COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 06 Avril 2023
N° RG 21/01284 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GXNW
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'[Localité 6] en date du 25 Mai 2021, RG 19/01379
Appelante
Mme [R] [I]
née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 8] ([Localité 8]), demeurant [Adresse 2]
Représentée par la SCP CHEVASSUS-COLLOMB, avocat au barreau d'ALBERTVILLE
Intimés
M. [F] [O]
né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 7] ([Localité 7]), demeurant [Adresse 9]
GROUPAMA RHONE-ALPES AUVERGNE, dont le siège social est sis [Adresse 5] - prise en la personne de son représentant légal
Représentés par Me Daniel ANXIONNAZ, avocat au barreau d'ALBERTVILLE
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CPAM DE LA SAVOIE, dont le siège social est sis [Adresse 4] - prise en la personne de son représentant légal
sans avocat constitué
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 07 février 2023 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [R] [I], employée par l'ADMR, était en intervention chez M. [F] [O] le 17 mars 2011. Elle a subi un accident au domicile de ce dernier, à la suite duquel elle a été admise au service des urgences.
Soutenant que l'accident est imputable au monte-escalier installé chez M. [O], dont la plate-forme métallique lui serait retombée dessus, lui occasionnant un traumatisme cérébral, ainsi que des lésions aux bras et aux épaules, en novembre 2013 Mme [I] a fait assigner M. [O] devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'Albertville aux fins d'expertise médicale et de paiement d'une provision à valoir sur ses préjudices. L'assureur de M. [O], la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne, est intervenu volontairement.
Par ordonnance rendue le 7 janvier 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Albertville a ordonné l'expertise médicale sollicitée, mais a rejeté la demande de provision de Mme [I].
Le docteur [Y], expert désigné, a déposé son rapport le 23 octobre 2015.
C'est dans ces conditions que, par actes délivrés les 25 et 26 novembre 2019, Mme [I] a fait assigner M. [O], son assureur la compagnie Groupama, et la CPAM de la Savoie, devant le tribunal de grande instance d'Albertville aux fins d'indemnisation de ses préjudices, sur le fondement des dispositions de l'article 1242 du code civil et la responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa garde.
M. [O] et la compagnie Groupama se sont opposés aux demandes en contestant toute responsabilité du premier dans l'accident dont Mme [I] a été victime, dont les circonstances sont indéterminées, la victime ne rapportant pas la preuve d'un dysfonctionnement du monte-escalier.
La CPAM de la Savoie a sollicité le paiement de ses débours.
Par jugement contradictoire rendu le 25 mai 2021, le tribunal judiciaire d'Albertville a :
débouté Mme [I] de l'intégralité de ses demandes,
débouté la CPAM de la Savoie de l'intégralité de ses demandes,
condamné Mme [I] à payer à M. [O] et à la compagnie Groupama ensemble la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné Mme [I] aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,
dit n'y avoir lieu à déclarer la décision commune à la CPAM de la Savoie.
Par déclaration du 18 juin 2021, Mme [I] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées le 11 août 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [I] demande en dernier lieu à la cour de :
Vu les dispositions de l'article 1242 du code civil,
déclarer la demande de Mme [I] recevable et bien fondée,
réformer en totalité le jugement déféré,
et statuant à nouveau,
condamner solidairement M. [O] et la compagnie Groupama à lui verser 173.269,70 euros en réparation de son préjudice, décomposée comme suit :
- la somme de 2.550,41 euros, au titre des dépenses de santé actuelles,
- la somme de 3.843,77 euros, au titre des frais divers avant consolidation,
- la somme de 7.761,06 euros, au titre des pertes de gains professionnels actuels,
- la somme de 2.802,08 euros, au titre des dépenses de santé futures,
- la somme de 3.012,08 euros, au titre des frais divers après consolidation,
- la somme de 35.600,30 euros, au titre des pertes de gains professionnels futurs,
- la somme de 50.000,00 euros, au titre de l'incidence professionnelle,
- la somme de 19.200,00 euros, au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- la somme de 5.000,00 euros, au titre des souffrances endurées,
- la somme de 2.500,00 euros, au titre du préjudice esthétique temporaire,
- la somme de 6.000,00 euros, au titre du déficit fonctionnel permanent,
- la somme de 20.000,00 euros, au titre du préjudice d'agrément,
- la somme de 20.000,00 euros, au titre du préjudice sexuel,
condamner solidairement M. [O] et la compagnie Groupama à lui verser la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner solidairement M. [O] et la compagnie Groupama aux entiers dépens d'instance, d'appel et de référé ainsi que le remboursement des frais d'expertise médiclae (1.560,00 euros),
dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Me Caroline Collomb pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu de provision,
dire et juger commun et opposable à la CPAM de la Savoie la décision à intervenir.
Par conclusions notifiées le 5 novembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [O] et la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne demandent en dernier lieu à la cour de :
Vu, notamment, les dispositions de l'article 1242 du code civil, plus particulièrement de l'alinéa 1er dudit article,
Au principal,
débouter Mme [I] des fins de son appel,
confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant, condamner Mme [I] à payer une somme supplémentaire de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par Groupama Rhône-Alpes et M. [O] pour assurer leur défense en instance d'appel,
condamner, en outre, Mme [I] aux entiers dépens de l'instance d'appel,
Subsidiairement, et pour l'hypothèse d'une improbable réformation du jugement et dans laquelle une part de responsabilité serait retenue à l'encontre de M. [O],
débouter Mme [I] de sa demande au titre des dépenses de santé actuelles,
déboutée Mme [I] de sa demande au titre des frais divers,
débouter Mme [I] de sa demande au titre des pertes de gains professionnels actuelles,
débouter Mme [I] de sa demande au titre des dépenses de santé futures,
débouter Mme [I] de sa demande au titre des pertes de gains professionnels futures,
débouter Mme [I] de sa demande au titre de l'incidence professionnelle,
débouter Mme [I] de sa demande au titre du déficit fonctionnel temporaire,
dire et juger que l'indemnité au titre des souffrances endurées ne saurait être supérieure à 3.000 euros,
débouter Mme [I] de sa demande au titre du préjudice esthétique temporaire,
dire et juger que l'indemnité au titre du déficit fonctionnel permanent ne saurait être supérieure à 5.080,00 euros,
débouter Mme [I] de sa demande au titre du préjudice d'agrément,
débouter Mme [I] de sa demande au titre du préjudice sexuel,
Concernant la créance de la CPAM :
dire et juger que cette dernière ne saurait être supérieure à une somme de 5.709,81 euros.
La CPAM de la Savoie a reçu signification de la déclaration d'appel et des conclusions de l'appelante et des intimés par actes des 25 août et 16 novembre 2021, ce dernier délivré à une personne habilitée.
La CPAM, qui n'a pas constitué avocat devant la cour, a fait connaître le montant de ses débours qui se sont élevés à 14.164,20 euros selon décompte du 3 mars 2020.
L'affaire a été clôturée à la date du 9 janvier 2023 et renvoyée à l'audience du 7 février 2023, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 6 avril 2023.
MOTIFS ET DÉCISION
En application de l'article 1242 alinéa premier du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Il appartient à celui qui entend engager la responsabilité d'autrui sur le fondement de la responsabilité du fait des choses de rapporter la preuve que la chose a été en quelque manière, même seulement pour partie, l'instrument du dommage.
En l'espèce, Mme [I] fait grief au jugement d'avoir rejeté ses demandes alors, selon elle, que l'accident est imputable au monte-escalier de M. [O] qui présentait un défaut en ce qu'un boulon du vérin hydraulique aurait cassé, ce qui aurait causé sa chute.
Toutefois, et en l'absence d'éléments nouveaux, aucune pièce nouvelle n'étant produite en appel, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que le tribunal, après avoir analysé les pièces produites par la demanderesse, a jugé que Mme [I] ne rapporte pas la preuve du fait causal imputable au monte-escalier de M. [O] dès lors que:
- Mme [I] est particulièrement vague quant aux circonstances exactes de l'accident, la position de l'appareil (en haut ou en bas des escaliers) n'étant même pas précisée, ni s'il était en mouvement ou à l'arrêt, la relation des faits étant parfois contradictoire,
- ainsi elle a tantôt indiqué que l'appareil était en bas de l'escalier (au docteur [Y] le 23 mars 2015) et que le plateau s'est déboîté alors qu'elle tentait de le replier, tantôt qu'il était en haut de l'escalier et que c'est la plate-forme qui lui est tombée dessus (au docteur [K] le 19 octobre 2015),
- elle n'a jamais fait état d'un boulon cassé lors de la procédure devant le tribunal des affaires sociales mais d'une sangle qui aurait lâché.
Il sera ajouté que, Mme [I] affirme sans le prouver que l'appareil aurait été mal entretenu, alors qu'il n'est justifié d'aucun incident particulier de fonctionnement, étant rappelé que cet appareil est nécessaire à M. [O]. La chute du plateau elle-même n'est pas établie, et il n'a jamais été prétendu ni prouvé que l'accident se serait produit pendant l'utilisation de l'appareil par M. [O].
L'accident s'est déroulé sans témoin, et les indications figurant sur les certificats médicaux imputant les lésions à l'accident n'en prouvent évidemment pas la cause.
S'il est compréhensible que Mme [I] puisse avoir des troubles de la mémoire compte tenu de son état général et des séquelles qu'elle soutient conserver de l'accident, pour autant, cela ne la dispense pas de rapporter la preuve qui lui incombe et qui fait manifestement défaut.
Dans ces conditions, le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en toutes ses dispositions.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [O] et de la compagnie Groupama la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de leur allouer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel.
Mme [I] supportera les entiers dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Albertville le 25 mai 2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Mme [R] [I] à payer à M. [F] [O] et à la compagnie Groupama, indivisément, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,
Condamne Mme [R] [I] aux entiers dépens de l'appel.
Ainsi prononcé publiquement le 06 avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente