COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 23 Mars 2023
N° RG 21/01154 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GW52
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON LES BAINS en date du 19 Avril 2021, RG 19/01641
Appelants
M. [M] [P] [B] [X]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 7], demeurant [Adresse 3]
S.C.I. VAL DEUX, dont le siège social est sis [Adresse 3] - prise en la personne de son représentant légal
Représentés par Me Paul-Marie BERAUDO, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
Intimées
Mme [R] [I] [U] divorcée [X]
née le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Sylvie DUPRAZ, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC, dont le siège social est sis [Adresse 6] - prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SELARL RIMONDI ALONSO HUISSOUD CAROULLE PIETTRE, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 24 janvier 2023 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Par contrat du 2 février 2009, la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc (ci-après la société CRCAML) a consenti à la SCI Val Deux, gérée par M. [M] [X], un prêt pour un montant de 120 000 euros, remboursable annuellement sur 180 mois, par annuités de 11 717,89 euros, au taux d'intérêts fixe de 5,20 % l'an, à compter du 30 janvier 2010, afin de financer l'acquisition d'un bâtiment à usage professionnel. Ce contrat de prêt porte le n°01RMLD014PR.
En garantie du remboursement de ce prêt, M. [M] [X] et Mme [R] [U], mariés au jour de la conclusion du prêt, se sont portés cautions personnelles et solidaires chacun dans la limite de la somme de 144 000 euros.
Par jugement du 7 décembre 2015, le divorce entre M. [M] [X] et Mme [R] [U] a été prononcé.
Un retard de paiement a été constaté de la part de SCI Val Deux pour l'échéance annuelle de 2018.
Par lettre recommandée du 29 novembre 2018, la déchéance du terme prévue par le contrat a été notifiée à la SCI Val Deux, à M. [M] [X] et à Mme [R] [U], rendant immédiatement exigible le solde du prêt en capital, intérêts, frais et accessoires.
Par acte d'huissier du 2 août 2019, la société CRCAML a alors assigné la SCI Val Deux, M. [M] [X] et Mme [R] [U] en paiement.
Par jugement réputé contradictoire du 19 avril 2021, le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :
- condamné solidairement la SCI Val Deux, M. [M] [X] et Mme [R] [U] à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc la somme de 64 036,79 euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,20 % l'an sur la somme de 59 097,88 euros à compter du 29 novembre 2018 et jusqu'à parfait paiement,
- ordonné la capitalisation des intérêts qui seront dus par la SCI Val Deux, M. [M] [X] et Mme [R] [U], solidairement, par année entière à compter du 2 août 2019, date de l'assignation,
- condamné solidairement la SCI Val Deux, M. [M] [X] et Mme [R] [U] à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme [R] [U] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement la SCI Val Deux, M. [M] [X] et Mme [R] [U] aux entiers dépens,
- condamné M. [M] [X] à relever et garantir Mme [R] [U] de toutes les condamnations prononcées contre elle, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration du 2 juin 2021, M. [X] et la SCI Val Deux ont interjeté appel du jugement.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 20 août 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [M] [X] et la SCI Val Deux demandent à la cour de :
- dire et juger que la déchéance du terme signifiée par la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc à l'encontre de la SCI Val Deux était irrégulière faute d'avoir été précédée d'une mise en demeure préalable,
- dire et juger que la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc est infondée à se prévaloir de l'exigibilité du prêt bancaire,
- réformer le jugement du 19 avril 2021 du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains et,
- débouter la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc de l'ensemble de ses demandes,
subsidiairement,
- dire et juger que la SCI Val Deux a poursuivi le règlement du prêt bancaire qui, dont le capital restant dû, ne se monte aujourd'hui qu'à la somme de 3 257,14 euros,
- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la sci Val Deux à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc la somme de '164 036,79" euros avec intérêts au taux conventionnel de 5,20 % sur la somme de 59 097,88 euros à compter du 29 novembre 2018 et limiter la condamnation de la SCI Val Deux ainsi que des condamnations à la somme de 23 257,14 euros correspondant au capital restant dû,
