COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Mercredi 17 Mai 2023
N° RG 21/01226 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GXGE
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce d'ANNECY en date du 25 Mai 2021, RG 2020J00021
Appelants
M. [M] [I]
né le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4]
M. [B] [N]
né le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 5], demeurant [Adresse 7]
Représentés par Me Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL JACK CANNARD, avocat plaidant au barreau de THONON-LES-BAINS
Intimée
S.A. LYONNAISE DE BANQUE dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SCP BREMANT GOJON GLESSINGER SAJOUS, avocat au barreau d'ANNECY
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 14 mars 2023 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
La société à responsabilité limitée Sum'meet Pro Shop, spécialisée commerce de détail d'articles de sport et immatriculée au RCS le 3 novembre 2014, était en relation d'affaires avec la SA CIC Lyonnaise de Banque.
Par actes sous seings privés du 30 septembre 2015, Monsieur [M] [I] et Monsieur [B] [N], co-gérants de la société Sum'meet Pro Shop, se sont portés caution solidaire de cette société en faveur de la SA CIC Lyonnaise de Banque pour un montant de 6 000 euros chacun.
Par contrat de prêt du 23 juin 2016, la SA CIC Lyonnaise de Banque a consenti à la société Sum'meet Pro shop un prêt professionnel n°100961823000057294404 d'un montant de 100 000 euros garanti par le nantissement du fonds de commerce, un engagement BPI France à hauteur de 50% ainsi qu'un engagement de caution solidaire des deux gérants dans la limite de 30 000 euros chacun.
Par décision du 10 janvier 2018, le tribunal de commerce d'Annecy a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la Sarl Sum'meet Pro Shop.
Le 22 janvier 2018, la SA CIC Lyonnaise de Banque a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire pour un montant de 112 204,52 euros.
Par décision du 12 mars 2018, le tribunal de commerce d'Annecy a prononcé la liquidation judiciaire de la Sarl Sum'meet Pro Shop, laquelle a été clôturée pour insuffisance d'actifs le 5 décembre suivant. Par courrier en date du 11 décembre 2018, un certificat d'irrécouvrabilité
a été adressé à la banque par le liquidateur.
Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 23 mars 2018, la SA CIC Lyonnaise de Banque a mis en demeure chacune des cautions d'avoir à lui régler la somme de 36 000 euros pour le 25 avril suivant.
Messieurs [I] et [N] n'ayant pas honoré leurs engagements respectifs, la SA CIC Lyonnaise de Banque les a alors fait assigner en paiement, par actes des 22 et 29 janvier 2020, devant le tribunal de commerce.
Par décision contradictoire du 25 mai 2021, le tribunal de commerce d'Annecy a :
- dit qu'il n'est pas établi que lors de la signature du contrat de cautionnement, l'engagement de Monsieur [I] était manifestement disproportionné à ses biens et revenus,
- dit qu'il n'est pas établi que lors de la signature du contrat de cautionnement, l'engagement de Monsieur [N] était manifestement disproportionné à ses biens et revenus,
- dit que la SA CIC Lyonnaise de Banque n'a pas rempli son devoir de mise en garde de Monsieur [I], caution non-avertie,
- dit que la SA CIC Lyonnaise de Banque n'a pas rempli son devoir de mise en garde de Monsieur [N], caution non-avertie,
- condamné Monsieur [I], en sa qualité de caution solidaire de la société Sum'meet Pro Shop, à payer à la SA CIC Lyonnaise de Banque la somme de 31 724,86 euros, soit :
6 000 euros en garantie de tous engagements,
30 000 euros en garantie de compte de prêt n°10096 18230 00057294404,
- 4 275,14 euros de dommages et intérêts,
outre intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2018, date d'effet de la mise en demeure, jusqu'au complet paiement,
- condamné Monsieur [N], en sa qualité de caution solidaire de la société Sum'meet Pro Shop à payer à la SA CIC Lyonnaise de Banque la somme de 31 724,86 euros,
soit :
6 000 euros en garantie de tous engagements,
30 000 euros en garantie de compte de prêt n°10096 18230 00057294404,
- 4 275,14 euros de dommages et intérêts,
outre intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2018, date d'effet de la mise en demeure, jusqu'à complet paiement,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision,
- condamné solidairement Messieurs [I] et [N], en leur qualité de caution solidaire de la société Sum'meet Pro Shop, aux entiers dépens.
