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07/04/2022 | FRANCE | N°19/025221

France | France, Cour d'appel de colmar, 4s, 07 avril 2022, 19/025221


CF/VD

MINUTE No 22/309

NOTIFICATION :

Copie aux parties

- DRASS

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 07 Avril 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 19/02522 - No Portalis DBVW-V-B7D-HDEV

Décision déférée à la Cour : 23 Mai 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE

APPELANTE :

URSSAF ALSACE
TSA 60003
[Localité 2]

Comparante en la personne de M. [F] [W], muni d'un pouvoir

INTIMEE :

S.A.R.L. TORREGROSSA TRAVAUX PUBLICS
[Adresse 1]
...

CF/VD

MINUTE No 22/309

NOTIFICATION :

Copie aux parties

- DRASS

Clause exécutoire aux :

- avocats
- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION SB

ARRET DU 07 Avril 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 19/02522 - No Portalis DBVW-V-B7D-HDEV

Décision déférée à la Cour : 23 Mai 2019 par le pôle social du Tribunal de Grande Instance de MULHOUSE

APPELANTE :

URSSAF ALSACE
TSA 60003
[Localité 2]

Comparante en la personne de M. [F] [W], muni d'un pouvoir

INTIMEE :

S.A.R.L. TORREGROSSA TRAVAUX PUBLICS
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Me Vadim HAGER, avocat au barreau de COLMAR, substitué par Me Joseph WETZEL, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 janvier 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier

ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
- signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCEDURE

La SARL Torregrossa Travaux Publics (ci-après société Torregrossa) a fait l'objet d'un contrôle comptable d'assiette de cotisations du 16 avril 2018 au 28 juin 2018 par l'URSSAF d'Alsace.

Parallèlement la DIRECCTE a informé l'URSSAF de la rédaction d'un procès-verbal de travail dissimulé à l'encontre de la société Torregrossa.

Une lettre d'observations a ainsi été adressée à la société Torregrossa en date du 12 octobre 2018, lui notifiant un rappel de cotisations de sécurité sociale, l'annulation des réductions Fillon et des déductions patronales « loi TEPA », et l'application d'une majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé sur la période du 1er janvier 2013 au 30 juin 2018.

L'ensemble des cotisations de sécurité sociale redressées, augmenté des majorations de retard et de la majoration de redressement, a été réclamé par une mise en demeure du 27 décembre 2018 pour un montant total de 358.774 euros.

Contestant le redressement, la société Torregrossa a, par un courrier du 28 février 2019, saisi la commission de recours amiable qui a décidé lors de sa séance du 9 juillet 2019 de rejeter sa requête.

Dans l'intervalle, le 12 avril 2019, l'URSSAF a refusé de délivrer à la SARL Torregrossa une attestation de vigilance.

Contestant ce refus, la société Torregrossa a assigné en référé l'URSSAF d'Alsace devant le président du tribunal de grande instance de Mulhouse aux fins d'obtenir la délivrance de l'attestation sous astreinte.

Par ordonnance du 23 mai 2019, le président du tribunal de grande instance de Mulhouse, statuant en référé, a :

- déclaré la demande de la SARL Torregrossa Travaux Publics recevable,
- constaté l'irrégularité de la lettre d'observations adressée à la société le 12 octobre 2018,
- ordonné en conséquence à l'URSSAF d'Alsace de délivrer l'attestation de vigilance à la société Torregrossa Travaux Publics sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 5ème jour suivant la notification de la présente décision,

- rejeté le surplus des demandes des parties,
- condamné l'URSSAF d'Alsace aux dépens, et à payer à la SARL Torregrossa Travaux Publics la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'URRSAF d'Alsace a relevé appel de cette ordonnance par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 29 mai 2019 au greffe de la cour.

Vu les conclusions datées du 28 mai 2021, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles l'URSSAF d'Alsace demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance déférée,
- condamner la SARL Torregrossa au remboursement de la somme de versée à hauteur de 500 euros par l'URSSAF d'Alsace au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- constater que le Conseil Constitutionnel a jugé, par décision du 13 novembre 2020, les dispositions de l'article L243-7-5 du code de la sécurité sociale conformes à la Constitution, rejeter en conséquence la demande de sursis à statuer,
- rejeter la demande de condamnation de l'URSSAF aux dépens ainsi qu'à une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuant à nouveau, dire que c'est à bon droit que l'URSSAF a refusé de délivrer à la SARL Torregrossa l'attestation de vigilance, rejeter toute autre demande de la SARL Torregrossa ;

Vu les conclusions datées du 5 novembre 2020, reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles la SARL Torregrossa Travaux Publics demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer l'ordonnance entreprise, en conséquence débouter l'URSSAF d'Alsace de ses prétentions,
- à titre subsidiaire en cas d'infirmation,
avant dire droit, surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil Constitutionnel suite à la Question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été renvoyée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation selon arrêt du 10 septembre 2020,
- en tout état de cause, condamner l'URSSAF d'Alsace en tous les dépens, ainsi qu'à un montant de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions ;

MOTIFS

Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable.

L'article L243-15 du code de la sécurité sociale stipule que l'attestation qu'il prévoit, dite attestation de vigilance, est délivrée dès lors que la personne acquitte les cotisations et contributions dues à leur date d'exigibilité ou conteste leur montant par recours contentieux, à l'exception des recours faisant suite à une verbalisation pour travail dissimulé.

Il est constant que la société Torregrossa a fait l'objet d'un procès-verbal pour travail dissimulé établi par les services de la DIRECCTE en date du 31 mai 2018 qui a été transmis au procureur de la République et que l'URSSAF d'Alsace a en conséquence notifié à la société Torregrossa, par lettre d'observations du 12 octobre 2018, un rappel de cotisations et contributions fondé sur l'emploi d'un salarié dissimulé, M. [N] [G].

Il est constant que l'URSSAF d'Alsace a notifié le 12 avril 2019 à la société Torregrossa son refus de lui délivrer l'attestation de vigilance qu'elle lui avait demandée la veille car le compte de la société présentait un solde débiteur.

Pour faire droit à la demande de la SARL Torregrossa et ordonner à l'URSSAF d'Alsace de délivrer à la société l'attestation de vigilance visée par l'article L243-15 du code de la sécurité sociale, le juge des référés, se fondant sur l'article 809 du code de procédure civile permettant de prescrire en référé les mesures propres à faire cesser un trouble manifestement illicite, a considéré, en se référant aux articles L133-4-5 et R133-8-1 du code de la sécurité sociale, que le redressement opéré était irrégulier du fait de l'absence de signature de la lettre d'observations par le directeur de l'URSSAF.

L'article R133-8-1 du code de la sécurité sociale précise que « Lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L243-7 du présent code (?), tout redressement consécutif à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L133-4-5 est porté à la connaissance du donneur d'ordre ou du maître d'ouvrage par un document signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ».

L'article L133-4-5 du code de la sécurité sociale fait référence à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions prononcées à l'encontre du donneur d'ordre qui n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L8222-1 du code du travail, c'est à dire ses obligations de vigilance, et dont le cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié ; ou à l'encontre du donneur d'ordre qui n'a pas enjoint à son cocontractant de faire cesser la situation irrégulière dès que celle-ci est portée à sa connaissance (cf article L8222-5 du code du travail).

En l'espèce comme le relève exactement l'URSSAF, il a été reproché à la société Torregrossa elle-même, et non à son cocontractant, la dissimulation de l'emploi salarié de M. [G] eu égard à l'existence d'un lien de subordination de celui-ci vis à vis de celle-là. L'article R133-8-1 du code de la sécurité sociale n'est donc pas applicable.

En réalité il ressort des pièces produites (de la convocation adressée le 8 juin 2018 à la société Torregrossa, de la lettre d'observations comme de la mise en demeure subséquente) que l'URSSAF a convoqué la société Torregrossa à un contrôle visant à « constater et rechercher le travail illégal » dans le cadre de l'article L243-7 du code de la sécurité sociale et de la procédure visée à l'article R243-59 de ce code, et qu'ayant eu connaissance du procès-verbal de travail dissimulé dressé par la DIRECCTE le 31 mai 2018, l'URSSAF a procédé au redressement des cotisations et contributions sur la base des informations contenues dans le procès-verbal transmis.

