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03/09/2024 | FRANCE | N°21/02497

France | France, Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 03 septembre 2024, 21/02497


HP/SL





COUR D'APPEL de CHAMBÉRY





Chambre civile - Première section



Arrêt du Mardi 03 Septembre 2024





N° RG 21/02497 - N° Portalis DBVY-V-B7F-G4AI



Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 08 Décembre 2021





Appelante



AXA FRANCE IARD, dont le siège social est situé [Adresse 5]



Représentée par la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL OR

MEN PASSEMARD & AUTRES, avocats plaidants au barreau de PARIS









Intimée



S.A.S. PETIT HOTEL CONFIDENTIEL, dont le siège social est situé [Adresse 3]



Représentée par la SELARL ...

HP/SL

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile - Première section

Arrêt du Mardi 03 Septembre 2024

N° RG 21/02497 - N° Portalis DBVY-V-B7F-G4AI

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Commerce de CHAMBERY en date du 08 Décembre 2021

Appelante

AXA FRANCE IARD, dont le siège social est situé [Adresse 5]

Représentée par la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL ORMEN PASSEMARD & AUTRES, avocats plaidants au barreau de PARIS

Intimée

S.A.S. PETIT HOTEL CONFIDENTIEL, dont le siège social est situé [Adresse 3]

Représentée par la SELARL CABINET ALCALEX, avocats au barreau de CHAMBERY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Date de l'ordonnance de clôture : 28 Mars 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 avril 2024

Date de mise à disposition : 03 septembre 2024

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Composition de la cour :

- Mme Hélène PIRAT, Présidente,

- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,

- Madame Inès REAL DEL SARTE, Magistrate honoraire,

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Faits et procédure

La société Petit hôtel confidentiel (Sas) exerce une activité d'hôtel-restaurant à [Localité 6]. Dans le cadre de cette activité, elle a souscrit auprès de la société Axa France Iard un contrat d'assurance multirisque professionnelle le 1er septembre 2019.

Par courrier du 20 avril 2020, elle a sollicité la couverture des pertes d'exploitation et de revenus auprès de son assureur en raison de la crise sanitaire liée à la covid-19, par l'intermédiaire de son agent général, la société Cabinet Molter. La société Axa France Iard a refusé d'accorder sa garantie.

Le 17 septembre 2020, la société Axa France Iard a soumis à la société Petit hôtel confidentiel un avenant au contrat que cette dernière a refusé de signer. Par courrier du 1er octobre 2020, la société Petit Hôtel Confidentiel a vainement mis en demeure la société Axa France Iard de mettre en 'uvre sa garantie. Le 22 octobre 2020, la société Axa France Iard a notifié à la société Petit Hôtel Confidentiel la résiliation du contrat à compter du 1er janvier 2021 en raison du défaut d'accord sur les termes de l'avenant et par courrier du 3 novembre 2020 la société Axa France Iard a confirmé son refus de prise en charge de la perte d'exploitation.

Par acte d'huissier du 1er décembre 2020, la société Petit Hôtel Confidentiel a assigné la société Axa France Iard devant le tribunal de commerce de Chambéry notamment aux fins de se faire indemniser au titre de la couverture perte d'exploitation.

Par jugement du 8 décembre 2021, le tribunal de commerce de CHAMBERY a :

- Condamné la société Axa France Iard à payer à la société Petit Hôtel Confidentiel la somme provisionnelle de 70 000 euros dans l'attente de l'exécution de la mesure d'expertise judiciaire ordonnée ci-après ;

- Ordonné une mesure d'expertise,

- Commis M. [G] [J], [Adresse 2], à [Localité 6] (Téléphone : [XXXXXXXX01] ' mail : [Courriel 7]@orange.fr) pour y procéder, avec pour mission :

- se faire communiquer tous documents et pièces utiles, notamment l'estimation effectuée par la société Petit Hôtel Confidentiel accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années,

- entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion le calendrier possible de la suite des opérations,

- déterminer à partir des exercices antérieurs les recettes qui auraient été générées durant les périodes de réduction de l'activité d'hôtellerie ainsi que par l'activité de bar et restauration exercée auprès de la clientèle résidant au sein de l'établissement,