Par déclaration du 11 juin 2021, Messieurs [I] et [N] ont interjeté appel de la décision.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Messieurs [I] et [N] demandent à la cour de :
- les recevoir en leur appel et les déclarer bien-fondés,
- réformer la décision déférée
À titre principal,
- dire que leurs engagements du 23 juin 2016 sont disproportionnés à leurs biens et revenus,
- débouter la SA CIC Lyonnaise de Banque de ses demandes à ce titre,
- dire que la SA CIC Lyonnaise de Banque n'a pas satisfait à son devoir de mise en garde,
- dire qu'ils ont perdu une chance d'éviter le risque qui se réalise,
- condamner la SA CIC Lyonnaise de Banque à leur régler une somme équivalente aux condamnations éventuellement prononcées au titre de leurs engagements de caution,
- ordonner la compensation des sommes avec les condamnations éventuellement prononcées à leur encontre,
À titre subsidiaire,
- dire que les engagements pris le 23 juin 2016 par Messieurs [I] et [N] en qualité de caution sont disproportionnés à leurs biens et revenus,
- débouter la SA CIC Lyonnaise de Banque de ses demandes à ce titre,
- dire que la SA CIC Lyonnaise de Banque n'a pas satisfait à son devoir de mise en garde,
- dire que Messieurs [I] et [N] ont perdu une chance de ne pas contracter leurs engagements de caution, perte de chance évaluée à 75%,
- condamner la SA CIC Lyonnaise de Banque à régler à Messieurs [I] et [N] la somme de 27 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- ordonner la compensation des sommes avec les condamnations éventuellement prononcées à l'encontre de Messieurs [I] et [N],
En tout état de cause,
- prononcer à l'encontre de la SA CIC Lyonnaise de Banque, la déchéance de son droit à pénalités, intérêts et intérêts de retard, imputation faites des versements du débiteur principal sur le principal de la dette,
- condamner la SA CIC Lyonnaise de Banque à verser à Messieurs [I] et [N] la somme de 3 000 euros à chacun, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces dernières à payer à Maître Forquin en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
En réplique, dans ses conclusions adressées par voie électronique le 3 décembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SA CIC Lyonnaise de Banque demande à la cour de :
- déclarer recevable mais en tous cas mal fondé l'appel interjeté par Messieurs [N] et [I] à l'encontre de la décision rendue par le tribunal de commerce d'Annecy le 25 mai 2021,
- débouter Messieurs [I] et [N] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a :
dit qu'il n'est pas établi que lors de la signature du contrat de cautionnement, l'engagement de Monsieur [I] était manifestement disproportionné à ses biens et revenus,
dit qu'il n'est pas établi que lors de la signature du contrat de cautionnement, l'engagement de Monsieur [N] était manifestement disproportionné à ses biens et revenus,
condamné Monsieur [I], en sa qualité de caution solidaire de la société Sum'meet Pro Shop, à lui payer la somme de 31 724,86 euros, soit :
6 000 euros en garantie de tous engagements,
30 000 euros en garantie de compte de prêt n°10096 18230 00057294404,
outre intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2018, date d'effet de la mise en demeure, jusqu'au complet paiement,
condamné Monsieur [N], en sa qualité de caution solidaire de la société Sum'meet Pro Shop, à lui payer la somme de 31 724,86 euros soit :
6 000 euros en garantie de tous engagements,
30 000 euros en garantie de compte de prêt n°10096 18230 00057294404,
outre intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2018, date d'effet de la mise en demeure, jusqu'à complet paiement,
- la réformer pour le surplus et statuant à nouveau,
- juger que les engagements de caution de Messieurs [I] et [N] n'étaient pas excessifs,
- juger que Messieurs [I] et [N] ont la qualité de caution avertie,
- juger en conséquence que la SA CIC Lyonnaise de Banque n'était débitrice d'aucun devoir de mise en garde à l'égard des cautions,
- débouter en conséquence Messieurs [I] et [N] de leur demande de dommages et intérêts formulée à l'encontre de la SA CIC Lyonnaise de Banque,
En tout état de cause,
- condamner solidairement Messieurs [N] et [I] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement Messieurs [N] et [I] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la proportionnalité des engagements de caution
Conformément aux articles 2288 et suivants du même code, celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même. Le cautionnement ne se présume point. Il doit être exprès et on ne peut l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.
