CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 20/12/2006
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No RG : 05/03586
JUGEMENTTribunal de Grande Instance de BETHUNEdu 17 Mai 2005
REF : JLF/MB
APPELANTE
S.A. MAAF ASSURANCES ayant son siège socialChaban de Chauray79036 NIORT CEDEX 9prise en la personne de son Président Directeur Général
représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués associés à la CourAyant pour conseil Maître GRIBOUVA substituant Maître Ghislain HANICOTTE, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉS
Monsieur Abdelatif Z...né le 21 Décembre 1955 à OSTRICOURT (59162)Madame Oria A... épouse Z...née le 14 Septembre 1962 à HENIN BEAUMONT (62110)demeurant tous deux ...62710 COURRIERES
représentés par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués associés à la Courayant pour conseil Maître Anne-Sophie GABRIEL, avocat au barreau d'ARRAS
Monsieur Mustapha C...exerçant sous l'enseigne "MMC"demeurant ...34270 ST JEAN DE CUCULLES
représenté par la SELARL Eric LAFORCE, avoué à la Courayant pour conseil Maître Alexandre LEROUGE, avocat au barreau de BETHUNE
DÉBATS à l'audience publique du 04 Octobre 2006, tenue par Monsieur FROMENT magistrat chargé d'instruire l'affaire qui, après son rapport oral, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame POPEK
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Monsieur FROMENT, Président de chambreMadame DEGOUYS, ConseillerMadame MARCHAND, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 Décembre 2006 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FROMENT, Président et Madame POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 26 SEPTEMBRE 2006
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Les époux Z... (les maîtres d'ouvrage) ont confié à Mustapha C... (l'entrepreneur), exerçant à l'enseigne MMC, des travaux de construction.
Se plaignant de divers défauts ils ont obtenu, en référé, la désignation de l'expert F..., par ordonnance du 14 mars 2001. L'expert a déposé son rapport le 23 octobre 2002.
A la suite du dépôt de ce rapport les maître d'ouvrage ont donné assignation à l'entrepreneur et à son assureur en réparation.
Par jugement du 17 mai 2005 , le TGI de Béthune, saisi de ce litige :
- a jugé l'expertise opposable à l'entrepreneur et à son assureur,
- a condamné in solidum ceux-ci à payer diverses sommes d'argent au titre des défauts,
- a ordonné l'exécution provisoire,
- a condamné l'entrepreneur et son assureur à payer aux maîtres d'ouvrage une indemnité de l'article 700 du NCPC et les a condamnés aux dépens, y compris ceux en frais d'expertise exposés en référé.
Appel de ce jugement a été interjeté par l'assureur.
Les dernières conclusions d'appel sont :
- celles de l'entrepreneur du 25 décembre 2006,
- celles de la compagnie MAAF du 25 août 2006- celles des maîtres d'ouvrage du 20 mars 2006.
La procédure a été clôturée le26 septembre 2006.
Sur quoi,
Attendu que les maîtres d'ouvrage ont confié à l'entrepreneur de divers travaux, en vue de la construction d'un bâtiment à usage d'habitation, à Courrières; qu'ils ont obtenu, en référé, une expertise judiciaire, par ordonnance du 14 mars 2001;
Attendu que l'expert a relevé 4 défauts dans les travaux effectué par l'entrepreneur :
A) une erreur d'alignement du pignon gauche, qui est retenu comme désordre esthétique, en ce qui concerne la maçonnerie, sauf à reprendre la totalité de la construction, l'expert préconisant, en ce qui concerne la charpente, pour éviter d'amplifier l'erreur visuelle de la maçonnerie, la dépose intégrale de la sous-face du cache-moineau et de la planche de rives et la repose de l'ensemble en suivant le niveau par rapport aux tas de briques,
B) une erreur d'implantation de la baie du bureau en façade avant, qui est retenu comme un désordre esthétique n'affectant pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendant pas impropre à sa destination,
C) des infiltrations d'eau, résultant de malfaçons en toiture,
D) une erreur d'implantation conduisant à une hauteur d'échappée d'escalier en sous-sol non conforme aux documents contractuels, avec marches d'escalier de hauteur variable, marches en pente dans le sens de la descente, avec un giron d'une profondeur de plus de 40cm, l'expert relevant que l'escalier est non praticable en raison de ces défauts ;