- retrancher du chiffre d'affaires qui aurait été réalisé par la société Petit Hôtel Confidentiel en l'absence de la mesure administrative générale, le montant des recettes qui aurait été généré par l'activité hôtellerie et l'activité bar et restauration exercée auprès de la clientèle de l'hôtel,

- donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse d'activité causée par l'interruption ou la réduction d'activité, de la marge brute incluant les charges salariales et les économies réalisées,

- donner son avis sur le montant des aides/subventions d'État perçues ;  donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à l'impossibilité d'accès à l'établissement de l'assurée ou à la mesure de fermeture,

- donner au tribunal tous éléments permettant de calculer en fonction de la motivation de la présente décision et des dispositions contractuelles, les indemnités dues à la société Petit Hôtel Confidentiel,

- d'une manière générale, donner au tribunal tous éléments utiles à la compréhension et à la solution du litige ;

- Renvoyé, en application de l'article 153 du code de procédure civile, l'examen de l'affaire à l'audience du tribunal de commerce de Chambéry du vendredi 11 juin 2022 à 14 heures, [Adresse 4], Salle A, à l'effet qu'il soit discuté sur le rapport d'expertise ;

- Réservé le sort définitif des dépens et des indemnités présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit que la société Petit Hôtel Confidentiel assumera l'avance des dépens ainsi que ceux engagés au cours de l'expertise concernant la ou les ordonnances rendues et leurs communications ;

- Dit que la société Petit Hôtel Confidentiel devra s'acquitter auprès du greffe du paiement d'une provision d'un montant de 200 euros TTC (TVA = 20 %) sur laquelle s'imputeront tous les dépens relatifs au déroulement de l'expertise ;

- Dit qu'en fin d'expertise le greffier devra faire parvenir à la société Petit Hôtel Confidentiel un décompte des frais relatifs à l'expertise en remboursant le cas échéant la partie des frais non consommée ;

- Liquidé les frais de greffe relatifs à la présente décision à la somme de 73,22 euros TTC.

Au visa principalement des motifs suivants ;

La garantie « pertes d'exploitation, pertes de revenus et contre les dommages consécutifs à une épidémie » doit être activée au bénéfice de la société Petit Hôtel Confidentiel puisqu'il y a eu à tout le moins difficulté d'accès à ses locaux de ses clients habituels, touristes principalement, pour lesquels une mesure administrative avait fortement réduit leur capacité de déplacement et leur avait interdit l'accès à tous restaurants.

Par déclaration au greffe du 23 décembre 2021, la société Axa France Iard a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a :

- Dit qu'en fin d'expertise le greffier devra faire parvenir à la société Petit Hôtel Confidentiel un décompte des frais relatifs à l'expertise en remboursant le cas échéant la partie des frais non consommée ;

- Liquidé les frais de greffe relatifs à la présente décision à la somme de 73,22 euros TTC.

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures du 1er mars 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Axa France Iard sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :

A titre principal,

- La déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

Et statuant à nouveau,

- Juger que l'établissement assuré n'a fait l'objet d'aucune impossibilité ou difficulté d'accès ;

- Juger que la notion de « risques divers » ne recouvre pas celle d'épidémie ;

- Juger que la liste des événements visés par la garantie à l'article 2.1 est limitative et qu'elle s'applique au risque assuré (i.e d'impossibilité ou de difficulté d'accès) ;

En conséquence,

- Juger que les conditions de mobilisation de la garantie « impossibilité » ou « difficulté d'accès » aux locaux assurés ne sont pas remplies ;

- Débouter la société Petit Hôtel Confidentiel de l'ensemble de ses demandes de condamnation à son encontre ;

- Annuler la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de Chambéry ;

Et, dans l'hypothèse où la Cour se prononcerait sur la mobilisation de l'extension de garantie « fermeture administrative » visée au sein de l'Annexe « Hôtels-Restaurants » :

- Juger que les activités d'hôtellerie et de bar et restauration exercée auprès d'une clientèle résidant à l'hôtel n'ont fait l'objet d'aucune fermeture administrative ;

- Juger que la clause litigieuse participe à la définition du risque assuré et ne peut pas être qualifiée de clause d'exclusion ;

- Juger que le sinistre déclaré par la société Petit Hôtel Confidentiel n'est pas consécutif à une fermeture administrative individuelle de son établissement, qui est le seul risque couvert par l'extension de garantie dont elle sollicite la mobilisation ;

En conséquence,

- Juger que les conditions de mobilisation de l'extension de garantie « fermeture administrative » ne sont pas remplies ;

- Débouter la société Petit Hôtel Confidentiel de l'ensemble de ses demandes de condamnation à son encontre ;

- Annuler la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de Chambéry ;

A titre subsidiaire,

- Réformer le jugement entrepris sur la mission confiée à l'expert judiciaire ;

Statuant à nouveau,

- Ordonner que l'expert judiciaire aura pour mission de :

- Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par la Demanderesse et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années,

- Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations,

- Déterminer à partir des exercices antérieurs les recettes qui auraient été générées, durant la période de fermeture, par l'activité d'hôtellerie ainsi que par l'activité de bar et restauration exercée auprès de la clientèle résidant au sein de l'établissement,

- Retrancher du chiffre d'affaires qui aurait été réalisé par l'Assurée en l'absence de fermeture de son établissement, le montant des recettes qui aurait été généré par l'activité d'hôtellerie et par l'activité de bar et restauration exercée auprès de la clientèle de l'hôtel,

- Examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximale de 3 mois,

- Donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires ' charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées,

- Donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'Assurée,

- Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à l'impossibilité d'accès à l'établissement de l'Assurée ou à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 30 octobre 2020 ;

En tout état de cause,

- Débouter la société Petit Hôtel Confidentiel de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la société Petit Hôtel Confidentiel à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses prétentions, la société Axa France Iard fait valoir notamment que:

' S'agissant de la clause des conditions générales relative aux pertes d'exploitation

- Les conditions de la garantie ne sont pas remplies, le risque d'épidémie n'étant pas couvert, et les événements affectant le voisinage sont des événements constitutifs de dommages matériels. Par ailleurs, aucune des mesures du gouvernement n'a interdit ou restreint l'accès aux hôtels ;

- L'adverbe 'notamment' contenu dans la clause vise uniquement l'interdiction par les autorités compétentes et non le risque assuré et la notion de 'risques divers'ne recouvre pas celle d'épidémie, sachant que cette notion de 'risques divers' est définie au 1.4 des conditions générales et par définition (article R321-1 du code des assurances), ces risques entraînant un dommage aux biens ;

- La garantie figurant à l'article 5.4 couvre le risque de fermeture administrative et non l'épidémie qui n'est qu'une condition de la garantie ;

- La proposition d'avenant ultérieur ne saurait modifier la situation antérieure à la survenance du sinistre ;

' S'agissant de la clause 'perte d'exploitation suite à fermeture administrative' insérée dans l'annexe 'hôtels restaurants'

- L'assurée n'a fait l'objet d'aucune décision de fermeture par décision administrative et les mesures gouvernementales n'ont pas interdit l'activité d'hôtel et de restauration pour les clients de l'hôtel ;

- L'alinéa 2 de l'extension de garantie, dont la présentation se distingue d'ailleurs de la présentation des clauses d'exclusion contenues dans le contrat, n'est pas une clause d'exclusion de sorte que le régime des clauses d'exclusion (article L 113-1 du code des assurances) ne s'applique pas : le restaurant de la société Petit Hôtel Confidentiel accueillant de la clientèle extérieure à l'activité d'hôtellerie a été fermé en suite des mesures gouvernementales liées à la covid-19, mais pour des raisons de gestion, comme de nombreux restaurants l'ont été également et la garantie ne concerne qu'une fermeture individuelle

- Cet alinéa 2 est parfaitement clair et ne nécessite aucune interprétation ;

- L'assurée adopte une interprétation restrictive du terme épidémie alors même que les professionnels de ce secteur n'ignorent pas que leurs établissements, à titre individuel peuvent faire l'objet d'une fermeture administrative pour une épidémie ne concernant que leurs établissements à titre individuel ;

- L'intention de l'assurée, lors de la conclusion du contrat, ne pouvait être de se prémunir contre une épidémie telle que la covid-19 ;

- Le risque assuré est la fermeture administrative en cas notamment d'épidémie et non l'épidémie elle-même et une épidémie peut être la cause de la fermeture d'un unique établissement, même si elle avait son origine à l'extérieur (cluster).

Par dernières écritures du 21 juin 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la société Petit Hôtel Confidentiel sollicite de la cour de :

- Dire et juger l'appel de la société Axa France Iard infondé et injustifié ;

- Confirmer la décision déférée en son entier ;

A titre principal,

- Constater que la garantie « perte d'exploitation, perte de revenus », stipulée en clause 2.1 des conditions générales est acquise dans tous les cas d'impossibilité ou de difficulté d'accès aux locaux professionnels quelle qu'en soit la cause, l'adverbe « notamment » n'ayant pas de sens exclusif ou limitatif ;

- Constater que les mesures de confinement interdisant la libre circulation de la clientèle, ainsi que les mesures administratives applicables aux établissements accueillant du public lui ont incontestablement occasionné une « interruption ou la réduction temporaire » de son activité professionnelle assurée, résultant directement « d'une impossibilité ou d'une difficulté d'accès » à ses locaux professionnels ;

- Dire et juger en conséquence, que les critères d'indemnisation de la garantie qu'elle a souscrite auprès de la société Axa France Iard sont réunis concernant les pertes d'exploitation subies par cet établissement du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 et du 29 octobre 2020 jusqu'au 21 mars 2021 ;

- Constater, à tout le moins, que l'existence de plusieurs interprétations possibles de ladite clause stipulée en clause 2.1 des conditions générales, la rendent ambigüe et obscure et dire qu'elle sera interprétée dans le sens le plus favorable elle ;

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que les critères d'indemnisation de la garantie « perte d'exploitation suite a fermeture administrative », stipulée à l'annexe « hotels restaurants », qu'elle a souscrite auprès de la société Axa France Iard sont réunis concernant les pertes d'exploitation subies par cet établissement du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 et du 29 octobre 2020 jusqu'au 21 Mars 2021, dans la mesure où elle justifie avoir été impactée par des mesures de fermetures administratives totales et, à tout le moins, partielles, et ce, sans distinction entre son activité d'hôtellerie et de restauration, en l'absence de mention d'une telle restriction dans les conditions particulières souscrites par elle ;

A titre infiniment subsidiaire, et si par impossible la Cour estimait devoir distinguer entre les activités exploitées, malgré le caractère interdépendant desdites activités,

- Dire et juger que les critères d'indemnisation de la garantie « Perte d'exploitation suite a fermeture administrative », stipulée à l'annexe « hotels restaurants », qu'elle a souscrite auprès de la société Axa France Iard sont réunis concernant les pertes d'exploitation subies par son activité restaurant sur la période du 15 Mars 2020 au 2 Juin 2020 et du 29 Octobre 2020 jusqu'au 21 Mars 2021, la période d'indemnisation devant être fixée à trois mois pour chaque sinistre ;

- Dire et juger que la clause ainsi libellée «'en aucun cas il ne peut s'agir d'une fermeture collective d'établissements dans une même région ou sur le plan national'» est une clause d'exclusion ;

- Dire et juger que cette clause d'exclusion est irrégulière dans la mesure où elle vide de sa substance la garantie accordée en cas de fermeture administrative pour cause d'épidémie ;

En conséquence,

- Annuler ladite clause d'exclusion en l'absence de caractère formel et limité, et à défaut de rédaction en caractères très apparents ;

En tout état de cause,

- Condamner la société Axa France Iard à lui payer la somme de 162 109 euros au titre de la perte d'exploitation et de revenus pour l'arrêt total de l'activité du mois de mars au mois de mai 2020 ; outre intérêts au taux légal depuis le 1er octobre 2020, date de la mise en demeure restée infructueuse ;

- Prendre acte de ce qu'elle se réserve de solliciter une indemnisation au titre de la nouvelle perte d'exploitation subie depuis le 29 octobre 2020 ;

- Prendre acte de ce qu'elle s'en rapporte quant à la mesure d'expertise judiciaire sollicitée dont la mission, telle que définie par le tribunal de commerce de Chambéry sera confirmée ;

- Rejeter la nouvelle demande de mission confiée à l'expert, telle que sollicitée par la société Axa France Iard ;

- Condamner également société Axa France Iard à lui payer une somme de 4 000 euros au titre de l'Article 700 du code de procédure civile ;

- La condamner enfin aux entiers dépens de première instance et d'appel, en application des dispositions de l'Article 699 du code de procédure civile, avec distractions au profit de Me Lorelli, avocate.

Au soutien de ses prétentions, la société Petit Hôtel Confidentiel fait valoir notamment que :

' S'agissant de la clause des conditions générales relative aux pertes d'exploitation

- Le contrat d'assurance ne contient aucune définition de la notion 'd'une impossibilité ou d'une difficulté d'accès aux locaux professionnels de sorte que la clause doit être entendue largement et ne peut être restreinte à la seule entrave matérielle ;

- La garantie est en tout état de cause acquise dans les cas d'impossibilité ou de difficulté d'accès, et ce, qu'elle qu'en soit la cause, l'adverbe 'notamment' n'ayant pas de sens exclusif ou limitatif, et l'adjectif ' consécutive' au singulier constituant une expansion de la proposition 'interdiction pour les autorités compétentes' ;

- Le risque épidémique est inclus dans la notion de risques divers survenus dans le voisinage, la notion de risque divers n'est pas restreintes aux risques décrits dans la garantie et le risque épidémique est nécessairement présent dans le voisinage ;

- S'agissant d'un contrat d'adhésion, lorsque l'interprétation d'une clause est nécessaire, elle doit se faire en faveur de l'assuré ;

- La modification de la clause par un avenant est un aveu manifeste de l'assureur quant à l'absence de caractère limitatif des cas d'impossibilité et de difficultés d'accès et à tout le moins témoigne de la difficulté d'interprétation de la clause initiale ;

' S'agissant de la clause 'perte d'exploitation suite à fermeture administrative' insérée dans l'annexe 'hôtels restaurants'

- L'ensemble des décisions du gouvernement ont conduit à la fermeture et à l'interdiction d'accéder aux hôtels-restaurants, d'autant qu'elle doit voir son activité qualifiée d'hébergement touristique, à tout le moins, il s'agissait d'une fermeture partielle.

- La condition de l'épidémie est remplie et la précision selon laquelle la fermeture ne doit pas être collective ou nationale n'est pas une condition de garantie mais une clause d'exclusion qui vide la garantie de sa substance et qui n'est pas une clause formelle car nécessitant une interprétation sur la notion de cause de la fermeture collective.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance en date du 28 mars 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 2 avril 2024.

MOTIFS ET DÉCISION

La société Petit Hôtel Confidentiel, laquelle exploite un hôtel et un restaurant au [Adresse 3] à [Localité 6], a souscrit un contrat d'assurance multirisque professionnelle en date du 10 septembre 2019 auprès de la société Axa France Iard.

Les documents contractuels comprennent :

- des conditions générales référencées n°690200 Q,

- des conditions particulières n°5714977304,

- l'annexe hôtels-Restaurants.

Aux termes de l'article 1103 du code civil, 'les contrats légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'.

Aux termes des articles 1190 et suivants du code civil, 'dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé'. Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l'emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun.

En outre, aux termes de l'article 1170 du code civil, 'toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite'.L'article 1192 du code civil prévoit que 'On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation ".

Enfin, s'agissant d'une condition de la garantie, il incombe à l'assuré de rapporter la preuve de l'existence de la réunion des conditions d'application d'une garantie dont il sollicite la mobilisation.

I - Sur la mobilisation de la garantie 'pertes d'exploitations' insérée dans les conditions générales du contrat d'assurance

La garantie des pertes d'exploitation figurant à l'article 2.1 des conditions générales est rédigée ainsi :

' l'interruption ou la réduction temporaire de votre activité professionnelle assurée, résultant directement :

(...)

Soit d'une impossibilité ou d'une difficulté d'accès à vos locaux professionnels, notamment en cas d'interdiction par les autorités compétentes, consécutive à un des événements suivants survenus dans le voisinage :

- incendie, explosion et risques divers,

-événements climatique de la nature de ceux décrits dans la garantie,

-catastrophe naturelle'

Il résulte de cette clause, qui ne nécessite pas d'interprétation, compte tenu de son caractère précis et non ambigu que le risque couvert est une impossibilité ou une difficulté d'accès pouvant résulter d'événements listés et la société Petit Hôtel Confidentiel ne démontre pas que l'accès à son établissement était impossible ou difficile et encore moins qu'il était lié à un des événements listés.

En effet, la notion d'interdiction d'accès ou difficulté d'accès est précise et non susceptible d'interprétation. Elle ne se confond pas avec la notion de restriction d'accueil de la clientèle ni avec celle d'interdiction d'exploiter. Par ailleurs, l'interprétation soutenue par l'appelante consistant à dire que l'adverbe 'notamment' concerne à la fois l'interdiction par les autorités compétentes, et les événements survenus dans le voisinage, n'a pas lieu d'être : l'adverbe 'notamment' ne concerne à l'évidence que l'interdiction par les autorités administratives qui n'est qu'un exemple de l'origine de l'interdiction d'accès, et le groupe de mots débutant pas 'consécutive' qualifie l'interdiction ou la difficulté d'accès, peu important en outre qu'une faute d'orthographe ait pu être commise par l'absence de pluriel à l'adjectif 'consécutive' accompagnant l'impossibilité ou la difficulté d'accès.

Les événements listés précisément, comme déjà souligné, dans la clause, sont des événements créant une entrave matérielle à l'accès à l'établissement assuré. L'épidémie ne fait pas partie des événements énumérés. Par ailleurs, elle ne peut pas être incluse dans la notion de 'événements divers' définis et elle n'est pas survenue dans le voisinage. Et quand bien même il serait retenu que l'épidémie se soit produite dans le voisinage, la notion de 'risques divers' est parfaitement déterminée par l'article 1.4 des conditions générales intitulé 'Incendie, explosion, risques divers' puisque les risques divers sont énumérés de façon limitative (choc, fumée, chute de la foudre....) et dans cette liste de risques divers, ne figure pas l'épidémie ce qui est en adéquation avec les risques listés, lesquels ne sont de nature qu'à porter atteinte aux biens.

En outre, cette absence de mobilisation de la garantie n'est pas non plus remise en cause par la proposition d'avenant faite par l'assureur à ses assurés avec une clause d'exclusion dans les conditions générales relative aux épidémies, pandémies et épizooties, celui-ci ayant dû réagir face à la crise liée à la Covid et au problème de la réassurance et en tout état de cause, cet avenant proposé aux assurés n'a pas vocation à s'appliquer au contrat en cours liant la société Petit Hôtel Confidentiel et la société Axa France Iard.

En conséquence, la garantie 'pertes d'exploitations' insérée dans les conditions générales du contrat d'assurance n'est pas mobilisable.

II - Sur la mobilisation de la clause 'pertes d'exploitation suite à fermeture administrative' insérée dans l'annexe 'hôtels restaurants' du contrat d'assurance

La clause, intitulée 'perte d'exploitation suite à fermeture administrative' est ainsi rédigée:

' la garantie PERTE D'EXPLOITATION est étendue au cas d'interruption ou de réduction temporaire de votre activité professionnelle en cas de fermeture provisoire (3 mois maximum) totale ou partielle de l'établissement par décision administrative à la suite d'une maladie contagieuse, de meurtre, de suicide, d'épidémie ou d'intoxication.

En aucun cas, il ne peut s'agir d'une fermeture collective d'établissements dans une même région ou sur le plan national'.

Cette garantie s'applique si les trois conditions sont réunies :

- une fermeture provisoire de trois mois maximum de l'établissement ;

- une fermeture totale ou partielle par décision administrative ;

- une fermeture totale ou partielle qui ne concerne que l'établissement assuré.

En premier lieu, l'établissement assuré n'a pas fait l'objet d'une fermeture totale ou partielle par une décision administrative:

L'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures de lutte contre la propagation du virus Covid-19 prévoit en son article 1 du chapitre 1 relatif aux mesures concernant les établissements recevant du public : « Afin de ralentir la propagation du virus Covid-19, les établissements relevant des catégories mentionnées à l'article GN1 du 25 juin 1980 susvisé figurant ci-après ne peuvent plus accueillir du public jusqu'au 15 avril 2020 :

- au titre de la catégorie N : restaurants et débits de boissons, sauf pour les activités de livraison et de vente à emporter ».

Ces dispositions ont été maintenues par l'article 8 du décret n°2020-293 du 23 mars 2020. En outre, le décret du 16 mars 2020 limitait les déplacements de la population en prévoyant des cas spécifiques autorisés parmi lesquels les déplacements pour effectuer des achats de première nécessité. Par ailleurs, lorsque les principales interdictions de déplacement ont été levées, le décret du 31 mai 2020 a exigé des mesures de distanciation pour les établissements recevant du public tels que les restaurants et débits de boisson.

Mais il ressort de ces dispositions que l'autorité administrative, dans le cadre de la crise sanitaire consécutive à l'épidémie de Covid-19, n'a édicté que des mesures de restriction d'accès aux restaurants, limitées à la clientèle, et non aux hôtels, la société Petit Hôtel Confidentiel ne pouvant sérieusement soutenir qu'elle exploite des hébergements touristiques. Les restaurants sont demeurés physiquement accessibles aux exploitants, aux personnels, aux fournisseurs et même, sous certaines conditions, aux clients autorisés à pénétrer dans les restaurants pour récupérer les commandes, certains restaurateurs ayant décidé de proposer de la vente à emporter au moins momentanément.

Par ailleurs, les allocations du Président de la République ne sont pas sources de droit et ne peuvent donc être opposées à la force réglementaire des textes administratifs de portée géénrale.

En second lieu, les dispositions contractuelles précitées édictent, sans ambiguïté sauf à les dénaturer, que la garantie 'pertes d'exploitation' couvre le risque de la fermeture de l'établissement assuré, par une autorité administrative , fermeture qui peut être totale et partielle, dans des cas limitativement énumérés, à la condition que seul l'établissement assuré soit concerné par cette décision. La fermeture du seul établissement assuré est une condition de la garantie et a pour objet de définir le champ de la garantie, la clause d'exclusion de garantie étant celle qui prive l'assuré du bénéficie de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque. La phrase selon laquelle il ne peut s'agir d'une fermeture collective apporte une précision à la définition de la garantie et ne constitue pas, comme le soutient à tort la société Petit Hôtel Confidentiel, une clause d'exclusion, ce qui rend sans objet les observations de celle-ci sur le non respect du formalisme des clauses d'exclusion.

Par ailleurs, il est vain de soutenir qu'une épidémie ne pourrait pas concerner qu'un seul établissement : une épidémie peut tout à fait concerner qu'un établissement, telle une épidémie de salmonellose ou de légionellose.

En conséquence, les conditions de la garantie 'pertes d'exploitation suite à fermeture administrative' insérée dans l'annexe 'hôtels restaurants' du contrat d'assurance ne sont pas réunies et cette garantie n'est pas mobilisable.

Ainsi, la société Petit Hôtel Confidentiel sera déboutée de l'ensemble de ses prétentions et le jugement entrepris infirmé en toutes ses dispositions.

III - Sur les mesures accessoires

Les mesures accessoires du jugement entrepris seront infirmées. Succombant, la société Petit Hôtel Confidentiel sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de limiter la demande d'indemnité procédurale de la société Axa France Iard à la somme de 1 000 euros

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute la société Petit Hôtel Confidentiel de l'ensemble de ses prétentions,

Condamne la société Petit Hôtel Confidentiel aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Petit Hôtel Confidentiel à payer à la société Axa France Iard une indemnité procédurale de 1 000 euros.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le 03 septembre 2024

à

la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY

la SELARL CABINET ALCALEX

Copie exécutoire délivrée le 03 septembre 2024

à

la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Chambéry
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21/02497
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;21.02497 ?
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