DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE-SECTION A
ARRÊT DU 18 décembre 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 14/02578
Décision déférée à la Cour : jugement du 15 avril 2014 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de MULHOUSE
APPELANT et défendeur :
Monsieur Diego X... demeurant... 68200 MULHOUSE
représenté par Maîtres CHEVALLIER-GASCHY, RICHARD-FRICK et HEICHELBECH, avocats à COLMAR
INTIMÉ et demandeur :
Monsieur Mathieu Z... demeurant ... 68110 ILLZACH
représenté par Maître HARTER, avocat à COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Bernard POLLET, Président Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller Madame Pascale BLIND, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Nathalie NEFF
ARRÊT Contradictoire-prononcé publiquement après prorogation du 4 décembre 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Nathalie NEFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Selon compromis de vente du 18 février 2012 établi par l'intermédiaire de l'agence immobilière AS Immo, M. X... a vendu à M. Z... un immeuble situé 21, rue de Mulhouse à Sausheim, au prix de 75 000 euros, sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt, la durée de validité de la condition suspensive étant fixé à 30 jours, avec pour date d'échéance le 19 mars 2012 à18 heures.
La réitération de l'acte était prévue à la date du 1er juin 2012 avec l'ajout d'une mention « au plus tard le … ».
Le compromis de vente prévoyait par ailleurs une clause pénale de 15 000 euros dans le cas où, après levée de toutes les conditions suspensives, l'une des parties viendrait à refuser de régulariser la vente par acte authentique.
Par courrier du 23 mars 2012, le notaire chargé de la réitération de la vente a indiqué à M. Z... que M. X... ne signerait pas l'acte car il souhaitait conclure la vente avec un autre acquéreur.
Par assignation du 22 mai 2012, M. Z... a saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse d'une action dirigée contre M. X... aux fins de le voir condamner à signer l'acte authentique. Dans ses dernières conclusions, il a limité sa demande principale au paiement de la clause pénale.
Le demandeur faisait valoir principalement que la condition suspensive était réalisée puisque le prêt avait été accepté par la banque dès le 8 mars 2012. Il se prévalait des articles 1134 et 1178 du code civil et contestait que les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation fussent applicables.
M. X... s'est opposé à la demande au motif que le compromis de vente était nul dans la mesure où le mandat de vente donnée à l'agence immobilière était lui-même nul, en l'absence de formulaire détachable de rétractation, et où la condition suspensive d'obtention d'un prêt bancaire n'avait pas été levée dans les délais prévus à l'acte.
Par jugement du 15 avril 2014, le tribunal de grande instance de Mulhouse a :
- rejeté la demande de nullité du compromis de vente signé le 18 février 2012,- constaté que ce compromis de vente n'était pas caduc lors de l'assignation délivrée par M. Z...,- condamné M. X... à payer à M. Z... la somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement,- condamné M. X... aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision. * M. X... a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 20 mai 2014.
Aux termes de ses dernières conclusions du 5 janvier 2015, il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir dans l'affaire parallèle 2A 14/ 01752 l'opposant à la SARL AS Immo, de déclarer le mandat de vente du 24 janvier 2012 et le compromis de vente du 18 février 2012 en résultant, nuls et de nul effet, de déclarer le compromis de vente nul pour cause de dol et de rejeter les demandes de M. Z....
A titre subsidiaire, il sollicite la réduction de la clause pénale au montant d'un euro symbolique, et, encore plus subsidiairement, des délais de paiement.
Il demande enfin que l'intimé soit condamné aux dépens ainsi qu'au versement d'une somme de 3 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X... invoque la nullité du mandat de vente pour non-respect des dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, entraînant la nullité du compromis de vente, laquelle est opposable à M. Z.... Il affirme également que l'agent immobilier a commis un dol à son égard en lui faisant signer à son insu un compromis de vente, alors qu'il venait de signer lui-même un tel acte huit jours plutôt pour un prix de 80 000 euros.
Il indique ensuite que le prêt n'a été obtenu que le 20 mars 2012 et qu'il n'en a été justifié auprès du notaire que le 23 mars 2012, de sorte que le délai prévu à l'acte, d'une durée de trente jours, avant l'expiration duquel le prêt devait être obtenu, la réception d'une simple offre de prêt étant à cet égard insuffisante, était expiré ; par ailleurs, il soutient que la condition suspensive n'a pas été rédigée dans le seul intérêt de l'acquéreur ainsi qu'il résulte des clauses figurant au contrat, insistant sur la nécessité de respecter les délais, pour ne pas porter préjudice au vendeur.
*
M. Z... a conclu le 20 octobre 2014 à la confirmation du jugement déféré, sauf à condamner M. X... à supporter les intérêts sur la somme de 15 000 euros à compter du 8 mars 2012 et non à compter du jugement. Il sollicite par ailleurs la condamnation de l'appelant aux dépens ainsi qu'à lui verser un montant de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimé explique avoir été informé par le notaire le 23 mars 2012 que M. X... entendait conclure la vente avec un autre acquéreur.
S'agissant de la nullité du mandat de vente, l'intimé relève qu'elle ne concerne que les relations entre M. X... et l'agence immobilière et qu'en tout état de cause, la nullité invoquée n'affecterait pas la validité du compromis de vente.
D'autre part, après avoir rappelé qu'il avait démarché la banque dès le lendemain de la signature du compromis de vente, M. Z... affirme que la condition suspensive était réalisée dès le 8 mars 2012, soit dans le délai de 30 jours prévu, de sorte que l'appelant ne pouvait se soustraire à la signature de l'acte authentique.
*
Pour l'exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions respectives susvisées.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance en date du 1er septembre 2015.
MOTIFS
Sur la demande de sursis à statuer
Il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande dans la mesure où la cour statue dans l'affaire no RG14/ 01752 opposant M. X... à la société AS Immo, par un arrêt en date de ce jour.
Sur la nullité du compromis
Par arrêt de ce jour, dans l'instance opposant la société AS Immo à M. X..., la cour retient la nullité du mandat de vente confié à la société AS Immo, au motif que celle-ci ne justifie pas de la régularité du contrat au regard des dispositions de l'article L. 121-25 du code de la consommation, en ce qu'elle ne démontre pas que M. X... ait été mis en possession d'un exemplaire du mandat comportant le bordereau détachable prévu par le texte légal précité, destiné à lui faciliter l'exercice de sa faculté de rétractation.
En effet, l'exemplaire du mandat produit par la société AS Immo ne comporte pas le formulaire détachable de rétractation et il ne comporte pas non plus de clause aux termes de laquelle le mandant aurait reconnu avoir reçu un exemplaire comportant le bordereau détachable de rétractation.
Par ailleurs, si la société AS Immo verse aux débats un exemplaire vierge du contrat comportant un bordereau de rétractation détachable, cet exemplaire n'est pas exactement identique à celui utilisé en l'espèce.
Enfin, la présence d'un bordereau de rétractation annexé à l'exemplaire du contrat remis à M. X... ne saurait être déduite du seul fait qu'il ne verse pas aux débats cet exemplaire, alors qu'aux termes du contrat, il n'a nullement reconnu s'être vu remettre un tel bordereau.
Il n'est en outre pas établi que M. X... ait renoncé à la nullité du mandat, le fait pour lui de signer le compromis de vente avec l'acquéreur présenté par l'agent immobilier ne constituant pas une manifestation non équivoque de volonté en ce sens.
La nullité du mandat de vente entraîne celle du compromis de vente conclu par l'entremise du mandataire du vendeur. En effet, en raison de l'existence de ce mandat, M. X... n'a pas signé le compromis en toute liberté, de sorte qu'il existe un lien de dépendance entre le mandat et le compromis, la nullité du premier rejaillissant dès lors sur le second.
La nullité du compromis, pour une cause non imputable à M. X..., interdit à M. Z... de se prévaloir de la clause pénale, sauf son éventuel recours en responsabilité contre la société AS immo.
Il convient donc de le débouter de ses prétentions et d'infirmer le jugement déféré.
M. Z..., qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité ne prescrit pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
DIT n'y avoir lieu de surseoir à statuer ;
INFIRME le jugement rendu le 15 avril 2014 par le tribunal de grande instance de Mulhouse ;
Statuant à nouveau,
REJETTE les demandes de M. Mathieu Z... ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. Mathieu Z... aux dépens de première instance et d'appel.