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10/06/2008 | FRANCE | N°06/04916

France | France, Cour d'appel de colmar, Ct0086, 10 juin 2008, 06/04916


MINUTE N° 08 / 867
COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE-SECTION B

ARRET DU 10 Juin 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 B 06 / 04916
Décision déférée à la Cour : 31 Mai 2006 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MOLSHEIM
APPELANTE :
EURL LE CHATELAIN AYANT FUSIONNE ET ABSORBE LA SARL LE CLOS DES DELICES, prise en la personne de son représentant légal, 41, rue Monseigneur Barth 67530 BOERSCH Comparant en la personne de son gérant, Monsieur X..., représenté par Me NICOLAS remplaçant Me Laurent HINCKER-avocat au barreau de STRASBOURG
>INTIMEE :
Madame Béatrice Z... épouse A...... ... Comparante, représentée par Me Pascali...

MINUTE N° 08 / 867
COUR D'APPEL DE COLMAR CHAMBRE SOCIALE-SECTION B

ARRET DU 10 Juin 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 B 06 / 04916
Décision déférée à la Cour : 31 Mai 2006 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MOLSHEIM
APPELANTE :
EURL LE CHATELAIN AYANT FUSIONNE ET ABSORBE LA SARL LE CLOS DES DELICES, prise en la personne de son représentant légal, 41, rue Monseigneur Barth 67530 BOERSCH Comparant en la personne de son gérant, Monsieur X..., représenté par Me NICOLAS remplaçant Me Laurent HINCKER-avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :
Madame Béatrice Z... épouse A...... ... Comparante, représentée par Me Pascaline WEBER-avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Avril 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme BURGER, Conseiller faisant fonction de Président M. DIE, Conseiller Mme GAILLY, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme MASSON,
ARRET :- contradictoire-prononcé par mise à disposition au greffe par Mme Catherine BURGER, Conseiller faisant fonction de président-signé par Mme Catherine BURGER, Conseiller faisant fonction de président et Mme Linda MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :
Le 24 juillet 1989, Madame Béatrice Z... épouse A... fut engagée comme secrétaire comptable au service de l'entreprise de restauration, à l'enseigne " LE CLOS DES DELICES ", appartenant à Monsieur Désiré X... et exploitée par Madame Marie-Claire Z..., épouse de ce dernier et cousine de la salariée embauchée.
Le 1er octobre 2000, le fonds de commerce fut confié en location-gérance à la société nouvellement créée LE CLOS DES DELICES dont Madame Marie-Claire Z... fut nommée gérante, puis Monsieur Désiré X... à compter du 1er novembre 2002.
A partir du 06 janvier 2003, Madame Béatrice Z... épouse A... observa des arrêts de travail médicalement et successivement prescrits à raison d'un état dépressif sévère.
Le 15 janvier 2003, Madame Béatrice Z... épouse A... dénonça à son employeur la situation de harcèlement dont elle disait être victime de la part de Monsieur Désiré X... et qu'elle considérait résulter de l'écoute de ses communications téléphoniques, de la fouille, de ses poubelles et de menaces.
Les 10 et 24 juin 2003, le médecin du travail émit successivement deux avis pour déclarer Madame Béatrice Z... épouse A... définitivement inapte à tout poste dans l'entreprise.
Par acte du 23 juin 2003 avec effet rétroactif au 1er janvier 2002, la société LE CLOS DES DELICES fut absorbée par la société LE CHATELAIN dont Monsieur Désiré X... est le gérant.
Le 18 juillet 2003, la société LE CHATELAIN convoqua Madame Béatrice Z... épouse A... à un entretien préalable fixé au 28 juillet 2003.
Par lettre recommandée du 1er août 2003, elle lui notifia son licenciement pour inaptitude médicale.
Le 19 septembre 2003, Madame Béatrice Z... épouse A... saisit la juridiction prud'homale en indemnisation du préjudice qu'elle considérait résulter d'un harcèlement moral et d'une rupture du contrat de travail imputable à l'employeur.
Le 31 mai 2006, par jugement de sa section du commerce, le conseil de prud'hommes de MOLSHEIM constata que la société LE CHATELAIN avait réglé à la salariée un montant de 853, 94 € nets. Il dit que la salariée demanderesse avait été victime de faits de harcèlement moral. Il dit que la rupture du contrat était imputable à l'employeur. Il condamna la société LE CHATELAIN à payer les sommes de 100, 34 € pour solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de 3. 313, 82 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 331, 38 € pour les congés payés y afférents, de 9. 941, 66 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article L. 122-14-5 du Code du travail, de 15. 000 € en réparation du préjudice fixé au harcèlement moral, et de 1. 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le 02 novembre 2006, la société LE CHATELAIN interjeta régulièrement appel de ce jugement à elle notifié le 07 octobre 2006.
A l'audience, la société LE CHATELAIN fait oralement développer ses conclusions d'appel déposées le 06 mars 2006 en contestant le harcèlement invoqué et son imputabilité. Il demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter la salariée, subsidiairement de dire que les faits ont été commis par un tiers à l'entreprise, et de condamner la salariée à verser 15. 000 € pour procédure abusive ainsi que 3. 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Madame Béatrice Z... épouse A... fait oralement reprendre ses conclusions déposées en réplique le 11 juin 2007. Elle demande à la Cour le retrait de propos diffamatoires contenus dans les écrits de la partie adverse en date du 03 avril 2007, de confirmer le jugement entrepris et de condamner la société LE CHATELAIN à verser 2. 000 € au titre de frais irrépétibles.
Il est référé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
SUR QUOI, LA COUR ;
Sur les propos diffamatoires :
Dans des conclusions du 03 avril 2007, non reprises oralement à l'audience, la société appelante a écrit que la salariée intimée entretenait des " relations extra-conjugales ".
Cette assertion a un caractère calomnieux. Elle n'est justifiée ni par les nécessités de l'exposé du litige, ni par la défense des intérêts de la société appelante.
Dès lors, en application de l'article 24 du Code de procédure civile, la salariée intimée est fondée à obtenir le retrait de ces propos qu'elle considère diffamatoires à son égard et qui, en tout cas, sont contraires à la réserve que les parties sont tenues d'observer en cours de l'instance.
Sur le harcèlement moral :
Selon l'article L. 1152-1 du Code du travail, le harcèlement moral est caractérisé par des agissements répétés qui ont pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié, susceptible de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1154-1 du Code du travail, il appartient au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence du harcèlement dont il se plaint, à charge pour la partie défenderesse d'apporter la preuve contraire.
En l'espèce, la salariée intimée justifie d'une série de faits au soutien de sa prétention.
En premier lieu, la salariée intimée produit un certificat de son médecin psychiatre et un rapport d'examen par les médecins du service de pathologie professionnelle et de médecine du travail des hôpitaux universitaires de Strasbourg, selon lesquels elle a présenté un syndrome dépressif sévère réactionnel à sa situation professionnelle.
En deuxième lieu, la salariée intimée se réfère à l'attestation délivrée par Madame Michel B..., cuisinier au service de l'entreprise, selon laquelle Monsieur Désiré X... menaçait les salariés en disant qu'il savait beaucoup de choses sur chacun d'entre-eux, qu'il enregistrait les communications téléphoniques et qu'il disposait de très nombreuses cassettes. Monsieur Michel B... a indiqué que les conditions de travail étaientt exécrables pour tout le personnel, et en particulier pour la salariée intimée.
En troisième lieu, la salariée intimée présente l'attestation qu'a délivrée son époux Gilbert A... pour expliquer que le harcèlement trouve son origine dans le conflit conjugal qui a opposé les exploitants de l'entreprise, et qui a conduit Monsieur Désiré X... à surveiller les communications téléphoniques de son épouse Marie-Claire Z.... Monsieur Gilbert A... a précisé que Monsieur Désiré X... lui avait affirmé avoir enregistré des conversations téléphoniques de la salariée intimée et avoir fouillé ses poubelles.
Il en résulte que sont établis des faits qui font présumer un harcèlement moral par la répétition d'agissements qui ont attenté au droit à la vie privée et à la dignité de la salariée intimée, qui ont gravement détérioré ses conditions de travail et qui ont provoqué une altération de sa santé.
La salariée intimée satisfait donc à son obligation.
En revanche, la société appelante n'apporte aucune preuve contraire à la présomption qui résulte des éléments de faits établis par la salariée intimée. Elle se limite à prétendre que les faits allégués sont imputables à une personne extérieure à l'entreprise.
En réalité, elle indique elle-même que Monsieur Désiré X... est devenu le gérant de la société LE CLOS DES DELICES à compter du 1er novembre 2002. Madame Béatrice Z... épouse A... s'est donc trouvée dans une relation directe avec l'auteur des faits de harcèlement, et elle lui était subordonnée dans le cadre de l'entreprise.
Au surplus, en application de l'article L. 1152-4 du Code du travail, l'employeur était tenu de prendre les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. Mais la société appelante n'a donné aucune suite à la lettre du 15 janvier 2003 par laquelle la salariée lui a dénoncé les faits de harcèlement dont elle était victime.
Il s'en suit que la salariée intimée doit être reconnue comme ayant fait l'objet d'un harcèlement et que la société appelante est tenue d'indemniser le préjudice résultant de cette faute qui lui est imputable.
Sur l'importance du préjudice résultant du harcèlement et sur le montant de l'indemnité qui doit le réparer, aucune des parties ne critique l'exacte évaluation opérée par les premiers juges et il y a donc lieu de confirmer la condamnation qu'ils ont prononcée de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail :
La salariée intimée a été licenciée pour inaptitude physique. Elle établit, comme il est dit ci-dessus, que son inaptitude physique était la conséquence directe du harcèlement imputable à l'employeur.
Cette circonstance prive de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé.
La salariée est dès lors fondée en ses demandes d'indemnisation du préjudice résultant du licenciement abusivement prononcé, comme en ses prétentions à un solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement, à une indemnité compensatrice de préavis et à une indemnité compensatrice des congés payés y afférents, et ce pour les montants que les premiers juges ont exactement arrêtés, qu'aucune des parties ne critique en leur fixation, et qu'il y a donc lieu de confirmer.
Sur les dispositions accessoires :
La société appelante, qui succombe, ne démontre pas le caractère abusif de la procédure engagée par la salariée intimée. Elle doit être déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts de ce chef.
En revanche, par application de l'article 700 du Code de procédure civile, il est équitable qu'elle contribue aux frais irrépétibles qu'elle a contraint la salariée intimée à encore exposer à hauteur d'appel, en sus de l'indemnité déjà allouée sur le même fondement au titre de la première instance des deux procédures.
En application de l'article 696 du même Code, il échet de mettre les dépens à sa charge.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après en avoir statué conformément à la loi,
Déclare recevable l'appel interjeté ;
Ordonne le retrait des conclusions du passage dans lequel la société LE CHATELAIN a écrit que Madame Béatrice Z... épouse A... entretenait des " relations extra-conjugales " ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Déboute la société LE CHATELAIN de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamne la société LE CHATELAIN à verser à Madame Béatrice Z... épouse A... la somme de 1. 000 € (mille euros) à titre de nouvelle contribution aux frais irrépétibles ;
Condamne la société LE CHATELAIN à supporter les dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : Ct0086
Numéro d'arrêt : 06/04916
Date de la décision : 10/06/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Molsheim, 31 mai 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2008-06-10;06.04916 ?
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