COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 28 / 02 / 2006
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No RG : 01 / 00755
JUGEMENT Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER du 09 Janvier 2001
REF : GG / MB
APPELANT
Monsieur Alfred X... né le 21 Juillet 1945 à SAINT MARTIN BOULOGNE demeurant... 62360 ECHINGHEN
représenté par Maître QUIGNON, avoué à la Cour assisté de Maître François DEROUET, avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER
INTIMÉS
Monsieur Emmanuel Z... né le 16 Juin 1961 à BOULOGNE SUR MER demeurant... 62360 ECHINGHEN
représenté par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LAMBERT, avoués associés à la Cour assisté de la SCP FAUCQUEZ BOURGAIN, avocats associés au barreau de BOULOGNE SUR MER
Monsieur Auguste A...-DECEDE... 62360 ECHINGHEN personne décédée le 12 / 3 / 02
PARTIES INTERVENANTES
Madame Hélène B... veuve A... es qualité d'héritière de Monsieur Auguste A... née le 11 novembre 1933 à CONDETTE demeurant... 62360 ECHINGHEN
Madame Marie Hélène A... veuve D... es qualité d'héritière de Monsieur Auguste A... née le 15 novembre 1954 à BOULOGNE SUR MER demeurant... 59140 DUNKERQUE
Monsieur Jacques A... es qualité d'héritier de Monsieur Auguste A... né le 18 septembre 1956 à BOULOGNE SUR MER demeurant... 62360 ECHINGHEN
Madame Isabelle A... épouse E... es qualité d'héritière de Monsieur Auguste A... née le 24 avril 1963 à BOULOGNE SUR MER demeurant... 62000 DAINVILLE
Madame Anne A... épouse F... es qualité d'héritière de Monsieur Auguste A... née le 21 août 1965 à BOULOGNE SUR MER demeurant... 92300 LEVALLOIS PERRET
représentés par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LAMBERT, avoués associés à la Cour assistés de la SCP FAUCQUEZ BOURGAIN, avocats associés au barreau de BOULOGNE SUR MER
DÉBATS à l'audience publique du 22 Novembre 2005, tenue par Madame GOSSELIN magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame POPEK
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Madame GOSSELIN, Président de chambre Madame DEGOUYS, Conseiller Madame MARCHAND, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE ET AVANT DIRE DROIT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 février 2006 après prorogation du délibéré en date du 14 Février 2006 (date indiquée à l'issue des débats) par Madame GOSSELIN, Président, et Madame POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 AVRIL 2005
Par arrêt en date du 27 septembre 2005, aux motifs duquel il convient de se reporter pour connaître des prétentions des parties, la Cour d'Appel de céans :
-a ordonné la réouverture des débats sans rabat de l'ordonnance de clôture,
-a enjoint à Monsieur Z... et aux consorts A... d'avoir à produire et communiquer la délibération du conseil municipal du 1er novembre 1863 aux termes de laquelle Monsieur G... (auteur de Monsieur X...) aurait acquis auprès de la commune d'Echinghen un terrain communal, ainsi qu'une copie du même acte dactylographié (si nécessaire),
-a invité les parties à formuler, si besoin était, leurs observations sur cette délibération,
-a renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 22 novembre 2005.
Monsieur Z... a communiqué la pièce réclamée.
Monsieur X..., dans une note, a demandé qu'il soit constaté qu'il n'avait jamais été produit par les intimés de titre constituant une servitude de passage, qu'au chemin qu'emprunte Monsieur Z... ne correspondait aucune trace de passage ni aucun titre.
SUR CE
Monsieur Z... est propriétaire d'un immeuble sis à Echinghen lieudit " Esprès "..... comprenant corps de ferme et parcelles cadastré section B no13, no263 et 262.
Il soutient que son immeuble bénéficie d'une servitude de passage conventionnelle sur la parcelle no2 appartenant à Monsieur X..., permettant de rejoindre le chemin rural du Moulin à Tournes, telle que mentionnée dans l'acte de vente en date du 26 mai 2000 entre Monsieur Auguste A... et Monsieur Z... : " Il existe une servitude de passage à pieds et avec tous véhicules au travers de la parcelle cadastrée section B no2, donnant accès à une maison d'habitation et à son terrain contigü, constituée par les parcelles cadastrées section B no262 et 263 appartenant à Monsieur A... ainsi que les parcelles 13 et 19 ".
Suivant l'acte de vente du 26 mai 2000 Monsieur A... vendait à Monsieur Z... non seulement les parcelles 262,263 et 13 mais également les parcelles 370 et 369 sises entre les parcelles 2 et 16 de Monsieur X... et 263 et 263 acquises par Monsieur Z....
Quant à la parcelle 371, elle restait la propriété du vendeur, étant précisé que les parcelles 369,370 et 371 proviennent de la division de la parcelle 19.
Par le même acte Monsieur Z... concédait à Monsieur A... pour accéder depuis la voie publique à ses parcelles enclavées une servitude de passage sur toute la surface de la parcelle B no370 et le long du fonds contigu cadastré no371, en utilisant la servitude de passage existant sur la parcelle B no2.
Monsieur X... a acquis par acte du 30 juillet 1992 des consorts H... ayants droit de Monsieur et Madame H... I..., une maison, jardin et pâture reprise au cadastre sous le no2,15,16,17,18.
Cet acte, dans sa deuxième partie, consacrait un paragraphe à un " rappel de servitude " ainsi libellé :
" Il est ici fait observer qu'il existe une servitude de passage à pieds et avec tous véhicules au travers de la parcelle cadastrée section B no2, donnant accès à une maison d'habitation et à son terrain contigü, constituée par les parcelles cadastrées section B no 262 et 263 appartenant à Monsieur Auguste A..., ainsi que les parcelles 13 et 19.
Cette servitude subsistera comme par le passé, Monsieur X... déclarant en avoir parfaite connaissance et en faire son affaire personnelle ".
Cet acte contient donc une reconnaissance par le propriétaire du fonds servant l'existence d'une servitude de passage mais déjà consacrée par un titre antérieur, comme le font entendre les mentions : " rappel de servitude ", " cette servitude subsistera comme par le passé.... ".
Toutefois cet acte ne fait pas référence au titre constitutif de la servitude, qui n'est pas produit.
Aussi ne constitue-t-il qu'un commencement de preuve par écrit d'un titre récognitif d'un titre antérieur établissant la servitude.
Suivant acte du 4 octobre 1858, Monsieur J... et son épouse Philippine G... vendaient une propriété divisée en 2, une partie (l'ancienne parcelle 19) à Monsieur Edouard K... et l'autre partie (parcelles 12,13 et anciennement 14) à Monsieur et Madame L....
Il y était précisé : " seront communs pour les Sieur et Dame L... et le Sieur K........
2) la sortie du manoir vendu pour arriver au terrain communal,
3) le sentier qui part de la maison, traverse un pré et arrive à la propriété de Madame H... qu'il traverse aussi jusqu'au ruisseau.
......
Pour faire usage de la sortie et du sentier dont il vient d'être parlé, les Sieur et Dame L... auront, sans indemnité à perpétuité, le droit de passer à travers la cour et le terrain du Sieur K.... L'usage du sentier est réservé aux piétons. Les chevaux, bestiaux, charrettes et ustensiles aratoires ne devront passer que par le chemin de sortie allant joindre le terrain communal ".
Monsieur K... vendait son immeuble par acte notarié du 29 janvier 1868 à Monsieur et Madame M.... Ceux-xi cédaient leur propriété à Monsieur et Madame N... par acte du 15 septembre 1917.
Ce dernier acte rappelait la vente J... à K... et J... à L... par acte de 1858 et les stipulations y contenues.
Certes ces actes créaient des servitudes sur la propriété L... au profit de la propriété K... et sur la propriété K... au profit de la propriété L... ; la propriété G... (auteur de Monsieur X...) n'était pas concernée.
Mais les accès vers l'Ouest à travers la propriété H... (actuellement la parcelle 20) pour arriver jusqu'au ruisseau, vers l'Est après un virage à angle droit, en direction du chemin communal le long et à travers la propriété X... n'existent plus, ne sont plus praticables.
En ce qui concerne la sortie du manoir vendu vers le Nord, elle rejoint le terrain communal et accède au chemin rural du moulin à Tournes.
Ce terrain communal ne peut être la parcelle cadastrée no 1 et appartenant actuellement à Monsieur A....
En effet suivant un acte d'adjudication du 30 octobre 1980 versé aux débats, à la requête de Madame Veuve O... et ses enfants au profit de Monsieur A... était concernée une pâture d'une contenance de 64 ares environ tenant vers l'Est au chemin de TOURNES, du Couchant à Monsieur P..., vers le Sud à Monsieur G..., vers le Nord à la rivière, qui correspond à cette parcelle no1.
Or il résulte de cet acte que cette parcelle avait été acquise le 14 mars 1874 à Monsieur Jean-Baptiste Q..., qui lui-même, l'avait acheté le 24 avril 1830 à Monsieur François, Marie R... de V....
Donc dès 1830 ce terrain appartenait à un particulier et il n'aurait pu être qualifié de communal dans l'acte de 1858.
D'autre part sont produites par Monsieur Z... et les consorts A... une délibération du conseil municipal de la commune d'Echinghen du 1er novembre 1863, ainsi qu'une copie dactylographiée conforme à l'original.
Il en résulte que le conseil donnait un avis favorable à la proposition de Monsieur Auguste G... d'acquérir un terrain communal de la contenance de 63 ares 90 centiares et sur lequel ledit G... revendiquait le droit de passage, étant précisé que Monsieur G... prenait l'engagement de garantir la commune contre tout recours de la part de Messieurs L... et K... au sujet des droits de passage auxquels ils pourraient prétendre sur ce terrain.
Aussi cette parcelle était-elle jusqu'à son acquisition par Monsieur G... un terrain communal.
Il s'ensuit que le terrain communal visé dans l'acte de 1858, donc antérieur à son acquisition par Monsieur G..., et dont les mentions y afférentes étaient reprises telles quelles dans l'acte de 1917 correspond à la parcelle no2 appartenant aujourd'hui à Monsieur X....
Monsieur X..., dans un courrier en date du 13 mars 2000 au Préfet du Pas de Calais produit par Monsieur Z..., faisait mention d'un " chemin existant, c'est-à-dire le passage des roues déjà empierré, donc carrossable ", sur sa propriété.
Il précisait qu'il avait donné son accord à Monsieur Z... pour qu'il continue à emprunter ce chemin, mais que celui-ci, depuis février 2000, avait procédé à un décapage du terrain puis l'avait empierré.
Aussi la parcelle concernée par le passage mentionné par Monsieur X... est-elle la parcelle B 2.
Monsieur Z... verse également aux débats deux attestations émanant d'anciens occupants des maisons sur les parcelles B 262 et 263 entre les années 1921 et 1999 qui déclarent qu'ils empruntaient le chemin se situant sur les parcelles B no2,19,262 et enfin 263.
La précision de ces témoignages quant à l'identification des parcelles traversées ne doit pas surprendre puisqu'ils ont été établis à l'aide d'un plan portant les numéros des parcelles au cadastre.
Le procès verbal de constat établi le 4 août 2003 à la requête de Monsieur X... par Maître S..., huissier de justice, aux termes duquel a été constaté l'empierrement d'une partie du sol en limite de propriété du fonds de Monsieur T... (parcelle B no2) et au niveau de la partie qui va vers le fonds voisin (parcelle no1) ne saurait à lui seul détruire le faisceau d'indices constitués par l'ensemble des éléments ci-dessus rapportés qui complètent valablement le commencement de preuve par écrit du titre récognitif constitué par l'acte de vente H...-I...-X... du 1992.
Il s'ensuit qu'est rapportée la preuve d'une servitude de passage conventionnelle grevant la parcelle B no2 au profit des parcelles 262-263-13 et 19.
Pour Monsieur Z... et les consorts A..., ce chemin doit permettre le passage de véhicules, et ce sans risque de s'embourber en période d'humidité.
Monsieur Z... soutient que suite à la dégradation de son état, ce chemin a subi un reprofilage.
Monsieur X..., quant à lui, prétend que les travaux entrepris par Monsieur Z... sont disproportionnés par rapport à l'usage de ce passage.
Il verse aux débats plusieurs constats d'huissier desquels il résulte que des canalisations ont été mises en place, que la voie a été rehaussée de 50 cm par rapport au sol naturel.
Monsieur X... prétend que cet ouvrage lui interdit de traverser transversalement sa propriété.
La Cour estime nécessaire de recueillir l'avis d'un technicien :
* sur le tracé de la servitude le moins dommageable pour le fonds servant mais qui doit permettre l'accès aux véhicules,
* sur la nature, l'ampleur et les conséquences des travaux entrepris par Monsieur Z... pour le fonds servant.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit qu'il existait une servitude de passage conventionnelle, à pieds et avec tous véhicules au travers de la parcelle cadastrée section B no2, donnant accès aux parcelles cadastrées B no262,263,13 et 19, commune d'Echinghen,
AVANT DIRE DROIT, sur les autres demandes,
Ordonne une mesure d'expertise confiée à :
Monsieur U... Michel ...
qui aura pour mission de :
* après s'être fait remettre tous documents utiles, avoir entendu les parties en leurs observations, tous sachants,
* donner son avis sur le tracé de la servitude de passage ci-dessus définie, le moins dommageable pour le fonds servant, tout en permettant l'accès aux véhicules,
* donner son avis sur la nature, l'ampleur et les conséquences pour le fonds servant, des travaux entrepris par Monsieur Z...,
* recueillir tous éléments permettant de déterminer les travaux suffisants pour permettre l'usage de la servitude par les véhicules (nature-importance-coût),
* si des travaux de remise s'avéraient nécessaires, donner son avis sur leur nature et leur coût,
Ordonne à Monsieur X... de consigner la somme de 1 000 euros à valoir sur les honoraires de l'expert au greffe de la Cour avant le 30 MARS 2006,
Dit qu'à défaut de consignation dans le délai et sauf prorogation du délai, la désignation d'expert sera caduque,
Dit que l'expert devra déposer son rapport dans les 6 mois de sa saisine,
Commet Monsieur JL. FROMENT, Président de la Première Chambre pour surveiller les opérations d'expertise,
Sursoit à statuer sur les demandes de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Réserve les dépens.