COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 16/ 11/ 2005
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No RG : 03/ 07164
JUGEMENT
Tribunal de Grande Instance de SAINT OMER
du 12 Septembre 2003
REF : JLF/ MB
APPELANTE
S. A. HABITAT 62/ 59
ayant son siège social
Boulevard du Parc d'Affaires d'Eurotunnel
B. P. 111
62903 COQUELLES CEDEX
représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX
représentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués associés à la Cour
assistée de Maître TRICOT substituant Maître Philippe CHAILLET, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉES
LA COLAS NORD PICARDIE
venant aux droits de la S. A. R. L. QUERET B. T. P.
Ayant son siège social
235 boulevard Clémenceau
59700 MARCQ EN BAROEUL
représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX
représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués associés à la Cour
assistée de Maître Xavier DHONTE, avocat au barreau de LILLE
S. A. AXA COPRPORATE SOLUTIONS ASSURANCE
venant aux droits de l'U. A. P.
Ayant son siège social
4 rue Jules Lefebvre
75009 PARIS
représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX
représentée par Maître QUIGNON, avoué à la Cour
assistée de Maître RICAUT substituant Maître Alain BILLEMONT, avocat au barreau de LILLE
Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR
demeurant Bâtiment Condorcet
6 rue Louise Weiss
75703 PARIS CEDEX 12
DIRECTION DEPARTEMENTALE DE L'EQUIPEMENT
ayant son siège social
100 avenue Winston Churchill
62000 ARRAS
représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX
représentés par la SCP COCHEME-KRAUT, avoués associés à la Cour
assistés de la SALAFA FEBVAY DEBAVELAERE, avocats associés au barreau d'HAZEBROUCK
DÉBATS à l'audience publique du 14 Septembre 2005, tenue par Monsieur FROMENT magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame POPEK
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Monsieur FROMENT, Président de chambre
Madame DEGOUYS, Conseiller
Madame MARCHAND, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2005 (date indiquée à l'issue des débats) par Monsieur FROMENT, Président, et Madame POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
VISA DU MINISTÈRE PUBLIC
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 JUIN 2005
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La société d'HLM du Pas de Calais et du Nord, aux droits et obligations de laquelle vient la société anonyme Habitat 62/ 59 (le maître d'ouvrage) a fait construire un ensemble de logements dans un lotissement à Audruicq, dénommé " Nord Boutillier ".
Elle a chargé la société Queret, aux droits et obligations de laquelle vient la société Colas Nord Picardie en appel (l'entrepreneur), assurée par la compagnie UAP, aux droits et obligations de laquelle est venue la compagnie AXA Corporate Solutions, des travaux de voies et réseaux divers de la 3ème et 4ème tranche de ce lotissement, suivant marché de 1982 et avenant No1 du 17 mars 1986. La direction départementale de l'équipement du Pas de Calais (le maître d'oeuvre) est intervenue dans ces travaux en qualité de maître d'oeuvre, suivant contrat du 10 février 1986, portant sur une mission complète.
Des désordres étant apparus après réception de l'ouvrage, l'expert X... a été désigné, en référé, suivant ordonnance du 23 juillet 1991. Il a déposé un rapport le 7 février 1994. Il a été à nouveau désigné, par des ordonnances du 17 mars 1995 et 26 mars 1996, et a déposé un autre rapport, à ce tire, le 26 août 1996.
Le maître d'ouvrage a assigné l'entrepreneur et son assureur en réparation ainsi que le maître d'oeuvre, pour lequel l'Agent judiciaire du Trésor est intervenu en tant que représentant de l'Etat, la direction départementale de l'équipement du Pas de Calais étant un service de l'Etat sans personnalité morale.
Le tribunal de grande instance de Saint Omer ainsi saisi s'est déclaré incompétent, au profit des juridictions de l'ordre administratif en ce qui concerne l'entrepreneur et le maître d'oeuvre, suivant jugement du 6 juin 1997, et a sursis à statuer jusqu'à décision de la juridiction administrative, notamment en ce qui concerne la demande dirigée contre la compagnie UAP, recherchée en tant qu'assureur de l'entrepreneur.
