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06/06/2023 | FRANCE | N°21/00481

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 06 juin 2023, 21/00481


MR/SL





COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 06 Juin 2023





N° RG 21/00481 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GURZ



Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ANNECY en date du 09 Février 2021





Appelante



S.C.I. LOULISA, dont le siège social est situé [Adresse 1]



Représentée par la SELARL HAMEL ISABELLE, avocats au barreau d'ANNECY









Intimée


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Représentée par la SELARL VALLERAND MELIN AVOCATS, avocats au barreau d'ANNECY







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MR/SL

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 06 Juin 2023

N° RG 21/00481 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GURZ

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ANNECY en date du 09 Février 2021

Appelante

S.C.I. LOULISA, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par la SELARL HAMEL ISABELLE, avocats au barreau d'ANNECY

Intimée

S.E.L.A.R.L. MJ ALPES, es qualité de liquidateur de la société AC CONSTRUCTION, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par la SELARL VALLERAND MELIN AVOCATS, avocats au barreau d'ANNECY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 27 Février 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 mars 2023

Date de mise à disposition : 06 juin 2023

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Composition de la cour :

Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Myriam REAIDY, Conseillère, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseillère,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

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Faits et procédure

Suivant marché de travaux privés en date du 24 avril 2015, la SCI Loulisa, maître de l'ouvrage, a chargé la société AC Construction (Sarl) du lot n°4 gros oeuvre dans le cadre de la construction d'un centre de podologie et d'orthopédie sur la commune d'Argonnay (74370) pour un montant de 228 000 euros TTC.

Par courrier recommandé en date du 15 juin 2015, le maître d'oeuvre chargé du suivi du chantier, la société Cimoët, indiquait à la société AC Construction qu'il était procédé à l'application d'une retenue provisoire pour pénalités de retard.

Suite à la constatation de désordres, un protocole d'accord a été signé le 7 août 2015 entre la société Loulisa et la société AC Construction.

Par courrier recommandé en date du 29 janvier 2016, la société Cimoët a convoqué la société AC Construction à la réception des travaux fixée le 18 février 2016. Aucun procès-verbal de réception n'a été régularisé entre les parties.

Par jugement du 21 juin 2016, le tribunal de commerce d'Annecy a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société AC Construction, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 2 août 2016. Me [W] était désigné en qualité de liquidateur, et la Selarl MJ Alpes est venue aux droits de celui-ci à compter du 26 juin 2017.

Selon exploit d'huissier en date du 17 avril 2018, la société MJ Alpes assignait la société Loulisa devant le tribunal de grande instance d'Annecy afin de la voir condamner à lui payer la somme de 29 249,09 euros TTC correspondant aux factures impayées des 24 août, 25 septembre, 14 décembre et juillet 2015 et au titre de la retenue de garantie.

Par jugement rendu le 9 février 2021, le tribunal judiciaire d'Annecy :

- déclarait recevable l'action en paiement de la société MJ Alpes, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AC Construction ;

- déclarait irrecevable la demande reconventionnelle en paiement et en compensation de la SCI Loulisa formée à l'encontre de la société MJ Alpes, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AC Construction ;

- condamnait la société Loulisa à payer à la société MJ Alpes, ès qualités de liquidateur de la société AC Construction, la somme de 17 906,19 euros TTC au titre des factures impayées, avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2017 ;

- condamnait la société Loulisa à payer à la société MJ Alpes, ès qualités de liquidateur de la société AC Construction, la somme de 11 342,90 euros TTC au titre de la retenue de garantie, avec intérêts au taux légal à comper du 7 décembre 2017 ;

- rejetait toutes autres demandes plus amples et contraires ;

- condamnait la société Loulisa à payer à la société MJ Alpes, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AC Construction, la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejetait la demande de la société Loulisa formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamnait la société Loulisa aux entiers dépens de l'instance ;

- ordonnait l'exécution provisoire de la présente décision.

Le tribunal retenait que :

' la société Loulisa ne pouvait bénéficier de la qualité de consommateur, de sorte que la prescription biennale n'est pas applicable à l'action en paiement des factures de la société AC Construction ;

' la demande reconventionnelle en paiement de la société Loulisa ne n'est pas recevable, et aurait dû être déclarée dans le cadre de la procédure collective, alors que sa demande de relevé de forclusion a été rejetée par le juge commissaire et est devenue définitive ;

' qu'il peut être considéré qu'une réception tacite a eu lieu le 18 février 2016, de sorte que la retenue de garantie devait être restituée après le 18 février 2017 à défaut d'opposition du maître de l'ouvrage par courrier recommandé avec accusé de réception.

