COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Mercredi 17 Mai 2023
N° RG 21/01366 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GXWT
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BONNEVILLE en date du 31 Mai 2021, RG 21/00129
Appelante
S.C.I. LE GRAND NANT dont le siège social est sis [Adresse 2] - prise en la personne de son représentant légal
Représentée par Me Guillaume PUIG, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Stéphanie GANDET de l'ASSOCIATION GREEN LAW AVOCAT, avocat plaidant au barreau de LYON
Intimés
M. [V] [W], demeurant [Adresse 23]
Mme [K] [U], demeurant [Adresse 14]
Représentés par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELAS CHAMBEL & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de BONNEVILLE
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 14 mars 2023 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
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EXPOSÉ DU LITIGE
La SCI '[Adresse 18]' est propriétaire des parcelles cadastrées A n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7] au lieu dit '[Localité 19]' sur la commune de [Localité 22]. Souhaitant mener à bien un projet de construction d'un chalet à usage d'habitation, elle a sollicité et obtenu le 5 avril 2019 un certificat d'urbanisme. Ensuite, au regard du caractère a priori enclavé de ses parcelles, elle s'est rapprochée des propriétaires voisins afin d'établir une servitude conventionnelle de passage.
En effet, afin de rejoindre la voie publique ([Adresse 21]), il faut, depuis la parcelle A[Cadastre 7], emprunter une impasse ([Adresse 17]) dont le tracé déborde sur plusieurs autres parcelles :
- A[Cadastre 11], A[Cadastre 13] et A[Cadastre 5] appartenant à Mme [K] [U],
- A2803, A3556 appartenant à M. [V] [W] et à son épouse Mme [H] [T],
- A2784 appartenant aux consorts [I].
Les consorts [I], ont signé avec la SCI '[Adresse 18]' une promesse de constitution de servitude conventionnelle le 29 mars 2021, tandis que les époux [W] et Mme [K] [U] refusaient de s'engager.
Par ordonnance du 8 décembre 2020, le président du tribunal judiciaire de Bonneville a autorisé la SCI '[Adresse 18]' à assigner à jour fixe Mme [K] [U] et M. [V] [W] tenant compte de l'urgence due à caducité prochaine du certificat d'urbanisme laquelle devait intervenir le 15 décembre 2021.
Par actes des 6 et 7 janvier 2021, la SCI '[Adresse 18]' a assigné Mme [K] [U] et M. [V] [W] devant le tribunal judiciaire de Bonneville aux fins de se voir reconnaître l'existence d'une servitude légale de passage et de tréfonds.
Par jugement contradictoire du 31 mai 2021, le tribunal judiciaire de Bonneville tribunal a :
- déclaré recevable l'action de la SCI '[Adresse 18]',
- rejeté l'intégralité des demandes de la SCI '[Adresse 18]',
- condamné la SCI '[Adresse 18]' aux entiers dépens de l'instance,
- condamné la SCI '[Adresse 18]' à payer à Mme [K] [U] et à M. [V] [W] chacun la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que la décision était assortie de l'exécution provisoire.
Par déclaration du 30 juin 2021, la SCI '[Adresse 18]' a interjeté appel de la décision.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er mars 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la SCI '[Adresse 18]'demande à la cour de :
A titre principal :
- confirmer le jugement seulement en tant qu'il déclare son action recevable,
- infirmer le jugement en ce qu'il :
- a rejeté l'intégralité de ses demandes,
- l'a condamnée à supporter la charge des entiers dépens de première instance,
- l'a condamnée à payer à Mme [K] [U] et M. [V] [W] la somme de 1 500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes et prétentions,
Statuant à nouveau,
- déclarer qu'elle bénéficie d'une servitude légale de passage et de tréfonds grevant les parcelles A [Cadastre 11], [Cadastre 13] et [Cadastre 5] appartenant à Mme [K] [U] et les parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9] appartenant à M. [V] [W] et à Mme [H] [T] au profit des parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 7] sises à [Localité 22] (74) lui appartenant en raison de l'état d'enclave de ces parcelles,
- fixer l'assiette de la servitude légale de passage et de tréfonds entre le fonds enclavé ([Cadastre 6] et [Cadastre 7]) et la voie publique Route des Barbolets 'soit en passant par l'[Adresse 17] sur les parcelles A [Cadastre 11], [Cadastre 13], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 5] tel que décrit par le plan de servitude du géomètre-expert du 29/06/2021 (Pièce n°16) et en permettant un accès de 17 mètres sur la parcelle [Cadastre 5]",
Par conséquent,
- déclarer que la servitude implique la possibilité, dans la limite de l'assiette de la servitude, de procéder à la réalisation de travaux de renforcement de l'[Adresse 17] pour les stricts besoins des travaux envisagés sur les parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 7], fonds dominants,
- condamner Mme [K] [U] à retirer tout élément sur sa parcelle [Cadastre 5] faisant obstacle à la servitude de passage, notamment la clôture, à ses frais exclusifs,
- déclarer qu'elle s'engage à prendre en charge intégralement les frais liés aux travaux de renforcement précités,
- fixer le montant de l'indemnité forfaitaire à 5 euros par mètre carré due aux propriétaires Mme [K] [U], M. [V] [W] et Mme [H] [T] (en indivision) au regard du faible impact et de l'usage actuel desdites parcelles,
A titre subsidiaire :
- ordonner une mesure d'expertise judiciaire si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée,
- désigner un expert judiciaire avec les missions habituelles en la matière,
En tout état de cause :
- condamner solidairement Mme [K] [U], Mme [H] [T] et M. [V] [W] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [K] [U], Mme [H] [T] et M. [V] [W] au paiement des entiers dépens, avec regard notamment les frais de signification à [Localité 20] de 195 euros TTC.
Dans leurs conclusions adressées par voie électronique le 6 mars 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [K] [U] et M. [V] [W] demandent à la cour de :
A titre principal :
- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la SCI '[Adresse 18]' en son action,
- juger la SCI '[Adresse 18]' demanderesse à la servitude irrecevable en son action
Statuant à nouveau,
- juger la SCI '[Adresse 18]' tant irrecevable que mal fondée en ses demandes.
- en conséquence l'en débouter intégralement,
Subsidiairement
- juger la SCI '[Adresse 18]' irrecevable en ses demandes contre Mme [T] non appelée en cause, comme en sa demande de servitude sur la parcelle [Cadastre 9] qui est une demande nouvelle,
- juger l'action en revendication de servitude de la SCI '[Adresse 18]' mal fondée,
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes de la SCI '[Adresse 18]' et l'a condamnée à payer les frais irrépétibles et dépens,
- débouter la SCI '[Adresse 18]'de l'intégralité de ses demandes,
Plus subsidiairement encore, si par extraordinaire, la cour faisait droit à la demande de désenclavement sollicitée par la SCI '[Adresse 18]' selon son plan de servitude,
- limiter la longueur du passage sur la parcelle [Cadastre 5] de Mme [K] [U] à 6 mètres linéaires environ sans pouvoir dépasser la barrière illustrée sous trait rose dudit plan,
- condamner la SCI '[Adresse 18]' à payer à M. [V] [W] et à Mme [K] [U] la somme minimum de 30 000 euros chacun 'à titre d'indemnité due relative à la servitude'
- condamner la SCI '[Adresse 18]' :
- à supporter tous les frais d'aménagement et de confortement,
- à remettre en état à ses frais l'intégralité de l'impasse après réalisation des travaux de
construction le cas échéant et à prendre en charge la moitié des frais d'entretien de celle-ci en surface et l'intégralité des frais d'entretien en sous-sol.
Dans tous les cas,
- condamner la SCI '[Adresse 18]' à payer, à titre d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à M. [V] [W] et à Mme [K] [U] la somme de 4 000 euros chacun, au titre de la procédure d'appel,
- condamner enfin la SCI '[Adresse 18]' aux entiers dépens de la procédure d'appel, conformément à l'article 699 du code de procédure civile avec distraction au profit de maître Dormeval.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'action
1. Mme [K] [U] et M. [V] [W] exposent que, pour la première fois en appel, la SCI '[Adresse 18]' indique que la construction projetée sera une résidence principale sans dire quels seront les bénéficiaires et alors que ses associés sont également associés d'une autre société civile immobilière propriétaire d'un chalet d'habitation situé sur une route voisine et alors encore que son gérant a conservé son domicile dans le nord.
Sur ce point, la cour observe que le caractère de résidence principale ou secondaire de l'immeuble à venir, l'identité des personnes qui y habiteraient, l'existence d'une autre société civile immobilière (personne morale distincte) ou encore le lieu de résidence du gérant de la SCI '[Adresse 18]', n'ont aucune incidence sur la question de la recevabilité de l'action engagée, pas plus d'ailleurs que sur la détermination d'un droit de passage en cas d'enclave.
2. Mme [K] [U] et M. [V] [W] exposent ensuite que la SCI '[Adresse 18]' est dans l'incapacité d'indiquer précisément les limites des parcelles impliquées et les propriétés de chacun avec des numéros de parcelles non erronés et non discutables. Ils ajoutent que l'assiette du passage, telle qu'elle est demandée, concerne plusieurs parcelles aux limites qualifiées d'incertaines issues du cadastre. Ils estiment que la demande doit être dirigée contre tous les propriétaires des parcelles invoquées au titre de l'assiette du passage et que, faute de les avoir tous appelés dans la cause, l'action pétitoire doit être déclarée irrecevable.
Sur ce point, la cour relève que la décision citée par les intimés au soutien de leur prétention (cass. civ. 3e, 14 mai 2003, n°01-13.365) ne tranche pas la question de la recevabilité de l'action, mais sanctionne le fait pour une cour d'appel de ne pas avoir répondu aux conclusions dénonçant l'absence de mise en cause de tous les propriétaires des parcelles concernées, sans qu'il soit indiqué que ses conclusions visaient, sur ce point, à une irrecevabilité. Il convient de noter que si, au moment de la détermination de l'assiette d'un droit de passage par le chemin le plus court et le moins dommageable, tous les propriétaires des parcelles susceptibles de supporter la servitude pour cause d'enclave doivent être dans la cause, cela ne rend pas pour autant irrecevable l'action initiée contre certains de ces propriétaires. Il appartiendra, au fil de la procédure, à la partie la plus diligente d'appeler dans la cause les autres propriétaires susceptibles d'être concernés.
3. Mme [K] [U] et M. [V] [W] expliquent encore que ce dernier est marié à Mme [H] [T] et que, tous deux, sont propriétaires en communauté des parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9] et que, pourtant, aucune assignation n'a été délivrée à l'épouse. La SCI '[Adresse 18]' explique pour sa part que, bien qu'ils résident à Monaco et que M. [V] [W] soit de nationalité monégasque, le couple a choisi expressément le régime légal français. Elle précise que le principe de cogestion en communauté, posé par l'article 1481 du code civil, implique que l'action peut être intentée contre un seul des époux, chacun ayant qualité pour agir seul en demande ou en défense pour les actions relatives aux biens communs.
La cour observe sur ce point qu'il résulte de l'extrait d'acte de mariage des époux [W] qu'ils se sont mariés sans contrat de mariage mais ont expressément entendu se soumettre au régime légal français dans la mesure où l'épouse a la nationalité française (pièce appelant n°14). Le choix de ce régime matrimonial est confirmé par la lecture de l'acte de vente du 12 avril 1997 (pièce intimé n°2) indiquant que les époux se sont mariés le 27 septembre 1980 sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, régime non modifié depuis.
L'article 1424 du code civil dispose, pour le régime matrimonial en question, que les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, non plus que les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l'aliénation est soumise à publicité. La cour observe toutefois que le droit réel principal en cause, serait d'origine légale et non conventionnelle de sorte que s'il vient à être reconnu il s'imposera aux fonds servants, quels qu'en soient les propriétaires. En outre il est constant en jurisprudence que si le mari ne peut aliéner volontairement, sans le consentement de son épouse les immeubles dépendant de la communauté, il peut, en vertu de l'article 1421 du code civil défendre seul à l'action en revendication par un tiers des biens possédés par la communauté (cass. civ. 1ère, 23 juillet 1979, Bull. Civ. I, 223). Par ailleurs le non respect de l'article 1424 du code civil par l'un des époux qui outrepasserait ses pouvoirs, ne pourrait avoir pour conséquence que d'ouvrir, pendant deux ans, à l'autre une action en nullité de l'acte, conformément à l'article 1427 du code civil. Enfin, il convient de noter l'article 1421 du code civil prévoit que chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et qu'il est constant en jurisprudence qu'ils ont chacun le pouvoir d'agir seul en demande ou en défense les actions relatives aux biens communs (cass. civ. 1ère, 19 mars 1991, n°88-18.488).
Il résulte de ce qui précède que l'action intentée par la SCI '[Adresse 18]' doit être déclarée recevable. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur l'irrecevabilité de la demande nouvelle
Les intimés exposent qu'aux termes des conclusions de première instance, la SCI '[Adresse 18]' demandait la fixation de l'assiette de la servitude légale entre le fonds enclavé n°[Cadastre 6] et [Cadastre 7] et la voie publique des Barbolets, soit en passant par l'[Adresse 17] sur les parcelles [Cadastre 11], [Cadastre 10]/[Cadastre 12], [Cadastre 8] et [Cadastre 5]. Ils ajoutent qu'aux termes de leurs conclusions d'appel la demande porte sur les parcelles [Cadastre 11], [Cadastre 13], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 5]. Ils en déduisent que la parcelle [Cadastre 10] n'est plus visée alors que la parcelle [Cadastre 9] ne l'était pas. Ils en concluent qu'il s'agit d'une demande nouvelle irrecevable en cause d'appel.
La SCI '[Adresse 18]' expose pour sa part qu'elle n'a jamais entendu passer par la parcelle [Cadastre 10] laquelle ne se situe pas sur l'impasse, que la parcelle [Cadastre 12] n'est pas non plus nécessaire au passage et que, si elle est indiquée dans le 'par ces motifs' c'est uniquement parce qu'elle est aussi la propriété de Mme [K] [U]. Ils disent enfin que la parcelle [Cadastre 9] était bien visée en première instance.
L'article 564 du code de procédure civile dispose que, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Selon l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
L'article 566 du code de procédure civile prévoit, pour sa part, que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Il résulte du jugement entrepris (p.2) que la SCI '[Adresse 18]' a demandé au tribunal, en première instance, de constater l'existence d'une servitude légale de passage et tréfonds grevant les parcelles A[Cadastre 11], [Cadastre 13] et [Cadastre 5] appartenant à Mme [K] [U] et les parcelles [Cadastre 8] et [Cadastre 9] appartenant à M. [V] [W] et Mme [H] [T]. Elle a également demandé au tribunal de fixer l'assiette de la servitude sur les parcelles A [Cadastre 11], [Cadastre 13], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 5]. Par conséquent, la parcelle [Cadastre 9] se trouvait déjà dans les demandes en première instance et les parcelles [Cadastre 10]/[Cadastre 12] n'étaient pas visées. En conséquence, il n'existe pas en l'espèce de demande nouvelle. M. [V] [W] et Mme [K] [U] seront donc déboutés de leur demande en irrecevabilité.
Sur la demande d'établissement de la servitude
La SCI '[Adresse 18]' estime que les parcelles lui appartenant ([Cadastre 6] et [Cadastre 7]) sont enclavées. Elle sollicite en conséquence un désenclavement par application de l'article 682 du code civil. Mme [K] [U] et M. [V] [W] exposent, pour leur part, que l'appelante ne démontre pas l'existence d'un état d'enclave par production d'un constat d'huissier ou d'un plan fiable de géomètre-expert. Ils disent encore que, selon eux, toutes les parcelles concernées ne sont pas objet d'un bornage. Ils ajoutent que les simples attestations de propriété produites par la SCI '[Adresse 18]' (pièce appelant n°2) ne permet pas d'étudier les origines des propriétés et donc de vérifier notamment si l'enclave revendiquée ne provient pas d'une division antérieure. Ils disent encore qu'aucune surface précise n'est mentionnée dans les demandes ce qui rend impossible tout calcul d'indemnité en cas d'admission d'une servitude de passage. Ils prétendent qu'une autre voie d'accès serait possible via la parcelle [Cadastre 3] appartenant à la SCI [Localité 19] laquelle a le même gérant et les mêmes associés que la SCI '[Adresse 18]'.
La cour relève qu'en l'état, les plans et documents produits par la SCI '[Adresse 18]' et très largement contestés par les intimés, ne permettent pas à la cour de déterminer avec précision s'il existe un état d'enclave des parcelles [Cadastre 6] et [Cadastre 7] qui ne proviendrait de la division d'un fonds. De même, les parties sont en désaccord sur la question d'un possible passage par la parcelle n°[Cadastre 3] et sur celle de l'indemnisation des fonds servants.
Il apparaît donc indispensable, afin de clarifier la situation, d'ordonner, avant dire droit une expertise, dans les conditions fixées au dispositif du présent arrêt, afin de déterminer objectivement les éléments permettant de caractériser une enclave volontaire ou non, de proposer des solutions de désenclavement conformes à la loi ainsi que l'indemnisation des fonds servants. Il sera nécessaire que toutes les personnes concernées produisent à l'expert les actes complets de propriété. Il sera également rappelé que la mise en cause par la partie la plus diligente de tout propriétaire d'une parcelle susceptible d'être concernée par la servitude sera indispensable à la bonne fin de la procédure.
Il convient de réserver les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit recevable l'action intentée par la SCI '[Adresse 18]',
Déboute M. [V] [W] et Mme [K] [U] de leur demande en irrecevabilité d'une demande nouvelle,
Sursoit à statuer pour le surplus,
Avant dire droit,
Ordonne, une mesure d'expertise aux frais avancés de la SCI '[Adresse 18]',
Désigne, pour y procéder M. [S] [J], Géo-Mesure, [Adresse 16] ([XXXXXXXX01]-[Courriel 15]) géomètre, expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Chambéry,
Dit que l'expert devra :
- prendre connaissance du plan cadastral actuel de la commune de [Localité 22],
- se faire remettre les titres de propriété complets des parcelles cadastrées A [Cadastre 11], [Cadastre 13], [Cadastre 9], [Cadastre 8], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7],
- le cas échéant recueillir tous documents utiles concernant les parcelles sur lesquelles a été tracé le chemin privé dénommé '[Adresse 17]', en particulier les parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 3], en particulier l'existence d'un bornage des parcelles,
- se faire remettre l'ensemble des documents déjà produits ou dont les parties souhaitent se prévaloir au cours de l'instance,
- convoquer les parties, se rendre sur les lieux, [Adresse 17] à [Localité 22] et recueillir les observations,
- donner à la cour tous les éléments d'information permettant de déterminer, conformément aux articles 682, 683 et 684 du code civil, si les parcelles cadastrées section A [Cadastre 6] et [Cadastre 7] sont enclavées et, s'il y a lieu, si l'enclave résulte de la division d'un fonds,
- donner à la cour tous les éléments d'information permettant le cas échéant d'établir la desservitude des parcelles A [Cadastre 6] et [Cadastre 7] et faire des propositions d'assiette de la servitude par application des textes précités, en particulier par une analyse du tracé le plus court et le moins dommageable,
- donner à la cour, au vu des solutions formulées, tous les éléments d'information permettant d'évaluer le montant des indemnités susceptibles d'être dues aux propriétaires des fonds servants sur lesquels une servitude pourrait être établie,
Fixe l'avance des frais d'expertise à valoir sur le montant des honoraires de l'expert à la somme de 2 000 euros qui devra être consignée par la SCI '[Adresse 18]' à la Régie d'avances et de recettes de la Cour d'appel de Chambéry avant le 23 juin 2023, sous peine de caducité de la mesure, sauf prorogation de délai sollicitée en temps utile.
Dit que l'expert déposera son rapport en double exemplaire au Greffe de la Cour avant le 31 décembre 2023, date de rigueur, sauf prorogation des opérations dûment autorisée par le conseiller chargé du contrôle des expertises et en fera parvenir une copie à chacune des parties et à leur avocat,
Dit que le Conseiller de la mise en état assurera le contrôle de ces opérations,
Dit que le dossier sera rappelé à la mise en état après le dépôt du rapport par l'expert,
Invite la partie la partie la plus diligente à appeler en cause les propriétaires de toute parcelle susceptible d'être concernée par le tracé d'une éventuelle servitude,
Réserve les demandes des parties,
Réserve les dépens.
Ainsi prononcé publiquement le 17 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente