LC/LL
LYONNAISE DE BANQUE
C/
[C] [F]
SCI LES VIGNOTTES
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 16 MAI 2023
N° RG 22/00408 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F5KJ
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 12 janvier 2022,
par le Président du tribunal judiciaire de Dijon - RG : 21/00497
APPELANTE :
SA LYONNAISE DE BANQUE, agissant poursuites et diligences de son Directeur Général en exercice domicilié de droit au siège :
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentée par Me Anne-Line CUNIN, membre de la SCP du PARC - CURTIL - HUGUENIN - DECAUX - GESLAIN - CUNIN - CUISINIER - BECHE - GARINOT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91
INTIMÉES :
Madame [C] [F]
née le 28 août 1978 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
assistée de Me Jean-Vianney GUIGUE, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE, plaidant, et représentée par Me Clémence MATHIEU, avocat au barreau de DIJON, postulant, tous deux membres de la SELAS ADIDA & ASSOCIES, vestiaire : 38
SCI LES VIGNOTTES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
non représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Leslie CHARBONNIER, Conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre,
Sophie DUMURGIER, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT,
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 16 Mai 2023,
ARRÊT : réputé contradictoire,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, MOYENS ET PRETENTIONS
Suivant acte reçu par Maître [W] [O], notaire associé à [Localité 6], le 17 juillet 2020, Mme [F] a acquis de la SCI Les Vignottes un ensemble immobilier à usage d'habitation sis [Adresse 3], moyennant le prix de 420 000 euros.
Pour financer cette acquisition, elle a souscrit auprès de la Lyonnaise de Banque, un prêt suivant acte sous seing privé en date du 17 juin 2020, d'un montant de 483 097,00 euros, remboursable en 240 échéances mensuelles au taux de 0,98 % l'an.
Estimant que le bien vendu était atteint de vices cachés et de non conformités (absence de raccordement au réseau d'alimentation en eau potable), suivant exploit d'huissier en date du 28 juillet 2021, Mme [F] a attrait la SCI Les Vignottes et la Lyonnaise de Banque devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Dijon aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire de l'immeuble sis [Adresse 4], et ordonner la suspension du remboursement de l'emprunt souscrit.
La Lyonnaise de Banque n'était ni présente, ni représentée à cette instance.
Suivant ordonnance en date du 12 janvier 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Dijon a :
- Ordonné une expertise du bâtiment sis [Adresse 3], confiée à Mme [P] [R] [X],
- Ordonné la suspension de l'exécution du contrat de prêt consenti par la Lyonnaise de Banque à Mme [F] dans l'attente de la solution du litige l'opposant à la SCI Les Vignottes au visa de l'article L313-44 du code de la consommation,
- Condamné provisoirement Mme [F] aux dépens.
Cette décision a été signifiée à la Lyonnaise de Banque le 17 mars 2022.
La Lyonnaise de Banque a relevé appel de cette décision, par déclaration enregistrée par le greffe le 4 avril 2022, en ce qu'elle a ordonné la suspension de l'exécution du contrat de prêt dans l'attente de la solution du litige opposant Mme [F] à la SCI Les Vignottes.
Au terme de ses dernières conclusions d'appelante adressées par voie électronique le 19 septembre 2022, la SA Lyonnaise de Banque demandait à la cour, au visa de l'article L 313-44 du code de la consommation, de :
- Réformer l'ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Dijon du 12 janvier 2022 en ce qu'elle a ordonné la suspension de l'exécution du contrat de prêt consenti par elle à Mme [F] dans l'attente de la solution du litige l'opposant à la SCI Les Vignottes,
- La confirmer pour le surplus,
Statuant à nouveau,
- Dire et juger que les conditions visées par l'article L 313-44 du code de la consommation n'en sont pas remplies,
- Débouter Mme [C] [F] de l'intégralité de ses demandes, conclusions et fins,
Sur la demande subsidiaire de Mme [F],
- Dire et juger que le juge des référés n'est pas compétent pour se prononcer sur la demande de suspension du remboursement du prêt immobilier au visa de l'article 1186 du code civil,
- Débouter Mme [C] [F] de l'intégralité de ses demandes, conclusions et fins,
Y ajoutant,
- Condamner Mme [C] [F] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens de l'instance.