Par arrêt du 13 mai 1999, la cour de céans :
- a infirmé ce jugement du chef de la compétence,
- a dit que le litige relève de la compétence des tribunaux judiciaires,
- a, eu égard à aux sursis à statuer prononcés par le tribunal de grande instance de Saint Omer, renvoyé l'affaire devant ce tribunal.
Statuant sur le fond, cette juridiction, par jugement du 12 septembre 2003 :
- a donné acte de l'intervention de l'Agent judiciaire du Trésor, pour la maîtrise d'oeuvre,
- a dit que le maître d'ouvrage a qualité pour agir, en écartant le moyen selon lequel la commune d'Audruicq serait propriétaire des voies et réseaux divers, ensuite de la réception de ces ouvrages en présence du maire de cette commune,
- a jugé l'entrepreneur et le maître d'oeuvre responsable des désordres affectant le lotissement,
- a retenu l'acceptation délibérée de risques du maître d'ouvrage comme exonérant pour moitié les constructeurs,
- a condamné l'Agent judiciaire du Trésor, pour la maîtrise d'oeuvre, l'entrepreneur et son assureur à payer au maître d'ouvrage :
a) 246. 929, 30 euros, " à titre provisionnel et sous réserve de procéder à des études complémentaires selon les recommandations de la société Sol Etudes Fondations ", avec indexation de cette somme sur l'indice BT 01 entre février 1994 et la date du jugement,
b) 6222, 84 euros, au titre de frais de sondages demandés par l'expert dans la première expertise,
c) 19. 720, 91 euros, outre intérêts et capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, ce montant correspondant, dans les motifs du jugement, à des réfections d'urgence, nécessitées par les désordres de la seconde, et d'une étude du sous-sol " rue des lilas ", faite dans le cadre de cette expertise,
- a débouté le maître d'ouvrage de ses prétentions à dommages intérêts pour résistance abusive,
- a dit n'y avoir lieu à indemnités de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- a déclaré le maître d'oeuvre et l'entrepreneur, dans leurs rapports, responsables pour moitié des désordres, au titre des réparations dont ils sont tenus, après application de l'exonération partielle au titre de la faute du maître d'ouvrage,
- a ordonné l'exécution provisoire,
- a fait mase des dépens, y compris les frais d'expertise en référé, et dit qu'ils seraient supportés par les parties à part égale.
Appel de ce jugement a été interjeté par le maître d'ouvrage contre les autres parties.
Les dernières conclusions d'appel sont :
- celles déposées par l'Agent judiciaire du Trésor le 20 octobre 2004, lequel demande, au visa de l'article 1792 du Code civil, le débouté, en ce que les fautes du maître d'ouvrage seraient totalement exonératoires, notamment par immixtion fautive, en ce qu'en outre la commune d'Audruicq aurait contribué à l'aggravation des dommages, demande, subsidiairement, d'être relevé et garanti par l'entrepreneur, au moins à hauteur de 80 %, et discute le préjudice en ce qu'un coefficient de vétusté n'a pas été retenu,
- celles déposées par l'assureur de l'entrepreneur le 14 octobre 2004, par lesquelles il soutient le défaut de qualité à agir du maître d'ouvrage, la commune étant, selon lui, propriétaire des voies et réseaux divers, et, subsidiairement, l'acception des risques par le maître d'ouvrage et par voie de conséquence le débouté de ses prétentions, sans discuter sa garantie,
- celles déposées par l'entrepreneur le 23 juin 2004, par lesquelles il s'associe au moyen concernant le défaut de qualité à agir du maître d'ouvrage et soutient, subsidiairement, au visa de l'article 1792 du Code civil, d'une part que les désordres de l'ouvrage ne lui sont pas imputables, en ce que ses travaux auraient été parfaitement exécutés et que des erreurs dans la conception des travaux, qui ne relève pas de sa mission, sont à l'origine de ces désordres, d'autre part, qu'il y a eu acceptation des risques par le maître d'ouvrage,
- celles déposées par le maître d'ouvrage le 9 avril 2004, par lesquelles, au visa de l'article 1792 du Code civil, il critique le jugement déféré en ce qu'il a retenu, à sa charge, une part de responsabilité.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 21 juin 2005, pour l'affaire être plaidée à l'audience du 14 septembre 2005, où elle a été retenue.