L'article L.341-4 du code de la consommation, en vigueur au jour de la signature de l'acte de caution litigieux, et recodifié à droit constant à l'article L.332-1, dispose toutefois qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
L'appréciation de la disproportion se fait donc à la date de la conclusion du contrat de cautionnement, à charge pour la caution de démontrer son existence. Dans l'affirmative, le créancier peut toutefois démontrer que le patrimoine de la caution est suffisant pour honorer l'engagement au jour de l'appel en garantie. A défaut, l'acte de cautionnement s'avère inopposable.
Cette disposition est mobilisable par toutes les cautions personnes physiques, qu'elles soient ou non averties.
Pour apprécier factuellement la disproportion, il convient de prendre en considération la situation patrimoniale de la caution dans sa globalité. Sont donc non seulement pris en compte les revenus et les biens propres de la caution mais également tous les éléments de patrimoine susceptibles d'être saisis. Concernant l'appréciation de la disproportion manifeste au jour de la signature de l'engagement, viennent en déduction des actifs ainsi identifiés l'ensemble des prêts et des engagements souscrits par la caution à l'exception de ceux qui auraient été pris postérieurement à la souscription de la garantie litigieuse. S'agissant de l'appréciation de la disproportion au jour de l'appel en garantie, la consistance du patrimoine de la caution à prendre en considération s'entend de son endettement global à cette date, en ce compris celui résultant d'autres engagements par la caution.
En l'absence d'anomalie apparente, la fiche déclarative de patrimoine renseignée par la caution au moment de la souscription de l'engagement lui est opposable, sans que la banque ait à vérifier l'exactitude des éléments financiers déclarés.
Concernant les cautionnements du 30 septembre 2015
Monsieur [I] et Monsieur [N] ne soutiennent ni dans les motifs ni dans le dispositif de leurs conclusions que leurs engagements de caution du 30 septembre 2015, pour un montant de 6 000 euros chacun, s'avèrent disproportionnés.
Il n'y a donc pas lieu de statuer sur l'éventualité d'une disproportion concernant ces engagements.
Concernant les engagements du 23 juin 2016
Ni la banque ni les appelants n'évoquent ni ne produisent de fiche de patrimoine.
Monsieur [I] justifie pour sa part d'un avis de situation déclarative sur les revenus, pour l'année 2016, fixant un revenu annuel avant abattement de 17 337 euros. Au jour de l'appel en garantie, il est justifié d'un revenu mensuel moyen de 1 459,48 euros (période janvier à août 2020) le concernant. Il s'avère en outre constant qu'il ne dispose d'aucun patrimoine mobilier ou immobilier susceptible d'être réalisé alors-même qu'il s'était déjà engagé en qualité de caution, pour un montant de 6 000 euros, par acte du 30 septembre 2015.
Il en résulte que son engagement, à hauteur de 30 000 euros, s'avérait manifestement disproportionné au jour de l'engagement. De plus, à la date de l'appel en garantie, la SA CIC Lyonnaise de Banque ne démontre aucunement qu'il se trouve en situation de pouvoir faire face à celui-ci. Dans ces conditions, la cour dit que l'engagement de caution souscrit par lui le 23 juin 2016, dans les intérêts de la Sarl Sum'meet Pro Shop et au bénéfice de la SA CIC Lyonnaise de Banque, est inopposable.