- dire et juger que Mme [R] [U] qui était mariée sous le régime de la séparation de bien avec M. [M] [X] a cédé ses parts dans la SCI Val Deux à M. [M] [X] par acte du 10 mars 2014 et n'était donc plus titulaire de parts sociales au moment de la régularisation de l'acte liquidatif du 16 mai 2014 homologué par jugement de divorce du 7 décembre 2015,
- dire et juger que la clause indiquée en page 3 de l'acte liquidatif faisant prendre en charge à M. [M] [X] les dettes nées durant le mariage du fait des époux ou des SCI inopposable à M. [M] [X], la dette étant postérieure pour une SCI dont Mme [R] [U] n'était plus associée,
- dire et juger que la SCI Val Deux ainsi que M. [M] [X] disposent des délais les plus larges prévus par les dispositions de l'article 1343-5 du code civil pour apurer le capital restant dû auprès de la banque,
reconventionnellement,
- condamner la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc demande à la cour de :
- dire et juger la SCI Val Deux et M. [M] [X] mal fondés en leur appel,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'il a condamné solidairement la SCI Val Deux, M. [M] [X] et Mme [R] [U], à lui payer la somme de 64 036,79 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,20 % l'an sur la somme de 59 097,88 euros du 29 novembre 2018 jusqu'à parfait paiement,
statuant à nouveau de ce chef,
- condamner solidairement la SCI Val Deux, M. [X] et Mme [R] [U] à lui payer la somme de 28 779,20 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,20 % l'an sur la somme de 23 257,14 euros du 28 juillet 2021 jusqu'à parfait paiement,
y ajoutant,
- condamner solidairement la SCI Val Deux et M. [M] [X] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement la SCI Val Deux et M. [M] [X] aux entiers frais et dépens.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [R] [U] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [M] [X] à la relever et garantir de toutes les condamnations prononcées contre elle, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens,
- condamner M. [M] [X] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la déchéance du terme
La SCI Val Deux et M. [M] [X] prétendent que la déchéance du terme ne serait pas régulière faute d'une mise en demeure préalable.
La cour observe que le contrat de prêt liant société CRCAML et SCI Val Deux (pièce banque n°2) est un 'contrat de prêt aux professionnels'. Il comporte une clause intitulée 'déchéance du terme' selon laquelle : 'le prêt deviendra immédiatement exigible si bon semble au prêteur, en capital, intérêts, frais et accessoires par la survenance d'un quelconque des événements ci-après et sans qu'il soit besoin d'aucune formalité judiciaire : en cas de non paiement des sommes exigibles au titre du présent prêt (...), en cas d'incident de paiement (...)'. Aucune formalité particulière n'est visée.
Il est constant que l'échéance de janvier 2018 n'a pas été honorée, la SCI Val Deux et M. [M] [X] reconnaissant ce fait en parlant, dans leurs écritures, de 'décalage du remboursement des échéances bancaires' (conclusions p.2). A la suite de ce défaut de paiement, la banque a adressé à la SCI Val Deux un courrier recommandé avec avis de réception en date du 29 novembre 2018, retiré le 11 décembre 2018 par lequel la société était mise en demeure de payer la somme de 5 122, 18 euros dans un délai de 10 jours et sous peine de déchéance du terme (pièce banque n°7).
En conséquence, la déchéance du terme est régulière.
Sur les sommes dues
La société CRCAML reconnaît que, postérieurement au jugement déféré, des paiements sont intervenus, lesquels ont diminué le montant de la créance. Elle réclame la somme de 28 779,20 euros selon un décompte arrêté au 27 juillet 2021, outre intérêt au taux contractuel de 5,20 % l'an.
La SCI Val Deux et M. [M] [X] estiment que le capital restant dû est de 23 257,14 euros et que si une condamnation intervenait, elle devrait être limitée à cette somme.
Il résulte du décompte produit, arrêté au 27 juillet 2021 (pièce banque n°14) que le capital restant dû s'élève à la somme de 23 257,14 euros. Au demeurant cette somme n'est pas contestée par le débiteur principal ni par M. [M] [X] en tant que caution. Toutefois, ces derniers n'expliquent pas en quoi ils ne devraient pas être tenus au paiement des intérêts échus depuis le mois de novembre 2018 représentant la somme de 5 392,86 euros. En revanche, la cour ne saurait retenir, au titre du décompte de la dette bancaire la somme de 1 000 euros correspondant à la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile prononcée en première instance. M. [M] [X] et la SCI Val Deux ne fournissent aucune pièce de nature à démontrer l'existence d'autres paiements depuis la date du décompte fourni par la banque.
En conséquence, la somme due par la SCI Val Deux est de 28 650 euros (23 257,14 + 5 392,86), outre intérêts au taux contractuel de 5,20 % l'an sur la somme de 23 257,14 euros à compter de la date du présent arrêt.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné solidairement la SCI Val Deux, M. [M] [X] et Mme [R] [U] sauf à dire que cette condamnation porte sur une somme de 28 650 euros, outre intérêts au taux contractuel de 5,20 % l'an sur la somme de 23 257,14 euros.
Sur la demande de Mme [R] [U] d'être relevée et garantie de ses condamnations par M. [M] [X]
Il convient de rappeler les éléments suivants :
- la cession des parts détenues par Mme [R] [U] dans la SCI Val Deux à M. [M] [X] est intervenue le 10 mars 2014 et a été enregistrée aux impôts le 7 avril 2014 ;
- un contrat de liquidation du régime matrimonial des époux [U]/[X] a été passé par devant notaire le 16 mai 2014, et a été homologué par le jugement de divorce du 7 décembre 2015 ;
- ce contrat prévoit, en page 3, que : 'Tout le passif né et à naître pendant le mariage du chef de Monsieur et Madame [X], de Monsieur [M] [X] seul, de Madame [R] [U] épouse [X] seule, des SARL dans lesquelles les époux sont titulaires de parts, des SCI, SEP ou SCCV, sociétés de fait ou de droit, sera intégralement pris en charge par Monsieur [M] [X], y compris les dettes fiscales, sociales ou douanières et de quelque nature que ce soit de telle sorte que Madame [R] [U] épouse [X] ne soit en aucune façon inquiétée par tous ces règlements'.
En l'espèce, la dette de la SCI Val Deux envers la société CRCAML est née pendant le mariage (en 2009), du fait d'une SCI et c'est bien sur le fondement de cette dette, laquelle n'est pas donc pas 'apparue' après le divorce, que Mme [R] [U] est aujourd'hui condamnée en sa qualité de caution. Il est indifférent de savoir si Mme [R] [U] est ou non titulaire de parts sociales dans la SCI Val Deux dans la mesure où la disposition contractuelle rappelée ci-dessus ne mentionne cette condition que s'agissant des dettes pouvant naître des 'SARL dans lesquelles les époux sont titulaires de parts'. Cette phrase est suivie d'une virgule avant de poursuivre par la mention d'autres formes de sociétés dont les SCI sans reprendre la condition de la titularité de parts.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [M] [X] à relever et garantir Mme [R] [U] de toutes les condamnations prononcées contre elle, en ce compris les frais irrépétibles et les dépens.
Sur la demande de délais de paiement
L'article 1343-5 du code civil dispose que, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital
M. [M] [X] et la SCI Val Deux ne versent strictement aucune pièce permettant d'apprécier l'état de leurs ressources et de leurs charges, de sorte qu'il convient de les débouter de leur demande en délai de paiement.
Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
M. [M] [X], la SCI Val Deux et Mme [R] [U] qui succombent face à la société CRCAML seront tenus in solidum aux dépens de première instance. M. [M] [X] qui succombe seul en appel contre Mme [R] [U] et avec la SCI Val Deux contre la banque seront tenus in solidum aux dépens d'appel. M. [M] [X] et la SCI Val Deux seront corrélativement déboutés de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile contre la banque comme n'en remplissant pas les conditions d'octroi.
Il n'est pas inéquitable de faire supporter par la SCI Val Deux et M. [M] [X] et Mme [R] [U] partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par la société CRCAML en première instance. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il les a condamnés à lui payer la somme de 1 000 euros à ce titre.
A hauteur d'appel, la société CRCAML ne forme de demande sur ce fondement que contre M. [M] [X] et la SCI Val Deux. L'équité commande de les condamner in solidum à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
De même, l'équité commande de faire supporter à M. [M] [X] partie des frais irrépétibles exposés par Mme [R] [U] en cause d'appel. Il sera condamné à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à ramener le montant de la condamnation de M. [M] [X], Mme [R] [U] et la SCI Val Deux à la somme de 28 650 euros, outre intérêts au taux contractuel de 5,20 % l'an sur la somme de 23 257,14 euros,
Y ajoutant,
Déboute la SCI Val Deux et M. [M] [X] de leurs demandes de délais de paiement,
Condamne in solidum la SCI Val Deux et M. [M] [X] aux dépens d'appel,
Déboute la SCI Val Deux, M. [M] [X] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la SCI Val Deux et M. [M] [X] à payer à la Société caisse régionale de crédit agricole mutuel du Languedoc la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne M. [M] [X] à payer à Mme [R] [U] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Ainsi prononcé publiquement le 23 mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente