ARRET DU
26 Octobre 2007
N 331 / 07
RG 05 / 03509
Jugement du
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VALENCIENNES
en date du
04 Novembre 2005
NOTIFICATION
Copies avocats
le 26 / 10 / 07
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
-Sécurité Sociale-
APPELANT :
CPAM MAUBEUGE
24 Rue de la Croix
BP 60600
59607 MAUBEUGE CEDEX
représentant : M.X..., régulièrement mandaté,
INTIME :
-M. Robert Y...
...
59600 MAUBEUGE
Représentant : Me Jacques Antoine DEWITTE (avocat au barreau d'AVESNES SUR HELPE)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 5917800207 / 000822 du 30 / 01 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
-M. Louis A...
...
59330 HAUTMONT
Représentant : Me Guy BONNERRE (avocat au barreau de VALENCIENNES)
-SARL NORBERT ASSURANCES
Roquebrune
3ème avenue No102
13127 VITROLLES
Représentant : Me Jean THEVENOT (avocat au barreau de VALENCIENNES)
-AXA ASSURANCES
16 boulevard du Sergent Triaire
30028 NIMES CEDES 9
Représentant : Me Jean THEVENOT (avocat au barreau de VALENCIENNES)
-Me Yvon I...-Mandataire liquidateur de SARL LES HUILERIES HAUTMONTOISES
...
...
59440 AVESNES SUR HELPE
Représentant : Me Manuel DE ABREU (avocat au barreau de VALENCIENNES) substitué par Me LUBRET-LEPLUS Camille, avocat
DEBATS : à l'audience publique du 04 Septembre 2007
Tenue par T. VERHEYDE
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : V. DESMET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE
N. OLIVIER
: PRESIDENT DE CHAMBRE
R. DEBONNE
: CONSEILLER
T. VERHEYDE
: CONSEILLER
ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Octobre 2007,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du nouveau code de procédure civile, signé par N. OLIVIER, Président et par S. ROGALSKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Robert Y..., salarié de la société LES HUILERIES HAUTMONTOISES qui avait pour activité le recyclage des graisses et huiles alimentaires pour la fabrication d'alimentation animale, a été victime d'un accident du travail le 16 mai 1997.
Alors qu'il était chargé de pomper la boue d'une cuve, l'un de ses collègues, Bernard G..., y est descendu afin de nettoyer le reste des gravas. Il est alors tombé inanimé, suffoqué par des émanations toxiques.
Descendus à leur tour pour lui porter secours, Robert Y..., ainsi que Louis A..., gérant de la société, ont également été pris de malaise.
Les expertises médicales ont révélé qu'il a été victime d'une intoxication par inhalation de gaz toxique. Sa guérison et son aptitude à la reprise du travail ont été fixés au 2 novembre 1997.
Le 5 juin 2001, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés de MAUBEUGE a été saisie d'une action tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Par courrier recommandé avec avis de réception posté le 11 juillet 2001, Robert Y... a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VALENCIENNES d'une action tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de la SARL LES HUILERIES HAUTMONTOISES, son employeur et à l'indemnisation de son préjudice personnel.
Par jugement du 4 novembre 2005, le tribunal des affaires de sécurité sociale de VALENCIENNES a :
-dit que l'accident du travail dont M. Robert Y... a été victime le 16 mai 1997 est dû à la faute inexcusable commise par son employeur, la SARL LES HUILERIES HAUTMONTOISES ;
-avant dire droit sur le montant des réparations à allouer à M. Robert Y..., ordonné l'expertise médicale de M. Robert Y..., expertise confiée au Docteur Yvan H... ;
-dit que la CPAM de Maubeuge devra prendre en charge l'indemnisation des préjudices personnels de M. Robert Y... ;
-constaté que la SARL LES HUILERIES HAUTMONTOISES est en liquidation judiciaire ;
-s'est déclaré incompétent pour connaître du " sort " de la créance de la CPAM de Maubeuge à l'égard de la SARL LES HUILERIES HAUTMONTOISES en liquidation judiciaire ;
-déclaré le jugement opposable à Louis A... et à la société AXA la Compagnie AXA ASSURANCESURANCES, après avoir indiqué dans sa motivation qu'il n'y avait " pas lieu à condamnation à l'encontre de cette dernière " ;
-mis hors de cause la SARL NORBERT la Compagnie AXA ASSURANCES ;
-débouté les parties du surplus de leurs demandes.
La CPAM de Maubeuge a fait appel le 8 décembre 2005 de ce jugement, qui lui avait été notifié le 12 novembre 2005.
La CPAM de Maubeuge demande à la Cour de réformer le jugement frappé d'appel uniquement en ce qui concerne sa demande formée à l'encontre de la Compagnie AXA ASSURANCES et de condamner cette dernière à lui rembourser les sommes dont elle est tenue de faire l'avance au titre de la majoration de rente et de la réparation des préjudices personnels subis par M. Robert Y... lorsque leur montant aura été fixé par expertise.
La CPAM de Maubeuge fonde sa demande sur l'action directe dont elle prétend disposer à l'encontre de l'assureur de l'employeur en application des articles L. 452-2 à L. 452-4 du Code de la sécurité sociale, l'obligation de l'assureur subsistant à la mise en liquidation judiciaire de l'employeur. Elle considère que la juridiction sociale est compétente pour statuer sur sa demande.
De son côté, M. Robert Y... demande à la Cour :
-de débouter la Compagnie AXA ASSURANCES et M. Louis A... de leurs prétentions dirigées contre lui ;
-de faire droit à sa demande en paiement d'une provision d'un montant de 4. 573,47 € à valoir sur la réparation de son préjudice.
Pour le reste, il s'en rapporte à justice.
La Compagnie AXA ASSURANCES, pour sa part, demande à la Cour de :
-débouter M. Robert Y... et la CPAM de Maubeuge de leurs demandes dirigées contre elle ;
-condamner la CPAM de Maubeuge à lui payer la somme de 2. 000 € par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La Compagnie AXA ASSURANCES fait d'abord valoir que la demande de la CPAM de Maubeuge à son encontre est irrecevable comme étant nouvelle. Subsidiairement, elle soulève l'incompétence de la juridiction sociale au profit de la juridiction de droit commun pour connaître de cette demande. Sur le fond, elle considère que la CPAM de Maubeuge ne peut pas avoir plus de droits contre elle que contre son assuré, alors que ce dernier a été mis en liquidation judiciaire et que la CPAM de Maubeuge n'a fait aucune déclaration de créance ni n'a demandé à être relevée de la forclusion. Elle considère par ailleurs que les conditions prévues par les articles L. 124-1 et suivants du Code des assurances pour fonder une éventuelle action directe à son encontre ne sont pas remplies, faute d'être subrogée dans les droits de la victime.
Me Yvon I..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL LES HUILERIES HAUTMONTOISES demande quant à lui à la Cour de :
-confirmer le jugement frappé d'appel en ce qui le concerne ;
-condamner la CPAM de Maubeuge à lui payer la somme de 2. 000 € par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Me Yvon I..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL LES HUILERIES HAUTMONTOISES fait valoir qu'il doit être mis hors de cause dès lors que la SARL LES HUILERIES HAUTMONTOISES est en liquidation judiciaire et que la CPAM de Maubeuge n'a fait aucune déclaration de créance.
M. Louis A... demande lui aussi à la Cour de confirmer le jugement frappé d'appel et de condamner M. Robert Y... et la CPAM de Maubeuge à lui payer chacun la somme de 1. 000 € par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il s'associe aux moyens soulevés par la Compagnie AXA ASSURANCES et Me Yvon I..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL LES HUILERIES HAUTMONTOISES.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le jugement frappé d'appel n'est contesté que sur deux points, à savoir d'une part les conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable commise par la SARL LES HUILERIES HAUTMONTOISES dans les relations entre la CPAM de Maubeuge de Maubeuge et la Compagnie AXA ASSURANCES, et d'autre part la demande de provision faite par M. Robert Y....
Sur la recevabilité de la demande de la CPAM de Maubeuge à l'encontre de la Compagnie AXA ASSURANCES
La Compagnie AXA ASSURANCES prétend que cette demande, tendant à sa condamnation à rembourser à la CPAM de Maubeuge les sommes dont cette dernière est tenue de faire l'avance au titre de la majoration de rente et de la réparation des préjudices personnels subis par M. Robert Y... lorsque leur montant aura été fixé par expertise, serait irrecevable comme formée pour la première fois devant la Cour d'appel.
Or, la Compagnie AXA ASSURANCES reconnaît qu'en première instance, ainsi que le jugement frappé d'appel le rappelle d'ailleurs, la CPAM de Maubeuge avait demandé au tribunal des affaires de sécurité sociale de dire qu'elle est tenue d'honorer sa garantie et de lui rembourser les sommes dont elle aurait fait l'avance.
La demande de la CPAM de Maubeuge n'est donc pas nouvelle et n'est donc pas irrecevable de ce chef.
Sur le bien fondé de la demande de la CPAM de Maubeuge à l'encontre de la Compagnie AXA ASSURANCES
Il résulte des articles L. 452-2 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale que les sommes dues à M. Robert Y... en application de ces articles, à savoir la majoration de rente et la réparation de son préjudice extrapatrimonial, doivent lui être versées directement par la caisse, qui en récupère le montant en principe auprès de l'employeur.
L'article L. 452-4 al. 3 du même Code permet expressément à ce dernier de s'assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable.
Il résulte de la combinaison de ces articles qu'en cas de liquidation judiciaire de l'employeur postérieure à l'accident du travail pour lequel sa faute inexcusable a été reconnue, la caisse, subrogée dans les droits de la victime à l'encontre de cet employeur, est en droit d'agir directement contre l'assureur de celui-ci pour obtenir le remboursement de la majoration de rente et de l'indemnisation complémentaire qu'elle devra verser à la victime et d'exercer cette action devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, compétent en application de l'article L. 142-2 du Code de la sécurité sociale, étant relevé que la caisse, qui ne forme aucune demande en paiement contre l'employeur, n'avait dès lors aucune obligation de déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire de celui-ci, ni davantage à demander, à défaut de déclaration, à être relevée de la forclusion en application de l'article L. 621-46 du Code de commerce.
Dans ces conditions, il y a lieu de réformer le jugement frappé d'appel pour faire droit à la demande bien fondée de la CPAM de Maubeuge à l'encontre de la Compagnie AXA ASSURANCES.
Sur la demande de provision
M. Robert Y... a produit aux débats le rapport daté du 2 janvier 1998 de l'expertise réalisée par le Docteur Gérard J...aux fins de déterminer la date de sa guérison et de son aptitude à reprendre le travail en application de l'article L. 141-1 du Code de la sécurité sociale.
L'expert a fixé cette date au 2 novembre 1997, après avoir rappelé que M.Y... a été victime d'une intoxication par de l'hydrogène sulfureux ayant entraîné un coma et un oedème aidu pulmonaire ayant nécessité une ventilation par intubation, puis des séances d'oxygénothérapie.
Il y a lieu dans ces conditions de faire droit à la demande de provision formée par M.Y... et le jugement frappé d'appel sera réformé sur ce point.
Enfin, il n'est pas inéquitable de laisser à la Compagnie AXA ASSURANCES, à Me Yvon I..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL LES HUILERIES HAUTMONTOISES et à M. Louis A... la charge des sommes exposées non comprises dans les dépens.
DÉCISION DE LA COUR :
Confirme le jugement frappé d'appel en toutes ses dispositions, sauf :
1o) celles par laquelle la CPAM de Maubeuge de Maubeuge a été déboutée de sa demande à l'encontre de la Compagnie AXA ASSURANCES et, statuant à nouveau de ce chef, condamne la Compagnie AXA ASSURANCES à rembourser à la CPAM de Maubeuge les sommes dont cette dernière sera tenue de faire l'avance à M. Robert Y... du fait de la reconnaissance de la faute inexcusable commise par la SARL LES HUILERIES HAUTMONTOISES, au titre de l'indemnisation complémentaire de son préjudice ;
2o) celle par laquelle M. Robert Y... a été débouté de sa demande de paiement d'une indemnité provisionnelle et, statuant à nouveau de ce chef, fixe à 4. 000 € (quatre mille euros) le montant de cette indemnité à valoir sur l'indemnisation complémentaire de son préjudice et dit que la CPAM de Maubeuge de Maubeuge sera tenue de faire l'avance de cette somme ;
Déboute la Compagnie AXA ASSURANCES, Me Yvon I..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL LES HUILERIES HAUTMONTOISES et M. Louis A... de leur demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.