la société Admirall & Co en tout état de cause de l'intégralité de ses moyens, fins et prétentions,
- débouter également la société Santander Consumer Banque de l'intégralité des demandes, fins et prétentions présentée à son encontre,
- condamner en revanche la société Admirall & Co à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner enfin aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Maître Véronique Lorelli, Avocat de la SELARL Alcalex, sur son affirmation de droit, et en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Santander Consumer Banque demande à la cour de :
A titre principal :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et plus précisément en ce qu'il a :
- déclaré régulières, recevables mais non fondées les demandes de la société Admirall & Co formées à l'encontre de la société Euroauto 73, ainsi qu'à son égard,
- débouté la société Admirall & Co de ses demandes formées contre la société Euroauto73,
- débouté la société Admirall & Co de sa demande formée à son encontre,
- ordonné à la société Admirall & Co de reprendre le paiement des mensualités relatives au remboursement du prêt et ce, dans un délai de quarante-cinq jours suivant le prononcé de la décision jusqu'à l'extinction de la dette.
- condamné la société Admirall & Co aux dépens de l'instance,
A titre subsidiaire :
- statuer ce que de droit sur les prétentions de la société Admirall & Co telles que tendant à voir prononcer la résolution du contrat de vente et celle subséquente du contrat de prêt,
Dans l'hypothèse où il y serait fait droit :
- condamner la société Admirall & Co à lui payer la somme de 29 160,10 euros au titre de leur obligation de restitution née du prononcé de la résolution du contrat de prêt déduction faite des échéances réglées avant suspension à hauteur de 13 126,56 euros soit la somme de 16 033,54 euros,
- condamner la société Euroauto 73 à garantir la société Admirall & Co du paiement du remboursement du prêt, à hauteur de 29 160,10 euros à son bénéfice,
- condamner la société Euroauto 73 à lui payer la somme de 3656,30 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Euroauto 73 à supporter et régler les frais de mainlevée des sûretés réelles prises en garantie du paiement du prêt,
En tout état de cause,
- débouter la société Euroauto 73 et la société Admirall & Co de toutes demandes plus amples formulées à son encontre,
- condamner la société Admirall & Co si elle succombait dans ses prétentions ou dans le cas contraire la société Euroauto 73 à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la partie succombant aux entiers dépens y compris ceux de première instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du contrat de vente pour erreur
La société Admirall & Co expose que le caractère 'extra long' du véhicule était pour elle une condition déterminante de son achat. Elle ajoute que cette qualité figure, non seulement dans l'annonce à laquelle elle a répondu, mais également dans le bon de commande qu'elle a signé. Elle indique que, dès lors que le véhicule livré est un véhicule 'long', la condition essentielle de son engagement n'a pas été respectée par son co-contractant. Elle précise encore que son erreur est excusable dans la mesure où elle n'est pas une professionnelle de l'automobile et ne pouvait pas détecter d'un coup d'oeil une différence de taille de 23 centimètres sur un véhicule de 5,23 mètres de long. Enfin, elle dit que le fait qu'elle a tout de même utilisé le véhicule ne révèle pas une acceptation qui couvrirait l'erreur mais d'une nécessité d'exercer l'activité de chauffeur VTC.
La société Euroauto 73 expose que la société Admirall & Co ne démontre pas que le gabarit du véhicule constituait un élément déterminant de son consentement. Elle indique qu'il n'a jamais évoqué cette question dans les courriels échangés et qu'il a pu se convaincre de la réalité du véhicule au travers des nombreuses photographies communiquées avant la vente et en venant en prendre lui-même livraison. Elle en conclut que les conditions de l'erreur vice du consentement ne sont pas réunies.
L'article 1132 du code civil dispose que : 'L'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant'.
L'article 1133 du code civil précise que : 'Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie'.
Il est constant que l'erreur s'apprécie au moment de la formation du contrat.
En l'espèce aucun élément ne permet de dire que les parties ont expressément convenu que la qualité essentielle de la prestation due par la société Euroauto 73 était le caractère 'extra long' de la voiture.
