COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 23/01/2003 *
APPELANTE SA K. prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LAMBERT, avoués à la Cour Assistée de Me Xavier LOUBEYRE, avocat au barreau de PARIS INTIMÉS SARL P. en liquidation judiciaire, représentée par son liquidateur judiciaire Maître M. es qualité d'administrateur judiciaire de la SARL P., -plus concerné- INTERVENANTS Maître Yvon P. es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL P. Représenté par la SCP LE MARC'HADOUR-POUILLE GROULEZ, avoué à la Cour Assisté de Me Frédéric BRAZIER, avocat au barreau de LILLE SA LA R. F. prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-REISENTHEL, avoués à la Cour Assistée de Me DESCHRYVER, avocat au barreau de LILLE COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DELIBÉRÉ Monsieur BOULY DE LESDAIN, Président de chambre M.
TESTUT, Conseiller M. CHOLLET, Conseiller GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Madame ROUÉ DÉBATS à l'audience publique du 23 Mai 2002, ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé à l'audience publique du 23 janvier 2003, après prorogation du délibéré du 24 Octobre 2002 (date indiquée à l'issue des débats) par Monsieur BOULY DE LESDAIN, Président, qui a signé la minute avec Madame ROUE, Greffier, présents à l'audience lors du prononcé de l'arrêt. ORDONNANCE DE CLÈTURE DU : 24 avril 2001 ***** I Données devant la Cour La décision attaquée Par un jugement du 4 juin 1998, le Tribunal de commerce de Lille : À
a reconnu la validité de la clause de réserve de propriété dont se prévaut la société K., À
a débouté la société K. du surplus de ses demandes, À
a ordonné à la société LA R. de verser entre les mains du C. A.de Lille la somme de 227.925,17 francs bloquée en ses livres, À
a condamné la société K. à payer à M° P. ès qualités et à la société LA R. la somme de 5.000 francs chacun au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Procédure La société K. a formé appel de cette décision le 13 juillet 1998. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 24 avril 2002. Les prétentions de l'appelant Dans ses conclusions en date du 24 avril 2001, la société K. demande à voir : À
confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a validé la clause de réserve de propriété À
dire que la transformation est l'opération qui altère la propriété ou les substances des biens, ce que ne réalise pas le façonnage des tissus, À
dire que la charge de la preuve de la transformation et de la livraison au client pèse sur l'intimé et que cette preuve n'est pas rapportée en l'état, À
dire que l'inventaire du 14 mars 1996 ne comporte aucune précision des marchandises alors même qu'il conforte l'existence d'un stock détenu personnellement ou par tiers interposé d'un montant permettant de répondre de la revendication, À
dire que la demanderesse peut exercer sa revendication sur tout bien fongible, À
dire que les marchandises n'ont pu suivre le processus allégué par M° P. ès qualités entre la date de livraison par la société K. et l'ouverture du redressement judiciaire de la société P., À
condamner la société P. à restituer les marchandises désignées dans les factures invoquées qui figurent en stock ou par équivalence sur le stock existant, À
dire que le revendiquant est subrogé dans les droits à l'encontre du revendeur sur le prix restant dû par la société LA R., À
à défaut condamner la société P. et M° P. ès qualités à lui payer les sommes de : .
227.925,17 francs en principal avec les intérêts au taux légal à compter du 9 février 1996, .
50.000 francs à titre de dommages intérêts, .
15.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Les prétentions de l'intimé M° P. ès qualités, par conclusions du 2 février 2000, demande à voir : À
réformer la décision entreprise en ce qu'elle a considéré la clause de réserve de propriété comme valide, À
confirmer la décision pour le surplus, À
condamner la société K. à lui payer en cause d'appel la somme 15.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
L'intervention la société LA R. la société LA R., par conclusions du 24 février 1999, demande à voir : .
donner acte de ce qu'elle remettra la somme bloquée en ses livres à qui il appartiendra, .
condamner le succombant à lui payer en cause d'appel la somme 15.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile II- Argumentation de la Cour Sur les circonstances du litige Il convient de se référer à la décision entreprise pour un exposé des faits détaillés, étant simplement rappelé que la société K. a livré des tissus à la société P. en décembre 1995 et janvier 1996, que la société P. est tombée dans les liens d'une procédure collective le 5 février 1996, que la société K. a revendiqué les marchandises dans les jours suivants. Sur la clause de réserve de propriété Pour dire la clause de réserve de propriété valide le premier juge a retenu que celle ci figurait dans les conditions générales de vente au verso des confirmations de commandes et des factures de la société K., et était rappelé au recto des mêmes documents, que les confirmations de commande sont antérieures aux livraisons. Attendu que le premier juge a fait exacte application de l'article L621-122 du code de commerce en retenant que la clause était connue du client antérieurement à la livraison par le libellé des confirmations de commandes qui rappelait son existence au recto du document, Qu'ainsi la décision entreprise sera confirmée de ce chef. Sur l'existence en nature des tissus au jour de l'ouverture de la procédure collective Attendu que la charge de la preuve de l'existence en nature et de l'identification des biens revendiqués pèse sur le revendiquant, Attendu que l'administrateur a fait procéder à un inventaire, prenant ainsi les mesures que justifiait la réclamation de la société K., Attendu que le commissaire-priseur a établi l'existence d''un stock de tissus dans les locaux, les diligences effectuées ne permettant toutefois
pas de déterminer la provenance de ceux-ci, Attendu que les tissus ne sont pas en soi des biens fongibles, les coupons en provenance de différents fournisseurs correspondants chacun à une réference commerciale distincte ne serait-ce que par la nature des fibres, le tissage, le grammage, les coloris et modèles d'imprimés, tous éléments liés à la qualité même de ces marchandises, ce qui devait inciter le commissaire priseur à dresser un inventaire exhaustif de ces intrants de production, tâche en rien distincte de celle opérée pour lister abondamment les tables, chaises, bureaux, armoires et machines à coudre présente dans l'entreprise, Attendu que, dans son courrier du 6 mars 1996, l'administrateur judiciaire a informé la société K. que les marchandises non payées avaient été transformées et livrées à la clientèle, Attendu que, si la société K. avait un doute sur la véracité des allégations du dirigeant de la société P. que rapportait l'administrateur, il lui appartenait alors de saisir le juge commissaire aux fins de contester le défaut d'acquiescement de l'administrateur et de faire nommer un constatant pour identifier celles des marchandises de sa provenance éventuellement présente dans la masse des coupons de tissus signalés par le commissaire priseur mais non listés, Attendu que la société K. n'en a rien fait et n'établi donc pas la présence de ses marchandises en nature au jour de l'ouverture du redressement judiciaire de la société P., Sur la revendication du prix entre les mains du sous acquéreur Attendu que la société K. entend en outre se prévaloir de l'article L621-124 du code de commerce qui permet de revendiquer le prix ou la partie du prix des biens visés à l'article L621-122 qui n'a été ni payé ni réglé en valeur, ni compensé en compte courant entre le débiteur et l'acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire, Attendu que la revendication du prix des marchandises ne peut être accueillie qu'à la condition que la marchandise existe en
son état initial au jour de la délivrance au sous acquéreur, Attendu que la société K. soutient vainement que le façonnage qu'aurait fait effectuer la société P. au Maroc sur les lots de tissus fournis n'altère en rien la qualité des marchandises fournies, Attendu qu'en effet le sous acquéreur est la société LA R. à qui la société P. vendait des vêtements fabriqués à partir des tissus fournis par la société K., qu'il est d'évidence que la fabrication de vêtements nécessite la découpe préalable des coupons de tissus à partir d'un patron puis une couture des différentes pièces de tissus, qu'il y a donc transformation d'un composant textile élémentaire pour obtenir un produit d'habillement, Attendu donc que les conditions de la revendication du prix entre les mains du sous acquéreur ne sont pas remplies sans qu'il soit nécessaire de rechercher à quelle date exacte le façonnage dans des ateliers de confection delocalisés a pu être réalisé ni la date des livraisons correspondantes à la société LA R., Qu'ainsi la décision entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions. Sur les frais irrépetibles M° P. ès qualités et la société LA R. ont chacun du engager des frais irrépetibles en cause d'appel que la Cour fixe à 1.000 Euros. Sur les dépens La société K. supportera les dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
III- Décision de la Cour Par ces motifs, La Cour
confirme le jugement du 4 juin 1998 en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
condamne la société K. à payer à M° P. ès qualités la somme de 1.000 Euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société K. à payer à la société LA R. la somme de 1.000 Euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
met à la charge de la société K. les dépens, dont distraction au profit des avoués de la société LA R. et de M° P. ès qualités.
Le Greffier
Le Président
M.. ROUÉ
R. BOULY DE LESDAIN