Monsieur [N] produit quant à lui ses bulletins de salaire du premier trimestre 2016 permettant de retenir un revenu moyen mensuel de 1 813,79 euros. Il justifie du fait qu'à compter du 1er mai 2016, il s'est trouvé bénéficiaire d'une allocation d'aide au retour à l'emploi, et ce jusqu'au 31 décembre 2016, pour un montant journalier brut de 25,69 euros. Il n'est pas contesté que Monsieur [N] ne dispose d'aucun patrimoine mobilier ou immobilier. Il s'en déduit que l'engagement souscrit par lui le 23 juin 2016 s'avère, au jour de sa signature, manifestement disproportionné à ses revenus et patrimoine.
Au jour de l'appel en garantie, la SA CIC Lyonnaise de Banque ne verse aucun élément permettant de retenir que Monsieur [N] est en situation de faire face à son engagement alors-même que ce dernier justifie qu'il s'est de nouveau retrouvé allocataire de l'aide pour le retour à l'emploi pour la période comprise entre le 2 juin et le 2 octobre 2020.
En conséquence, la cour retient que les deux cautionnements du 23 juin 2016, régularisés par Monsieur [I] et Monsieur [N], s'avèrent inopposables.
Sur le devoir de mise en garde
Le devoir de mise en garde consiste, pour un établissement de crédit, à alerter l'emprunteur ou la caution sur l'inadaptation de son engagement au regard de ses capacités financières et sur le risque d'endettement qui en résulte. Il n'existe toutefois qu'envers une personne non-avertie, étant précisé qu'un emprunteur professionnel ne peut être, de facto, être considéré comme un emprunteur averti.
Il appartient à la banque de justifier du bon accomplissement de l'obligation qui lui incombe dans le cas où la mise en garde devait être effectuée.
En l'espèce, Monsieur [I] et Monsieur [N] opposent à la banque un manquement à leur égard et sollicitent sa condamnation à leur payer une somme équivalente aux condamnations prononcées à leur encontre au titre de leurs engagements de caution.
Il doit être rappelé que les engagements du 23 juin 2016 ont été déclarés inopposables à Monsieur [I] et à Monsieur [N]. Aussi, la banque ne pouvant se prévaloir desdits actes, il importe de retenir que la demande indemnitaire formulée par eux au titre d'une faute de la banque ne peut concerner que les cautionnements du 30 septembre 2015 consentis pour un montant de 6 000 euros chacun.
Quoique la SA CIC Lyonnaise de Banque prétende que les appelants doivent être considérés comme cautions averties au jour de leurs engagements, la cour observe que leurs expériences professionnelles se trouvaient limitées, au 30 septembre 2015, à des emplois salariés de vendeur ou de barman. Aucune qualification particulière ni aucune expérience significative en matière de gestion, de finance, de droit des affaires, de conduite de projet ou de création d'entreprise n'est démontrée les concernant à l'exception de la constitution de la Sarl Sum'meet Pro Shop en novembre 2014 (pour un capital social de 2 000 euros) laquelle présentait déjà un résultat net comptable négatif (- 7 598 euros) pour la période du 1er décembre 2015 au 30 novembre 2016.
Au titre de l'année 2015, Monsieur [I] ne verse aux débats aucun élément permettant d'apprécier sa situation financière. Monsieur [N] justifie pour sa part du fait qu'il se trouvait allocataire d'une aide de retour à l'emploi entre le 16 septembre 2015 et le 30 novembre 2015 et qu'il a perçu à ce titre une aide journalière d'un montant brut de 25,69 euros. Il s'avère constant que les cautions ne disposaient d'aucun patrimoine mobilier ou immobilier spécifique au jour de leur engagement.
La SA CIC Lyonnaise de Banque ne justifie de la délivrance d'aucune mise en garde particulière envers les cautions pas davantage qu'elle ne justifie s'être renseignée sur l'étendue de leur patrimoine. De même, l'établissement prêteur ne démontre pas qu'il se soit fait communiquer les documents comptables élémentaires (bilan, prévisionnel) pour s'assurer de la solidité financière de la société emprunteuse alors-même qu'elle se trouvait en phase de démarrage d'activité.
