COUR D'APPEL DE DOUAI CHAMBRE 1 SECTION 2 ARRÊT DU 21/06/2006 * * * No RG : 05/03437 Tribunal de Grande Instance de BETHUNE JUGEMENT du 26 Avril 2005 REF : MM/VR APPELANTS Monsieur Alain X... né le 15 Août 1968 à ARRAS (62000) et Madame Carole Y... née le 13 Juin 1970 à AUCHEL (62260) demeurant ensemble ... 62150 REBREUVE RANCHICOURT représentés par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués associés à la Cour ayant pour conseil la SCP LELEU-DEMONT-HARENG, avocats au barreau de BETHUNE INTIMÉS Monsieur David Z... né le 28 Mai 1968 à BETHUNE (62400) et Madame Florence A... épouse Z... née le 10 Juillet 1967 à BETHUNE (62400) demeurant ensemble ... 62150 REBREUVE RANCHICOURT représentés par Maître QUIGNON, avoué à la Cour ayant pour conseil Maître Bruno DUBOUT, avocat au barreau de BETHUNE DÉBATS à l'audience publique du 29 Mars 2006, tenue par Madame MARCHAND magistrat chargé d'instruire l'affaire qui, après son rapport oral a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe. GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame POPEK
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ Monsieur FROMENT, Président de chambre Madame DEGOUYS, Conseiller Madame MARCHAND, Conseiller ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 Juin 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FROMENT, Président et Madame POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. ORDONNANCE DE CLÈTURE DU :
16 février 2006
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Par acte passé le 26 août 1996 devant Maître LEROY, notaire à Bruay
la Buissière, Monsieur Emile B... a vendu à Monsieur David Z... et Madame Florence A... épouse Z... un immeuble situé au ... à Rebreuve-Ranchicourt, cadastré section AC no149, 236 et 152.
Par acte passé le 27 décembre 1996 devant Maître C..., notaire à Tourcoing, Monsieur D... E... et Madame Célina Jeanne F... veuve E... ont vendu à Monsieur Alain X... et Madame Carole Y... épouse X... un immeuble situé au ... à Rebreuve-Ranchicourt, cadastré section AC no148, 237 et 239.
Soutenant qu'une partie de la parcelle no149 dont ils avaient fait l'acquisition était clôturée par une haie et occupée par les époux X..., propriétaires de la parcelle voisine, les époux Z... ont, par exploit d'huissier du 28 octobre 2002, fait assigner ces derniers devant le tribunal de grande instance de Béthune. Par jugement du 26 avril 2005, cette juridiction a :
constaté que les époux Z... étaient propriétaires de l'intégralité de la parcelle cadastrée section AC no149, sise no27 route Nationale sur la commune de Rebreuve-Ranchicourt ;
interdit aux époux X... de faire tout usage de ladite parcelle ;
condamné les époux X... à payer aux époux Z... la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; condamné les époux X... aux dépens.
Par déclaration du 2 juin 2005, les époux X... ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 3 octobre 2005, ils demandent à la cour :
de réformer le jugement déféré ;
de les dire bien fondés à opposer aux époux Z..., en application de l'article 2262 du code civil, l'usucapion du terrain inclus dans la clôture de leurs parcelles ;
de débouter les époux Z... de toutes leurs demandes ;
de condamner ces derniers à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
de condamner les époux Z... aux dépens.
Les époux X... exposent qu'ils n'ont jamais prétendu être propriétaires de la parcelle no149, ni occuper celle-ci.
Ils font valoir que la limite séparative des parcelles AC 148 et AC 149, matérialisée par un grillage et une haie, existe depuis plus de trente ans.
Ils soutiennent que le paiement de la taxe foncière est une circonstance inopérante pour établir l'existence d'une possession au sens de l'article 2229 du code civil.
Ils prétendent que l'existence de la haie et les attestations qu'ils produisent démontrent que la possession par leurs auteurs de la bande de terrain revendiquée par les époux Z... a été paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.
Par conclusions déposées le 2 décembre 2005, les époux Z... demandent à la cour :
de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
y ajoutant,
de condamner les époux X... à leur payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
de condamner ces derniers aux dépens.
Ils exposent que leurs voisins n'ont aucun droit sur la parcelle AC 149.
Ils soutiennent que les époux X... ne peuvent invoquer le bénéfice des dispositions relatives à l'usucapion ; que les appelants ne possèdent pas en effet de bonne foi et à titre de propriétaires puisqu'ils n'ont jamais réglé les taxes foncières, lesquelles sont acquittées par les concluants. MOTIFS 1) sur la propriété du terrain litigieux
Il est constant que le terrain dont les époux Z... revendiquent la propriété, est occupé par les époux X... et qu'il se trouve bordé en son extrémité par une haie.
Aux termes de leurs écritures, les appelants prétendent que cette haie constitue la limite séparative entre la parcelle AC 148 leur appartenant et la parcelle AC 149.
Les époux Z... sont dès lors mal fondés à soutenir que les appelants ne contestent pas qu'ils ont acquis de leur vendeur, l'ensemble de la parcelle AC 149, en ce compris le terrain sur lequel les époux X... prétendent bénéficier de l'usucapion.
Il convient de relever qu'aucune des parties n'a versé aux débats de pièce permettant de localiser le terrain litigieux.
Les époux Z... ne rapportent donc pas la preuve de leurs allégations selon lesquelles ledit terrain serait situé sur la
parcelle AC 149, telle que délimitée sur le plan cadastral qu'ils produisent.
Il importe peu dès lors que les intéressés acquittent la taxe foncière pour l'intégralité de la parcelle AC 149.
Les époux Z... ne produisent aucune pièce susceptible de démontrer que leurs auteurs ont eu, à un moment ou à un autre, la possession du terrain dont ils revendiquent aujourd'hui la propriété. Il ressort par ailleurs du procès-verbal de constat dressé le 7 mai 1997 par Maître G..., huissier de justice, que le terrain litigieux, planté d'arbres, se trouve inclus dans le jardin de l'habitation des époux X...
Ces derniers versent aux débats plusieurs attestations dont la teneur est la suivante :
Madame Marie-Ange H... épouse I..., née en 1929, domiciliée au ..., qui précise que l'immeuble des époux Z... est sa maison paternelle (sic), déclare que la haie qui sépare Monsieur X... et Monsieur Z..., à (sa) connaissance, a toujours été comme elle l'est, actuellement placée sur le terrain .
Monsieur Jean-Louis J..., domicilié au ... déclare : la haie qui sépare Monsieur X... et Monsieur Z... a toujours été à sa place actuelle. De plus, ayant loué cette maison de 1992 à 1997, j'ai eu mainte fois l'occasion de l'entretenir comme le propriétaire l'a toujours fait.
Monsieur Michel K..., né en 1935, domicilié ..., déclare : Mes parents sont arrivés à Rebreuve-sous-les-Monts en 1937 et se sont rapidement liés d'amitié avec Monsieur et Madame E... D... domiciliés au ... Durant de nombreuses années, j'ai donc joué dans le jardin situé derrière la maisonà En 1963 et 1964, j'ai fait construire mon actuelle maison au no41 par
Monsieur E... D..., entrepreneur de bâtiment. J'ai donc de nouveau, à de très nombreuses reprises, pris livraison avec ma brouette de matériaux, toujours à l'arrière de la maison. Je peux donc affirmer, sans la moindre erreur possible, que j'ai toujours connu la haie telle qu'elle se trouve encore en place à ce jour.
Madame Elise L... épouse J..., qui précise être née en 1937 au ... et y résider toujours au jour de l'attestation (soit le 4 août 2003), certifie que la haie délimitant les parcelles des anciens propriétaires, à savoir Monsieur Maxime B... d'une part et Monsieur et Madame E... d'autre part, a toujours existé à l'endroit actuel.
Monsieur Charles M... né en 1923, et domicilié dans la commune, déclare : Nous avions comme amie Madame Jeanne E... qui depuis le décès de son mari aimait bien avoir de temps en temps une petite visite. Elle nous faisait admirer son jardin et ses fleurs. J'ai toujours constaté personnellement que la haie délimitant les deux terrains de Monsieur E... et Monsieur B... était bien à l'endroit qu'elle est actuellement. D'ailleurs, en observant cette plantation, on s'aperçoit bien qu'elle a plusieurs décennies.
Monsieur Ferdinand N..., né en 1918, domicilié au ..., déclare : J'ai actuellement 86 ans et toujours habité à cet endroit, donc j'ai toujours connu cette haie à l'emplacement actuel.
Madame Marie-Louise O..., née en 1919, domiciliée ... déclare être née à l'adresse ci-dessus indiquée et y avoir toujours résidé depuis àavoir bien connu la famille E... qui résidait au ... à avoir toujours connu la haie qui sépare l'ex propriété des E... à avec celle ayant appartenu à Monsieur P... située au 29 rue Nationale à
Monsieur D... E..., Monsieur Roland E... et Madame Lise Q...,
Nqui sont nés et ont vécu dans la maison des époux X... entre 1920 et 1968 attestent quant à eux que la haie délimitant la propriété familiale a toujours été celle qui existe à ce jour.
Ces différentes pièces démontrent qu'à la date de l'assignation devant les premiers juges, soit le 28 octobre 2002, les époux X... et leurs auteurs possédaient le terrain litigieux, de façon continue et non interrompue depuis une période supérieure à trente années.
La circonstance que les époux X... ne rapportent pas la preuve du paiement de la taxe foncière afférente à ce terrain est inopérante, dès lors que l'existence d'actes matériels de détention et d'usage, à titre de propriétaires, se trouve caractérisée par l'implantation d'une haie interdisant l'accès des tiers au terrain litigieux et par l'utilisation de celui-ci à titre de jardin d'agrément, attenant à l'habitation située au 31, route Nationale. Il apparaît en effet que ces actes se révèlent incompatibles avec l'exercice du droit de propriété d'autrui.
Les témoignages recueillis par les appelants auprès du voisinage leur permettent en outre d'établir le caractère paisible, public et non équivoque de cette possession.
Les époux X... sont par conséquent bien fondés à opposer aux époux Z..., sur le fondement de l'article 2262 du code civil, l'usucapion du terrain dont ces derniers revendiquent la propriété. 2) sur les demandes fondées sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Les époux Z... seront condamnés à payer aux époux X... la somme de 2 000 euros à titre d'indemnisation des frais, non compris dans les dépens, que ceux-ci ont exposés tant en première instance qu'en appel.
Les intimés seront en revanche déboutés de leur demande présentée sur
le même fondement.
Enfin, les époux Z... seront condamnés aux dépens, de première instance et d'appel. PAR CES MOTIFS
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; et, statuant à nouveau,
Dit que Monsieur Alain X... et Madame Carole Y... épouse X... sont bien fondés à opposer à Monsieur David Z... et Madame Florence A...
Dit que Monsieur Alain X... et Madame Carole Y... épouse X... sont bien fondés à opposer à Monsieur David Z... et Madame Florence A... épouse Z... l'usucapion du terrain inclus dans la clôture des parcelles dont ils sont propriétaires, la dite clôture étant constituée d'une haie ;
Déboute Monsieur David Z... et Madame Florence A... épouse Z... de leur demande tendant à se voir déclarer propriétaires dudit terrain ; y ajoutant,
Condamne Monsieur David Z... et Madame Florence A... épouse Z... à payer à Monsieur Alain X... et Madame Carole Y... épouse X... la somme de 2 000 euros à titre d'indemnisation des frais, non compris dans les dépens que ceux-ci ont exposés tant en première instance qu'en appel ;
Déboute Monsieur David Z... et Madame Florence A... épouse Z... de leur demande présentée sur le même fondement ;
Condamne Monsieur David Z... et Madame Florence A... épouse Z... aux dépens, de première instance et d'appel ;
Autorise la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués, à les recouvrer directement en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le Greffier,
Le Président,
C. POPEK
JL. FROMENT