MINUTE N° 664 / 2008
Copie exécutoire à
- Me Julien ZIMMERMANN
Copie à M. le PG
Arrêt notifié aux parties
COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE-SECTION B
ARRET DU 11 Septembre 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 1 B 08 / 01233
Décision déférée à la Cour : 31 Janvier 2008 par le INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE DE PARIS
DEMANDERESSE AU RECOURS : SAS GEORGIA PACIFIC FRANCE 11 Route Industrielle 68320 KUNHEIM
représentée par Me Julien ZIMMERMANN, avocat à la Cour Avocat plaidant : Me BOESPFLUG, avocat à PARIS
DÉFENDEUR AU RECOURS : Monsieur le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle-INPI 26 bis rue de Saint Petersbourg 75800 PARIS CEDEX 08
représenté par Mlle Mathilde MECHIN, chargée de mission, munie d'un pouvoir
PARTIE APPELÉE EN LA CAUSE : Madame Valérie A... agissant pour le compte de la Société Nouvelle ...
ni comparante ni représentée
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 18 Juin 2008, en audience publique, devant la Cour composée de : M. LITIQUE, Président de Chambre, entendu en son rapport Mme MAZARIN-GEORGIN, Conseiller M. ALLARD, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme MUNCH-SCHEBACHER
Ministère Public : représenté lors des débats par Monsieur François JURDEY, avocat général, qui a fait connaître son avis et dont les réquisitions écrites ont été communiquées aux parties.
ARRÊT :
- réputé contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.- signé par M. Jean-Marie LITIQUE, président et Mme Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 25 avril 2007, Mme Valérie A... agissant pour le compte de la société en formation " SOCIETE NOUVELLE " a déposé auprès de l'INPI une demande d'enregistrement sous le n° 07 3 497 537 portant sur le signe verbal GRAIN DE LOTUS et concernant les produits suivants : " savons ; parfums ; huiles essentielles ; cosmétiques ; lotions pour les cheveux ; dentifrices ; dépilations ; produits de maquillage ; rouge à lèvres, masques de beauté ; produits de rasage ".
Invoquant l'antériorité de la marque verbale LOTUS déposée par elle sous le n° 1 703 322, renouvelée en dernier lieu par déclaration du 29 octobre 2001 et portant sur les produits suivants : " parfumerie et cosmétiques, ouates pour cosmétiques ; lingettes parfumées, coton ", la société en commandite par actions (SCA) GEORGIA PACIFIC FRANCE a formé opposition le 1er août 2007 à l'enregistrement de cette marque en expliquant que, propriétaire de cette marque suite à une transmission de propriété inscrite au Registre National des Marques, elle estimait que la marque à enregistrer portait sur des produits identiques ou similaires, et que celle-ci était, au niveau des signes, une imitation de la marque antérieure ou pouvait apparaître comme une déclinaison de celle-ci.
Dans le cadre de la procédure d'opposition, la société requérante ne devait formuler aucune observation.
Dans sa décision du 31 janvier 2008, le Directeur de l'INPI a rejeté l'opposition aux motifs essentiels que, si les produits de la marque à enregistrer étaient similaires ou identiques à ceux de la marque antérieure, la présence commune dans les deux marques du terme " LOTUS " dépourvu de caractère distinctif ne constituait pas l'élément distinctif et dominant du signe contesté ; que les deux signes présentaient une impression d'ensemble différente tant au point de vue visuel et phonétique qu'intellectuellement ; enfin que si l'identité et le degré élevé de similitude des produits en cause constituaient des facteurs d'appréciation du risque de confusion entre deux marques, ces circonstances ne sauraient empêcher l'emploi de LOTUS dans son sens descriptif au sein du signe contesté, si bien que globalement il n'existait pas de risque de confusion sur l'origine de ces marques dans l'esprit du public concerné.
A l'encontre de cette décision notifiée le 1er février 2008 à personne habilitée, la société GEORGIA PACIFIC FRANCE a formé recours par déclaration déposée le 28 février 2008 au Greffe de la Cour.
Se référant à ses derniers écrits du 9 juin 2007, la demanderesse au recours conclut à l'annulation de la décision du Directeur de l'INPI aux motifs essentiels que :
- l'identité ou la similarité des produits entre les deux marques est admise
- les deux signes en cause présentent une importante similarité
- le caractère distinctif s'apprécie au jour du dépôt et la marque le conserve ensuite, sauf déchéance ne relevant pas de la compétence de l'INPI
- en tout état un signe constitué d'un terme simplement évocateur est valable
- l'INPI a implicitement admis que le terme LOTUS n'exerce pas les fonctions descriptives au sein de la marque à enregistrer
- le risque de confusion est avéré, nonobstant les quelques différences visuelles, phonétiques et conceptuelles retenues par l'INPI
- ce risque s'appréciant globalement implique une certaine indépendance entre la similitude des signes et celle des produits en cause.
Dans ses observations écrites devant la Cour, le Directeur de l'INPI fait valoir en substance que :
- les deux risques ne suscitent pas la même impression d'ensemble au plan visuel et phonétique
- le terme LOTUS n'a pas un caractère dominant dans le signe contesté et n'a qu'un faible degré de caractère distinctif au regard des produits en cause. Il est purement descriptif de la composition de ceux-ci à base de lotus
- le consommateur percevra le signe contesté dans sa globalité sans attacher une importance plus grande aux termes " GRAIN DE "
- le risque de confusion est donc minime.
Dans ses observations écrites et orales devant la Cour, Monsieur le Procureur Général estime qu'il existe au contraire un risque de confusion entre les deux marques.
Avisée par lettre recommandée du recours (accusé réception 31 mars 2008) et de la date de l'audience de débats (accusé réception 31 mars 2008), Mme A... Valérie, régulièrement appelée en la cause, n'a pas comparu ni personne pour elle.
SUR QUOI LA COUR :
Vu la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments :
La recevabilité du recours n'est pas remise en cause et n'est pas contestable.
A. - Sur la comparaison des produits :
Toutes les parties admettent que les produits de la marque à enregistrer sont identiques ou similaires à ceux de la marque antérieure.
B. - Sur la comparaison des signes :
Le risque de confusion s'apprécie globalement en fonction tant de l'impression d'ensemble dégagée par les deux marques en ce qui concerne leur similitude visuelle, auditive ou conceptuelle que des éléments distinctifs et dominants de chacun des signes.
On est en présence d'une marque simple LOTUS et d'une marque complexe GRAIN DE LOTUS composée d'une expression.
Elles ont donc en commun le terme LOTUS distinctif au regard des produits qu'il ne désigne ni pour leur origine, ni habituellement par une de leurs caractéristiques, les libellés en présence devant être comparés tels que déposés indépendamment des circonstances d'exploitation réelles ou supposées (Com. 19 / 12 / 2000- C. A COLMAR 11 / 09 / 2008 PARADIS / LE PARADIS D'ADAM).
Par ailleurs, pour prétendre à l'autonomie et à la protection, la marque complexe postérieure doit former une expression ayant un pouvoir évocateur propre.
Or force est de constater que cette expression renvoie immanquablement au LOTUS, le grain étant le premier maillon de la chaîne botanique aboutissant à la fleur de LOTUS et donc à cette plante. Dès lors que dans l'esprit du consommateur normalement attentif, la marque contestée ne fait pas penser à un grain mais à une graine de lotus, l'impression d'ensemble est dominée par le LOTUS, " GRAIN DE " n'ayant aucun pouvoir distinctif. Les deux signes sont donc similaires et, pour le consommateur moyen, rappellent la Fleur de LOTUS, symbole de calme et d'harmonie dans le bouddhisme, mais aussi fleur consommable tout comme ses graines, alors que la marque complexe " GRAIN DE LOTUS " ne revêt aucune originalité ni distinctivité (à la différence de LOTUS dont le caractère distinctif a été admis par l'INPI lors du dépôt et de l'enregistrement de cette marque antérieure). Le choix de LOTUS n'est donc pas purement descriptif et la marque à enregistrer apparaît comme une déclinaison de la marque antérieure.
Par ailleurs, selon la jurisprudence européenne, si la fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité du produit ou du service marqué en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (CJCE 29 / 09 / 2008 CANON), un risque de confusion peut aussi exister dans l'esprit du public, en cas d'identité ou des produits ou des services, lorsque le signe contesté est constitué au moyen de la juxtaposition d'une part de la dénomination de l'entreprise tiers et, d'autre part, de la marque enregistrée, dotée d'un pouvoir distinctif normal, et que celle-ci, sans créer à elle seule l'impression d'ensemble du signe composé, conserve dans ce dernier une position distinctive autonome (CJCE 6 octobre 2005 MEDION AC / THOMSON).
En l'espèce GRAIN DE ne disposant d'aucun pouvoir distinctif (à la différence de la marque notoire THOMSON dans la jurisprudence précitée), à plus forte raison le risque de confusion existe-t-il.
En outre l'appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les éléments pris en compte, la faible similarité des produits pouvant être compensée par la forte similarité des signes et réciproquement.
En conséquence, et alors que l'on est en présence de produits identiques ou similaires et de signes similaires, le risque de confusion pour le consommateur moyennement attentif est important, l'impression d'ensemble de la marque à enregistrer étant pour ce dernier de nature à créer dans son esprit la confusion sur l'origine des produits en cause.
Suivre dans cette affaire la position du Directeur de l'INPI, selon lequel la marque à enregistrer est descriptive des produits en cause aboutirait à affaiblir la protection du titulaire de la marque antérieure sans préserver pour autant les intérêts du consommateur.
En conséquence il y a lieu d'accueillir le recours et d'annuler la décision attaquée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
- DECLARE le recours recevable et bien fondé
-ANNULE la décision du Directeur de l'INPI en date du 31 janvier 2008 ayant rejeté l'opposition n° 07-2735
- DIT que la présente décision sera notifiée par les soins du Greffe aux parties et du Directeur Général de l'INPI.