Aussi, quoique le montant de leurs cautionnements respectifs soit limité à 6 000 euros, il s'avère établi, d'une part, que leurs engagements portent sur une somme importante pour chacune des cautions eu égard à leur situation patrimoniale personnelle et, d'autre part, qu'ils emportaient pour chacune d'elles un risque objectif d'endettement justifiant la délivrance, par la banque, d'une mise en garde au titre des engagements pris à son profit.
Dans ces conditions, la cour retenant que les cautions ont subi une perte de chance de 50% de ne pas souscrire les engagements litigieux, il y a lieu de considérer que la faute de la banque justifie sa condamnation à payer à Monsieur [I] et à Monsieur [N] une somme de 3 000 euros chacun, laquelle sera compensée avec la créance de la banque.
Sur le respect de l'obligation d'information annuelle
Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L.341-6 du code de la consommation (applicable du 05/02/2004 au 01/07/2016) et L.313-22 du code monétaire et financier (applicable du 11/12/2016 au 01/01/2022), que les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
La bonne exécution de cette obligation étant contestée par la caution, il appartient à la banque de démontrer qu'elle a effectivement satisfait à cette obligation pour se prévaloir du montant des intérêts conventionnels échus à compter du 31 mars 2016 pour le premier cautionnement.
En l'espèce, la banque verse aux débats les copies informatisées des courriers simples qu'elle indique avoir adressés aux cautions ainsi qu'une copie informatique d'un listing mentionnant la référence des courriers adressés à Monsieur [I] et à Monsieur [N] au titre de l'information annuelle des cautions pour les années 2015 à 2020. La SA CIC Lyonnaise de Banque verse encore aux débats 6 procès-verbaux de constat (années 2015 à 2020) objectivant par sondage l'envoi, avant le 31 mars de chaque année, au moyen d'un système de publipostage, des courriers d'informations susvisés et référencés dans le listing de la banque.
Il en résulte que la banque justifie avoir satisfait à son obligation.
Au surplus et de façon surabondante, il échet de rappeler que le passif de la société Sum'meet Pro Shop envers la SA CIC Lyonnaise de Banque, tel qu'il résulte de la déclaration de créance adressé au mandataire, s'élève à plus de 100 000 euros de sorte que les cautionnements omnibus consentis par Monsieur [I] et Monsieur [N] le 30 septembre 2015 ont vocation à être mobilisés à hauteur de 6 000 euros chacun quand bien même la banque serait déchue de son droit aux intérêts et quand bien même la cour envisagerait de modérer l'indemnité d'exigibilité conventionnelle de 5% relative au prêt de 2016.
Dans ces conditions, il convient de condamner Monsieur [I] et Monsieur [N] à verser chacun la somme de 6 000 euros à la SA CIC Lyonnaise de Banque au titre de leurs cautionnements du 30 septembre 2015, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2018.
Sur les demandes annexes
Monsieur [I] et Monsieur [N], qui succombent en principal, sont condamnés in solidum aux dépens ainsi qu'à payer la somme de 1 500 euros à la SA CIC Lyonnaise de Banque au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Réforme la décision déférée,
Statuant à nouveau,
Dit que les engagements de caution du 23 juin 2016 pris par Monsieur [M] [I] et Monsieur [B] [N] au bénéfice de la SA CIC Lyonnaise de Banque sont disproportionnés à leurs biens et revenus et les déclare inopposables aux cautions,
Condamne Monsieur [M] [I] et Monsieur [B] [N] à payer à la SA CIC Lyonnaise de Banque la somme de 6 000 euros chacun au titre de leurs engagements de caution respectifs du 30 septembre 2015, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2018,
Condamne la SA CIC Lyonnaise de Banque à payer à Monsieur [M] [I] et à Monsieur [B] [N] la somme de 3 000 euros chacun au titre d'un manquement, par la banque, à son devoir de mise en garde,
Ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties,
Condamne in solidum Monsieur [M] [I] et Monsieur [B] [N] aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne in solidum Monsieur [M] [I] et Monsieur [B] [N] à payer la somme de 1 500 euros à la CIC Lyonnaise de Banque au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi prononcé publiquement le 17 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente