ARRET DU
29 Février 2008
N 400 / 08
RG 07 / 01462
FM / VD
Jugement du
Conseil de Prud' hommes de LENS
en date du
13 Mars 2006
NOTIFICATION
à parties
le 29 / 02 / 08
Copies avocats
le 29 / 02 / 08
COUR D' APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud' Hommes-
APPELANT :
S. A. PAGET
Zone Industrielle du Château
BP 17
62220 CARVIN
Représentant : Me Catherine LEMAIRE (avocat au barreau de LILLE)
INTIME :
- Maître Y...
Commissaire à l' exécution du plan de la S. A. PAGET
...62400 BETHUNE
Représentant : Me Catherine LEMAIRE (avocat au barreau de LILLE)
- Mme Isabelle Z...
... 62410 MEURCHIN
Représentant : Me Carine BAVENCOFFE (avocat au barreau de BETHUNE)
(bénéficie d' une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 005642 du 20 / 06 / 2006 accordée par le bureau d' aide juridictionnelle de DOUAI)
- CGEA AGS DE LILLE
29 Bis Avenue de la Marne, BP 40167- 59444 WASQUEHAL CEDEX
Représentant : Me Philippe HERMARY (avocat au barreau de BETHUNE) substitué par Me MINK,
DEBATS : à l' audience publique du 25 Janvier 2008
Tenue par F. MARQUANT
magistrat chargé d' instruire l' affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s' y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l' issue des débats que l' arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : V. DESMET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE
M. ZAVARO
: PRESIDENT DE CHAMBRE
F. MARQUANT
: CONSEILLER
A. ROGER MINNE
: CONSEILLER
ARRET : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Février 2008,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 du code de procédure civile, signé par M. ZAVARO, Président et par S. BLASSEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Isabelle Z... a été embauchée par la SA PAGET exerçant une activité de transport, en qualité de secrétaire administrative dans le service de comptabilité,
par contrat écrit à durée déterminée du 14 mai au 13 juin 2001, pour pallier un surcroît de travail,
par contrat écrit à durée déterminée du 13 juin au 12 décembre 2001 pour pallier un surcroît d' activité,
par contrat écrit à durée indéterminée à compter du 12 décembre 2001 moyennant une rémunération mensuelle brute de 7 574, 49 FF (1 154, 42 €) pour 152 heures, augmentée des primes exceptionnelles et des heures supplémentaires, la Convention Collective applicable étant celle des Transports ;
Cette salariée qui souffre d' un diabète insulino dépendant et d' une rétinopathie ayant entraîné des interventions chirurgicales a été en arrêt maladie :
du 18 janvier au 11 mars 2002,
du 13 mai au 19 septembre 2002,
et à partir du 26 octobre 2002 sans reprise ultérieure ;
Par jugement en date du 26 septembre 2003, la SA PAGET a été placée en redressement judiciaire, Maître F... étant désigné en qualité d' administrateur judiciaire et Maître Y... en qualité de représentant des créanciers ;
Par lettre recommandée en date du 8 avril 2004, Isabelle Z... a été convoquée à un entretien préalable de licenciement, fixé au 21 avril 2004 puis reporté au 3 mai 2004 à la suite de l' hospitalisation de la salariée ; cet entretien n' aura finalement pas lieu Isabelle Z... n' ayant pu se déplacer ;
Par courrier recommandé en date du 5 mai 2004, elle a été licenciée pour absence prolongée ayant entraîné une désorganisation du service ;
C' est dans ces conditions qu' Isabelle Z... a saisi le Conseil de Prud' hommes de LENS le 27 août 2004, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Par jugement du Tribunal de Grande Instance de BETHUNE statuant commercialement en date du 26 novembre 2004, la SA PAGET a bénéficié d' un plan de continuation ;
Isabelle Z... a été reconnue travailleur handicapé catégorie C par la COTOREP le 12 mai 2005.
Par jugement en date du 13 mars 2006, le Conseil de Prud' hommes de LENS a :
Dit que le licenciement d' Isabelle Z... était fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Fixé la créance d' Isabelle Z... dans la procédure collective de la SA PAGET dont Maître Y... a été nommé Commissaire à l' Exécution du Plan aux sommes suivantes :
- 2 592, 66 € brut à titre d' indemnité de préavis,
- 375, 94 € net à titre d' indemnité de licenciement,
Dit que la décision est opposable au Commissaire à l' Exécution du Plan et condamné en tant que de besoin au paiement des dites sommes sur les fonds qu' il pourrait détenir, le cas échéant, au nom de l' entreprise, conformément aux dispositions des articles L 621- 63 et L 621- 68 du code de commerce,
Précisé que le jugement d' ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majorations,
Dit le jugement opposable à titre subsidiaire au CGEA en cas de résolution du plan dans les limites prévues aux articles L 143- 11- 8 et D 143- 2 du code du travail,
Débouté Isabelle Z... du surplus de ses demandes,
Dit le jugement exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de 9 mois de salaire selon l' article R 516- 37 du code du travail et fixé à 1 296, 33 € bruts la moyenne des trois derniers mois,
Condamné la SA PAGET aux entiers dépens ;
La SA PAGET a régulièrement interjeté appel limité au montant de l' indemnité de préavis et de licenciement de cette décision le 30 mars 2006 ;
Isabelle Z... a régulièrement formé appel incident le 18 avril 2006 ;
Par conclusions contradictoirement échangées, visées par le greffier le 25 janvier 2008 et soutenues oralement à l' audience du même jour la SA PAGET demande de :
Confirmer le jugement du Conseil de Prud' hommes de LENS en date du 13 mars 2006 en ce qu' il a dit que le licenciement d' Isabelle Z... était fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Dit n' y avoir lieu à paiement d' une indemnité de préavis et d' une indemnité de licenciement et en conséquence infirmer le jugement déféré en ce qu' il a fixé la créance d' Isabelle Z... dans la procédure collective de la SA PAGET au titre d' une indemnité de préavis et d' une indemnité de licenciement,
Condamner Isabelle Z... aux entiers frais et dépens ;
Par conclusions contradictoirement échangées, visées par le greffier le 25 janvier 2008 et soutenues oralement à l' audience du même jour, Isabelle Z... demande de :
Infirmer le jugement entrepris en ce qui concerne la cause réelle et sérieuse du licenciement,
Dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamner la SA PAGET à lui verser la somme de 7 500, 00 € à titre de dommages et intérêts,
Confirmer le jugement concernant l' indemnité de préavis et de licenciement,
Condamner la SA PAGET à lui verser les sommes suivantes :
- 2 592, 66 € à titre d' indemnité de préavis,
- 375, 94 € à titre d' indemnité de licenciement,
Condamner les défendeurs aux entiers frais et dépens ;
Par conclusions contradictoirement échangées, visées par le greffier le 25 janvier 2008 et soutenues oralement à l' audience du même jour, l' AGS CGEA de LILLE demande de :
A titre principal,
Confirmer le décision entreprise en ce qu' elle a considéré que le licenciement d' Isabelle Z... était fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Infirmer cette décision en ce qu' elle a accordé à Isabelle Z... une indemnité compensatrice de préavis,
Débouter Isabelle Z... de l' ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
Dire et juger que l' éventuelle garantie du CGEA de LILLE ne saurait être acquise que dans l' hypothèse d' une résolution du plan de continuation,
A titre infiniment subsidiaire,
Dire et juger en toutes hypothèses que l' AGS ne devra procéder à l' avance des créances visées aux articles L 143- 11- 1 et suivants du code du travail que dans les limites de sa garantie légale et règlementaire,
En tout état de cause et si l' opposabilité à l' AGS est prononcée :
- Dire et juger que l' obligation du CGEA de faire l' avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s' exécuter que sur la présentation d' un relevé du mandataire judiciaire et justification par celui- ci de l' absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
- dire n' y avoir lieu à exécution provisoire ;
SUR CE, LA COUR
Sur le bien fondé du licenciement :
Attendu que la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d' autres griefs que ceux qu' elle énonce ;
Attendu qu' en l' espèce, la lettre de licenciement du 5 mai 2004 est motivée en ces termes :
« Nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour absence prolongée pour maladie dans les conditions prévues par l' article 16- 2 de la Convention Collective Principale des Transports.
Votre absence ayant entraîné une désorganisation du service à laquelle on ne peut plus faire face, nous avons dû pourvoir à votre remplacement compte tenu de votre absence pour maladie depuis le 25 octobre 2002.
Nous vous précisons que vous conservez jusqu' à l' expiration d' un délai de 5 ans à compter du début de votre maladie, d' un droit de priorité d' embauchage pour reprendre votre ancien emploi s' il redevenait disponible ou un emploi similaire correspondant à vos aptitudes. »
Attendu qu' Isabelle Z... était affectée en qualité de secrétaire au service de comptabilité à la saisie informatique et a travaillé en binôme avec Valérie G..., comptable ; que son travail consistait à lire des disques contrôlographes et à suivre les litiges de transport ;
Attendu qu' il n' est pas contesté que pour pallier les absences de cette salariée, la SA PAGET a fait appel à une intérimaire puis à Marie H... ancien chauffeur livreur de l' entreprise, de sorte qu' en septembre 2002, à son retour de congé maladie, Isabelle Z... a été affectée sans visite de reprise, à des tâches différentes de sa fonction initiale au service affrètement ;
Attendu que par application des dispositions de l' article L 122- 45 du code du travail aucune personne ne peut être licenciée sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, en raison de son état de santé ou de son handicap ;
Attendu cependant que l' absence prolongée d' un salarié peut constituer un motif réel et sérieux de rupture en raison de la situation objective de l' entreprise dont le fonctionnement peut être ainsi perturbé obligeant l' employeur à pourvoir au remplacement définitif du salarié ;
Attendu qu' en l' espèce, le fonctionnement de la société n' était pas perturbé par l' absence prolongée d' Isabelle Z... pour maladie puisque depuis septembre 2002, elle avait été affectée au service affrètement à la place d' Annabelle BOUCAU qui en atteste, cette dernière ayant dû effectuer un remplacement dans un autre service, et que le poste d' Isabelle Z... était occupé par Marie H... ancien chauffeur ;
Attendu que l' employeur qui n' invoque qu' une réorganisation du service de comptabilité occupé initialement par Isabelle Z... et qui ne dément pas son affectation à un autre service en faisant valoir que compte tenu d' une opération des yeux, elle ne pouvait plus travailler sur écran comme initialement, ne justifie pas d' une perturbation objective engendrée par la prolongation de l' absence de celle- ci et de la nécessité de son remplacement définitif par l' embauche d' un salarié, puisque Marie H... ancien chauffeur livreur de la société, occupait le poste d' Isabelle Z... en comptabilité depuis septembre 2002 à la suite d' une nouvelle répartition des tâches entre les salariés, étant observé qu' il résulte de l' attestation d' Annabelle I... que le travail au service d' affrètement consistait à saisir tous les trajets effectués par les chauffeurs sur ordinateur ce qui est contradictoire avec le motif du changement de poste d' Isabelle Z..., de surplus sans autorisation préalable du médecin du travail ;
Attendu que le licenciement à la date du 5 mai 2004 de cette salariée n' est pas ainsi justifié et ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la décision dont appel sera infirmée de ce chef ;
Evaluation du préjudice :
Attendu que l' employeur fait valoir à tort que la salariée ne bénéficie pas d' une ancienneté de plus de deux ans celle- ci ayant été absente pour cause de maladie pendant près de 8 mois ;
Attendu que force est de constater qu' Isabelle Z... ayant été embauchée le 14 mai 2001 et ayant travaillé sans interruption pour la SA PAGET jusqu' au 5 mai 2004 date du licenciement, a en tout état de cause plus de deux ans d' ancienneté dans l' entreprise ;
Attendu que compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, de son ancienneté dans l' entreprise et de l' effectif de celle- ci, la Cour estime que le préjudice subi doit être fixé à la somme de 7 500, 00 € conformément à la demande en application des dispositions de l' article L 122- 14- 4 du code du travail ;
Sur les autres demandes :
Attendu que le préavis résultant de la rupture injustifiée est dû à Isabelle Z... pour la somme de 2 592, 66 € ;
Attendu que la salariée ayant plus de deux ans d' ancienneté, il lui est dû conformément à la Convention Collective applicable, la somme de 375, 94 € ;
Attendu que la décision déférée doit être confirmée de ces chefs ;
Attendu que l' employeur ayant bénéficié d' un plan de continuation par jugement en date du 26 novembre 2004, est in bonis ; qu' il doit être condamné au paiement de la créance d' Isabelle Z... ;
Attendu dans ces conditions que la garantie de l' AGS CGEA de LILLE n' est que subsidiaire, et ne saurait être acquise que dans l' hypothèse d' une résolution du plan de continuation en cours ;
Sur les intérêts au taux légal :
Attendu que conformément aux dispositions de l' article L 621- 48 du code de commerce, le jugement d' ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous les intérêts de retard et majorations ;
Sur le remboursement des indemnités de chômage à l' ASSEDIC :
Attendu que le salarié ayant plus de deux ans d' ancienneté et l' entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient d' ordonner le remboursement par l' employeur fautif à l' ASSEDIC des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de six mois en application des dispositions de l' article L 122- 14- 4 du code du travail ;
Attendu que succombant, la SA PAGET supportera ses propres frais irrépétibles et les dépens d' appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision attaquée, sauf en ce qui concerne :
Le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
La fixation de la créance d' Isabelle Z...,
Le rejet des autres demandes d' Isabelle Z...,
Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,
- Dit le licenciement en date du 5 mai 2004 sans cause réelle et sérieuse,
- Condamne la SA PAGET en présence de Maître Y... nommé Commissaire à l' Exécution du Plan de ladite société aux sommes suivantes :
*2 592, 66 € (deux mille cinq cent quatre vingt douze euros soixante six centimes) brut à titre d' indemnité de préavis,
* 375, 94 € (trois cent soixante quinze euros quatre vingt quatorze centimes) net à titre d' indemnité de licenciement,
*7 500, 00 € (sept mille cinq cents euros) net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Dit que conformément aux dispositions de l' article L 621- 48 du code de commerce, le jugement d' ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations,
- Dit la présente décision opposable au Commissaire à l' Exécution du Plan et le condamne en tant que de besoin au paiement des dites sommes sur les fonds qu' il pourrait détenir, le cas échéant, au nom de l' entreprise, conformément aux dispositions des articles L 621- 63 et L 621- 68 du code de commerce,
- Dit la présente décision opposable à titre subsidiaire au CGEA en cas de résolution du plan dans les limites prévues aux articles L 143- 11- 8 et D 143- 2 du code du travail,
- Ordonne le remboursement par la SA PAGET des indemnités de chômage payées à la salariée licenciée du jour de son licenciement dans la limite de six mois ;
- Condamne la SA PAGET aux dépens d' appel.