Le ministère public a conclu à la confirmation du jugement le 26 août 2005, copie aux avoués de ces réquisitions leur étant adressée le 29 août 2005.
Sur ce,
I) Sur la qualité à agir du maître d'ouvrage :
Attendu qu'il n'a pas été statué dans l'arrêt de la cour de céans du 13 mai 1999 sur la qualité à agir en tant que maître d'ouvrage de la société d'HLM du Pas de Calais et du Nord, aux droits et obligations de laquelle vient la société Habitat 62/ 59, et que cet arrêt, statuant seulement sur la compétence, ne s'est pas prononcé, par des dispositions distinctes d'où dépendrait la compétence, sur la propriété de l'ouvrage à quelque date que ce soit ;
Attendu toutefois qu'à bon droit le premier juge, pour écarter l'irrecevabilité tirée d'un prétendu défaut de qualité à agir du maître d'ouvrage, relève que, selon la convention du 8 décembre 1982, qui est invoquée par l'entrepreneur et son assureur, seule la signature du maire de la commune d'Audruicq sur le procès-verbal de réception de l'ouvrage vaut remise gratuite à la commune de l'ouvrage et que le procès-verbal de réception n'a pas été signé par ce maire, même s'il a participé à la réunion de réception ; qu'il y a lieu d'ajouter que cette convention ne lie que ces deux parties, que rien n'étaye que les formalités administratives tendant au classement dans le domaine public et à la cession gratuite de l'ouvrage, prévues au 8o de la convention précitée, desquelles résulterait le transfert de propriété au profit de la commune, ont été accomplies et que seule la signature du maire sur le procès-verbal de réception pouvait, comme indiqué in fine du 5o de cette convention, subroger la commune dans les droits du maître d'ouvrage relativement à l'ouvrage reçu par celui-ci ; que, rien n'étayant que cette convention a été exécutée, du moins sur ces points, le maître d'ouvrage est resté propriétaire du sol et des ouvrages qui y sont implantés et a qualité et intérêt pour prétendre contre ses locateurs d'ouvrage au titre des désordres litigieux ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
II) Sur les désordres affectant l'ouvrage :
Attendu que l'expert judiciaire a relevé, dans son premier rapport, clôturé le 7
février 1994 :
- que l'ouvrage litigieux concernait la réalisation d'une voirie entre deux rangées d'habitations, avec, enterrées sous la voirie à une profondeur de 2m environ, un réseau d'eaux pluviales en tuyaux vibrés non armés et un réseau d'eaux usées, en fibrociment, relié à une station d'épuration (page 9 du rapport),
- que les désordres affectent ces canalisations, en ce que des cassures d'emboîtement, des contre-pentes et des obliquités directionnelles engendraient des obturations de canalisation,
- que ces désordres compromettent la pérennité de l'ouvrage, sa solidité et le rendent impropres à sa destination (page 14),
- que les " premières anomalies " constatées ont été rectifiées avec une hypothèse de présence de source et non de nappe phréatique " en cours d'exécution " (page 18 7o), ce qui vise l'exécution de la tranche de travaux du lotissement concernée par les désordres, d'autres tranches ayant été exécutées en 1983 qui sont évoquées en page 18 1o du rapport,
- que les désordres résultent d'une inadaptation au terrain, en notant notamment que le projet initial avait été modifié, sans tenir compte de la présence de la nappe phréatique, avec un enfoncement du réseau pour éviter un poste de relevage (page 21),
- que la réfection des désordres avec tuyaux en fibrociment pouvait être estimée, suivant un devis Marmin, à 2. 842. 845f HT, coût comprenant un poste de relèvement en tête de réseau mais ne comprenant pas les travaux consécutifs de voirie, et que la réfection avec tuyaux en PVC à emboîtement collés, ne nécessitant pas un poste de relèvement, pouvaient être estimés à 3. 239. 500f HT, y compris la réfection consécutive de voirie, l'expert retenant ce dernier montant, arrondi à 3. 300. 000f, en page 22 du rapport ;
Attendu que, dans son second rapport, clôturé le 26 août 1996, l'expert a relevé, alors que les travaux de réfection préconisés dans son précédent rapport n'avait été entrepris :
- que le désordre pour lequel cette expertise a été ordonnée a siégé dans un affaissement du sol de la rue des Lilas, ce qui désigne la voirie, entre deux rangées d'habitation, précédemment examinée, et une rupture du collecteur d'eaux usées, également précédemment examiné, étant observé qu'il se déduit des observations de l'expert que l'affaissement de la voirie est la conséquence de la rupture du collecteur,
- que la réfection d'urgence a été d'un coût de 179. 607, 84f TTC,
- que cette réparation d'urgence a remédié ponctuellement aux désordres généralisés retenus dans son précédent rapport (page 15 du 2ème rapport),
- que l'origine des anomalies de déformation des réseaux constatée notamment avec le passage d'une caméra, ce qui vise les investigations rappelées en page 10 de son 1er rapport, n'est pas parfaitement définie, en notant notamment que la présence de la nappe phréatique ne paraissait avoir été décelée que dans le lotissement litigieux, alors que les autres réseaux externes n'ont subis aucun désordre, et que les sondages de la société SIMECSOL ne concernaient pas le site du lotissement " Nord Boutillier rue des Lilas ",
- qu'il faudrait faire des sondages complémentaires pour connaître la nature exacte du sous-sol et prévoir de cette façon une réparation adaptée au site, en notant que cette étude sort du cadre de sa mission mais en précisant toutefois, en page 17 in fine, que le coût de réfection d'ensemble a été retenu à hauteur de 3. 239. 500f HT dans le premier rapport et que ce coût est retenu " sous réserve de procéder à des études complémentaires, selon les recommandations de la société Sols Etudes Fondations ", lesquelles figurent en annexe du second rapport, dans un document de synthèse de cette société daté du 14 novembre 1995 ;
III) Sur les responsabilités dans les désordres précités :
Attendu que l'ouvrage litigieux a donné lieu à un procès verbal de réception du
1er février 1988, signé du maître d'ouvrage, de l'entrepreneur et du maître d'oeuvre, peu important à cet égard la date à laquelle les travaux auraient été achevés ;
Attendu que, selon l'article 1792 du Code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en outre, selon l'article 1792-1 1o, est réputé constructeur de l'ouvrage tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître d'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ; qu'il suit de ces textes et des constatations du rapport de l'expert qu'en l'espèce la responsabilité de l'entrepreneur et du maître d'oeuvre sont, sur le principe, de plein droit engagée, comme l'a, à bon droit, retenu le premier juge, eu égard à la nature des désordres affectant les réseaux litigieux, étant observé qu'il n'est pas discuté que ces désordres sont apparus après la réception ;
Attendu que vainement il est soutenu par le maître d'oeuvre que plusieurs phénomènes peuvent être à l'origine des désordres, alors que, si l'expert reconnaît, dans son second rapport, que l'origine des anomalies de déformation des canalisations n'est pas parfaitement définie, cette circonstance n'est pas exonératoire de la responsabilité des constructeurs, qui, tenus de plein droit, doivent faire la preuve d'une cause étrangère, laquelle ne saurait résulter d'incertitudes quant à l'origine des désordres affectant l'ouvrage qu'ils ont faits ou dirigés ;
Attendu que, pour s'exonérer de leur responsabilité, le maître d'oeuvre et l'entrepreneur, dont l'assureur soutient également les moyens sur ce point, font valoir que le maître d'ouvrage disposait d'une étude de sol faite par la société SIMECSOL et qu'il ne la leur a pas communiquée, ce qui constituerait, selon eux, une acceptation des risques par ce maître d'ouvrage ;
Attendu qu'il y a lieu de relever :
- que cette étude, faite en 1980, a été réalisée pour la construction des habitations et ne contient aucune préconisation en ce qui concerne les voies et réseaux divers, se bornant à indiquer, en page 5 et 6, que les caractéristiques du terrain, assez moyennes, sont suffisantes pour des fondations d'ouvrages de petite et moyenne importance, que pour des bâtiments collectifs de plusieurs niveaux les fondations pourraient consister en des puits courts, dont le taux de travail serait fonction de l'encastrement et de l'épaisseur de la couche, que, pour les maisons individuelles, une solution de fondations superficielles pourra être normalement étudiée, qu'il est souhaitable, pour des groupes de maisons accolées, de prévoir des joints de rupture à intervalles réguliers, qu'enfin, dans la partie basse du terrain, la présence de la nappe phréatique à faible profondeur ne permet pas, sauf disposition particulière à prendre, d'envisager des sous-sols enterrés et que des problèmes locaux pourront être rencontrés au moment des travaux, si ceux-ci ont lieu en période pluvieuse ; qu'ainsi le maître d'ouvrage n'était aucunement informé par cette étude de sol de difficultés particulières concernant la réalisation des voies et réseaux divers,
- qu'en outre l'étude est une simple reconnaissance de sol, portant sur un terrain de 7 hectares avec exécution de 4 pénétromètres statiques, 10 sondages courts et 10 essais de cohésion non drainée, et que l'expert a relevé que les sondages n'ont pas concerné le site de la rue des lilas, où siège les désordres,
- qu'enfin ni le maître d'oeuvre, ni l'entrepreneur n'ont réclamé une étude de sol, y compris lorsque, les " premières anomalies " ayant été constatées sur ce site en cours de travaux par des venues d'eau, il a été nécessaire de procéder à des rectifications de ce qui avait déjà été fait ;
Attendu que l'exonération de la responsabilité des constructeurs en raison d'une acceptation des risques par le maître d'ouvrage suppose que celui-ci soit informé avec précision de la nature du risque et de ses conséquences par un professionnel et qu'il passe outre pour quelque raison que ce soit ; que l'étude précitée ne contient aucun élément faisant connaître au maître d ‘ ouvrage des risques précis en ce qui concerne les voies et réseaux divers tenant à la nature du sol, l'étude ne s'attachant qu'aux fondations des bâtiments, de sorte la circonstance que le maître d'ouvrage a disposé de cette étude avant le commencement des travaux litigieux ne permet aucunement d'établir qu'il a accepté quelque risque que ce soit en ce qui concerne des désordres éventuels à raison de la profondeur d'enfouissement des voies et réseaux divers, étant observé, en outre, que la circonstance que l'étude litigieuse, qui, de plus, n'a donné lieu à aucun sondage sur le site de la rue des lilas, comme l'a relevé l'expert, ait pu ne pas être communiquée spontanément aux constructeurs est sans incidence sur leur responsabilité dans les désordres relevés par l'expert, rien n'étayant, même au titre de la loyauté, que ce maître d'ouvrage pouvait extrapoler de cette étude, faite plusieurs années auparavant, la nécessité de la leur soumettre, alors qu'ils ne demandaient aucune étude de sol spécifique, en dépit de l'apparition de l'eau en cours de travaux les obligeant à procéder à des rectifications, ce dont il résulte qu'il est indifférent que ces constructeurs prétendent n'avoir pas su que, pour ce lotissement de 7 hectares à construire, une étude de sol avait été faite préalablement à l'engagement des travaux de construction des bâtiments, et que le maître d'ouvrage n'établisse pas qu'il leur a communiqué cette étude, dés lors que, à supposer qu'elle ne leur ait pas été ainsi communiquée, il n'y a pas faute du maître d'ouvrage sur ce point, ni, à plus forte raison, cause étrangère pour les constructeurs ;
Attendu qu'il est soutenu également qu'il y aurait eu immixtion fautive du maître d'ouvrage ;