Il est constant que sur son site internet, la société Euroauto 73 indiquait dans son annonce, avec tous les autres qualificatifs et options attribués au véhicule (nombre de places, carburant, kilométrage, puissance fiscale, puissance DIN, garantie contractuelle, etc), que ce dernier était de type 'extra long' (pièces acheteur n°3 et 4). Cette mention est ensuite reprise, comme les autres, dans le devis adressé à l'acheteur qui l'a renvoyé signé (pièces acheteur n°6 et 8). Néanmoins, l'annonce qu'elle a elle-même fait paraître sur le site 'La Centrale' à compter du 10 mai 2017 (pièces vendeur n°19 et 20) vise un véhicule simplement 'long'. L'analyse des deux annonces permet à la cour de se convaincre qu'il s'agit bel et bien du même véhicule (même carburant, même kilométrage, même couleur, même marque, même prix, première immatriculation identique). En outre, le gérant de la société Admirall & Co avait bien connaissance de l'annonce sur le site de la Centrale puisqu'il a demandé par 'sms' au vendeur l'envoi des photographies qui l'illustraient (pièce vendeur n°21).
Il découle de ce qui précède que la qualité résultant du caractère 'extra long' du véhicule ne peut pas être considérée comme ayant été tacitement convenue entre les parties au sens de l'article 1133 du code civil. Il existe à tout le moins une ambiguïté en ce qui concerne le vendeur lequel, en dehors de son site internet, a correctement présenté le véhicule comme 'long'. A ce titre, l'hypothèse d'une erreur informatique en ce qui concerne les mentions sur son site ou les documents et publications ne peut pas être totalement exclue. En ce qui concerne l'acheteur, aucun élément ne permet de corroborer ses affirmations sur le fait que l'aspect 'extra long' du véhicule avait pour lui un caractère essentiel. Les mentions sur le site internet du vendeur, ainsi que sur le bon de commande sont en effet accompagnées de plusieurs autres éléments qui auraient tout aussi bien pu être une caractéristique essentielle comme par exemple le kilométrage ou le carburant, voire la couleur.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Admirall & Co de ses demandes au titre de l'annulation du contrat de vente fondée sur l'erreur vice du consentement.
Sur le défaut de délivrance conforme fondé sur les dispositions du code civil
La société Admirall & Co fait valoir qu'elle s'attendait à être livrée d'un véhicule 'extra long' conformément aux mentions figurant dans le bon de commande et reprise dans les courriels échangés avant la vente. Elle ajoute que la société Euroauto 73 n'a jamais justifié d'un contrôle technique datant de moins de six mois. Elle considère qu'elle a bien émis des réserves, 7 jours après la livraison, réserves portant sur des défauts non apparents en ce compris le gabarit du véhicule. Elle expose encore que l'obligation de délivrance conforme s'applique également aux accessoires de la chose vendue et donc aux documents administratifs du véhicule en se plaignant de ne pas s'être vu remettre ni le certificat d'immatriculation, alors qu'elle avait bien produit un extrait K-bis, ni le procès verbal de contrôle technique. Elle indique que le défaut de délivrance de ces documents l'empêche d'utiliser le véhicule. Elle dit encore que le certificat de déclaration de cession a été rempli par le vendeur lequel a imité grossièrement la signature de son gérant.
La société Euroauto 73 explique, quant à elle, que la réception sans réserve de la chose implique son acceptation en l'état et couvre les défauts apparents de conformité. Selon elle, aucune ambiguïté n'était possible s'agissant de la taille réelle du véhicule dont la société Admirall & Co a accepté sans réserve la livraison. Elle ajoute que la facture délivrée à ce moment ne mentionne pas que le véhicule est un modèle 'extra long'. En ce qui concerne le défaut de contrôle technique elle ajoute que, là encore, le véhicule a été accepté en l'état et ajoute que ce véhicule, qu'elle a importé, avait fait l'objet de contrôles. S'agissant du certificat d'immatriculation elle précise avoir délivré un certificat provisoire et que la société Euroauto 73 ne lui a pas transmis l'extrait K-bis mentionnant la même adresse que celle figurant sur la facture, élément indispensable à l'établissement du certificat définitif et ce, malgré ses demandes réitérées. Elle dit encore ne pas avoir signé l'acte de cession pour la carte grise, celui qui est produit aux débats étant celui correspondant à l'obtention de l'immatriculation provisoire, en accord avec M. [W] gérant de la société Admirall & Co. Enfin, elle ajoute que les prétendues difficultés techniques rencontrées par le véhicule ne sont démontrées par aucune pièce.