Il convient d'observer que l'article R133-8 du code de la sécurité sociale prévoyait, jusqu'à son abrogation par le décret no2017-1409 du 25 septembre 2017, que lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L243-7 du code de la sécurité, tout redressement consécutif au constat d'un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l'employeur par un document daté et signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ;

que ce même décret a créé une nouvelle procédure visée aux articles L133-1 et R133-1 du code de la sécurité sociale applicable aux contrôles n'ayant pas fait l'objet d'un procès-verbal de travail dissimulé à la date de la publication du décret, soit le 28 septembre 2017 ; que cette procédure, qui s'applique depuis à tous les redressements pour travail dissimulé réalisés sur la base d'un contrôle de l'organisme de recouvrement ou suite à l'exploitation d'un procès-verbal partenaire, n'exige plus la signature du directeur ou de son délégataire, et qu'elle a été appliquée en l'espèce (cf p 9 de la lettre d'observations : « le document prévu par les articles L133-1 et R133-1 du code de la sécurité sociale vous a été adressé en date du 05/10/2018 par courrier recommandé »).

En outre conformément au prescrit de l'article R243-59 III du code de la sécurité sociale dans sa version applicable, suite à la communication du procès-verbal de travail dissimulé par la DIRECCTE en vue du redressement des cotisations et contributions dues, les inspecteurs du recouvrement ont adressé à la société Torregrossa la lettre d'observations du 12 octobre 2018 dûment signée par eux et qui n'avait pas à être signée du directeur de l'URSSAF.

De ce qui précède il résulte que la procédure a été respectée.

Quant au fond, la cour relève que pas plus que devant le juge des référés, la société Torregrossa ne conteste sur le fond devant la cour le redressement lui-même, se bornant à faire valoir qu'aucune poursuite pénale n'a été engagée contre elle.

Dans ces conditions, alors que la décision attendue du Conseil Constitutionnel a été rendue le 13 novembre 2020, et que celui-ci a jugé conformes à la Constitution les dispositions de l'article L243-7-5 du code de la sécurité sociale autorisant les organismes de recouvrement à procéder à des redressements sur la base des informations contenues dans les procès-verbaux de travail dissimulé, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise, rendue le 23 mai 2019 par le président du tribunal de grande instance de Mulhouse, et statuant à nouveau dans les limites de l'appel, de rejeter la demande de sursis à statuer et de dire que l'URSSAF d'Alsace était fondée à refuser de délivrer l'attestation de vigilance à la société Torregrossa.

Les dispositions de l'ordonnance concernant les dépens et les frais irrépétibles seront infirmées.

La société Torregrossa qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de ses demandes formulées tant en première instance qu'en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt, infirmatif quant à la condamnation pour frais irrépétibles, constitue le titre ouvrant droit à la restitution de la somme de 500 euros versée par l'URSSAF en exécution de l'ordonnance de sorte qu'il n'y a pas à statuer sur la demande de remboursement formulée par l'URSSAF.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

DECLARE l'appel interjeté recevable ;

INFIRME l'ordonnance rendue le rendue le 23 mai 2019 par le président du tribunal de grande instance de Mulhouse ;

Statuant à nouveau dans les limites de l'appel,

DEBOUTE la société Torregrossa Travaux Publics de sa demande de sursis à statuer ;

DIT que l'URSSAF d'Alsace était fondée à refuser de délivrer l'attestation de vigilance à la société Torregrossa Travaux Publics ;

CONDAMNE la société Torregrossa Travaux Publics aux dépens de première instance et d'appel ;

DEBOUTE la société Torregrossa Travaux Publics de ses demandes formulées tant en première instance qu'en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu de statuer sur la restitution de la somme de 500 euros versée en vertu de l'ordonnance déférée à la cour.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : 4s
Numéro d'arrêt : 19/025221
Date de la décision : 07/04/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Mulhouse, 23 mai 2019


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2022-04-07;19.025221 ?
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