Attendu que l'avenant No1 du 17 mars 1986 précise qu'il a été nécessaire d'approfondir les réseaux d'assainissement eaux usées et eaux vannes afin d'éviter la construction d'un poste de relèvement et permettre l'écoulement gravitaire des effluents en provenance de la rue du Fort Bâtard, précise que cet approfondissement a nécessité la mise en place d'un drain en fond de tranchée, précise que des terres végétales ont été mises en place devant les habitations à la demande du maître d'ouvrage et précise que le forfait de l'entrepreneur doit être mis au point pour tenir compte des modifications du plan de masse et des travaux supplémentaires susvisés ; que ce document contractuel est signé du maître d'ouvrage et, sans réserve de leur part, de l'entrepreneur et du maître d'oeuvre ; qu'une simple modification de programme, même pour des raisons d'économie, ne caractérise pas une immixtion, de sorte que la simple circonstance qu'il se déduise de cet avenant que le maître d'ouvrage a demandé un approfondissement des réseaux, pour éviter un poste de relèvement prévu à l'avant projet général, n'établit pas l'immixtion invoquée, alors que rien n'étaye que les documents techniques modificatifs des travaux initialement prévus ont été dressés par ce maître d'ouvrage lui-même, étant observé, de plus, que, pour être en tout ou partie exonératoire, l'immixtion doit être le fait d'un maître d'ouvrage notoirement compétent et qu'en l'espèce il n'est pas établi que la société d'HLM du Pas de Calais et du Nord a disposé de services propres notoirement compétent en matière de voies et réseaux divers ; qu'il s'ensuit que c'est à tort qu'il est soutenu qu'une faute du maître d'ouvrage, par immixtion, exonère les constructeurs de leur responsabilité de plein droit, alors qu'il n'y a eu qu'une modification de programme, acceptée sans réserve par les constructeurs ;
Attendu qu'il suit de ces éléments qu'à tort le premier juge retient que la responsabilité des les désordres est partagée entre le maître d'ouvrage, à hauteur de moitié, et les constructeurs pour le surplus ; que le jugement déféré doit être réformé de ce chef, ces derniers étant entièrement responsables des dommages relevés par l'expert, sur le fondement de l'article 1792 du Code civil ;
IV) Sur la garantie de la compagnie AXA Corporate Solutions Assurance :
Attendu que la compagnie Axa Corporate Solutions Assurance, venant aux
droits et obligations de la compagnie UAP, recherchée en tant qu'assureur de l'entrepreneur, ne dénie pas sa garantie ; qu'elle est ainsi tenue, in solidum avec son assuré et avec le maître d'oeuvre, comme l'a retenu le premier juge, même si, par erreur, comme cela se déduit de l'énoncé des parties au jugement, cet assureur est dénommé dans le dispositif de ce jugement " AXA Global Risk " ;
V) Sur la demande de garantie respectivement formée par l'entrepreneur contre le maître d'oeuvre et la demande de celui-ci tendant à fixer la contribution aux dommages au regard des partages de responsabilité retenus :
Attendu que, si l'expert relève dans son second rapport que l'origine des
anomalies de déformation des canalisations n'est pas parfaitement définie, il reste qu'il se déduit de ses deux rapports que l'enfouissement de celles-ci jusqu'au niveau de la nappe phréatique a, avec certitude, été cause les désordres et qu'il se déduit de son premier rapport que le drain, qui a été préconisé par le maître d'oeuvre, entraînant une accélération de l'écoulement de l'eau, les a aggravés ; que, sur ces points, les fautes du maître d'oeuvre dans la conception sont établies ainsi que les fautes de l'entrepreneur qui a exécuté sans réserve, en dépit des venues d'eaux apparues en cours d'exécution, attribuées par la maîtrise d'oeuvre à une source, sans qu'ait été effectuée une étude de sol spécifique, étant observé qu'il ne ressort pas avec certitude des éléments des rapports de l'expert que, pour le surplus, l'entrepreneur a manqué à d'autres obligations dans l'exécution, l'eau, qui a dégradé la canalisation enfouie, ayant pu provoquer tous les désordres constatés, y compris des contre-pentes ; qu'il suit de ces éléments qu'au regard de la gravité des fautes commises par ces deux constructeurs, la charge définitive des dommages doit incomber à hauteur de 2/ 3 au maître d'oeuvre et de 1/ 3 à l'entrepreneur ; que ce dernier est ainsi fondé à demander d'être relevé et garanti par l'autre des condamnations prononcées au titre des dommages, mais seulement à hauteur de 2/ 3 ;
VI) Sur les réparations :
Attendu qu'en ce qui concerne les travaux sur les canalisations dans leur ensemble, le coût des travaux estimé par l'expert est de 493. 858, 59 euros HT, étant observé que ce coût n'inclut aucunement des travaux de réparation faits en 1988, à la suite d'un affaissement survenu fin janvier 1988, dont l'expert a relevé qu'il s ‘ agissait d'un désordre ponctuel qui ne concernait ni la canalisation principale, ni des travaux exécutés par l'entrepreneur Queret ; que l'estimation ainsi faite par l'expert des réfection ne doit pas être diminuée d ‘ un coefficient de vétusté, aucune constatation précise, dans le rapport, ne démontrant que l'état actuel de l'ouvrage est défectueux pour des raisons étrangères aux désordres relevés ou que la chaussée, sous laquelle il est enfoui et qu'il faudra creuser pour l'atteindre puis qu'il faudra remettre en état, est, d'ores et déjà, défectueuse pour des raisons étrangères aux désordres ; qu'à bon droit, au titre de ces travaux de réfection, le maître d'ouvrage réclame la somme de 493. 858, 59 euros HT, outre indexation sur l'indice BT 01 entre février 1994, date du premier rapport de l'expert judiciaire, et le mois du présent arrêt ; qu'en outre cet expert a retenu que les travaux de réfection précités pourraient être plus coûteux, au regard des recommandations de la société Sols Etudes Fondations ; que cette société indique, dans un document de synthèse du 14 novembre 1995, annexé au second rapport de l'expert judiciaire, que l'étude géophysique à laquelle elle a fait procéder le long du réseau d'assainissement par la société Européenne de géophysique a permis de constater qu'il ne subsistait pas de cavités sous la chaussée mais que l'essai au pénétromètre P 5 avait mis en évidence des horizons de compacité médiocre à la profondeur de 2 à 2, 5 mètres et qu'il pourrait être intéressant de procéder à un carottage, pour préciser la cause de cette chute prononcée des résistances ; qu'il suit de ces éléments, aucune des parties ne discutant ce point, que doivent être réservés les droits du maître d'ouvrage à demander indemnité au titre de toute aggravation du coût précité des travaux, en ce qu'elle découlerait, avant exécution de ceux-ci, des résultats du carottage préconisé par la société Sols Etudes Fondations ;
Attendu que, outre les travaux de réfection à effectuer, le maître d'ouvrage a supporté des frais de sondage d'un montant de 12. 445, 68f, suivant ce qui ressort du 1ère rapport de l'expert judiciaire (page 10 et page 23) ; qu'il a supporté également, en raison de la rupture ponctuelle de la canalisation d'eaux usées le 15 mars 1995, des travaux d'urgence d'un montant de 27. 381, 04 euros (page 10 et 11 de 2ème rapport de l'expert judiciaire) ; qu'il a enfin supporté les frais de l'étude de sol effectuée, au cours de la deuxième expertise, par la société Sols Etudes Fondations, pour un montant de 12. 060, 79 euros (page 11 du 2ème rapport de l'expert judiciaire) ; qu'il suit de ces éléments que ce maître d'ouvrage est fondé, dans ses dernières conclusions d'appel, à demander, au titre de l'ensemble de ces frais, le paiement de la somme totale de 51. 567, 26 euros ;
VII) Sur les autres demandes :
Attendu que, contrairement à ce que soutient l'entrepreneur, le maître d'ouvrage, dans ses conclusions d'appel, ne demande aucune indemnité pour procédure abusive ; que le jugement l'ayant débouté de ce chef sera confirmé sur ce point ;
Attendu que le maître d'oeuvre, l'entrepreneur et l'assureur de celui-ci succombent sur toutes leurs prétentions ; que les dépens en frais d'expertise, les dépens de 1ère instance et les dépens d'appel doivent être mis in solidum à leur charge et que l'équité commande qu'ils soient condamnés, en outre, à payer au maître d'ouvrage une indemnité de 8000 euros pour les frais non taxables qu'il a exposés tant en 1ère instance qu'en appel ; qu'au regard de leurs responsabilités respectives, l'entrepreneur sera relevé et garanti à hauteur de 2/ 3 par le maître d'oeuvre du chef de ces condamnations ; qu'il n'y a pas matière à d'autres indemnités pour frais non taxables ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant contradictoirement,
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement déféré en ce que :
- il a retenu que la société d'HLM du Pas de Calais et du Nord, aux droits et obligations de laquelle vient la société Habitat 69/ 59, a qualité pour agir,
- il a retenu que la société Queret, aux droits et obligations de laquelle vient la société Colas Nord Picardie, et l'Etat, en sa direction départementale de l'équipement du Pas de Calais, sont responsables in solidum des désordres litigieux affectant les réseaux enfouis du lotissement " Le Nord Boutillier " à Audruicq,
- il a débouté la société d'HLM du Pas de Calais et du Nord de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive,
Réformant pour le surplus, statuant à nouveau et ajoutant au jugement,
Condamne in solidum l'Agent judiciaire du Trésor, en tant que représentant de l'Etat, la société Colas Nord Picardie, aux droits et obligations de la société Queret, et la compagnie AXA Corporate Solutions, aux droits et obligations de la compagnie UAP, assureur de la société Queret, à payer à la société Habitat 62/ 59 :
- la somme totale de 51. 567, 26 euros, au titre des frais d'investigations et réparations urgentes exposés en raison des désordres litigieux,
- la somme de 493. 858, 59 euros HT, outre indexation sur l'indice BT 01 entre février 1994, date du premier rapport de l'expert judiciaire, et le mois du présent arrêt, au titre des travaux de réfection d'ensemble des désordres litigieux,
Réserve les droits du maître d'ouvrage à demander indemnité pour toute aggravation du coût précité des travaux de réfection d'ensemble des désordres litigieux, en ce qu'elle découlerait, avant l'exécution de ces travaux, des résultats du carottage préconisé par la société Sols Etudes Fondations, dans son rapport de synthèse du 14 novembre 1995, en annexe du second rapport de l'expert judiciaire,
Dit qu'au regard des fautes commises tant par l'Etat, en sa direction départementale de l'équipement du Pas de Calais, que par la société Colas Nord Picardie, aux droits et obligations de la société Queret, la responsabilité entre eux incombe à raison de 2/ 3 au premier et de 1/ 3 à la seconde,
Condamne, en conséquence, l'Agent judiciaire du Trésor, en tant que représentant de l'Etat, à relever et garantir la société Colas Nord Picardie des condamnations ci-dessus prononcées contre elle à hauteur de 2/ 3,
Condamne in solidum l'Agent judiciaire du Trésor, la société Colas Nord Picardie et la compagnie AXA Corporate Solutions à payer à la société Habitat 62/ 59 la somme de 8000 euros, pour les frais non taxables qu'elle a exposés tant en 1ère instance qu'en appel,
Dit n'y avoir lieu à d'autres indemnités pour frais non taxables,
Condamne, in solidum l'Agent judiciaire du Trésor, la société Colas Nord Picardie et la compagnie AXA Corporate Solutions aux dépens en frais d'expertises de référé, aux dépens de 1ère instance et aux dépens d'appel, ceux d'appel avec, pour l'avoué de la société Habitat 62/ 59, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne l'Agent judiciaire du Trésor, en tant que représentant de l'Etat, à relever et garantir la société Colas Nord Picardie des condamnations précitées pour les frais non taxables et les dépens, dans la proportion de 2/ 3.
Le Greffier, Le Président,
C. POPEKJL. FROMENT