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17/05/2023 | FRANCE | N°21/01408

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 2ème chambre, 17 mai 2023, 21/01408


COUR D'APPEL de CHAMBÉRY







2ème Chambre



Arrêt du Mercredi 17 Mai 2023



N° RG 21/01408 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GX3O



Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBERTVILLE en date du 15 Avril 2021, RG 1119000387



Appelants



Mme [D] [W]

née le 13 Septembre 1962 à ALBERTVILLE (73200), demeurant [Adresse 1]



M. [K] [W]

né le 13 Décembre 1963 à CHAMBERY (73000), demeurant [Adresse 5] - BRESIL



Mme [J] [W]



née le 10 Février 1966 à ALBERTVILLE (73200), demeurant [Adresse 1]



Représentés par Me Sarah PEREIRA, avocat au barreau d'ALBERTVILLE



Intimé



M. [T] [L]

né le 13 Décembre ...

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Mercredi 17 Mai 2023

N° RG 21/01408 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GX3O

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBERTVILLE en date du 15 Avril 2021, RG 1119000387

Appelants

Mme [D] [W]

née le 13 Septembre 1962 à ALBERTVILLE (73200), demeurant [Adresse 1]

M. [K] [W]

né le 13 Décembre 1963 à CHAMBERY (73000), demeurant [Adresse 5] - BRESIL

Mme [J] [W]

née le 10 Février 1966 à ALBERTVILLE (73200), demeurant [Adresse 1]

Représentés par Me Sarah PEREIRA, avocat au barreau d'ALBERTVILLE

Intimé

M. [T] [L]

né le 13 Décembre 1963 à CHAMBERY (73000), demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Christian ASSIER de l'AARPI ASSIER & SALAUN, avocat au barreau d'ALBERTVILLE

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 14 mars 2023 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [T] [L] est propriétaire d'une maison d'habitation avec jardin attenant sise [Adresse 4] (parcelle cadastrée section E n°[Cadastre 2]).

Son habitation s'avère mitoyenne de celle de Mesdames [D] et [J] [W] ainsi que Monsieur [K] [W] (indivisaires) établie sur le fonds contigu cadastré section E n°[Cadastre 3].

Ces parcelles sont originellement issues de la division d'un même tènement ayant fait l'objet, avant cession, d'un bornage et d'un document d'arpentage fixant les limites des propriétés respectives.

Une haie implantée en limite de propriété sur la parcelle des consorts [W] ne respectant pas, selon Monsieur [L], les prescriptions des articles 671 et suivants du code civil, ce dernier a fait assigner Madame [D] [W], par acte du 19 novembre 2018, devant le tribunal judiciaire d'Albertville en vue d'obtenir, à titre principal, sa condamnation à abaisser la haie. Par actes des 14 août et 30 septembre 2020, Monsieur [L] a ultérieurement appelé en cause Madame [J] [W] et Monsieur [K] [W], une jonction étant ultérieurement intervenue.

Par jugement contradictoire du 15 avril 2021, le tribunal judiciaire d'Albertville a:

- condamné solidairement Mesdames [D] et [J] [W] et Monsieur [K] [W] à procéder à la taille de leur haie et de leurs arbres et à leur maintien à une hauteur constamment inférieure à 2 mètres, conformément aux dispositions des articles précités 671 à 673 du code civil sous astreinte de 50 euros par infraction constatée,

- rejeté la demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

- condamné solidairement Mesdames [D] et [J] [W] et Monsieur [K] [W] à payer à Monsieur [T] [L] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement Mesdames [D] et [J] [W] et Monsieur [K] [W] aux entiers dépens de l'instance.

Par acte du 5 juillet 2021, Mesdames [D] et [J] [W] ainsi que Monsieur [K] [W] ont interjeté appel de la décision.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 28 septembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, les consorts [W] demandent à la cour de :

- les recevables et bien fondés en leur appel,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il :

les a condamnés solidairement à procéder à la taille de leur haie et des arbres et à son maintien à une hauteur constamment inférieure à 2 mètres sous astreinte de 50 euros par infraction constatée,

les a condamnés à verser à Monsieur [T] [L] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles,

les a condamnés aux dépens,

- confirmer le jugement susvisé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Monsieur [L],

Et statuant de nouveau,

- constater que la haie objet du litige constitue une servitude par destination du père de famille au sens des dispositions de l'article 672 du code civil,

- constater que la haie n'a jamais été conforme aux dispositions de l'article 671 du code civil et ce au moins depuis 1985,

- juger que la prescription trentenaire est acquise,

- constater qu'ils disposent d'un titre qui ne rappelle pas les dispositions de l'article 671 du code civil et qui permet donc de s'en écarter,

- constater que les demandes formulées par Monsieur [T] [L] se heurtent aux exceptions visées aux dispositions de l'article 672 alinéa 1er du code civil concernant la taille des plantations,

En conséquence,

- juger infondée l'action de Monsieur [T] [L],

- débouter Monsieur [L] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Monsieur [L] à leur verser une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur [L] aux entiers dépens.

En réplique, dans ses conclusions adressées par voie électronique le 24 décembre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Monsieur [T] [L] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- condamner solidairement Mesdames [D] et [J] [W] et Monsieur [K] [W] à procéder à la taille de leur haie et de leurs arbres et à leur maintien à une hauteur constamment inférieure à 2 mètres, conformément aux dispositions des articles 671 à 673 du code civil sous astreinte de 500 euros par infraction constatée,

- condamner solidairement Mesdames [D] et [J] [W] et Monsieur [K] [W] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

- condamner solidairement Mesdames [D] et [J] [W] et Monsieur [K] [W] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Conformément aux articles 671 et suivants du code civil, il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations. Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur précitée, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire. Si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales. Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent.

En l'espèce, il résulte des procès-verbaux dressés par Maître [P], les 29 juin 2018 et 13 septembre 2019, que la haie séparant les propriétés des appelants et de l'intimé ne respecte pas les prescriptions visées aux articles 671 et suivants du code civil en ce que l'officier ministériel constate que la haie mesure plus de 2 mètres puis retient que la distance entre l'axe des bornes et l'axe des troncs varie de 19 à 25 centimètres, les branches dépassant alors la limite de propriété et empiétant sur la parcelle du demandeur. L'huissier relève en outre, dans chacun des constats, que 3 jeunes charmilles ont été plantés à 40 cm environ de la ligne séparative des fonds.

Il en résulte que le non-respect des hauteurs maximales prescrites par le code civil, au regard des distances de plantation, est établie au moyen des constats produits par l'appelant.

Les consorts [W], qui ne contestent pas cet état de fait, invoquent toutefois l'existence d'une servitude par destination du père de famille et, cumulativement, le bénéfice d'une prescription trentenaire puis l'existence d'une servitude fondée sur les titres d'acquisition respectifs.

Il a été rappelé au titre des faits constants que les parcelles cadastrées section E n°[Cadastre 2] et [Cadastre 3] proviennent de la division d'un même tènement (n°731), pour constituer les fonds appartenant aujourd'hui aux parties, lesquels sont séparés par une haie en limite de propriété.

S'il peut être concédé que le projet de construction originel, datant des années 1920, était de promouvoir 'un idéal de vie à la campagne', aucun élément de l'espèce ne permet pour autant de conclure que l'auteur (SA Société Immobilière Centre Nord) des acquéreurs avait constitué entre les fonds respectifs et avant division une servitude par destination du père de famille quant à la hauteur de la haie mitoyenne (supérieure à deux mètres).

Il doit en ce sens être observé que les 4 photographies, datées de façon approximative, ainsi que les témoignages versés aux débats par les appelants attestent tout au plus de la présence, au cours des années 1980, d'une haie fournie entre les propriété [L] / [W] sans toutefois établir que la haie litigieuse a, de façon permanente, voire depuis plus de 30 ans, toujours dépassé la hauteur de 2 mètres et ce d'autant plus que les appelants produisent des factures d'entretien annuel depuis 2013 justifiant notamment d'une taille de la haie mitoyenne à une hauteur de 2 mètres pour les années 2017 et 2018.

Les titres de propriété respectifs des 18 mai ([W]) et 28 juin 1991 ([L]) ne permettent pas davantage de déduire l'existence d'une quelconque servitude de hauteur concernant la haie mitoyenne au motif que les actes notariés ne rappellent les prescriptions du code civil susvisées que pour les arbres, plantations et haies à planter, la seule servitude explicitement constituée concernant la séparation végétale existante étant relative à son entretien 'par les deux propriétaires, chacun pour ce qui le concerne' .

De même, s'il résulte des deux titres de propriété que 'l'acquéreur supportera les sujétions, mitoyennetés ou servitudes (notamment celles résultant de la destination du père de famille) qui sont attachés à la situation des lieux et, plus particulièrement, aux accès nécessaires pour les services des voiries (vidange des fosses d'aisance) et aux canalisations d'égouts, aux conduits de liquides ou de fluides (eau, gaz, électricité, etc...) principales ou secondaires, privées ou publiques qui dans leur parcours, peuvent traverser l'immeuble cédé', il ne peut là-encore se déduire d'une telle clause un droit acquis à maintenir la hauteur de la haie mitoyenne à plus de 2 mètres sans qu'il soit démontré une réelle volonté de constituer une servitude en ce sens avant les transferts de propriété respectifs.

Dès lors, la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a condamné les consorts [W] à procéder à la taille de la haie et des arbres mitoyens, puis à les maintenir à une hauteur inférieure à 2 mètres, pour la partie qu'ils leur revient d'entretenir.

Toutefois, les faits de l'espèce ne commandent pas, en l'état, le prononcé d'une astreinte dans la mesure où les appelants indiquent, sans être contredits, avoir d'ores et déjà exécuté la décision déférée laquelle était assortie de l'exécution provisoire.

En outre, aucun préjudice réel n'étant objectivé par Monsieur [L], c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande indemnitaire fondée sur un trouble de jouissance.

Enfin, les consorts [W], qui succombent à l'instance, sont condamnés in solidum aux dépens d'appel et à payer la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a assorti l'obligation de taille et d'entretien de la haie mitoyenne appartenant à Mesdames [D] et [J] [W] ainsi qu'à Monsieur [K] [W] d'une astreinte de 50 euros par infraction constatée,

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte concernant l'obligation de taille et d'entretien de la haie incombant à Mesdames [D] et [J] [W] ainsi qu'à Monsieur [K] [W],

Y ajoutant,

Condamne Mesdames [D] et [J] [W] ainsi que Monsieur [K] [W] aux dépens d'appel,

Condamne Mesdames [D] et [J] [W] ainsi que Monsieur [K] [W] à payer à Monsieur [T] [L] une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi prononcé publiquement le 17 mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/01408
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;21.01408 ?
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