Attendu que le jugement déféré fonde la condamnation prononcée au profit des époux Z... à l'encontre du constructeur et de son assureur :
- sur les dispositions de l'article 1792 du Code civil, en retenant que l'ouvrage été reçu le 10 décembre 1999, pour les défauts ci-dessus énoncés en C et D, en relevant, quant au défaut D, d'une part, une impropriété à la destination en ce que l'escalier ne permet pas un accès normalement praticable avec le sous-sol, d'autre part, l'absence de compétence du maître d'ouvrage pour apprécier la caractère apparent de ce défaut,
- sur la responsabilité contractuelle du constructeur, en ce qui concerne les défauts ci-dessus énoncées en A et B,
- sur les retards dans la construction, consécutive à la nécessité d'effectuer des reprises sur l'ouvrage confié au constructeur à raison des défauts ci-dessus énoncés en C et D ;
Attendu que la réception, au sens de l'article 1792.6 du Code civil, qui seule fait courir les garanties légales, est discutée par la compagnie MAAF ;
Attendu que l'article précité dispose que la réception est l'acte par lequel le maître d'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves, qu'elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit, à défaut , judiciairement, et qu'elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement ;
Attendu qu'il ressort des dernières conclusions d'appel des maîtres d'ouvrage que ceux-ci ne discutent pas qu'il n'y a eu aucune réception contradictoire des travaux, tout en soutenant qu'il y a eu une réception tacite à la date retenu par les premiers juges; que l'entrepreneur n'indique pas que les maîtres d'ouvrage ont inspecté avec lui les travaux qu'il a réalisés, avant d'en prendre possession pour faire réaliser le second oeuvre ; qu'ainsi la circonstance que ces maîtres d'ouvrage ait pris possession de l'ouvrage et aient payé les travaux est impropre à caractériser une réception faisant courir les garanties légales, dés lors qu'il n'est pas établi que la réception prétendue, fut-elle tacite, a été prononcée contradictoirement ; qu'au demeurant et par surcroît la volonté même pour les maîtres d'ouvrage de recevoir l'ouvrage de manière non équivoque n'est pas davantage établie, étant observé :
- que les maîtres d'ouvrage, dans leur assignation en référé du 1er mars 2001, n'indiquaient pas que l'ouvrage était reçu, en se bornant à mentionner que, alors qu'ils avaient payé l'intégralité des travaux, ils se sont rendus compte de différents désordres et en ont fait part à l'entrepreneur et à son assureur,
- qu'ils ont déclaré à l'expert, sans être démentis, que les travaux ont été achevés fin novembre 1999, sans désordres apparents en couverture, et que diverses interventions se sont succédés depuis novembre 1999 jusqu'aux environs de février 2000, pour des désordres signalés verbalement à l'entrepreneur (page 6 du rapport),
- que, par une lettre à l'assureur de l'entrepreneur du 19 juillet 2000, ils ont indiqués à cet assureur que la réception de la construction n'a pas été conclue suite à l'apparition de dommages (hors d'équerre du pignon, fenêtre décalée par rapport au plan, pose de plâtre avant l'achèvement de la toiture, étanchéité de toiture douteuse) et qu'à ce jour l'entrepreneur n'avait jamais répondu aux invitations qui lui avaient été faites afin de constater ensemble ces différents problèmes,
- que, dans leur assignation introductive l'instance au fond, bien qu'ils aient prétendu "sur le fondement cumulé des articles 1134 et 1792 du Code civil", ces maîtres d'ouvrage ont indiqué, sans que cela puisse être imputé à une erreur de plume, dans les motifs de cet acte, que "la réception n'étant pas intervenue, elle devra être prononcée judiciairement à la date du dépôt du rapport d'expertise, soit le 23 octobre 2002", et ont demandé au tribunal, dans le dispositif de l'acte, que celui-ci prononce une réception judiciaire le 23 octobre 2002,
- que, les maîtres d'ouvrage ayant, dans leurs dernières conclusions de 1ère instance, abandonné ce chef de leur assignation, de sorte qu'il n'y avait pas à prononcer une réception judiciaire non réclamée, c'est à tort toutefois que les premiers juges ont déduit l'existence d'une réception tacite des maîtres d'ouvrage le 10 décembre 1999, du fait qu'à cette date ils ont payé la dernière facture des travaux prévus, qui étaient alors achevés, qu'ils ont commencé d'exécuter ou de faire exécuter les travaux de second oeuvre, qu'ils avaient manifesté clairement leur intention de prendre possession des lieux et, ainsi, de réceptionner les travaux, alors que, indépendamment du fait qu'en l'absence du prononcé contradictoire d'une réception, aucune réception des maîtres d'ouvrage, au sens de l'article 1792.6 du Code civil, n'est de nature à faire courir les garanties légales, il y a lieu de relever que la manifestation claire d'une intention de prendre possession, après paiement de la totalité du prix des travaux, est impropre à caractériser une réception tacite, sans la volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage, laquelle est démentie par les productions et l'assignation même des maîtres d'ouvrage au fond ;
Attendu qu'ainsi, l'ouvrage n'ayant pas été reçu, au sens de l'article 1792.6 du Code civil, avant que ne soient dénoncés les désordres, ci-dessus visés en C et D, ayant fait l'objet de l'expertise en référé, il s'ensuit qu'à tort les premiers juges ont retenu que l'entrepreneur était responsable de ceux-ci, sur le fondement de la responsabilité décennale de plein droit prévue par les articles 1792 ou 1792.2 du Code civil ; que, les maîtres d'ouvrage se bornant à demander confirmation sur ce point, il y a lieu de réformer le jugement condamnant l'entrepreneur sur ce fondement, inapplicable en l'absence de réception, et de débouter ces maîtres d'ouvrage de leur demande de réparation de ces désordres sur ledit fondement, étant observé que la cour n'est pas saisi par eux, à titre subsidiaire, d'une demande sur un autre fondement quant à ces désordres ;
Attendu que les premiers juges retiennent également un préjudice consécutif, au titre du retard dans l'achèvement du bâtiment d'habitation généré par la nécessité de procéder aux réfections des désordres ainsi à tort retenu comme relevant de la responsabilité décennale de plein droit de l'entrepreneur ; que, la responsabilité de l'entrepreneur le fondement ainsi retenu n'étant pas engagée, ce chef du jugement déféré sera également réformé et les maîtres d'ouvrage débouté de leur demande de réparation de ce préjudice au titre de la responsabilité décennale de plein droit de l'entrepreneur;
Attendu que les premiers juges ont écarté la responsabilité de l'entrepreneur, en ce qui concerne les défauts ci-dessus visés en A et B, au motif qu'ils étaient apparents à la réception;
Attendu que les maîtres d'ouvrage réclament, sur ce point, la réformation du jugement et le paiement par l'entrepreneur, au titre de sa responsabilité contractuelle, d'une somme de 1841,84 euros, pour l'erreur d'alignement du pignon gauche du bâtiment, et la somme de 358,80 euros, pour l'erreur d'implantation de la baie de bureau; que c'est à tort que les premiers juges écartent la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur, en retenant que ces vices étaient apparents à la réception, alors qu'aucune réception n'est intervenue avant le dépôt du rapport de l'expert judiciaire et que rien n'étaye que les maîtres d'ouvrage ont expressément accepté, avant l'achèvement des travaux, les erreurs d'implantation précitées, en donnant décharge, sur ce point, à l'entrepreneur ; qu'il s'ensuit qu'à bon droit les maîtres d'ouvrage réclament les indemnités précitées, étant observé que:
- pour ce qui concerne la première erreur d'implantation, l'expert a retenu, sans être discuté sur ce point, que l'entrepreneur n'avait pas implanté correctement l'ouvrage et a estimé le préjudice, en dépréciation de la construction, pour les maçonneries, et en travaux de charpente, pour éviter d'amplifier le désordre esthétique, à la somme totale de 1841,84 euros,
- pour ce qui concerne la seconde erreur, également imputée par l'expert, non contredit sur ce point, à l'entrepreneur au titre d'une mauvaise implantation de la baie du bureau, cet expert a estimé la dépréciation de la construction à la somme de 358,80 euros ;
Attendu que la réparation de ces préjudices n'est pas réclamée par les maîtres d'ouvrage contre l'assureur de l'entrepreneur et que, cet entrepreneur ne justifiant pas qu'il a souscrit une police d'assurance le garantissant de risques autres que ceux qui résulte des conditions spéciales et générales produites par son assureur, il ne peut prétendre à la garantie de son assureur, au titre de la responsabilité retenue contre lui pour ces deux erreurs d'implantations, au regard des deux documents d'assurance ainsi produits desquels il ressort que :
- au titre des conventions spéciales "Assurance construction des professionnels du bâtiment, qu'avant réception, l'assuré n'est couvert qu'au titre d'un effondrement total ou partiel des ouvrages de fondation, ossature, clos et couvert, ce qui est étranger à la responsabilité retenue contre lui,
- au titre des conditions générale, à la rubrique " responsabilité civile professionnelle, conventions spéciales No5", l'assuré est couvert des conséquences pécuniaires (dommages corporels, matériels et immatériels) de sa responsabilité vis à vis des tiers, tant pendant l'exercice de son activité professionnelle ou de l'exploitation de son entreprise qu'après réception de ses travaux, étant observé que le dommage matériel est défini, à l'article 1er de cette rubrique, comme toute détérioration, destruction ou disparition d'une chose ou d'une substance, de sorte que les défauts précités, qui ne sauraient s'analyser en une détérioration, destruction ou disparition d'une chose ou d'une substance, ne sont pas couvert par cette clause ;
Attendu qu'il n'ya a pas lieu, en équité, d'accorder une indemnité de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à l'une quelconque des parties ;
Attendu que les dépens exposés en référé incombent à l'entrepreneur, dont l'ouvrage a été effectivement affectés des désordres dénoncées, même si les maîtres d'ouvrage succombent pour partie dans leurs prétentions contre lui, au regard du fondement juridique retenu par le jugement déféré dont ils se sont bornés à demander confirmation ;
Attendu qu'au regard de la succombance :
- les dépens exposés par la compagnie MAAF, tant en 1ère instance qu'en appel seront supportés, à hauteur de 45% pour les maîtres d'ouvrage et de 55% pour l'entrepreneur,
- le surplus des dépens de 1ère instance et d'appel sera partagé entre les maîtres d'ouvrage et l'entrepreneur à hauteur de 60% pour les premiers et 40% pour le second;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en ce qu'il met à la charge de Mustapha C... les dépens en frais d'expertise ordonnée en référé,
Le réforme en ses autres dispositions,
Dit les travaux de construction litigieux exécutés par Mustapha C... n'ont pas été reçus par les époux Z... avant la dénonciation par eux des désordres ayant donné lieu à l'expertise en référé,
Les déboute, en conséquence, de leurs demandes en paiement dirigées contre Mustapha C... et la compagnie d'assurance MAAF, au titre des infiltrations d'eau en toiture et des défauts de l'escalier ainsi que du préjudice pour retard en résultant, sur le fondement de la responsabilité décennale de plein droit du premier, seul soutenu en appel,
Condamne Mustapha C..., sur le fondement de sa responsabilité contractuelle de droit commun, à payer aux époux Z... la somme de 1841,84 euros, au titre de l'erreur d'alignement du pignon gauche du bâtiment qu'il a commise, et la somme de 358,80 euros, au titre de l'erreur d'implantation de la baie du bureau en façade avant qu'il a également commise,
Déboute Mustapha C... de ses prétentions dirigées contre la compagnie MAAF, au titre de ces erreurs d'implantation,
Dit que les dépens exposés par la compagnie MAAF seront supportés par Mustapha C... à proportion de 55% et par les époux Z... à proportion de 45%,
Y condamne ces parties, dans cette proportion, les dépens d'appel avec, pour l'avoué de cet assureur, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,
Dit que le surplus des dépens de 1ère Instance et d'appel seront supportés à proportion de 60% pour les époux Z... et de 40% pour Mustapha C...,
Y condamne ces parties, en tant que de besoin, les dépens d'appel avec, pour l'avoué des époux Z... et celui de Mustapha C... le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, dans les conditions et limites posées par ce texte.