MINUTE No 07/1566
NOTIFICATION :
ASSEDIC ( )
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :- avocats- délégués syndicaux- parties non représentées
COUR D'APPEL DE COLMARCHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 08 Novembre 2007
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A 06/05082Décision déférée à la Cour : 23 Octobre 2006 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE SCHILTIGHEIM
APPELANTEMadame Nathalie X..., comparante...67640 LIPSHEIMReprésentée par Me Vincent FRITSCH (avocat au barreau de STRASBOURG)
INTIMEE :SAS CHARCUTERIE PIERRE SCHMIDT, prise en la personne de son PDG, non comparante3 rue du Ried67220 WEYERSHEIMReprésentée par Me Sandrine DOGUET (avocat au barreau de STRASBOURG)
COMPOSITION DE LA COUR :L'affaire a été débattue le 02 Octobre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :Mme RASTEGAR, Président de ChambreMme SCHNEIDER, ConseillerMme WOLF, Conseillerqui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Melle FRIEH, Greffier
ARRET :- contradictoire- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme RASTEGAR, Président de Chambre,- signé par Mme RASTEGAR, Président de Chambre et Melle FRIEH, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Madame Nathalie X... a été embauchée par la SAS Charcuterie Pierre SCHMIDT par contrat de travail à durée indéterminée en date du 14 août 2000 en qualité de responsable rayon charcuterie et son dernier salaire mensuel moyen était de 2337,74 euros.
Son lieu de travail était l'emplacement commercial loué par son employeur au sein des Galeries Lafayette de STRASBOURG.
Le 27 septembre 2004, Madame X... a été contrôlée lors de la sortie du personnel de ce magasin et trouvée en possession de trois barquettes de boudin portant une date de péremption au 26 septembre 2004, en principe destinés à la poubelle, et elle a présenté un ticket de caisse pour l'achat de ces marchandises au prix de 0,50 centimes la barquette à l'origine étiquetée à 3,10 euros.
Elle a déclaré à un responsable des Galeries LAFAYETTE, selon un écrit réalisé le même jour et signé par elle, qu'elle avait elle-même modifié le prix et qu'elle ignorait qu'il était interdit de sortir des produits périmés. Dans ce même document, elle prenait acte que les faits allaient être portés à la connaissance de son employeur et qu'elle ne devait revenir au magasin qu'après y avoir été autorisée par la direction des Galeries.
Le 28 septembre 2004, la SAS Charcuterie Pierre SCHMIDT écrivait à sa salariée pour lui demander des explications sous 48 heures et Madame X... répondait par un courrier du 29 septembre que les produits périmés n'avaient pas été volés, mais achetés à un prix inférieur pour que la société ne soit pas perdante, et elle demandait que soit annulée la mise a pied injustifiée de la responsable des Galeries LAFAYETTE qui n'est pas son employeur.
Le 6 octobre 2004, la salariée était convoquée par la SAS Charcuterie Pierre SCHMIDT à un entretien préalable en vue de son licenciement et par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 octobre 2004, elle était licenciée pour faute grave, pour, en résumé, non respect des procédures d'achat du personnel en vigueur au sein du magasin d'accueil et des impératifs d'hygiène et de sécurité alimentaire, avec pour conséquences l'interdiction absolue pour elle de travailler au sein des Galeries LAFAYETTE et donc l'impossibilité de la maintenir à son poste, ainsi que la détérioration de l'image se son employeur auprès de ce magasin.
Madame X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de SCHILTIGHEIM pour contester ce licenciement, lequel, par jugement en date du 23 octobre 2006, l'a débouté de toutes ses prétentions, estimant que le seul fait de mettre en vente, que ce soit pour sa consommation personnelle ou celle de tiers, des marchandises périmées, au-delà de la date limite de consommation, constitue pour le salarié responsable du rayon un agissement contraire à la réglementation concernant l'hygiène des produits alimentaires, qu'un tel agissement met en cause la responsabilité de l'employeur et rend légitime un licenciement pour faute grave.
Elle a fait appel de cette décision le 21 novembre 2006 et elle conclut, par écrit en date du 29 septembre 2007, repris oralement à l'audience, à la condamnation de la SAS Charcuterie Pierre SCHMIDT à lui payer un total de 29689,29 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de préavis et de congés payés sur préavis et indemnité de licenciement, ainsi qu'une somme de 3000 euros par application de l'article 700 du NCPC, faisant valoir en substance que :- elle estime avoir été victime d'une mise à pied disciplinaire notifiée par une tierce partie, sans respect de la procédure correspondante, sanction que la lettre de licenciement s'est contentée d'avaliser, puisque le principal motif évoqué est l'interdiction absolue qui lui a été faite de travailler au sein des Galeries LAFAYETTE, soit dans un bâtiment occupé par un tiers, ce qui n'est ni une faute grave, ni même un motif réel et sérieux de licenciement ;- il y a eu double sanction du fait de cette mise à pied, confirmée d'une part par le fait qu'elle n'a pas dans un premier temps perçu de salaire pour les jours de son absence forcée, d'autre part par un courrier du 14 février 2004, dans lequel l'employeur a expressément reconnu cette mise à pied disciplinaire qu'il avait avalisée ;- la régularisation ultérieure de ses salaires n'a pas fait disparaître cette double sanction, qui ôte au licenciement intervenu pour les mêmes faits sa cause réelle et sérieuse ;- accessoirement à l'absence de consistance du grief de non respect des règles d'hygiène et de sécurité alimentaire, car d'une part le risque d'un engagement de la responsabilité de l'entreprise n'a été qu'hypothétique s'agissant d'un achat qu'elle a fait pour sa propre consommation, l'hypothèse de vente à un tiers n'étant pas démontrée, et sous sa propre responsabilité, d'autre part la date de péremption ne rendait pas les produits impropres à la consommation mais seulement à la vente, enfin il n'y avait pas faute de sa part à diminuer le prix des marchandises qui n'avaient plus aucune valeur et qu'elle a néanmoins payées 1,50 euros, donc qu'elle n'a pas volées, aucun règlement intérieur ne lui ayant été communiqué, interdisant cette pratique alors qu'il était d'usage de démarquer le prix des articles proches de la péremption ;- elle n'a pas non plus nui à son employeur dans ses rapports avec les Galeries Lafayette et son exclusion de ce magasin n'obligeait pas son employeur à complaire à ce dernier et à la licencier, car il pouvait l'affecter dans un autre établissement ou au moins se contenter de la licencier pour un motif non disciplinaire ;- enfin même si son comportement devait être considéré comme fautif, il ne saurait y avoir faute grave, s'agissant d'un fait isolé, non dissimulé et n'ayant causé aucun préjudice.
La SAS Charcuterie Pierre SCHMIDT conclut par mémoire du 23 août 2007, développé oralement, à la confirmation du jugement entrepris et réclame 1500 euros au titre de l'article 700 du NCPC , en expliquant pour l'essentiel que :
- en aucun cas le magasin des Galeries LAFAYETTE n'a pu notifier de mise à pied à Madame X..., puisqu'il n'était pas son employeur, mais il a à la fois informé celle-ci, comme le prouve l'écrit qu'elle a signé après le contrôle du 27 septembre 2004, et son employeur, par courrier du même jour, du fait que sa présence n'était plus souhaitée au sein de l'établissement ;- elle a respecté la procédure de licenciement, après avoir d'abord sollicité les explications de la salariée, sans avoir procédé à une mise à pied disciplinaire ou conservatoire et elle a payé à Madame X..., qui a justifié d'arrêts maladie du 30 septembre au 17 octobre 2007, tous ses jours d'absence, par régularisation sur plusieurs bulletins de paye ;- les règles d'hygiène alimentaire sont impératives et Madame X... a pris des produits périmés, dont la date de consommation et non celle de vente était expirée, ce qui les rendaient susceptibles de présenter à courte période un danger pour la santé humaine, pour une consommation extérieure, peu important que ce soit la sienne ou celle d'un tiers, ce qui constitue une faute grave selon une jurisprudence constante de la Cour de Cassation ;- de plus, la salariée a de son propre fait déterminé un prix, ce qui n'est pas conforme à la procédure d'achat du personnel.
SUR CE,
Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour un plus ample exposé de leurs moyens et arguments,
- Sur la forme
La recevabilité de l'appel et sa régularité formelle ne sont pas contestées
- Au fond
Il ressort des pièces produites aux débats que le 27 septembre 2004 à 13 heures 40, comme l'indique l'écrit rédigé par elle et contresigné par deux employés des Galeries Lafayette, dont l'adjointe au responsable ALIMENTATION, Madame X... s'est vu notifier une interdiction de revenir au magasin sans autorisation de la direction des Galeries et que, le même jour, le responsable du personnel des Galeries Lafayette, Monsieur A..., a écrit à la société Pierre SCHMIDT, employeur de cette salariée, pour lui faire part du contrôle intervenu et de la constatation d'une sortie de produits périmés, interdite par les procédures réglementaires du magasin et susceptible d'un licenciement immédiat pour faute grave pour le personnel de ce magasin, et lui indiquer que Madame X... était remise à la disposition de son employeur, à qui il demandait de prendre les mesures qu'il estimait nécessaires.
Au vu de ce courrier des Galeries Lafayette, il est constant que la SAS Charcuterie Pierre SCHMIDT a, dès le lendemain, écrit à Madame X..., pour lui demander des explications sous 48 heures, sans cependant lui notifier de mise à pied conservatoire, alors que la salariée se trouvait du fait de la décision des Galeries Lafayette dans l'impossibilité de se rendre sur son lieu habituel de travail, ni lui proposer de l'affecter à un autre poste dans l'entreprise, ce qui la privait effectivement de tout travail.
Cette privation de travail a en l'occurrence perduré jusqu'à la notification à Madame X... de son licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 octobre 2004, puisque jamais son employeur ne lui a offert d'exercer d'autres fonctions, peu important que dans l'intervalle elle se soit retrouvée en arrêt de travail pour une dépression réactionnelle.
Par ailleurs, malgré une régularisation en février 2005, intervenue plus que tardivement, il est avéré que Madame X... a immédiatement été privée de salaire, sur son bulletin de salaire de septembre, pour « absence autorisée non rémunérée » du 28 septembre au 30 septembre 2004, puis encore en octobre, pour une absence qualifiée de manière identique du 18 au 19 octobre 2004, correspondant aux deux jours ayant suivi son arrêt de travail pour maladie jusqu'à la prise d'effet de son licenciement.
Tant l'impossibilité dans laquelle s'est trouvée Madame X... consécutivement aux faits du 27 septembre 2004 d'exécuter son contrat de travail du seul fait de son employeur, qui a implicitement entériné la décision d'exclusion prise à son encontre par les Galeries Lafayette, que la décision immédiate de la société SCHMIDT de ne pas lui verser de salaire pour les jours où, contre son gré et non pas en y étant autorisée (cf. le courrier de Madame X... en date du 28 janvier 2005, contestant la qualification d'absence autorisée non rémunérée), elle n'a effectivement pas été en mesure de travailler, constituaient une sanction, qui revêtait en l'espèce, compte tenu surtout de la privation de salaire qui n'est possible que si une faute grave est retenue contre le salarié, les caractéristiques d'une mise à pied pour motif disciplinaire.
Il convient de relever que la SAS Pierre SCHMIDT n'a pas jugé utile de répondre à la lettre de Madame X... en date du 29 septembre 2004, qui lui demandait d' « annuler purement et simplement la mise à pied injustifiée » dont elle avait fait l'objet de la part d'une responsable des Galeries Lafayette, qui n'était pas son employeur, ce qui corrobore qu'elle approuvait l'exclusion de son employée de ce magasin intervenu pour un manquement sur le sort à réserver aux produits périmés qualifié de faute grave, qui n'était pourtant pas une infraction à des règles édictées par la société, mais à une règle propre au personnel des Galeries Lafayette et ne s'appliquant en principe qu'à ce personnel comme en attestent les deux documents à l'en-tête de ce magasin produits aux débats.
Par ailleurs, force est de constater que la SAS Pierre SCHMIDT a explicitement reconnu qu'elle avait pris une mesure de mise à pied disciplinaire contre Madame X..., puisque c'est l'explication qu'a avancé Monsieur B..., Directeur Général, qui a aussi signé la lettre de licenciement, dans un courrier du 14 février 2005 adressé à l'appelante pour justifier, suite à son courrier de protestation du 28 janvier 2005, la saisie d'une absence sans salaire du 28 septembre au 30 septembre 2004, tout en précisant que le motif de mise à pied disciplinaire ne devait pas apparaître sur les fiches de paie (!).
Cette mise à pied disciplinaire, intervenue sans respect de la procédure prescrite par l'article L122-41 du code du travail, privait le licenciement prononcé le 18 octobre 2004 à raison des mêmes agissements du 27 septembre 2004 de cause réelle et sérieuse, puisqu'un même fait ne peut donner lieu à une double sanction.
Par conséquent et sans qu'il ne soit nécessaire de statuer sur le bien fondé de ce licenciement, il convient d'infirmer la décision entreprise et de faire doit aux demandes de Madame X... en paiement des sommes suivantes :
- deux mois de salaire à titre d'indemnité de préavis, soit 4675,48 euros ;- les congés payés sur cette indemnité de préavis, soit 467,54 euros ;- l'indemnité légale de licenciement , soit 1 168,87 euros.
Par application de l'article L 122-14-4 du code du travail et faute de preuve par l'intimée d'un préjudice plus important, il sera aussi accordé à Madame X... six mois de salaire, soit au total une somme de 14026,44 euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Tous les montants alloués seront assortis des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, en l'absence de demande plus spécifique.
La SAS Charcuterie Pierre SCHMIDT, qui succombe, gardera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.
Il est équitable par ailleurs d'allouer à Madame X... une somme de 1500 euros pour ses frais non répétibles pour les deux instances.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE l'appel régulier et recevable ;
Au fond,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
DIT que Madame X... a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire et que par conséquent son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la SAS Charcuterie Pierre SCHMIDT à payer à Madame Nathalie X... les sommes de :
- 4675,48 euros (quatre mille six cent soixante quinze euros quarante huit centimes) à titre d'indemnité de préavis ;- 467,54 euros (quatre cent soixante sept euros cinquante quatre centimes) au titre des congés payés sur cette indemnité de préavis ;- 1 168,87 euros (mille cent soixante huit euros quatre-vingt sept centimes) à titre d'indemnité légale de licenciement ;- 14 026,44 euros (quatorze mille vingt-six euros quarante quatre centimes) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
le tout avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
CONDAMNE la SAS Charcuterie Pierre SCHMIDT aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
LA CONDAMNE à payer à Madame X... 1500 euros (mille cinq cent euros) par application de l'article 700 du NCPC.
Et le présent arrêt a été signé par Mme RASTEGAR, Président et Mlle FRIEH, greffier.