L'article 1604 du code civil dispose que : 'La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et la possession de l'acheteur.'. Il est constant en jurisprudence que la notion de conformité ou de non conformité est inhérente à l'obligation de délivrance et que l'acquéreur ne peut être tenu d'accepter une chose différente de celle qu'il a commandée. Il est tout aussi constant que l'acceptation sans réserve de la chose par l'acquéreur lui interdit de se prévaloir d'un défaut de délivrance conforme (cass. com, 1er mars 2005, n°03-19.296). En l'espèce il est constant que le bon de commande mentionne un véhicule 'extra long' et que c'est un véhicule 'long' qui a été livré. Par ailleurs, il n'est pas démontré, ni même allégué, qu'au moment où la société Admirall & Co vient prendre possession du véhicule, elle a émis la moindre réserve.
En ce qui concerne le gabarit du véhicule, il convient de relever qu'après avoir pu se convaincre de ce à quoi ressemblait la voiture à l'aide des multiples photographies adressées par le vendeur, l'acheteur est venu lui-même en prendre livraison. Or, si une différence de 23 centimètres de long sur un véhicule qui en mesure plus de 5 n'est pas aisément détectable, le caractère 'extra long' du véhicule a, selon les propres écritures de l'acheteur, une conséquence importante quant à la taille du coffre. Il s'agit donc ici d'une qualité apparente dont il pouvait se convaincre lui-même par un examen normalement attentif du véhicule acheté. En conséquence l'acceptation sans réserve a couvert la non conformité s'agissant du gabarit.
En ce qui concerne le certificat d'immatriculation : l'article 1615 du code civil dispose que : 'L'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel'. Il est de jurisprudence constante que le certificat d'immatriculation constitue un accessoire indispensable du véhicule (cass. com. 8 novembre 1972, n°71-14.334).
En l'espèce, il n'est pas discuté que le vendeur a remis, le 13 juillet 2017, soit avant la livraison intervenue le 21 juillet 2017, un certificat d'immatriculation provisoire valable jusqu'au 12 août 2017 inclus (pièce acheteur n°10). Il en résulte que le véhicule n'a pas été livré sans certificat d'immatriculation. Par la suite et, dès le 27 juillet 2017, le vendeur a, à plusieurs reprises, sollicité l'acheteur afin d'obtenir un justificatif de domicile avec une adresse correspondant à celle figurant dans le certificat de cession soit au [Adresse 4] à [Localité 6] (pièces vendeur n°11, 14 et16). En effet, l'extrait K-bis en sa possession mentionnait une adresse au [Adresse 2] à [Localité 6]. L'acheteur a d'ailleurs précisé, par 'sms' du 31 juillet 2017, que, sur recommandation de son avocat, il ne faisait pas parvenir le document demandé tant qu'il n'aurait pas eu de réponse à sa lettre recommandée (pièce vendeur n°14). Ce n'est d'ailleurs que plusieurs mois après, soit en février 2018, que le conseil de la société Admirall & Co a fait parvenir à la société Euroauto 73 une copie de facture 'Engie' portant l'adresse en question (pièce acheteur n°30).
En conséquence, la non délivrance du certificat d'immatriculation définitif ne peut pas être imputée au seul vendeur lequel n'est pas tenu à l'impossible (en l'espèce, obtenir un certificat administratif sans être en possession de l'une des pièces nécessaires).
