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16/05/2023 | FRANCE | N°21/01113

France | France, Cour d'appel de Dijon, 1re chambre civile, 16 mai 2023, 21/01113


SD/IC















[O] [F]



C/



CPAM DU [Localité 9]



S.A.R.L. RELAIS DES ALLOBROGES



MMA IARD

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES



AESIO MUTUELLE

































































































Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



1ère chambre civile



ARRÊT DU 16 MAI 2023



N° RG 21/01113 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FYPW



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : jugement du 20 juillet 2021,

rendu par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 19/00253













APPELANT :



Monsieur [O] [F]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 6...

SD/IC

[O] [F]

C/

CPAM DU [Localité 9]

S.A.R.L. RELAIS DES ALLOBROGES

MMA IARD

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

AESIO MUTUELLE

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1ère chambre civile

ARRÊT DU 16 MAI 2023

N° RG 21/01113 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FYPW

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 20 juillet 2021,

rendu par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 19/00253

APPELANT :

Monsieur [O] [F]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Egalement appelant dans le dossier RG : 21/01402 joint à la procédure

représentée par Me Ladice DE MAGNEVAL, membre de la SARL LADICE AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 41

INTIMÉES :

CPAM DU [Localité 9] venant aux droits de la caisse Locale Déléguée pour la Sécurité Sociale des Travailleurs Indépendants agissant elle-même en lieu et place de la caisse régionale RSI BOURGOGNE, prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit au siège:

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par Me Christophe CHATRIOT, membre de la SCP D'AVOCATS PIZZOLATO - CHATRIOT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 73

S.A.R.L. RELAIS DES ALLOBROGES prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège :

[Adresse 7]

[Adresse 7]

S.A. MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES prises en la personne de leurs représentants légaux domiciliés de droit au siège :

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentées par Me Jean-Hugues CHAUMARD, membre de la SCP CHAUMARD TOURAILLE, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 96

AESIO MUTUELLE anciennement dénommée MUTUELLE ADREA

[Adresse 3]

[Adresse 3]

non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 mars 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,

Sophie DUMURGIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désignation du Président,

Sophie BAILLY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2023,

ARRÊT : réputé contradictoire,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCÉDURE, ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 28 janvier 2016, M. [O] [F] a été victime d'une chute à la station service Relais des Allobroges, située [Adresse 7], exploitée par la SARL Relais Allobroges.

Pris en charge par les pompiers, il a été conduit au CHU de [Localité 8] où il a été opéré d'une fracture de l'humérus gauche avec pose d'une broche avec vis.

Son bras gauche a été immobilisé jusqu'au 29 mars 2016.

Ayant vainement sollicité l'indemnisation de ses préjudices auprès de la SARL Relais Allobroges et son assureur, M. [F] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Dijon d'une demande de déclaration de responsabilité de la SARL Relais Allobroges, d'une demande de provision à valoir sur la réparation de ses préjudices et d'une demande d'expertise médicale.

Par ordonnance du 29 décembre 2016, le juge des référés a désigné le docteur [V] en qualité d'expert et a dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes.

L'expert a déposé son rapport le 16 octobre 2017 et a conclu ainsi :

' date de consolidation médico-légale le 28 mars 2017

' AIPP : 6 %

' QD : 3/7

' Dommage esthétique : 1/7

' tierce personne : 2 h 30 par semaine du 1er février 2016 au 20 avril 2016

' déficit fonctionnel total du 28 au 30 janvier 2016, puis déficit fonctionnel temporaire de classe III (50 %) jusqu'au 20 avril 2016, de classe II (25 %) jusqu'au 24 octobre 2016 et de classe I (10 %) jusqu'à la date de consolidation médico-légale,

' M. [F] a pu reprendre son activité professionnelle. Il convient cependant de préciser que la position de conduite, bras sur le volant, rend la conduite plus pénible après 1 h 30 de trajet.

' M. [F] a pu reprendre ses activités de loisir mais les séquelles retrouvées à l'examen rendant le port de charge difficile, les activités de 'brocante' qui nous ont été déclarées peuvent effectivement être rendues plus difficiles sans être impossibles.

Par acte des 16 et 17 janvier 2019, M. [F] a fait assigner la SARL Relais Allobroges, son assureur les sociétés MMA, la société Mutuelle Adréa, le RSI et la caisse locale déléguée pour la sécurité des indépendants devant le tribunal de grande instance de Dijon, afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Il reprochait une faute délictuelle à la société Relais Allobroges à l'origine de sa chute provoquée par un sol anormalement glissant en raison d'un défaut d'entretien de la plateforme.

Il sollicitait la condamnation solidaire de la SARL Relais Allobroges et de son assureur à lui payer :

' la somme de 2 103 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

' la somme de 6 000 euros au titre des souffrances endurées,

' la somme de 1 500 euros au titre du préjudice esthétique,

' la somme de 5 370 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

' la somme de 980,02 euros au titre du préjudice matériel,

' la somme de 9 970,20 euros au titre de la perte de gains professionnels,

' la somme de 1 100 euros au titre des frais divers,

' la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens incluant les honoraires d'expertise.

Les défenderesses se sont opposées aux réclamations de M. [F] en arguant de l'absence de preuve d'une faute de nature à engager la responsabilité de la station service, la présence d'essence sur une piste de station essence ne caractérisant pas la faute du gérant de la station, alors que des informations claires sur le caractère glissant du sol par temps de pluie étaient affichées.

La caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 9], venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, venant elle-même aux droits de la caisse RSI Auvergne, agissant pour le compte de la caisse RSI Bourgogne, a sollicité la condamnation de la SARL Relais Allobroges et des sociétés MMA à lui payer la somme de 7 436,58 euros au titre des débours, la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Mutuelle Adrea n'a pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 20 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Dijon a :

- débouté M. [F] de ses demandes,

- débouté la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 9], venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, venant elle-même aux droits de la caisse RSI Auvergne, agissant pour le compte de la caisse RSI Bourgogne, de ses demandes,

- débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [F] aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.

M. [O] [F] a relevé appel de cette décision par déclarations reçues au greffe les 19 août 2021 et 29 octobre 2021.

Les deux procédures d'appel ont été jointes par ordonnance rendue le 10 février 2022 par le magistrat de la mise en état.

Au terme de conclusions notifiées le 2 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, l'appelant demande à la cour de :

Vu l'article 1240 du code civil (1382 ancien),

Vu le rapport d'expertise du docteur [O] [V],

Avant dire droit,

- ordonner la jonction des procédures d'appel enregistrées sous le numéro de répertoire général RG 21/01113 et RG 21/01402,

Au fond,

- dire et juger recevable et bien fondé l'appel qu'il a interjeté à l'encontre du jugement rendu le 20 juillet 2021 par le Tribunal judiciaire de Dijon RG 19/00253,

- infirmer le jugement du 20.07.2021 en toutes ses dispositions,

En conséquence, statuant à nouveau,

- juger la SARL Relais Allobroges responsable des préjudices qu'il a subis, sur le fondement délictuel,

En conséquence,

- condamner solidairement la SARL Relais Allobroges et les MMA à lui payer les sommes de :

' 2 103 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

' 6 000 euros au titre des souffrances endurées,

' 1 500 euros au titre du préjudice esthétique,

' 5 370 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

' 980,02 euros au titre du préjudice matériel,

' 9 970,20 euros au titre de la perte de gains professionnels,

' 1 100 euros au titre des frais divers,

' 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement la SARL Relais Allobroges et les MMA aux entiers dépens de l'instance de référé et de l'instance au fond première instance, de l'instance d'appel comprenant notamment les frais et honoraires d'expertise.

Par conclusions notifiées le 31 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de leurs prétentions les SA MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles et la SARL Relais Allobroges demandent à la cour de :

Vu les dispositions de l'article 1240 du code civil,

A titre principal,

- dire et juger M. [F] mal fondé en son appel,

- l'en débouter,

Consécutivement,

- débouter la CPAM du [Localité 9] de son appel incident,

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Subsidiairement,

- dire et juger que les offres présentées dans le corps des présentes doivent être déclarées satisfactoires,

- débouter M. [F] du surplus de ses demandes en ce compris celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens

.

Par conclusions notifiées le 18 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens au soutien de ses prétentions, la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 9], venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, agissant elle-même en lieu et place de la caisse régionale RSI Bourgogne, demande à la cour de :

Vu les articles 548, 551 et 909 du code de procédure civile,

Vu l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale,

- dire et juger qu'elle est recevable et fondée en son appel incident,

En conséquence,

- infirmer le jugement du 20 juillet 2021 en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,

Statuant à nouveau,

- condamner in solidum la SARL Relais Allobroges et les compagnies d'assurance MMA à lui payer la somme de 7 436,58 euros,

- condamner in solidum la SARL Relais Allobroges et les compagnies d'assurance MMA à lui payer la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

- condamner in solidum la SARL Relais Allobroges et les compagnies d'assurance MMA à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL Relais Allobroges et les compagnies d'assurance MMA aux dépens.

Citée par actes d'huissier remis à personne habilitée les 26 octobre et 9 novembre 2021, auxquels étaient annexées la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant, la Mutuelle Adrea n'a pas constitué avocat.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 9 février 2023.

SUR CE

Sur la responsabilité délictuelle de la SARL Relais Allobroges

M. [F] fonde ses demandes indemnitaires sur les dispositions de l'article 1240 du code civil selon lesquelles tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Il prétend prouver que sa chute est consécutive à une faute délictuelle de la SARL Relais Allobroges et fait valoir que le caractère anormalement glissant et gluant du sol en raison de la présence d'essence au moment de sa chute est démontré par les témoignages des personnes présentes mais également par le rapport d'intervention du SDIS de la Côte d'Or en date du 28 janvier 2016 et par les témoignages des personnes qui l'ont vu après sa sortie de l'hôpital.

Il considère que la présence d'essence au sol à proximité des pompes à essence où s'arrêtent les clients est imputable à une faute grave d'imprudence de la société Relais Allobroges, qui n'a pas pris les précautions nécessaires pour éviter que le sol ne soit glissant et qui a failli à son obligation d'entretien du sol de la station service.

Il affirme que la présence de pancartes sur les pompes à essence avertissant les clients que le sol est glissant par temps de pluie n'est pas exonératoire de responsabilité dès lors que, d'une part, rien ne prouve que les pancartes étaient apposées le jour des faits et qu'il les ait vues et que, d'autre part, le gérant de la station service devait prendre d'autres précautions, à savoir utiliser du sable pour recouvrir le sol ou des tapis moquettes et baliser les endroits glissants pour interdire le passage.

Il soutient enfin qu'aucune faute d'imprudence ou d'inattention ne peut lui être reprochée car il n'a pas été le seul client à glisser alors qu'il marchait prudemment.

Les sociétés intimées considèrent que la présence d'essence sur une piste d'une station essence n'est pas suffisante pour caractériser la faute du gérant de la station, alors que personne n'a vu l'appelant tomber et qu'aucun témoin ne localise précisément l'emplacement de la chute et n'indique que le sol était glissant au moment de celle-ci.

Elles estiment que la faute de la SARL Relais Allobroges n'est pas démontrée et ce d'autant moins qu'elles justifient, d'une part, que les précautions nécessaires avaient été prises par la mise en place de dispositif de mise en garde et de prudence et, d'autre part, que la station était entretenue avec soin et diligence.

Elles soutiennent que l'imprudence de M. [F] est exclusivement à l'origine de sa chute car ce dernier avait pu se rendre compte de l'état de la chaussée lorsqu'il s'est servi d'essence et avait été alerté par les affichages apposés sur les pompes à essence, ayant eu ainsi l'occasion de prévenir le gérant de la station et la possibilité de regagner son véhicule en évitant la partie glissante du sol et en redoublant de prudence.

Si, comme l'a exactement relevé le tribunal, il n'y a pas eu de témoin direct de la chute de M. [F] et qu'il n'est pas possible d'en connaître les circonstances exactes, il est suffisamment établi, par les témoignages de MM.[U] et [M] et de Mme [P], qui ont vu M. [F] quelques jours après sa chute et qui ont constaté que les vêtements qu'il portait le jour de l'accident, et notamment son blouson en cuir, étaient imprégnés de gasoil, que l'appelant a glissé sur une plaque d'essence présente au sol devant les pompes à essence, les témoins ne parlant pas simplement d'odeur d'essence comme le soutiennent les intimés.

Il ressort par ailleurs :

- du témoignage de M. [K] [Y], qui s'est rendu à la station service des Allobroges le matin du 28 janvier 2016, que le sol de la station était 'extrêmement glissant et gluant' quelques heures avant la chute de M. [F], le témoin s'étant rattrapé à la portière de son véhicule,

- de l'attestation de Mme [Z] [N], présente à la station service le 28 janvier 2016 en fin de matinée, en même temps que M. [F], que les quelques mètres séparant sa voiture de ce dernier, qui se trouvait à terre, étaient également glissants et qu'elle a glissé à hauteur de son véhicule,

- du témoignage de Mme [B] [P] qui s'est rendue à la station service le 1er février 2016, quelques jours après l'accident, que le sol entre son véhicule et la pompe à essence était très glissant et très gluant, qu'il y avait du gasoil ou de l'essence répandu sur le sol et qu'elle a dû prendre beaucoup de précaution pour ne pas tomber.

Si, comme l'affirment les intimées, la présence d'une flaque d'essence dans une station service n'est pas fautive en soi, les trois témoignages susvisés démontrent que des plaques de gasoil ont été présentes sur le sol de la plateforme de la station des Allobroges durant plusieurs heures le jour de l'accident et durant plusieurs jours.

Cette présence d'essence constante et fréquente, qui rendait le sol glissant, caractérise une faute de négligence ou d'imprudence de la station service qui n'a pas pris les mesures adaptées pour y remédier, faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle.

La seule présence d'affichettes sur les pompes à essence, indiquant 'attention chaussée glissante par temps de pluie', ne permet pas d'exonérer la SARL Relais Allobroges de sa responsabilité, dès lors que, d'une part, les précautions prises par les clients ne suffisaient pas à éviter les chutes et que, d'autre part, d'autres mesures étaient de nature à assurer plus efficacement la sécurité de la clientèle telle que la mise en place de sable sur les flaques d'essence.

Enfin, aucun des éléments du dossier ne démontre que la victime a eu un comportement imprudent lorsqu'elle a regagné son véhicule après son paiement en caisse.

Infirmant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, la SARL Relais Allobroges et son assureur seront ainsi condamnés solidairement à réparer intégralement le préjudice résultant de la faute commise par la station service.

Sur la réparation des préjudices

Il résulte du rapport du médecin expert, qu'à la suite de sa chute, M. [F] a souffert d'une fracture de l'humérus gauche dont la prise en charge a nécessité une intervention chirurgicale avec mise en place d'un clou centro-médullaire, à l'issue de laquelle, une immobilisation longue, coude au corps, a été nécessaire pendant près de trois mois et une rééducation fonctionnelle a été pratiquée.

Au vu des conclusions de l'expert qui sont admises par les parties, l'indemnisation du préjudice de M. [F] doit être établie ainsi qu'il suit :

1 Préjudices patrimoniaux

Préjudices patrimoniaux temporaires

' Pertes de gains professionnels actuels

Ce poste de préjudice vise à indemniser la perte de revenus de la victime du fait de son incapacité provisoire à travailler jusqu'à la date de consolidation.

L'appelant prétend avoir subi une perte de gains professionnels de 9 970,20 euros entre le 28 janvier 2016 et le 3 juillet 2016, date de fin de son arrêt de travail, qu'il évalue sur la base d'un revenu mensuel de 1 929,72 euros, en précisant n'avoir perçu aucune indemnité journalière.

La SARL Relais Allobroges et les MMA concluent au rejet de cette demande indemnitaire au motif qu'il n'est pas justifié de l'incapacité de conduire de M. [F] et que son revenu mensuel ne peut pas être déterminé sur la base d'une perte d'exploitation.

Il résulte du rapport d'expertise que le déficit fonctionnel de la victime a été total du 28 au 30 janvier 2016, puis de 50 % du 31 janvier 2016 au 20 avril 2016, puis de 25 % jusqu'au 24 octobre 2016.

M. [F] justifie d'un arrêt de travail jusqu'au 3 juillet 2016 imputable en intégralité à l'accident au vu des conclusions de l'expert.

Il justifie également qu'il n'a perçu aucune indemnité journalière durant cette période.

Au vu des avis d'imposition produits, il pervevait au moment de l'accident un revenu annuel de 18 555 euros, soit 1 546,25 euros par mois.

Sur la période du 28 janvier 2016 au 3 juillet 2016, sa perte de gains professionnels actuels peut ainsi être évaluée à (1 546,25 / 30 x 157 jours) = 8 092,04 euros.

' Préjudice matériel

M. [F] sollicite l'indemnisation de la dégradation de ses vêtements, téléphone et lunettes, consécutive à sa chute, qu'il chiffre à 980,02 euros en produisant des devis et factures.

Les sociétés intimées s'opposent à cette réclamation qu'elles considèrent insuffisamment justifiée.

L'appelant produit une facture de la société Mango en date du 7 novembre 2015 correspondant à l'achat d'une veste et d'un pantalon au prix de 149,98 euros, s'agissant des vêtements qu'il portait au moment de l'accident.

Il produit également la facture d'achat de son téléphone, cassé lors de sa chute, en date du 4 août 2014 et d'un montant de 122,98 euros.

Il communique enfin un devis établi le 3 février 2016, quelques jours après l'accident, pour le changement de ses lunettes endommagées lors de la chute, d'un montant de 707,06 euros.

Le préjudice matériel subi par M. [F] lors de l'accident est ainsi suffisamment justifié et sera indemnisé à hauteur de 980,02 euros.

' Frais divers

M. [F] sollicite le remboursement des frais de transport qu'il a supportés pour se rendre à l'expertise, aux multiples rendez-vous médicaux et chez son conseil, qu'il évalue à 500 euros sans détailler pour autant la distance parcourue, alors qu'il demeure dans la proche banlieue de [Localité 8] et que les rendez-vous médicaux et chez son conseil ont tous eu lieu dans la commune où il réside ou à [Localité 8].

L'indemnisation des frais de transport pour 61 séances de kinésithérapie et une dizaine de rendez-vous médicaux et chez son conseil sera ainsi fixée à 200 euros.

Au titre des frais divers, l'appelant sollicite également l'indemnisation de l'aide d'une tierce personne 2 h 30 par jour pendant 12 semaines, sur une base horaire de 20 euros, qu'il chiffre à 600 euros.

Les intimées acceptent d'indemniser ce poste de préjudice sur la base horaire de 14 euros en offrant de verser la somme de 400 euros.

L'expert a retenu qu'une aide avait été nécessaire à la victime, jusqu'à l'arrêt de l'immobilisation le 20 avril 2016, qu'il a évaluée à 2 h 30 par jour et qui a été procurée par son épouse et ses enfants.

Les éléments médicaux du dossier permettent ainsi d'indemniser le recours à une tierce personne sur la base d'un besoin quotidien de deux heures et demi pendant 83 jours, sur la base horaire de 16 euros, et l'indemnité revenant à la victime sera calculée comme suit : (83 jours X 2,5 X 16 euros) = 3 320 euros, qui sera cependant limitée à 600 euros, montant de la réclamation de M. [F].

2 Préjudices extra patrimoniaux

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

' Le déficit fonctionnel temporaire

Se fondant sur le rapport d'expertise, l'appelant sollicite une somme de 2 103 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel, calculée sur une base journalière de 20 euros pour le déficit total, de 10 euros pour le déficit partiel à 50 %, de 5 euros pour le déficit partiel à 25 % et de 2 euros pour le déficit partiel à 10 %.

Il sera fait droit à cette réclamation qui n'est pas critiquée par les intimées.

' Les souffrances endurées

M. [F] sollicite l'allocation d'une indemnité de 6 000 euros au titre des souffrances endurées que l'expert a quantifié à 3/7, faisant valoir qu'il a profondément souffert des nombreuses interventions chirurgicales qu'il a subies et qu'il souffre toujours de douleurs physiques et morales.

Les sociétés intimées considèrent que cette évaluation est excessive, s'agissant d'un préjudice modéré, et offrent de verser une somme de 4 000 euros à ce titre.

L'indemnisation des souffrances endurées par la victime, dont le niveau a été estimé par l'expert à 3/7 au regard des nombreuses interventions chirurgicales subies, sera fixée à 5 000 euros.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents

' Le déficit fonctionnel permanent

L'expert ayant fixé à 6 % le taux du déficit fonctionnel permanent, l'appelant sollicite une indemnité de 5 370 euros sur la base d'une valeur de point de 895 euros.

Les intimées s'en rapportent à mérite de justice sur cette réclamation.

Au vu du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de M. [F], âgé de 57 ans au jour de la consolidation, ce préjudice sera justement indemnisé par l'allocation d'une indemnité de 5 370 euros.

' le préjudice esthétique

L'appelant sollicite une indemnité de 1 500 euros en réparation de son préjudice esthétique quantifié à 1/7 par l'expert.

Les intimées offre de verser une somme de 1 000 euros à ce titre.

Ce préjudice, essentiellement lié à la cicatrice fine de 6 cm de l'épaule gauche, sans relief mais cupulisée, sans adhérence et sans coloration, habituellement cachée par les vêtements, sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 1 000 euros.

L'indemnité revenant à la victime s'élève ainsi à la somme de 23 345,06 euros que la SARL Relais Allobroges et les MMA seront condamnées in solidum à lui verser.

Sur le recours de la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 9]

La caisse prétend avoir déboursé la somme de 7 436,58 euros au titre des dépenses de santé actuelles et futures et sollicite la condamnation des intimées au paiement de cette somme.

Tout en concluant au débouté des demandes de la caisse primaire d'assurance maladie, la SARL Relais Allobroges et les MMA n'opposent aucun moyen de défense au recours exercé par cette dernière.

En application des dispositions de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.

L'état des créances poste par poste produit par la caisse, détaillant les prestations servies, correspondant aux frais hospitaliers du 28 janvier 2016 au 30 janvier 2016, aux frais médicaux et pharmaceutiques du 30 janvier 2016 au 28 mars 2017 et aux soins après consolidation, établit que les prestations que la caisse indique avoir versées à la victime sont imputables à l'accident du 28 janvier 2016.

La caisse est donc en droit d'obtenir des intimées le remboursement de la somme de 7 436,58 euros.

Sur les demandes accessoires

La SARL Relais Allobroges et les MMA qui succombent supporteront la charge des dépens de l'instance de référé, incluant les honoraires de l'expert, de première instance et d'appel.

Il est par ailleurs équitable de mettre à leur charge une partie des frais de procédure non compris dans les dépens exposés par M. [F] et la caisse primaire d'assurance maladie en première instance et à hauteur d'appel.

Elles seront ainsi condamnées in solidum à verser à M. [F] la somme de 3 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 1 000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'une somme de 1114 euros à la caisse primaire d'assurance maladie au titre de l'indemnité forfaitaire légale.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 20 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Dijon,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la SARL Relais Allobroges et les SA MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles sont tenues in solidum de réparer intégralement les conséquences dommageables subies par M. [O] [F] du fait de l'accident survenu le 28 janvier 2016,

Fixe les préjudices de M. [F] comme suit :

- perte de gains professionnels actuels : 8 092,04 euros,

- préjudice matériel : 980,02 euros,

- tierce personne : 600 euros,

- frais divers : 200 euros,

- déficit fonctionnel temporaire : 2 103 euros,

- souffrances endurées : 5 000 euros,

- déficit fonctionnel permanent : 5 370 euros,

- préjudice esthétique : 1 000 euros,

Condamne in solidum la SARL Relais Allobroges et les SA MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à M. [F] les sommes suivantes :

- 23 345,06 euros à titre de dommages-intérêts,

- 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SARL Relais Allobroges et les SA MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 9] les sommes suivantes :

- 7 436,58 euros en remboursement des prestations servies à M. [F],

- 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire légale,

- 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne in solidum la SARL Relais Allobroges et les SA MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles aux entiers dépens du référé, incluant les honoraires de l'expert, de première instance et d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01113
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;21.01113 ?
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