MINUTE N° 360 / 2008
Copie exécutoire à
-la SCP CAHN et associés-Me Joseph WETZEL
COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE-SECTION A
ARRÊT DU 22 Mai 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 06 / 02634 Décision déférée à la Cour : 11 Avril 2006 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG
APPELANTE et défenderesse :
SCI UNGRA, représentée par son gérant M. X... dont le siège social est, 2 rue Louis Pasteur à 67117 ITTENHEIM
Représentée par la SCP CAHN et associés, avocats au barreau de COLMAR, Avocat plaidant : Me Rita BADER, avocat au barreau de STRASBOURG,
INTIMÉE et demanderesse et APPELANTE INCIDENT :
SCI DPCH, représentée par son gérant dont le siège social est, 8 rue des Cerisiers à 67117 ITTENHEIM
Représentée par Me Joseph WETZEL, avocat au barreau de COLMAR, Avocat plaidant : Me Stéphane MEYER, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 12 Mars 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : M. WERL, Président de Chambre Mme CONTE, Conseiller Mme DIEPENBROEK, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme LAEMLE,
ARRÊT :- Contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par M. Michel WERL, président et Mme Corinne LAEMLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
- Ouï Mme CONTE, Conseiller, en son rapport FAITS et PROCÉDURE :
La SCI DPCH et la SCI UNGRA sont propriétaires de deux fonds voisins situés à ITTENHEIM et entre leurs bâtiments respectifs il existe un passage dont la largeur varie de 1, 18 mètres à 0, 70 mètres et au milieu duquel se trouve la limite séparative des deux propriétés.
Considérant que nonobstant l'obtention d'un permis de construire accordé le 2 août 1999 mais sous réserve du droit des tiers, la SCI UNGRA avait fait construire un garage surmonté d'un toit en terrasse créant une vue droite sur son fonds sans respecter les distances légales, la SCI DPCH a, le 6 mai 2004 fait citer celle-là aux fins de la voir contraindre à démolir cet ouvrage, d'autant que celui-ci entraînait un déversement illicite d'eaux pluviales sur son fonds.
Reconventionnellement la SCI UNGRA a sollicité que la SCI DPCH soit condamnée à ôter les fenêtres de toit et autres ouvertures installées en contrevenant aux distances légales.
Par jugement du 11 avril 2006 le Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG a :
- condamné la SCI UNGRA à supprimer le mur du garage,
- condamné la SCI DPCH à supprimer toute possibilité d'ouverture des fenêtres,
- rejeté toutes les autres prétentions.
Le 26 mai 2006 la SCI UNGRA a interjeté appel général de ce jugement.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 23 novembre 2007.
PRÉTENTIONS et MOYENS des PARTIES :
Pour un plus ample exposé, la Cour se réfère expressément aux dernières conclusions déposées par les parties :
- le 6 novembre 2007 par la SCI UNGRA,- le 25 septembre 2007 par la SCI DPCH.
Par voie de réformation du jugement entrepris la SCI UNGRA conclut au débouté des prétentions de la SCI DPCH et elle réitère ses demandes reconventionnelles.
Relevant appel incident la SCI DPCH forme les mêmes demandes qu'en première instance et elle sollicite le rejet des demandes reconventionnelles.
MOTIFS :
Attendu que s'agissant des demandes principales de la SCI DPCH, le Tribunal au vu des plans et témoignages produits par cette dernière, qu'il a décrits et analysés sans les dénaturer, a exactement retenu qu'elle bénéficiait depuis plus de 30 ans de vues droites sur le fonds de la SCI UNGRA ;
Que ce n'est qu'au moyen de ses propres affirmations que celle-ci soutient le contraire ;
Que les témoignages cités par le premier juge font état depuis plus de 30 ans de fenêtres ouvrantes et transparentes, et l'entreprise ZIMMERMANN qui a remplacé des vantaux et vitres sur ces ouvertures indique que les anciens éléments dataient de 1879 ;
Que partant la SCI DPCH, ainsi que l'a justement déduit le Tribunal, est fondée à faire grief à la SCI UNGRA d'avoir méconnu ses droits nés des vues droites en construisant un garage à une distance inférieure à celle exigée par l'article 678 du Code Civil, étant souligné qu'il est constant que la distance est de 1, 18 mètre ;
Attendu que la SCI UNGRA prétend vainement être dispensée du respect de la distance précitée au motif que les propriétés sont séparées par un " Schlupf ", alors qu'il n'appert d'aucun élément que ce passage serait public, ni commun aux deux fonds ;
Que de même c'est à tort que le SCI UNGRA soutient qu'elle aurait acquis par prescription trentenaire le droit de construire à une distance inférieure à celle légalement prescrite aux motifs que l'ouvrage édifié en 1999 l'était sur l'emplacement d'un ancien garage construit dans les mêmes conditions de distance en 1957 et démoli en 1987 ;
Que sur ce point la SCI DPCH réplique à bon droit, qu'à supposer comme le soutient la SCI UNGRA que son droit ait pu revivre en application de l'article 704 du Code Civil, ce moyen s'avère néanmoins sans emport alors que le maintien pendant au moins 30 ans du premier garage n'est pas établi ;
Qu'en effet s'il est acquis aux débats que ce dernier a été démoli en 1987, en revanche sa date d'édification demeure incertaine alors qu'il résulte des plans produits qu'il n'existait pas avant le 24 mars 1956, mais que son existence n'apparaît que sur un plan daté de 1959 ;
Attendu que consécutivement la SCI DPCH revendique à bon droit la démolition de l'ouvrage qui est le seul moyen de mettre fin à la méconnaissance de ses droits, et ceci quand bien même la construction était conforme au permis de construire ;
Que le jugement sera réformé en ce sens avec prévision d'une astreinte, étant observé que la suppression du mur du garage qu'il s'était borné à ordonner s'avérait aussi inexécutable qu'insusceptible de faire cesser le trouble illicite causé à la SCI DPCH ;
Que par voie de dépendance nécessaire la démolition totale de l'ouvrage règle le litige afférent à la toiture terrasse comme à l'évacuation des eaux pluviales du bâtiment litigieux sans qu'il y ait lieu d'examiner les moyens développés à cet égard ;
Attendu que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la SCI UNGRA de sa prétention à voir condamner la SCI DPCH à supprimer les fenêtres de toit qu'elle a fait poser aux motifs que la distance légale ne serait pas respectée ;
Que la SCI DPCH produit une attestation de l'entreprise ZIMMERMANN qui précise qu'elle a posé les fenêtres litigieuses à une distance de 1, 90 mètre de la limite de propriété voisine ;
Qu'il s'en évince que l'article 678 du Code Civil n'a pas été ignoré, et la sincérité de ce constat n'est pas remise en cause par les termes insuffisamment circonstanciés de l'attestation de M. A... architecte, qui à la demande de la SCI UNGRA affirme que la distance légale ne serait pas respectée, mais sans préciser en vertu de quels éléments techniques-notamment s'il aurait réalisé des mesures-il se prononçait en ce sens ;
Attendu que la confirmation du jugement s'impose encore en l'absence d'éléments et de moyens nouveaux, en ce qu'il a rejeté la demande de suppression de la SCI UNGRA des ouvertures réalisées par la SCI DPCH dans les bâtiments qui ne sont pas en face de sa propriété ;
Attendu qu'il y a lieu de réformer la décision du premier juge qui a débouté la SCI UNGRA de sa demande de suppression de deux fenêtres ouvertes par la SCI DPCH mais qui a néanmoins condamné cette dernière à supprimer sous astreinte toute possibilité d'ouverture alors qu'il était d'ores et déjà établi que les ouvertures n'étaient constitutives que de jours et non de vues ;
Que le 28 septembre 2005, Maître Y... Huissier de Justice avait constaté que lesdites fenêtres étaient équipées de verres translucides obstruant la vue, et que leur ouverture s'avérait impossible la poignée tournant dans le vide, ce qui était donc assimilable à un châssis fixé ;
Qu'au surplus en produisant une facture du 30 avril 2006 émanant de l'entreprise ZIMMERMANN ayant pour objet la suppression des gonds et des poignées des fenêtres litigieuses, la SCI DPCH établit qu'elle a fait lever toute ambiguïté sur la nature des ouvertures ;
Attendu qu'il résulte du tout que la SCI UNGRA argue à tort à la mauvaise foi de la SCI DPCH ;
Attendu que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la SCI DPCH a subi un nécessaire préjudice, distinct de celui qu'indemnisera la démolition, pendant toute la période où ses droits ont été méconnus ;
Qu'il sera entièrement réparé, en l'absence d'éléments plus précis notamment sur la destination des pièces où les vues ont été réduites, par la condamnation de la SCI UNGRA à lui payer la somme de 1. 500 € à titre de dommages-intérêts ;
Attendu que le jugement sera infirmé en ce qui concerne les dépens et frais irrépétibles ;
Attendu que la SCI UNGRA sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement à la SCI DPCH de la somme de 3. 000 € pour frais irrépétibles de première instance et d'appel, sa propre demande à ce titre étant rejetée ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris seulement en ce qu'il a débouté la SCI UNGRA de ses demandes tendant à la condamnation de la SCI DPCH à supprimer les fenêtres de toits et des autres ouvertures ainsi qu'à lui payer des dommages-intérêts,
INFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
CONDAMNE la SCI UNGRA à faire démolir complètement le garage édifié selon permis du 2 août 1999 dans les six mois de la signification de l'arrêt et passé ce délai sous astreinte provisoire de 1. 000 € (mille euros) par mois pendant 6 mois,
CONSTATE que la terrasse et l'évacuation d'eaux pluviales incluses dans ce garage seront démolies en même temps que ce dernier,
CONDAMNE la SCI UNGRA à payer à la SCI DPCH la somme de 1. 500 € (mille cinq cents euros) en réparation de son entier préjudice ainsi que la somme de 3. 000 € (trois mille euros) pour frais irrépétibles de première instance et d'appel,
DIT que les deux fenêtres crées par la SCI DPCH équipées de verres translucides et non transparentes dont l'ouverture est impossible constituent des jours et non des vues,
DÉBOUTE la SCI UNGRA de ses autres demandes,
CONDAMNE la SCI UNGRA aux dépens de première instance et d'appel.