Sur la non délivrance du certificat de contrôle technique : l'article R. 323-22 3° du code de la route dispose que les véhicules doivent faire l'objet, 'avant toute mutation intervenant au-delà du délai de quatre ans prévu au 1° ci-dessus, d'un contrôle technique, dont sont toutefois dispensés les véhicules ayant subi un contrôle technique dans les six mois précédant la date de demande d'établissement du nouveau certificat d'immatriculation'. En l'espèce, le vendeur ne justifie pas avoir respecté cette obligation, le contrôle qui aurait eu lieu en 2016 en Italie ne pouvant en tenir lieu (pièce vendeur n°3).
Il convient toutefois de relever à nouveau que l'acheteur a accepté sans réserve le véhicule qu'il achetait alors que, professionnel du transport, il ne peut pas ignorer les règles concernant le contrôle technique. Il a donc pris un risque en ne formulant aucune réserve sur ce point, risque qui fait obstacle à une résolution de la vente pour un défaut de livraison conforme.
Sur les défauts allégués de la voiture : la cour observe que si, dans son courrier du 27 juillet 2017, la société Admirall & Co se plaint d'un certain nombre de défauts (vibrations au delà de 100 km/h, alerte de non fermeture des portes automatiques arrières lors du roulage, défaut de fonctionnement de l'essuie-glace arrière, absence de suspension pneumatique), elle ne rapporte pas la preuve de ces défauts.
Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a débouté la société Admirall & Co de ses demandes au titre de la résolution de la vente pour non conformité sur le fondement des dispositions du code civil.
Sur le défaut de délivrance conforme fondé sur les dispositions du code de la consommation
La société Admirall & Co expose qu'en tant que société exploitant une activité de transport de personnes, elle doit être considérée comme profane par rapport à un vendeur professionnel de voitures et, qu'en conséquence, elle peut se prévaloir des dispositions du code de la consommation, le contrat litigieux échappant à son domaine de compétence. Elle estime le véhicule livré non conforme à ce qui était convenu et précise que la réparation ou le remplacement s'avérant impossible, tout comme la remise des documents manquants, elle est bien fondée à demander la résolution de la vente.
En matière de garantie légale de conformité, l'article L. 217-10 du code de la consommation, dans sa version applicable au contrat litigieux, dispose que : 'Si la réparation et le remplacement du bien sont impossibles, l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix'.
En l'espèce, à supposer que le droit de la consommation soit applicable à la société Admirall & Co, celle-ci ne fait qu'affirmer, sans le démontrer, en quoi il lui serait impossible d'obtenir l'une des solutions (remplacement ou réparation) à défaut desquelles seulement la résolution peut être envisagée.
En conséquence, la société Admirall & Co doit être déboutée de ses demandes relatives à la résolution de la vente fondée sur le droit de la consommation.
Sur les demandes de dommages et intérêts
Dans la mesure où ces demandes découlent de l'annulation ou de la résolution de la vente qui n'ont pas été prononcées, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle en a déboutée la société Admirall & Co.
Sur les demandes contre la société Santander Consumer Banque
A nouveau, il s'agit de demandes qui découlent de l'annulation ou de la résolution de la vente et qui ne sauraient donc aboutir en l'espèce. La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a déboutée la société Admirall & Co de ses demandes contre la société Santander Consumer Banque.
Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la société Admirall & Co qui succombe sera tenue aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit du conseil de la société Euroauto 73 par application de l'article 699 du code de procédure civile. Elle sera corrélativement déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile comme n'en remplissant pas les conditions d'octroi.
Il n'est pas inéquitable de faire supporter par la société Admirall & Co partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par la société Euroauto 73 et par la société Santander Consumer Banque en cause d'appel. En conséquence elle sera condamnée à leur verser à chacune la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la société Admirall & Co de ses demandes concernant le défaut de conformité fondé sur le droit de la consommation,
Condamne la société Admirall & Co aux dépens d'appel, maître Véronique Lorelli étant autorisée à recouvrer directement contre elle ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,
Déboute la société Admirall & Co de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Admirall & Co à payer à la société Euroauto 73 la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Admirall & Co à payer à la société Santander Consumer Banque la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 23 mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente