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16/05/2023 | FRANCE | N°21/01123

France | France, Cour d'appel de Dijon, 1re chambre civile, 16 mai 2023, 21/01123


LC/LL















SA AXA FRANCE



C/



SAS [Adresse 4]















































































































Expédition et copie

exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 16 MAI 2023



N° RG 21/01123 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FYRI



MINUTE N°



Décision déférée à la Cour : jugement du 04 août 2021,

rendu par le tribunal de commerce de Chaumont - RG : 2021 000620









APPELANTE :



SA AXA FRANCE, agissant poursuite et diligences de son Président-Directeur Général domicilié en cette qualité au siège :

[Adresse 1]

[Loc...

LC/LL

SA AXA FRANCE

C/

SAS [Adresse 4]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1ère Chambre Civile

ARRÊT DU 16 MAI 2023

N° RG 21/01123 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FYRI

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 04 août 2021,

rendu par le tribunal de commerce de Chaumont - RG : 2021 000620

APPELANTE :

SA AXA FRANCE, agissant poursuite et diligences de son Président-Directeur Général domicilié en cette qualité au siège :

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Fabrice CHARLEMAGNE, membre de la SCP BEZIZ-CLEON - CHARLEMAGNE-CREUSVAUX, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 17

INTIMÉE :

SAS [Adresse 4], représentée par son représentant légal M. [D] [H] [W], ayant son siège :

[Adresse 5]

[Localité 2]

assistée de Me Jean-Marc FLORAND, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et représentée par Me Jean-Baptiste JACQUENET-POILLOT, membre de la SELARL DE JURE AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 110

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Leslie CHARBONNIER, Conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT,

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2023,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [D] [O], président de la SAS [Adresse 4], dont le siège social est situé [Adresse 5]), exploite un bar-restaurant.

La société [Adresse 4] a souscrit un contrat multirisque professionnel N°690200 prenant effet le 9 mars 2020 auprès de la société Axa France IARD.

En vertu d'un arrêté du ministère de la santé du 14 mars 2020 et de l'article 8 du décret n°2020-293 du 23 mars 2020, l'ensemble des restaurants et cafés ont été contraints de fermer leur établissement au public du 15 mars au 2 juin 2020.

Le restaurant-bar la société [Adresse 4] a dû fermer ce qui a occasionné une perte immédiate de son chiffre d'affaires.

Par courrier simple du 6 août 2020, la société [Adresse 4] a exposé à son agent général le cabinet [P], les difficultés qu'elle rencontrait suite à cette fermeture et a demandé à bénéficier d'une offre indemnitaire en compensation partielle de ses pertes d'exploitation.

Par courrier du 6 octobre 2020, la société Axa a rejeté la réclamation de la société [Adresse 4] en lui opposant la clause d'exclusion de garantie prévue dans les conditions particulières.

Par acte du 21 janvier 2021, la société [Adresse 4] a assigné la société Axa, devant le juge des référés du tribunal de commerce de Chaumont.

Le 22 mars 2021, le juge des référés a rendu une ordonnance décidant le renvoi de l'affaire devant la formation collégiale du tribunal de céans, sur le fondement de l'article 873-1 du code de procédure civile.

Par jugement du 4 août 2021, le tribunal de commerce de Chaumont a :

- Jugé recevable et partiellement bien fondée la société SAS [Adresse 4] en ses demandes,

- Dit la clause d'exclusion non écrite et condamné la société Axa France Iard à garantir la société [Adresse 4] au titre de sa perte d'exploitation,

- Condamné la société Axa France Iard à payer à la société [Adresse 4] la somme de 30 000 euros à valoir sur l'indemnité définitive qui sera évaluée par une expertise judiciaire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification du présent jugement,

- S'est réservé le pouvoir de liquider l'astreinte,

- Ordonné une mesure d'instruction,

- Désigné pour y procéder M. [M] [R], en qualité d'expert judiciaire, avec pour mission de déterminer les pertes d'exploitation de la société [Adresse 4], garanties contractuellement par le contrat d'assurance, pendant la période de fermeture administrative prescrite par les mesures réglementaires prises pour faire face à l'épidémie de covid-19,

- Sursis à statuer sur le montant définitif de l'indemnisation pour perte d'exploitation dans l'attente du rapport de l'expert, l'application de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens.

La SA Axa France a relevé appel dudit jugement par déclaration au greffe du 24 août 2021.

Au terme de ses dernières conclusions d'appelante notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022, la SA Axa France demande à la cour, au visa des articles 1103, 1170 et 1192 du code civil et L. 112-4, L. 113-1 et L. 121-1 du code des assurances, de :

- Déclarer recevable et bien-fondé son appel,

Y faisant droit,

A titre principal,

- Infirmer le jugement du 4 août 2021 du tribunal de commerce de Chaumont en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion,

Statuant à nouveau,

- Juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce,

- Juger que la clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L. 113-1 du code des assurances,

- Juger que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L113-1 du code des assurances et qu'elle ne prive pas son obligation essentielle de sa substance au sens de l'article 1170 du code civil,

- Juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est inscrite en des termes très apparents, de sorte que sa rédaction est conforme aux règles de formalisme prescrites par l'article L112-4 du code des assurances,

En conséquence,

- Juger applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie,

- Débouter la société [Adresse 4] de l'intégralité de ses demandes formées à son encontre et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 4 août 2021,

- Annuler la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de Chaumont,

A titre subsidiaire,

- Infirmer le jugement du 4 août 2021 en ce qu'il a fixé la mission de l'expert judiciaire sans faire mention des facteurs externes au sinistre garanti,

Statuant à nouveau,

- Compléter la mission de l'expert désigné par le tribunal de commerce de Chaumont comme suit :

- Se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'intimée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années,

- Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties, le calendrier possible de la suite de ses opérations,

- Examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable,

- Donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées,

- Donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée,

- Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 30 octobre 2020.

En tout état de cause,

- Débouter la société [Adresse 4] de toutes demandes, fins ou prétentions contraires au présent dispositif,

- Condamner la société [Adresse 4] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Au terme de ses dernières conclusions d'intimée notifiées par voie électronique le 20 janvier 2022, la SAS [Adresse 4] demande à la cour, au visa des articles L112-4 du code des assurances, L113-1 du code des assurances, 1170 du code civil, 872 et suivants du code de procédure civile, 145 du code de procédure civile, et 514 et suivants du code de procédure civile, de :

' Confirmer purement et simplement le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chaumont le 4 août 2021 en toutes ses dispositions,

' Condamner la SA Axa France Iard au paiement de la somme de 10 000 euros conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, outre les entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 décembre 2022.

Sur ce la cour,

En préliminaire, la cour rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de « juger que » qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.

Les conditions particulières multirisques professionnels du contrat d'assurance prévoient une garantie complémentaire dénommée « Protection financière » qui étend la garantie aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré lorsque deux conditions sont réunies à savoir une décision de fermeture de l'établissement prise par une autorité administrative compétente, extérieure à l'assuré et une décision de fermeture qui est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

En l'espèce, il est constant que la SAS [Adresse 4] a été contrainte d'arrêter son activité le 15 mars 2020 en raison de la fermeture administrative ordonnée par un arrêté du ministre de la santé du 14 mars 2020 pris dans le cadre de l'urgence sanitaire de sorte que la fermeture de son fonds de commerce a été imposée par une décision émanant d'une autorité administrative compétente, extérieure à l'assurée, et motivée par la lutte contre la propagation du virus Covid-19, transmettant une maladie contagieuse à l'origine d'une épidémie.

Les conditions d'application de la garantie « pertes d'exploitation » souscrite sont donc réunies.

Toutefois, il est prévu une clause d'exclusion précisant que sont exclues les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

Sur le caractère apparent de la clause d'exclusion exigé par l'article L. 112-4 du code des assurances

L'article L112-4 du code des assurances énonce que les clauses des polices d'assurance édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

La société Axa France Iard fait valoir que la notion de caractères très apparents, non définie par le législateur, est souverainement appliquée par les juges du fond ; qu'en l'espèce, la rédaction de la clause en lettres majuscules, en grand format et détachée des paragraphes précédents, répond au formalisme exigé par l'article L. 112-4 du Code des assurances et par la jurisprudence.

La SAS [Adresse 4] soutient que la clause d'exclusion n'est pas rédigée en caractères très apparents de sorte qu'elle n'est pas conforme aux dispositions susvisées.

Il convient de relever que la garantie perte d'exploitation apparaît dans le contrat rédigée en caractères minuscules.

Immédiatement à la suite de l'énoncé de l'extension de garantie, et rédigée en lettres capitales, apparaît la clause d'exclusion faisant ressortir la mention « SONT EXCLUES » puis à la ligne toujours en majuscules « LES PERTES D'EXPLOITATION ».

Cette présentation attire suffisamment l'attention de l'assuré et favorise sa prise de connaissance que la garantie comprend des exclusions.

Au vu de ces éléments, il doit être considéré que la clause d'exclusion est mentionnée en caractère très apparents et qu'elle est donc valable.

Sur le caractère formel et limité de la clause d'exclusion

Pour conclure à la réformation partielle du jugement déféré, la compagnie Axa oppose à son assuré la clause d'exclusion insérée aux conditions particulières du contrat d'assurance qui selon elle respecte le caractère formel et limité exigé par l'article L113-1 du code des assurances et ne vide pas l'extension de garantie de sa substance au sens de l'article 1170 du code civil.

Elle estime que la clause d'exclusion est claire et ne nécessite aucune interprétation, dès lors qu'elle ne laisse place à aucune incertitude quant à sa volonté d'écarter la garantie lorsque la décision de fermeture administrative affecte concomitamment, dans le même département et pour une même cause, notamment pour une cause d'épidémie, un autre établissement que celui de l'assuré.

Elle observe qu'aucun des termes employés par la clause d'exclusion ne relève d'un vocabulaire spécialisé, notamment celui de l'assurance et qu'ainsi la clause est aisément compréhensible par tous, même en l'absence de définition contractuelle du mot « épidémie », les critères de l'exclusion de la garantie étant indépendants de la cause à l'origine de la décision de fermeture administrative.

Elle ajoute que le caractère limité de la clause d'exclusion ne peut pas s'apprécier au seul regard de l'épidémie de Covid-19 et qu'il convient de l'apprécier en fonction de ce qui subsiste de la garantie, une fois la clause d'exclusion mise en oeuvre, en rappelant que ce qui est garanti est le risque de fermeture administrative frappant individuellement chaque assuré.

Enfin, elle fait remarquer que la proposition d'avenant qu'elle a soumise à la signature de son assuré ne constitue pas un aveu d'inopposabilité de la clause litigieuse.

De son côté, pour obtenir la mise en 'uvre de la garantie contractuelle en cas de perte économique, la société [Adresse 4] soutient que les conditions contractuelles sont remplies et que la clause d'exclusion n'est pas, au cas d'espèce, limitée en ce qu'elle prévoit un cas d'exclusion trop large puisque la notion d'établissement n'est pas définie au contrat et qu'il est difficile de comprendre quelle activité de l'établissement, ou quelle nature d'établissement, est visée précisément par la clause alors au demeurant qu'une épidémie a, par définition, vocation à impacter l'activité de tout établissement sur un même territoire départemental.

Elle précise que le terme épidémie n'avait, également, pas été clairement défini dans les conditions générales et particulières, contrairement à l'avenant au contrat souscrit pour l'année 2021 ; qu'en conséquence, il convient de retenir la définition commune d'une épidémie ce qui a pour effet de vider de sa substance la garantie accordée.

La clause d'exclusion opposée par la compagnie Axa prévoit que ne sont pas garanties les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

Il est certain que la décision ayant conduit à la fermeture du bar-restaurant de la société [Adresse 4] a contraint à la fermeture de très nombreux autres fonds de commerce, notamment de restauration, dans le département de la Côte d'Or, si bien que cette clause d'exclusion a en l'espèce vocation à s'appliquer, sous réserve de sa validité contestée par l'intimée.

L'article L113-1 du code des assurances prévoit que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées.

C'est à l'assureur invoquant une exclusion de garantie qu'il incombe de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion et c'est à l'assuré, qui prétend à l'invalidité de la clause d'exclusion, de supporter la charge de la preuve.

En outre, selon l'article 1170 du code civil, «Toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ».

Il doit être relevé, à titre liminaire, que le caractère formel et limité de la clause litigieuse doit s'apprécier au seul regard des stipulations du contrat dans lequel elle figure, sans aucun égard pour les modifications envisagées voire effectivement apportées à ce contrat.

Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.

Dans un premier temps, il y a lieu de rappeler que la compréhension de la clause critiquée doit s'apprécier à la date de souscription du contrat. À cette date, les parties n'ont pu envisager l'existence d'une pandémie au niveau national et international qui, faute de précédent depuis quasiment un siècle en Europe, constituait un risque trop hypothétique.

La commune intention des parties était de couvrir les aléas inhérents à l'exploitation normale d'un restaurant exposé à des risques biologiques notamment.

Il convient, dans un second temps, de souligner que la clause d'exclusion précitée ne contient aucun terme technique.

L'absence de définition du terme « épidémie » est inopérante dès lors qu'il ne se trouve pas dans la clause litigieuse.

Ce qui est important, ce n'est pas la nature, l'origine ou l'étendue de l'épidémie mais sa conséquence.

Ainsi, le risque couvert est celui des pertes d'exploitation subséquentes à une fermeture administrative et non le risque de survenance d'une épidémie.

La circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'est pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement fait l'objet d'une mesure de fermeture pour une cause identique à celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté alléguée du terme « épidémie » est sans incidence sur la compréhension par l'assuré des cas dans lesquels l'exclusion s'appliquait (Cour de cassation, 2ème chambre civile, 1er décembre 2022).

La notion d'établissement ne peut se limiter à une définition juridique et peut être traduite, pour une non juriste telle que l'intimée, à toute catégorie de restaurant, ferme, cantine, commerce de bouche susceptible de faire l'objet d'une fermeture administrative.

Le périmètre départemental ne peut constituer une difficulté au demeurant non soulevée.

La « cause identique » figurant dans la clause d'exclusion renvoie nécessairement aux mêmes événements que ceux figurant dans la clause de garantie à savoir « une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication ». Ce terme « cause identique » se suffit à lui-même et est donc parfaitement compréhensible.

Par ailleurs, une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

En l'espèce, la garantie couvre le risque de pertes d'exploitation consécutives, non pas à une épidémie, mais à une décision de fermeture administrative ordonnée à la suite de l'un des cinq événements suivants : une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie, une intoxication.

En conséquence, quand bien même la clause d'exclusion de garantie aurait pour effet de ne pas garantir les pertes d'exploitation consécutives à une décision de fermeture administrative ordonnée en raison d'une épidémie, au sens commun du terme ou telle celle du Covid-19, elle maintient dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une décision de fermeture administrative motivée par l'un des quatre autres événements ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la cause d'exclusion, notamment dans l'hypothèse d'une épidémie circonscrite aux personnes ayant fréquenté un seul et même établissement, hôtelier par exemple : cf Civ 2ème, 1er décembre 2022 n°21-15.392, 21-19.341, 21-19.342, 21-19.343.

Il résulte de tout ce qui précède qu'il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la clause d'exclusion litigieuse non écrite, condamné Axa à garantir la société [Adresse 4] au titre de ses pertes d'exploitation, à lui verser une indemnité provisionnelle et ordonné une expertise afin de déterminer lesdites pertes d'exploitation.

La décision de réformation constitue à elle seule un titre permettant la restitution des fonds versés en exécution de la décision infirmée sans qu'il soit nécessaire d'ordonner cette restitution.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel doivent être supportés par la société [Adresse 4].

Si les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile sont réunies tant en première instance qu'en cause d'appel en faveur de la société Axa, les circonstances particulières de l'espèce et l'équité conduisent la cour à laisser à sa charge l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

Par ces motifs,

La cour,

Infirme le jugement déféré en toutes des dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute la SAS [Adresse 4] de toutes ses demandes,

Rappelle que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement infirmé,

Condamne la SAS [Adresse 4] aux dépens de première instance et d'appel,

Dit n'y avoir lieu à aucune application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Dijon
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01123
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;21.01123 ?
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