Par déclaration au greffe en date du 8 mars 2021, la société Loulisa interjetait appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures en date du 20 février 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SCI Loulisa sollicite l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :

- réformer le jugement susvisé ;

- prononcer la résiliation du marché de travaux régularisé avec la société AC Construction en date du 24 avril 2015 aux torts exclusifs de cette dernière ;

- dire et juger que le courrier du maître d'oeuvre du 6 janvier 2016 vaut décompte général définitif ;

- débouter en conséquence la société MJ Alpes ès qualités de l'intégralité de ses demandes, tant visant à obtenir le paiement de factures à hauteur de 17 906,19 euros que la somme de 11 342,90 euros au titre de la retenue de garantie ;

- condamner la société MJ Alpes ès qualités de liquidateur de la société AC Construction au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société MJ Alpes ès qualités aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, en application de l'article 699 du code de procédure civile, distraits au profit de la société Isabelle Hamel, sur son affirmation de droit.

Au soutien de ses prétentions, la société Loulisa expose essentiellement que :

' la société AC Construction a pris du retard dans les travaux, justifiant l'application de pénalités de retard, et que les réalisations étaient de mauvaise qualité, ce qui a été constaté dans un PV de réception des supports du 24 août 2015 faisant état d'une réserve importante 'défaut de planéité sur la majorité des parois verticales RDC/R+1", et que la société AC Construction a abandonné le chantier, et que ces fautes justifient la résiliation du marché de travaux aux torts de la société AC Construction,

' que le décompte général définitif de la société AC Construction du 14 décembre 2015 a été refusé le 30 décembre 2015, et le maître d'oeuvre a émis un certificat de paiement faisant apparaître une somme de 12 705,76 euros due au maître de l'ouvrage,

' qu'elle a émis le 6 janvier 2016 la facture correspondante de 12 705,76 euros, soit avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,

' que faute de constestation dans le délai de 30 jours, le décompte général contesté est devenu le décompte général définitif,

' que la société AC Construction ne s'est pas présentée à la date du 18 février 2016 prévue pour la réception de son lot de travaux, de sorte qu'en l'absence de contestation du décompte définitif général, il n'y a pas lieu de restituer la retenue de garantie, laquelle n'a pas fait l'objet d'une facture du liquidateur.

Par dernières écritures en date du 27 février 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la Société MJ Alpes, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AC Construction, sollicite de la cour de :

- confirmer le jugement du 9 février 2021 en toutes ses dispositions ;

- y ajouter la fixation de la réception judiciaire des travaux le 18 février 2016 et à tout le moins, depuis un an ;

- débouter la société Loulisa de sa demande tendant à ce que soit prononcée la résiliation du marché de travaux régularisé avec la société AC Construction le 24 avril 2015 aux torts exclusifs de cette dernière ;

- débouter la société Loulisa de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société MJ Alpes ès qualité de liquidateur judiciaire de la société AC Construction ;

- condamner la société Loulisa à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et débouter la partie adverse de sa demande sur ce même fondement.

Au soutien de ses prétentions, la société intimée fait valoir que :

' le défaut d'exécution des engagements antérieurs au jugement d'ouverture n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration de passif ;

' que le document adressé le 14 décembre 2015 était le décompte général définitif et non un simple projet ;

' qu'une réception tacite a eu lieu le 18 février 2016, de sorte que la retenue de garantie doit être libérée ;

' que la société AC Construction a respecté les engagements pris le 7 août 2015 et a repris les murs périphériques, intérieurs, plafond et dalle comme cela avait été sollicité, qu'un seul point restait à régler, le défaut de planimétrie, qui devait faire l'objet d'une participation financière, sans toutefois qu'il soit arrêté le montant de cette participation à 12 810,00 euros HT.

Une ordonnance en date du 27 février 2022 clôture l'instruction de la procédure.

MOTIFS ET DÉCISION

L'appelante a renoncé au terme de ses dernières écritures à solliciter paiement de la facture de reprises et de pénalités de 12 705,76 euros, dans la mesure où cette créance n'avait pas été déclarée au passif de la procédure collective en cours au bénéfice de la société AC Construction. Son argumentation pour s'opposer au paiement des factures de la société AC Construction repose sur trois éléments principaux : une demande de prononcé de la résiliation du marché de travaux, l'existence d'une exception d'inexécution opposable à l'intimé, et enfin, la clôture des comptes entre les parties par le décompte définitif général non contesté par l'entreprise.

I- Sur la demande de prononcé de la résolution du marché de travaux du 24 avril 2015

L'article 1217 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, telle que modifiée par la loi n°2018-287 du 20 avril 2018 prévoit la possibilité pour la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été respecté ou a été imparfaitement exécuté, de provoquer la résolution du contrat.

Ces dispositions sont toutefois entrées en vigueur le 1er octobre 2016 et ne s'appliquent qu'aux situations contractuelles nées après cette date, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisque le marché de travaux a été conclu le 24 avril 2015, et que la réception des travaux a été organisée le 18 février 2016. Enfin, en dépit des griefs qui ont été formulés par le maître d'oeuvre tout au long des relations contractuelles, il ressort indubitablement de la convocation aux opérations de réception du 29 janvier 2016, du courrier de la société Cimoet, maître d'oeuvre, du 14 décembre 2015 contestant le mémoire de l'entreprise, ainsi que de la facture n°001-2016 solde DGD lot n°4 gros oeuvre du 6 janvier 2016, établie par la société Loulisa qu'il n'existe pas de contestation sur le fait que les travaux prévus au marché ont été intégralement réalisés (des déductions sont opérées pour 'pénalités de retard, défauts de réalisation, malfaçons et non conformités des travaux', mais non pour inexécution).

La demande de prononcé de la résiliation du contrat de marché de travaux du 24 avril 2015, aux torts de la société AC Construction, sera en conséquence rejetée.

II- Sur l'exception d'inexécution

En second lieu, la société Loulisa soutient être fondée à opposer une exception d'inexécution pour refuser le paiement des factures restant dues, néanmoins, cette exception permet uniquement à une partie à un contrat synallagmatique de suspendre l'exécution de la prestation à laquelle elle est tenue tant qu'elle n'a pas reçu la prestation qui lui est due. Elle entraîne non pas la disparition de l'obligation mais un ajournement de son exécution. Elle ne permet pas de se prévaloir d'une faute commise par son cocontractant dans le cadre de l'exécution des obligations contractuelles pour s'opposer à l'exécution de ses propres engagements.

Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, la facture 'n°001-2016 solde DGD du 6 janvier 2016" de la société Loulisa reconnaît implicitement, mais de façon non équivoque, en mentionnant en première ligne le montant total du marché de travaux, que l'intégralité des travaux commandés a bien été réalisée, de sorte que l'exception d'inexécution doit être rejetée, le marché étant en outre, ainsi qu'il a été rappelé dans le paragraphe ci-dessus, terminé.

III- Sur la retenue de garantie et le solde du marché

Il n'est pas contesté par la société Loulisa que l'intégralité du marché n'a pas été payé, et quatre factures sont présentées comme impayées, outre la retenue de garantie de 11 342,90 euros TTC:

- la facture n°250801 du 24 août 2015 de 5 933,59 euros TTC,

- la facture n°2509003 du 24 septembre 2015 de 1662,31 euros TTC,

- la facture n°2512001 du 14 décembre 2015 de 4 310,29 euros TTC,

- la facture n°250708 du 30 juillet 2015 de 68 559,11 euros TTC avec un solde restant dû de 6 000,00 euros TTC.

Par ailleurs, aux termes du marché de travaux privé - cahier des clauses administratives particulières - signé le 24 avril 2015, les parties ont soumis leurs relations contractuelles au cahier des clauses administratives générales applicables aux travaux de bâtiment faisant l'objet de marchés privés (CCAP) -norme NF 03-001 - édition décembre 2000.

Dès lors, il y a lieu de constater que la société AC Construction a établi son mémoire définitif le 14 décembre 2015, intitulé facture n°2512001 de 4 310,29 euros, appelé improprement décompte général définitif des travaux. Cet envoi ouvrait au terme du CCAP au maître de l'ouvrage un délai de 45 jours de réponse. En l'espèce, le mémoire de l'entreprise n'a pas été accepté, et le décompte provisoire général a été adressé à la société AC Construction le 6 janvier 2016, par courrier recommandé avec accusé de réception. Faute pour l'entreprise intimée d'avoir communiqué des observations dans le délai de 30 jours, le décompte du 6 janvier 2016 est devenu le décompte définitif général et a opéré compensation de droit entre les sommes dues par la société AC Construction et celles dues au maître de l'ouvrage du fait de retards et malfaçons.

La demande de paiement de la société MJ Alpes, ès qualité de liquidateur de la société AC Construction, doit donc être rejetée.

IV- Sur les demandes accessoires

Les dépens seront pris en frais privilégiés de partage.

La société MJ Alpes, ès qualités, sera condamnée au paiement d'une indemnité procédurale de 1 000 euros au bénéfice de la société Loulisa.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'action en paiement de la société MJ Alpes, ès qualités de liquidateur de la société AC Construction, et en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en paiement et en compensation de la SCI Loulisa formée à l'encontre de la société MJ Alpes, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AC Construction,

Infirme le jugement entrepris pour le surplus,

Statuant de nouveau,

Rejette la demande de paiement de 17 906,19 euros TTC de solde de marché de travaux du 24 avril 2015 et de 11 342,90 euros TTC de retenue de garantie de la société MJ Alpes, ès qualités de liquidateur de la société AC Construction, à l'encontre de la société Loulisa,

Dit que les dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective,

Condamne la société MJ Alpes, ès qualités de liquidateur de la société AC Construction à payer à la société Loulisa, une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 06 juin 2023

à

la SELARL HAMEL ISABELLE

la SELARL VALLERAND MELIN AVOCATS

Copie exécutoire délivrée le 06 juin 2023

à

la SELARL HAMEL ISABELLE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/00481
Date de la décision : 06/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-06;21.00481 ?
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