Au terme de ses conclusions adressées par voie électronique le 31 mai 2022, Mme [C] [F] demandait à la cour, au visa des articles L.313-44 du code de la consommation, 834 du code de procédure civile, et 1163 et 1186 du code civil, de :
- Juger mal fondé l'appel relevé par la SA Lyonnaise de Banque et dans les limites de celui-ci l'en débouter,
- Confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés le 12 janvier 2022,
- Ordonner la suspension du paiement du crédit souscrit par elle auprès de la Lyonnaise de Banque pour le financement de l'ensemble immobilier sis [Adresse 3] dans l'attente de l'issue du litige l'opposant aux vendeurs.
Ajoutant,
- Condamner la SA Lyonnaise de Banque à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la SA Lyonnaise de Banque aux entiers dépens d'appel en réservant à la SELAS Adida et associés le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
La Lyonnaise de banque a fait signifier à la SCI Les Vignottes la déclaration d'appel par acte du 13 avril 2022 et ses conclusions par acte du 11 mai 2022, remis à personne morale.
La SCI Les Vignottes n'a pas constitué avocat.
Par arrêt du 10 janvier 2023, cette cour a :
- Dit que les conditions d'application de l'article L313-44 du code de la consommation ne sont pas remplies,
Avant dire droit sur le subsidiaire,
- Ordonné la réouverture des débats et invité les parties à donner leurs observations sur l'éventuelle application de l'article L314-20 du code de la consommation,
- Dit que la SCP Adida et associés devra conclure avant le 10 février 2023 et que la Selarl du Parc devra conclure avant le 10 mars 2023,
- Renvoyé l'affaire à l'audience rapporteur du 21 mars 2023,
- Réservé les dépens.
Par conclusions d'appelante, après réouverture des débats, notifiées par voie électronique le 7 mars 2023, la Lyonnaise de banque demande à la cour, au visa de l'article L 313-44 du code de la consommation, de :
- Rejetant toutes conclusions contraires,
- Réformer l'ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Dijon du 12 janvier 2022 en ce qu'elle a ordonné la suspension de l'exécution du contrat de prêt consenti par la Lyonnaise de Banque à Mme [F] dans l'attente de la solution du litige l'opposant à la SCI Les Vignottes,
- La confirmer pour le surplus,
Statuant à nouveau,
- Dire et juger que les conditions visées par l'article L 313-44 du code de la consommation ne sont pas remplies,
- Débouter Mme [C] [F] de l'intégralité de ses demandes, conclusions et fins,
Sur la demande subsidiaire de Mme [F],
- Dire et juger que le juge des référés n'est pas compétent pour se prononcer sur la demande de suspension du remboursement du prêt immobilier au visa de l'article 1186 du code civil,
- Débouter Mme [C] [F] de l'intégralité de ses demandes, conclusions et fins,
A titre plus subsidiaire, sur la demande de suspension au visa de l'article L 314-20 du code de la consommation,
- Constater que la cour est juridiction d'appel du président du tribunal judiciaire de Dijon et non du juge des contentieux de la protection,
- Se déclarer incompétent pour connaître de la demande de suspension du remboursement des échéances du prêt immobilier,
- Dans l'hypothèse où la cour se déclarerait compétente,
- Lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de suspension de l'exécution du contrat de prêt immobilier du 17/08/2020,
- Dire et juger que la suspension du remboursement des échéances du prêt immobilier ne pourra excéder 24 mois,
- Dire et juger que les échéances reportées porteront intérêts au taux contractuel à compter de leur exigibilité initiale jusqu'à leur date de règlement effectif,
- Dire et juger que le paiement des primes d'assurance du prêt sera maintenu,
Y ajoutant,
- Condamner Mme [C] [F] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions d'intimées, après réouverture des débats, notifiées par voie électronique le 8 février 2023, Mme [F] [C] demande à la cour, au visa des articles L 314-20 du code de la consommation, 1343-5 du code civil, en tant que de besoin, 834 du code de procédure civile, et 1163 et 1186 du code civil, de :
- Juger mal fondé l'appel relevé par la SA Lyonnaise de Banque et dans les limites de celui-ci, l'en débouter,
- Débouter la Lyonnaise de Banque de l'intégralité de ses demandes,
Au besoin par substitution de motifs,
- Confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés le 12 janvier 2022,
- Ordonner la suspension du paiement du crédit souscrit par elle auprès de la Lyonnaise de Banque pour le financement de l'ensemble immobilier sis [Adresse 3].
Ajoutant,
- Reporter à deux ans, l'exécution de ses obligations vis-à-vis de la Lyonnaise de Banque et suspendre pendant ce délai le paiement des échéances, les sommes dues ne produisant aucun intérêt durant ce délai.
- Condamner la Lyonnaise de Banque à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la Lyonnaise de Banque aux entiers dépens d'appel en réservant à la SELAS Adida et Associés le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé complet de leurs moyens.
Sur ce la cour,
Il convient de relever que la cour n'est pas saisie de la question de l'expertise judiciaire ordonnée par la décision critiquée.
En application de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Dans son arrêt rendu le 10 janvier 2023 dans cette affaire, la cour, rappelant que le contrat de vente immobilier financé par le prêt litigieux prévoyant des travaux non décrits et non formalisés dans un contrat ne relevait pas de l'application des dispositions de l'article L313-44 du code de la consommation, a jugé que les conditions d'application de cet article n'étaient pas remplies et que Mme [F] ne pouvait pas se prévaloir de ces dernières pour obtenir la suspension de ses obligations afférentes au prêt litigieux.
La cour a soulevé d'office les dispositions de l'article L314-20 du code de la consommation et a invité les parties à donner leurs observations sur l'application de ce texte à la demande formée par Mme [F].
L'article L314-20 du code de la consommation prévoit que l'exécution des obligations du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement, suspendue par ordonnance du juge des contentieux de la protection dans les conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil. L'ordonnance peut décider que, durant le délai de grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt.
En outre, le juge peut déterminer dans son ordonnance les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au terme du délai de suspension, sans que le dernier versement puisse excéder de plus de deux ans le terme initialement prévu pour le remboursement du prêt ; il peut cependant surseoir à statuer sur ces modalités jusqu'au terme du délai de suspension.
Ce texte s'applique tant aux crédits à la consommation qu'aux crédits immobiliers.
Selon l'article 1343-5 du code civil, les délais accordés ne peuvent excéder deux années.
Contrairement à ce que soutient la Lyonnaise de Banque, la cour n'excède pas ses pouvoirs en statuant au regard de l'article L314-20 du code de la consommation dès lors que la suspension de l'exécution des obligations du débiteur peut être ordonnée en référé et qu'en l'espèce, la cour statue en référé.
Par ailleurs, dès lors que la cour est la juridiction d'appel tant des décisions rendues en référé par le président du tribunal judiciaire que des décisions rendues par le juge des contentieux de la protection, il importe peu que l'ordonnance dont appel n'ait pas été rendue par ce dernier.
En conséquence, le moyen d'incompétence soulevé par la banque doit être rejeté.
Il convient de relever que, dans ces conditions, la Lyonnaise de banque s'en rapporte sur la demande de suspension de l'exécution du contrat de prêt immobilier conclu le 17 août 2020.
Les motifs permettant au juge de suspendre l'exécution des obligations au titre d'un prêt ne sont pas limités.
En l'espèce, le vice dont se plaint Mme [F] comme affectant l'immeuble acquis au moyen du prêt est grave et rend le bien inhabitable en l'état de sorte que sa demande de suspension du règlement des échéances du prêt est légitime.
Il convient donc de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné la suspension de l'exécution des obligations du prêt mais de l'infirmer en ce qu'elle a ordonné cette suspension dans l'attente de la solution du litige opposant Mme [F] à la SCI Les Vignottes.
Statuant à nouveau sur ce point, il y a lieu de prévoir que cette suspension s'appliquera dans la limite de deux années.
Il convient de juger que durant ce délai, les échéances reportées ne produiront pas d'intérêts mais qu'en revanche, dans l'intérêt de Mme [F], le paiement des primes d'assurance du prêt sera maintenu.
L'ordonnance déférée est confirmée sur les dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la Lyonnaise de banque, partie succombante, est condamnée aux dépens d'appel.
L'équité conduit à ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
Vu l'arrêt rendu le 21 mars 2023 et l'article L314-20 du code de la consommation,
La cour, dans les limites de sa saisine,
Confirme l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a dit que l'exécution du contrat de prêt serait suspendue dans l'attente de la solution du litige opposant Mme [F] à la SCI Les Vignottes,
Statuant à nouveau sur ce point,
Dit que l'exécution du contrat de prêt souscrit par Mme [F] le 17 août 2020 sera suspendu durant un délai de deux ans,
Y ajoutant,
Dit que durant ce délai les échéances reportées ne produiront pas d'intérêts,
Dit que le paiement des primes d'assurance du prêt sera maintenu,
Condamne la SA Lyonnaise de Banque aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,