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03/09/2024 | FRANCE | N°21/02447

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 03 septembre 2024, 21/02447


MR/SL





COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 03 Septembre 2024





N° RG 21/02447 - N° Portalis DBVY-V-B7F-G34Z



Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 24 Novembre 2021





Appelante



S.A.S. TRANSPORTS BONNIVARD, dont le siège social est situé [Adresse 1]



Représentée par la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS, avocats postulants au barreau d'ALBERTVILLE


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Intimées



S.A.S. BOGEY [Localité 5], dont le siège social est situé [Adresse 2]



S.A.S. BOGEY [Localité 7], dont le siège social est situé [Adresse 11]



Représentées par la SCP...

MR/SL

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 03 Septembre 2024

N° RG 21/02447 - N° Portalis DBVY-V-B7F-G34Z

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 24 Novembre 2021

Appelante

S.A.S. TRANSPORTS BONNIVARD, dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentée par la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS, avocats postulants au barreau d'ALBERTVILLE

Intimées

S.A.S. BOGEY [Localité 5], dont le siège social est situé [Adresse 2]

S.A.S. BOGEY [Localité 7], dont le siège social est situé [Adresse 11]

Représentées par la SCP MILLIAND THILL PEREIRA, avocats au barreau d'ALBERTVILLE

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 04 Mars 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 avril 2024

Date de mise à disposition : 03 septembre 2024

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Composition de la cour :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Magistrate honoraire,

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et procédure

La société Transports Bonnivard est une société spécialisée dans le domaine des transports.La société Bogey [Localité 5] a pour sa part pour activité principale la distribution avec vente, location et entretien des véhicules de la marque MAN et la société Bogey [Localité 7] est spécialisée dans la réparation et la vente de véhicules.

La société Transports Bonnivard a sollicité à plusieurs reprises la société Bogey [Localité 7] afin d'intervenir sur les divers véhicules de marque MAN qu'elle possède.Suivant courriers des 7 et 17 septembre 2018, la société Bogey [Localité 7] a vainement mis en demeure la société Transports Bonnivard de payer les factures impayées de réparation de ses véhicules s'élevant à la somme totale de 10 095,82 euros.

Par acte d'huissier du 26 octobre 2018, la société Bogey [Localité 7] a assigné la société Transports Bonnivard devant le tribunal de commerce de Chambéry, notamment aux fins de la faire condamner à lui payer la somme de 10 095,82 euros.

Parallèlement, par contrat à effet du 17 mars 2017, la société Transports Bonnivard et la société Bogey [Localité 5] ont régularisé une convention de location longue durée d'un camion poids-lourd immatriculé [Immatriculation 10] pour une durée de 48 mois, moyennant un loyer de 1 633,36 euros HT mensuel.Suivant courrier du 10 août 2018, la société Transports Bonnivard a procédé à la résiliation du contrat de location.

Par acte d'huissier de justice du 6 novembre 2018, la société Bogey [Localité 5] a assigné la société Transports Bonnivard devant le tribunal de commerce de Chambéry, notamment aux fins de la faire condamner à lui payer la somme de 4 849,05 euros au titre des factures impayées et 6 565,50 euros au titre des travaux de remise en état du véhicule loué.

Les deux instances ont été jointes.

Par jugement du 24 novembre 2021, le tribunal de commerce de Chambéry, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

- Déclaré régulières, recevables et partiellement fondées les demandes de la société Bogey [Localité 7] et de la société Bogey [Localité 5] ;

- Condamné la société Transports Bonnivard à payer, en deniers ou quittances valables ;

À la société Bogey [Localité 7] :

- la somme de 10 562,07 euros, montant principal de la cause sus-énoncée,

- les intérêts calculés sur la base de trois fois le taux d'intérêt légal de cette somme à compter du 19 septembre 2018,

- la somme de 440 euros à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement,

- la somme de 800 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

À la société Bogey [Localité 5] :

- la somme de 4 849,05 euros, montant principal de la cause sus-énoncée,

- la somme de 316,36 euros TTC (dont TVA = 52,73 euros), la société Transport Bonnivard reconnaissant devoir le montant HT de 263,63 euros,

- la somme de 800 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Transports Bonnivard aux dépens, sous les réserves visées aux motifs de la décision ;

- Liquidé les frais de greffe à la somme de 94,34 euros TTC avec TVA = 20% comprenant les frais de mise au rôle et de la présente décision ;

- Rejeté toutes autres demandes.

Au visa principalement des motifs suivants :

S'agissant des factures émises par la société Bogey [Localité 7], la société Transports Bonnivard ne formule pas de contestation sur le principe et le quantum des factures n'apporte aucune preuve de la responsabilité de sa cocontractante dans les pannes et difficultés rencontrées avec le camion Renault immatriculé [Immatriculation 4] ;

Sur la remise en état du camion MAN [Immatriculation 9], la société Bogey [Localité 5] ne produit pas les conditions générales annexées au contrat qui préciseraient les frais additionnels de restitution au regard de l'état du véhicule, il n'est donc pas possible de statuer sur la nature et l'importance des dégradations qui justifieraient de tels frais et sur leurs montants, toutefois, la société Transports Bonnivard ayant reconnu devoir la somme de 263,63 euros HT, il lui en est donné acte ;

La société Transports Bonnivard ne produit pas d'attestation ni aucune preuve de ce transfert de propriété, sinon un échange de courriels non authentifié ;

Concernant la demande d'indemnisation de la TICPE, la société Transports Bonnivard ne prouve pas avoir effectivement été privée de ce remboursement ;

La société Bogey [Localité 5] verse un relevé de compte du 12 octobre 2018, visant des factures émises entre le 7 mai 2018 et le 5 octobre 2018, de sorte que sa demande portant sur la somme de 4 849,05 euros doit être ainsi déclarée bien fondée.

Par déclaration au greffe du 20 décembre 2021, la société Transports Bonnivard a interjeté appel de la décision en toutes ses disposition hormis en ce qu'elle a rejeté toutes autres demandes.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures du 7 mars 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Transports Bonnivard sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Ecarté purement et simplement des débats le rapport d'expertise diligenté dans le cadre de la médiation judiciaire, ce dernier revêtant un caractère confidentiel,

- L'a condamné à payer, en deniers ou quittances valables à la société Bogey [Localité 5] la somme de 316,36 euros TTC (dont TVA = 52,73 €)

Statuant à nouveau,

A l'encontre de la société Bogey [Localité 5],

Au titre des factures impayées de juin 2018, août 2018 et septembre 2018,

- Dire et juger que durant la période du 8 février 2018 au 3 mai 2018, la société Bogey [Localité 5] n'avait plus qualité pour agir et solliciter le règlement des loyers de février 2018, mars 2018 et avril 2018, auprès d'elle ;

- Condamner la société Bogey [Localité 5] à lui restituer une indemnité de (3 x 1.960,03) 5 880,09 euros à ce titre

Sur les demandes au titre de l'exécution de mauvaise foi du contrat,

- Dire et juger que la société Bogey [Localité 5] a manqué à ses obligations contractuelles fondamentales, en lien direct et certain avec l'impossibilité pour elle d'obtenir le remboursement de la TICPE pour la période de février 2018 à juin 2018 ;

- Fixer à 4 000 euros sauf à parfaire le montant du préjudice qu'elle a subi ;

- Condamner la société Bogey [Localité 5] à lui payer une indemnité de 4 000 euros, sauf à parfaire au jour du jugement à intervenir ;

Sur la compensation des créances réciproques,

- Ordonner la compensation des créances réciproques ;

- En conséquence, ordonner à la société Bogey [Localité 5] de lui restituer le dépôt de garantie ;

- Condamner la société Bogey [Localité 5] à lui verser au final une indemnité de 4 767,41 euros se décomposant comme suit :

dette : 263,63 + 4 849,05 = 5 112,68 euros

créance : 5 880,09 + 4 000 = 9 880,09 euros,

A tout le moins, et par le jeu des compensations,

- Condamner la société Bogey [Localité 5] à lui verser la somme de 331,04 euros ;

Sur les demandes formulées par la société Bogey [Localité 7],

- Dire et juger que la société Bogey [Localité 7] a purement et simplement mal exécuté le contrat d'entreprise la liant à elle ;

- Débouter purement et simplement la société Bogey [Localité 7] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, et dire et juger qu'en application du mécanisme de l'exception d'inexécution, la société Bogey [Localité 7] ne saurait réclamer aucune somme au titre de ses factures de réparations (10 562,07 euros outre intérêts de 3 fois le taux légal à compter du 19 septembre 2018), au titre des indemnités forfaitaires de retard outre autres dommages et intérêts ;

A titre reconventionnel,

- Condamner la société Bogey [Localité 7] à lui verser une indemnité de 54 000 euros HT soit 64 800 euros TTC au titre des conséquences préjudiciables des manquements contractuels de la société Bogey [Localité 7], sauf à parfaire au jour de l'audience à intervenir ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens,

- Condamner la société Bogey [Localité 5] à lui payer une indemnité de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Bogey [Localité 7] à lui payer une indemnité de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Bogey [Localité 5] et la société Bogey [Localité 7] aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières écritures du 2 juin 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Bogey [Localité 5] et la société Bogey [Localité 7] sollicitent de la cour de :

- Confirmer la décision rendue par le tribunal de commerce de Chambéry du 24 novembre 2021 en ce qu'elle a condamné la société Bonnivard Transports à payer à la société Bogey [Localité 7] la somme de 10 562,07 euros au titre des factures impayées, montant principal de la cause sus-énoncée, les intérêts calculés sur la base de trois fois le taux d'intérêt légal de cette somme à compter 19 septembre 2018, 440 euros à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement ;

- Confirmer la décision rendue par le tribunal de commerce de Chambéry en ce qu'elle a condamné la société Bonnivard Transports à payer à la société Bogey [Localité 5] la somme de 4 849,05 euros au titre des factures impayées ;

- Confirmer la décision rendue par le tribunal de commerce de Chambéry en ce qu'elle a débouté la société Bonnivard Transports de sa demande au titre de l'immobilisation du camion pour la période du 1 juin 2018 au 1 juin 2021 ;

- Infirmer la décision querellée en ce qu'elle débouté la société Bogey [Localité 5] de sa demande à hauteur de 6 565,50 euros au titre des travaux de remise en état ;

Et statuant de nouveau,

- Condamner la société Transport Bonnivard à payer à la société Bogey [Localité 5] la somme de 6 565,50 euros au titre des travaux de remise en état ;

A tout le moins et subsidiairement la Cour condamnera la société Transports Bonnivard à payer la somme de 263,63 euros qu'elle reconnaît devoir,

- Infirmer la décision rendue en ce qu'elle a écarté le rapport d'expertise des débats ;

- Et statuant de nouveau, constater que le rapport d'expertise peut être utilisé comme élément de preuve ;

- Subsidiairement, dans l'hypothèse où la Juridiction de céans venait à écarter des débats le rapport d'expertise il est demandé de voir ordonner une expertise judiciaire contradictoire confiée à tel expert qu'il plaira à la Cour avec mission habituelle en la matière conformément à la mission confiée à M. [V] expert aux frais de la société Bonnivard Transports et ce concernant la demande de la société Bogey [Localité 7] au titre des ordres de réparations et factures impayées ;

- Condamner en tout état de cause la société Bonnivard Transports à payer à chacune d'elle la somme de 6 000 euros euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront le coût du rapport d'huissier.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 4 mars 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 2 avril 2024.

MOTIFS ET DECISION

I- Sur la demande de paiement des factures de la société Bogey [Localité 7]

Les articles 1103 et 1104 du code civil, d'ordre public, prévoient que les contrats conclus entre les parties, lesquels doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, tiennent lieu de loi à ceux qui les ont fait.

L'article 1147 du même code dispose 'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution d el'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.'

C'est à l'issue d'une analyse pertinente, exhaustive et exempte d'insuffisance que les premiers juges ont retenu :

- que sur les onze factures de réparation émises par la société Bogey [Localité 7], seules les factures de réparation du véhicule tracteur Renault [Immatriculation 4] étaient contestées,

- que le rapport d'expertise de M. [V], du 21 juillet 2020, était soumis au principe de la confidentialité couvrant toutes les pièces de la médiation, en application de l'article 21-3 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 et de l'article 131-14 du code de procédure civile (2e Civ. 9 juin 2022, pourvoi n°19-21.798), et devait être écarté des débats,

- qu'il appartient en conséquence à la société Tranports Bonnivard de démontrer une faute de la société Bogey [Localité 7] dans les réparations du camion litigieux, afin de contester utilement les factures établies.

Il ressort des déclarations des parties que le camion Renault [Immatriculation 4] a subi en décembre 2017 un vol de sa batterie, qui a nécessité un dépannage à [Localité 3], et une réparation par la société Bogey [Localité 7], suivant ordre de réparation signé le 28 décembre 2017. Une facture de travaux de 1 842,40 euros Ttc a été émise le 31 janvier 2018, comprenant notamment le remplacement de l'alternateur et la réparation du faisceau électrique d'éclairage.

A l'appui de ses contestations, la société Transports Bonnivard fournit :

- une attestation de la société Trucks solutions [Localité 6] du 20 octobre 2018 'suite à votre courrier, nous vous confirmons que le garage Bogey nous a confié votre véhicule Premium immatriculé [Immatriculation 4] pour diagnostic et réparation le 20 janvier 2018. Nous avons remplacé l'alternateur et restitué le véhicule au garage Bogey.', accompagné d'une facture adressée à la société Bogey [Localité 7] de 937,48 euros mentionnant 'défaut alternateur recherche cause. Alternateur charge trop (31,2 volts et fait apparaître le défaut course pédale trop long à l'accélération) (...)',

- la facture du 13 avril 2018 de la société Bogey [Localité 7], et celle du 18 mai 2018, portant sur le même véhicule, de 3 230,88 euros, indiquant 'freinage ne fonctionne pas correctement' et portant toutes deux sur des travaux sur le système de freinage, du 19 au 22 février 2018, pour la première facture, et du 5 avril 2018 pour la seconde facture,

- elle soutient que l'alternateur a été changé deux fois, et que la société Bogey [Localité 7] a manqué à son obligation de résultat, en ce qu'un pneu du véhicule [Immatriculation 4] a pris feu en mars 2018, et un second pneu a pris feu trois semaines plus tard, suite à un nouveau problème de frein, de sorte que la véhicule est immobilisé depuis le 1er juin 2018.

Force est toutefois de constater qu'il n'est pas démontré que le camion [Immatriculation 4] ait été soumis à deux changements de son alternateur, et que la facture de la société Trucks solutions [Localité 6] établit simplement que l'alternateur dudit véhicule a été changé sur ce tracteur, cette société intervenant en qualité de sous-traitante de la société Bogey [Localité 7]. Il ressort ensuite des éléments que la société Bogey [Localité 7] est intervenue en réparation du vol de batterie et n'avait pas reçu d'autres missions de la part de la société Transports Bonnivard, de sorte que les désordres survenus sur le système de freinage en mars 2018 n'ont pas de lien de causalité avec l'intervention de la société Bogey en janvier 2018 portant sur l'alternateur et la batterie, et que l'instauration d'une expertise judiciaire n'apparaît pas nécessaire.

L'état actuel du camion [Immatriculation 4] et son incapacité à rouler n'est enfin étayé par aucun élément, de sorte que la demande d'indemnisation d'un préjudice d'immobilisation doit être rejetée.

Il y a donc lieu de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a condamné la société Transport Bonnivard à payer la somme de 10 562,07 euros de factures impayées.

II- Sur le contrat de location passé avec la société Bogey [Localité 5]

Sur les loyers impayés

L'article 1709 du code civil dispose 'le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige à lui payer.'

L'exception d'exécution permet uniquement à une partie à un contrat synallagmatique de suspendre l'exécution de la prestation à laquelle elle est tenue tant qu'elle n'a pas reçu la prestation qui lui est due. Elle entraîne non pas la disparition de l'obligation mais un ajournement de son exécution. Elle ne permet pas de se prévaloir d'une faute commise par son cocontractant dans le cadre de l'exécution des obligations contractuelles pour s'opposer à l'exécution de ses propres engagements.

Suivant bon de commande n°918659, la société Transport Bonnivard a commandé un véhicule tracteur pour une location longue durée, moyennant loyer mensuel de 1 633,36 euros HT, devant débuter entre le 15 et le 30 mars 2017, avec possibilité de résiliation unilatérale du contrat 'le client s'engage à prévenir 2 mois par lettre AR si il souhaite mettre fin au contrat'. Le véhicule loué, en état neuf, a été mis à disposition le 17 mars 2017. Il porte l'immatriculation [Immatriculation 8].

La société Transports Bonnivard a mis fin au contrat par courrier recommandé daté du 10 août 2018, avec précision que le véhicule serait restitué le 14 septembre 2018 à [Localité 7].

La société Transports Bonnivard ne conteste pas devoir le montant des derniers loyers, ce qui résulte également du courrier précité 'si vous m'accordez un nombre de 6 mois gratuit de location de véhicule à partir du 1 08 2018 (le rendant le 31 12 2018, de mon côté, je suis prêt à annuler toutes vigilances contre vous concernant le véhicule [Immatriculation 4])', mais argue du fait que la société Bogey [Localité 5] aurait vendu le véhicule loué à une société tierce et n'aurait plus droit de le louer en conséquence.

Néanmoins, outre le fait que la vente du véhicule [Immatriculation 8] ne repose que sur un mail du centre des finances publiques qui lui a été adressé, la société Transports Bonnivard, qui n'a jamais été privée de la mise à disposition du camion jusqu'à la date de fin de contrat choisie par elle, n'est pas fondée à se prévaloir des effets d'un supposé contrat de vente auquel elle est tiers, en application de l'article 1199 du code civil.

L'exception d'inexécution soulevée par la société Transports Bonnivard doit être rejetée, eu égard à l'absence de preuve d'une inexécution de son obligation de mise à disposition par la société Bogey [Localité 5].

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Transports Bonnivard à payer à la société Bogey [Localité 5] la somme de 4 849,05 euros de loyers impayés au titre du contrat de location du tracteur [Immatriculation 8].

Sur les frais de remise en état

L'article 1730 du code civil dispose 'S'il a été fait un état les lieux entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose telle qu'il l'a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure.'

Il résulte de l'état des lieux du 17 mars 2017 que le camion [Immatriculation 8] a été remis en état neuf à la société Transports Bonnivard, et que la société Bogey [Localité 7] a signé ce document à la place de la société Bogey [Localité 5]. En conséquence, et à défaut pour la société Bogey [Localité 5] de démontrer un autre accord contractuel, il n'y a pas lieu d'accorder des frais de transport du véhicule de [Localité 7] à [Localité 5]. En effet, le véhicule a été remis dans les locaux de la société Bogey [Localité 7] et a été restitué au même endroit, alors que la société Bogey [Localité 5] avait connaissance depuis le mois d'août 2018 du lieu de restitution, identique à celui de la remise, qui était aussi le garage réalisant l'entretien de camions, et qu'elle ne démontre pas s'y être opposée.

Il appartient à la société Bogey [Localité 5] de démontrer l'existence de dégradations locatives distinctes de l'usure normale d'un véhicule utilisé pendant 18 mois. Elle produit à l'appui de son argumentation un constat réalisé par Me [C], huissier de justice, le 19 septembre 2018, à 15 heures.

Il résulte de ce constat :

- que l'usure des pneus arrière est de 0,3 millimètres et 0,7 millimètres pour les pneus avant,

- que la carrosserie comportait quelques traces et rayures, de même que les rétroviseurs,

- qu'un triangle était manquant,

- que le réservoir de gasoil affichait 1/4,

- que la 'trompe de toit est tenue par une pâte collante et les deux pavillons de trompe sont tordus,'

- 'présence d'une sangle de maintien à l'avant et une autre à l'arrière, et constate que deux ailes sont cassées à gauche',

- 'présence de deux boutons sur le tableau de bord qui ne sont pas d'origine.'

Ce constat ne présente pas de divergence notable avec le constat réalisé une heure auparavant par Me [X], huissier de justice, qui, lui retient 'carrosserie en très bon état général' avec quelques traces noires, 'l'état des pneus est bon, le témoin d'usure est encore loin', mais n'a pas relevé les dégradations sur les trompes de toit et les boutons du tableau de bord.

Le fait que la facture de remise en état émane de la société Bogey [Localité 5] ne suffit pas à l'écarter, la société Transports Bonnivard, qui reconnaît in fine les dégâts sur une trompe de toit, pouvant également produire des devis pour permettre une comparaison.

En conséquence, il apparaît, au vu de l'appréciation de l'état de la carrosserie, démesuré de mettre le nettoyage et polissage à la charge de la locataire, s'agissant d'une usure normale liée à son usage, de même que la nécessité de remplacement des pneus n'est pas démontrée. Si la société Bogey [Localité 5] se prévaut d'un contrat dit 'full service' hors pneus, elle ne fournit pas les conditions particulières du contrat signé, et le document signé par les parties stipule 'garantie tout au long de location en contrat intégral. En cas de restitution par le client auprès de Man avant la période des 24 mois, les 3 mois de loyers de départ (initialement non encaissés) ne seront pas remboursés au client et des frais additionnels de restitution peuvent être facturés selon l'état du véhicule au moment de la restitution finale.'

Il y a lieu d'évaluer les frais de remise en état à 1 778,71 euros HT, comprenant les frais de remplacement des trompes de toit, le remplacement du triangle manquant ainsi que des boutons et sangles endommagées.

III- Sur les demandes accessoires

Les sociétés Bogey sollicitent réformation du jugement en ce qu'il a écarté des débats l'expertise amiable réalisée par M. [V] dans le cadre de la médiation. Cette demande a été formulée en première instance mais n'a pas été reprise dans le dispositif du jugement, elle sera donc intégrée dans le dispositif de l'arrêt.

Succombant au fond en son appel, la société Transports Bonnivard supportera les dépens de l'instance, ainsi qu'une indemnité procédurale de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le coût d'un constat d'huissier de justice peut en outre, être inclus dans les dépens que lorsque son auteur a été désigné à cet effet par une décision de justice (3e Civ. 17 mars 2004, pourvoi n°00-22.522). La demande d'inclusion dans les dépens du constat réalisé par Me [C] à la demande de la société Bogey [Localité 5] sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle condamné la société Transports Bonnivard à payer à la société Bogey [Localité 5] la somme de 316,36 euros TTC en réparation des dégradations locatives,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne la société Transports Bonnivard à payer à la société Bogey [Localité 5] la somme de 1778,71 euros HT de frais de réparations locatives,

Y ajoutant,

Ecarte des débats l'expertise amiable réalisée le 21 juillet 2020 par M. [V], couverte par la confidentialité des opérations de médiation,

Rejette la demande d'inclusion dans les dépens du constat réalisé par Me [C], huissière de justice,

Condamne la société Transports Bonnivard aux dépens de l'instance d'appel,

Condamne la société Transports Bonnivard à payer la somme de 1 000 euros à chacune des sociétés Bogey [Localité 5] et Bogey [Localité 7], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 03 septembre 2024

à

la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS

la SCP MILLIAND THILL PEREIRA

Copie exécutoire délivrée le 03 septembre 2024

à

la SELARL PADZUNASS SALVISBERG & ASSOCIÉS

la SCP MILLIAND THILL PEREIRA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/02447
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;21.02447 ?
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