DOSSIER N° 08 / 02725 ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2008 9e CHAMBRE
COUR D'APPEL DE DOUAI 9e Chambre - N° 606 / 2008
Prononcé publiquement le MERCREDI 29 OCTOBRE 2008, par la 9e Chambre des Appels Correctionnels,
Sur appel d'un jugement du TGI DE DOUAI du 06 MAI 2008
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
X... Jean-Louis Abel Charles, né le 30 Juin 1961 à SAMEON (59) Fils de Y... Jean et de Y... Sergine De nationalité française, marié Cariste Détenu à la maison d'arrêt de Douai, demeurant Chez Mme Sergine Y..., ... Prévenu, appelant, détenu, comparant Assisté de Maître DABLEMONT Marc, avocat au barreau de DOUAI
LE MINISTÈRE PUBLIC : Le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de DOUAI appelant,
A... Corinne épouse X..., demeurant ...Non comparante, partie civile, intimée, représentée par Maître EXPOSTA Nathalie, avocat au barreau de DOUAI
COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt
Président : Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Conseillers : Anne COCHAUD-DOUTREUWE, Ali HAROUNE.
GREFFIER : Monique MORISS aux débats et au prononcé de l'arrêt.
MINISTÈRE PUBLIC : Jean-Michel DESSET, Avocat Général, aux débats et au prononcé de l'arrêt.
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du 29 Octobre 2008, le Conseiller Rapporteur a constaté l'identité du prévenu.
Ont été entendus :
Madame COCHAUD-DOUTREUWE en son rapport ;
X... Jean-Louis en ses interrogatoires et moyens de défense ;
Le Ministère Public, en ses réquisitions ;
Les parties en cause ont eu la parole dans l'ordre prévu par les dispositions des articles 513 et 460 du code de procédure pénale.
Le prévenu et son conseil ont eu la parole en dernier ;
Le président a alors déclaré que l'arrêt serait rendu à l'audience de ce jour. La Cour a ensuite délibéré conformément à la loi. A la reprise de l'audience en audience publique, en présence du ministère public et du greffier, le président a prononcé l'arrêt dont la teneur suit.
DÉCISION :
VU TOUTES LES PIÈCES DU DOSSIER,
LA COUR, APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ CONFORMÉMENT A LA LOI, A RENDU L'ARRÊT SUIVANT :
LE JUGEMENT :
Devant le Tribunal Correctionnel de DOUAI, X... Jean-Louis était prévenu d'avoir :
- à ORCHIES, entre le 1er janvier 2004 et le 10 septembre 2006, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, commis ou tenté de commettre des atteintes sexuelles avec violence, contrainte, menace ou surprise, sur la personne de Corinne A... épouse X..., en l'espèce en procédant sur elle à des attouchements à caractère sexuel, avec cette circonstance que les faits ont été commis par le conjoint de la victime,
infraction prévue par les articles 222-28 7° ; 222-27, 132-80 du Code Pénal et réprimée par les articles 222-28 al. 1, 222-44, 222-45, 222-47 al. 1, 222-48-1 du Code Pénal.
- à ORCHIES, entre le 1er janvier 2004 et le 10 septembre 2006, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, commis volontairement des violences n'ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail sur la personne de Corinne A..., avec cette circonstance que les faits ont été commis par le conjoint de la victime,
infraction prévue par les articles 222-13 al. 1 6°, 132-80 du Code pénal et réprimée par les articles 222-13 al. 1, 222-44, 222-45, 222-47 al. 1 du Code Pénal.
- à ORCHIES, entre le 1er janvier 2006 et le 10 septembre 2006, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, commis volontairement des violences n'ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail sur la personne d'Amandine X..., avec ces circonstances que les faits ont été commis sur une mineure de 15 ans pour être née le 12 avril 1993, par l'ascendant légitime, naturel ou adoptif de la victime,
infraction prévue par l'article 222-13 al. 1, al. 2 du Code pénal et réprimée par les articles 222-13 al. 2, 222-44, 222-45, 222-47 al. 1 du Code Pénal, l'article 378 du Code Civil.
- à ORCHIES, entre le 1er janvier 2006 et le 10 septembre 2006, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, commis volontairement des violences n'ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail sur la personne d'Angélique X...,
infraction prévue par l'article R. 624-1 al. 1 du Code pénal et réprimée par l'article R. 624-1 al. 1, al. 2 du Code Pénal.
Ledit tribunal correctionnel de DOUAI, par jugement contradictoire en date du 06 Mai 2008, a :
Sur l'action publique :
- relaxé X... Jean-Louis du chef de violences sans incapacité par conjoint, de violences sans incapacité sur mineur de 15 ans par ascendant, de violences n'ayant entraîné aucune incapacité de travail,
- déclaré X... Jean-Louis coupable d'agressions sexuelles sur conjointe.
Le tribunal a :
- condamné Jean-Louis X... à la peine de 4 ans d'emprisonnement dont 2 ans avec sursis et mise à l'épreuve pendant 2 ans, avec obligations de soins psychiatriques et psychologiques,
- décerné contre lui mandat de dépôt,- constaté l'inscription au FIJAIS,- prononcé la confiscation des scellés.
Sur l'action civile :
Le tribunal a reçu Madame A... épouse X... Corinne en sa constitution de partie civile.
Le tribunal a déclaré Monsieur X... Jean-Louis responsable du préjudice par Madame A... épouse X... Corinne et l'a condamné à lui payer la somme 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.
LES APPELS :
Les déclarations d'appel ont été reçues régulièrement ainsi :
- Le Conseil de X... Jean-Louis, par déclaration au greffe du tribunal le 14 mai 2008, son appel visant les dispositions pénales et civiles du jugement,- Monsieur le Procureur de la République, le 14 mai 2008, son appel incident visant les dispositions pénales.
LES CITATIONS :
Les parties ont régulièrement été citées pour l'audience du 29 octobre 2008 :
- Monsieur X... Jean-Louis, à personne, le 25 août 2008.- Madame A... Corinne épouse X..., à personne, le 15 septembre 2008.
Monsieur Jean-Louis X... comparaît à l'audience assisté de son conseil. Mme A... Corinne y est représentée par son conseil. L'arrêt sera rendu contradictoirement à leur égard.
LE JUGEMENT :
Corinne A... et Jean-Louis X... se sont mariés en 1998.
De leur union sont issus trois enfants :
Angélique, née le 13 avril 1990, Amandine, née le 12 avril 1993 et Lydie née en 1999.
Le 11 septembre 2006, Corinne A... se présentait à la gendarmerie d'Orchies pour dénoncer des faits de viols et de violences commis par son mari sur elle-même et des faits de violences commis par son mari sur leurs deux filles aînées.
Corinne A... indiquait qu'en janvier 2006, Jean-Louis X... s'était retrouvé au chômage et qu'à compter de cette date la situation conjugale et familiale s'était fortement dégradée, Jean-Louis X... se mettant à faire preuve d'un comportement violent ;
Qu'il lui avait à plusieurs reprises imposé des rapports sexuels alors qu'elle lui avait clairement exprimé son refus ;
Que le dernier rapport imposé datait du 27 août 2006 ;
Qu'à chaque fois, il la prenait de force, la déshabillait et la pénétrait.
Elle indiquait par ailleurs qu'Amandine et Angélique recevaient des claques injustifiées.
Entendue, Angélique (D 6) dénonçait la violence de son père.
Elle expliquait que depuis un an et demi, elle entendait ses parents dans leur chambre et, notamment, sa mère demander à son père de la laisser tranquille.
Elle précisait avoir, à plusieurs reprises, crié pour que son père attende au moins que ses filles dorment.
Elle relatait qu'une fois, sa mère avait bloqué la porte de la cuisine pour l'empêcher d'entrer ;
Qu'elle avait supposé que sa mère remettait son pantalon ;
Que sa mère lui avait alors dit que son père avait voulu la prendre de force.
Enfin, elle indiquait que son père s'était montré violent à son encontre à trois reprises et qu'il lui avait donné à chaque fois une forte gifle, ces épisodes s'étant déroulés, selon elle, en avril, août et septembre 2006.
Egalement entendue, (D 7) Amandine indiquait que son père était violent ;
Qu'il voulait " prendre " sa mère de force ;
Qu'elle entendait sa mère crier " lâche-moi " et que son père s'énervait.
Elle précisait qu'une fois son père avait poussé sa mère contre un mur ; Qu'une autre fois, alors qu'elle avait claqué une porte sans faire exprès, son père lui avait donné une gifle puis un coup de pied aux fesses et un coup dans le dos.
Jean-Marie D..., le petit ami d'Angélique, attestait, pour sa part, d'un comportement violent de Jean-Louis X... et relatait notamment une scène s'étant déroulée le 10 septembre 2006 au cours de laquelle Angélique avait reçu une gifle.
Entendu par les services de gendarmerie, Jean-Louis X... (D 9) reconnaissait avoir donné des fessées et des gifles à ses filles mais précisait qu'il s'agissait de simples corrections méritées en raison de leur comportement.
Il contestait avoir porté les coups dénoncés par Amandine.
Il reconnaissait " avoir pété les plombs " quand sa femme l'avait poussé à bout et précisait à cet égard qu'il " était un homme, avait des besoins et qu'il était très difficile de pouvoir satisfaire ces besoins ".
Il reconnaissait également avoir eu des rapports sexuels avec son épouse alors que celle-ci lui avait fait part de son refus mais précisait qu'à la fin, elle finissait toujours par consentir mais qu'elle ne manifestait aucun plaisir.
Devant le juge d'instruction, il revenait sur ces déclarations indiquant que si, au début, sa femme disait qu'elle n'était pas consentante, elle finissait toujours par accepter et que pour lui c'était un jeu.
Corinne A... maintenait, pour sa part, ses déclarations (D17), elle relatait la scène de violence décrite par Jean-Marie D... et précisait que les viols se produisaient une fois par semaine environ depuis 2006 mais que cela avait commencé en 2004.
L'expertise psychologique de Corinne A... établissait que les déclarations de cette dernières étaient crédibles bien que confuses.
L'expert notait un passé douloureux et le climat insécuritaire dans lequel vivait Corinne A... .
L'expert psychiatre ayant examiné Jean-Louis X... ne relevait aucune anomalie au sens psychiatrique du terme ;
Il relevait cependant que Jean-Louis X... était égocentrique et qu'il ne se remettait pas en cause.
A l'audience, Jean-Louis X... a contesté l'intégralité des faits qui lui sont reprochés.
Corinne A..., par l'intermédiaire de son conseil, a maintenu ses déclarations et sollicité la confirmation du jugement entrepris.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'action publique
Sur les violences sur Corinne A...
C'est à juste titre et par des motifs que la présente juridiction adopte que les premiers juges ont relevé que les violences dénoncées n'étaient pas suffisamment distinctes des faits d'agressions sexuelles avec violences qui sont reprochés à Jean-Louis X... pour la même période et constituaient, en réalité, une circonstance aggravante de ce dernier délit et qu'en raison d'un concours idéal de ces deux types d'infractions Jean-Louis X... devait être relaxé.
Sur les violences sur Amandine X... et sur Angelique X...
C'est également à juste titre et par des motifs que la présente juridiction adopte que les premiers juges ont relaxé Jean-Louis X... des faits de violences sur ses filles Angélique et Amandine.
En effet, les violences reconnues par le prévenu et reprochées à ce dernier sont légères, rares et n'ont pas dépassé l'exercice du simple droit de correction explicité par Jean-Louis X... .
Sur les agressions sexuelles sur Corinne A...
Il résulte des débats et des éléments qui y sont versés que les délits d'agressions sexuelles reprochés à Jean-Louis X... sont parfaitement établis.
Si Jean-Louis X... nie les agressions sexuelles qui lui sont reprochées, il a dans un premier temps reconnu avoir imposé à sa femme deux rapports forcés.
Lors de sa garde à vue il a en effet décrit le refus verbalisé par Corinne A... à l'occasion d'une sollicitation de sa part puis la contrainte qu'il lui a imposée en la conduisant dans la chambre pour avoir une relation sexuelle avec elle.
Il a également reconnu lui avoir imposé un rapport sexuel en 2004, après l'avoir attrapée à la suite d'une course autour d'une table.
S'il est revenu par la suite sur ses déclarations, et a indiqué que son épouse était consentante, ses dénégations ne sont pas crédibles compte tenu des éléments ci-dessus rappelés.
En effet, les déclarations de Corinne A..., laquelle ne semble animée par aucun désir de vengeance, sont précises, circonstanciées et constantes.
Elles sont corroborées par les déclarations d'Angélique et d'Amandine X... qui ont été, à plusieurs reprises, témoins du refus de leur mère et des violences de leur père à son égard, pour selon leurs dires " prendre leur mère ".
Elles sont également corroborées par le témoignage de Jean-Marie D... .
Par ailleurs, Jean-Louis X... n'a cessé au fil de la procédure de minimiser les faits, indiquant que son épouse finissait toujours par être consentante tout en reconnaissant qu'elle ne manifestait aucun plaisir, et de varier dans ses déclarations pour finir par nier en totalité les faits qui lui sont reprochés.
Il apparaît de ce fait comme n'étant aucunement crédible.
Il convient donc de confirmer la décision dont appel en ce qui concerne la culpabilité de Jean-Louis X... .
Cette décision doit cependant être réformée en ce qui concerne la peine appliquée au prévenu.
En effet, les infractions commises de manière répétée et pendant plusieurs années sont particulièrement graves.
Elles ont engendré un préjudice important pour Corinne A... .
Jean-Louis X... n'a pas pris conscience des faits commis et semble ne pas vouloir se remettre en question.
Il convient, dans ces conditions, compte tenu tant de la gravité des faits commis que de la personnalité du prévenu, de prononcer à son encontre une peine de cinq années d'emprisonnement, d'ordonner son maintien en détention et de prononcer à son encontre un suivi socio-judiciaire pendant trois ans et de fixer à un an la peine d'emprisonnement en cas d'inobservation de ce suivi.
L'inscription au FIJAIS sera confirmée ainsi que le mandat de dépôt.
Sur l'action civile
Il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ses dispositions civiles.
En effet, Corinne A... justifie avoir personnellement subi un préjudice en relation directe de cause à effet avec les infractions commises par Jean-Louis X... .
Par ailleurs, ce préjudice a été très exactement apprécié par les premiers juges.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire.
Confirme la décision entreprise, sauf en ce qui concerne la peine prononcée à l'encontre de Jean-Louis X... .
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne Jean-Louis X... Ã la peine de 5 ans d'emprisonnement.
Prononce à l'encontre de Jean-Louis X..., un suivi socio-judiciaire pour une durée de trois ans.
Fixe à un an la durée de la peine encourue en cas de non-respect de ce suivi.
Ordonne le maintien en détention de Jean-Louis X... .
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euros dont est redevable le condamné.