COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 06/05/2010
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N° MINUTE :
N° RG : 10/00522
Jugement (N° 09/00015)
rendu le 12 Novembre 2009
par le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS
REF : PC/VC
APPELANTS et INTIMES
Monsieur [N] [V] [X]
né le [Date naissance 4] 1939 à [Localité 9]
demeurant : [Adresse 6]
Représenté par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour
Assisté de Me Danièle LAMORIL LAUDE, avocat au barreau d'ARRAS
Madame [W] [H] [R]
née le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 10]
demeurant : [Adresse 6]
Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour
Assistée de Me Danièle LAMORIL LAUDE, avocat au barreau d'ARRAS
S.C.I. SAINT SAUVEUR prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social : [Adresse 2]
Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour
Assistée de Me Danièle LAMORIL LAUDE, avocat au barreau d'ARRAS
S.A. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social : [Adresse 5]
Représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués à la Cour
Assistée de Me Antoine LE GENTIL, avocat au barreau d'ARRAS
INTIMÉE
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE SAINT LAURENT BLANGY prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social : [Adresse 3]
N'a pas constitué avoué.
DÉBATS à l'audience publique du 01 Avril 2010 tenue par Pierre CHARBONNIER magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Patricia PAUCHET
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre CHARBONNIER, Président de chambre
Catherine CONVAIN, Conseiller
Catherine PAOLI, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Pierre CHARBONNIER, Président et Patricia PAUCHET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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LA COUR ;
Attendu que les époux [N] [X] et [W] [R] et la Société Civile Immobilière (S.C.I.) SAINT SAUVEUR ont interjeté appel d'un jugement rendu le 12 novembre 2009 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance d'ARRAS qui, statuant à l'audience d'orientation, a évalué « à la somme de 81.234 € en principal et intérêts arrêtée au 31 août 2006, outre les intérêts au taux contractuel courus depuis et sans préjudice des intérêts au taux légal majoré de cinq points » la créance dont la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE est titulaire contre la S.C.I. en vertu d'un acte de prêt notarié des 24 et 31 août 1991 ; et qui a ordonné, sur la poursuite de saisie immobilière exercée par cet établissement suivant deux commandements des 12 février et 13 mars 2009 délivrés, le premier à la société débitrice et, le second, aux époux [X]/[R] pris comme tiers détenteurs du bien saisi, la vente forcée d'un immeuble à usage de garage et d'habitation sis [Adresse 7] sur la mise à prix de 150.000 € ;
Attendu que, de son côté, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a relevé appel de ce jugement ; que les deux instances, inscrites au répertoire général sous les numéros 522 et 667 de l'année 2010 ont été jointes par une ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 17 mars 2010 ;
Attendu que la Caisse de CRÉDIT MUTUEL de SAINT LAURENT BLANGY, assignée à personne par acte du 10 février 2010, n'a pas constitué avoué ;
Attendu qu'aux termes de l'acte précité des 24 et 31 août 1991 contenant le prêt consenti par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à la S.C.I. SAINT SAUVEUR, celle-ci a acquis des époux [X]/[R], qui en étaient propriétaires, l'immeuble susdésigné dont elle a pour partie financé l'achat au moyen de son emprunt ; que par un arrêt du 27 avril 1998 confirmatif d'un jugement du tribunal de grande instance d'ARRAS du 14 décembre 1995, la cour de céans, accueillant l'action paulienne exercée par la Caisse de CRÉDIT MUTUEL de SAINT LAURENT BLANGY, a décidé que la vente de l'immeuble conclue au profit de la S.C.I. SAINT SAUVEUR dont les associés étaient le fils des vendeurs, [B] [X], et la concubine de celui-ci, [G] [C], serait « inopposable au CRÉDIT MUTUEL de SAINT LAURENT BLANGY et que les biens immobiliers vendus réintégreront le patrimoine des époux [X]/[R] » ; que tant le jugement de première instance que l'arrêt d'appel ont été publiés à la conservation des hypothèques d'[Localité 8] le 1er février 2000, volume 2000 P n°585 ;
Attendu qu'à l'appui de leur recours les époux [X]/[R] et la S.C.I. SAINT SAUVEUR se prévalent de la nullité du commandement de payer valant saisie au motif qu'à la suite de l'arrêt de la Cour du 27 avril 1998, la S.C.I. débitrice principale a perdu tout droit sur l'immeuble saisi dont les époux [X]/[R] sont, non pas les tiers détenteurs comme la créancière poursuivante leur en attribue à tort la qualité, mais les propriétaires en vertu de leur acte originaire d'acquisition du 14 avril 1982 ; qu'ils observent subsidiairement que la créance de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE est aujourd'hui éteinte par l'effet de la prescription instituée à l'article L.110-4 du code de commerce ; qu'ils réclament la condamnation de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à leur verser une somme de 2.000 € du chef de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE demande à la Cour de fixer le montant de sa créance à la somme de 170.527,94 € ; qu'elle conclut pour le surplus à la confirmation du jugement déféré ;
Attendu que, l'acte argué de fraude n'étant inopposable qu'à celui ou ceux des créanciers qui ont exercé l'action paulienne, c'est avec raison que le premier juge a estimé qu'en l'espèce la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE avait valablement engagé la procédure de saisie de l'immeuble litigieux contre la S.C.I. SAINT SAUVEUR, restée propriétaire de ce bien, et contre les époux [X]/[R] dont la qualité est celle de tiers détenteurs ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que les obligations souscrites par la S.C.I. SAINT SAUVEUR, en ce qu'elles découlent d'un prêt bancaire constitutif d'un acte de commerce, relèvent de la prescription décennale édictée par l'article L.110-4 du code de commerce pris dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 ; que la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance, la circonstance que celle-ci soit constatée par un acte authentique revêtu de la formule exécutoire n'a pas pour effet de modifier cette durée ;
Attendu que le 28 janvier 1995, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE faisait sommation, par lettre, à la S.C.I. SAINT SAUVEUR de payer l'échéance du 7 janvier 1995 avant le 7 février suivant, faute de quoi, indiquait-elle, elle ferait jouer la clause d'exigibilité anticipée du contrat de prêt, dont elle était d'ores et déjà en droit de se prévaloir, pour réclamer immédiatement la totalité des sommes restant dues ainsi que les intérêts et les indemnités de retard ; que le même jour elle adressait à [B] [X] une lettre similaire par laquelle elle le prévenait que si le règlement réclamé n'intervenait pas, il serait en sa qualité de caution solidaire de la S.C.I. SAINT SAUVEUR tenu de régler la totalité des sommes dont celle-ci était redevable ; que le décompte de la créance de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, dressé par celle-ci pour la période du 30 novembre 1995 au 21 mars 2008, se fonde sur un « solde à l'origine » de 73.017,32 € à la date du 30 novembre 1995, auquel ne viennent plus s'ajouter ultérieurement que des intérêts moratoires au taux conventionnel de 11,75 % l'an ; que la saisie-attribution diligentée le 18 septembre 1995 par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE entre les mains de la Société AMA DÉVELOPPEMENT et au préjudice de la S.C.I. SAINT SAUVEUR portait sur un principal de 491.586,39 F [74.941,86 €] en capital et intérêts au 5 septembre 1995 représentant, en sus des accessoires et des frais avec lesquels elle s'additionne, la totalité de la dette issue du prêt ; que, partant, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE n'est pas fondée à prétendre qu'elle n'aurait pas prononcé la déchéance du terme du contrat de prêt au 30 novembre 1995 ;
Attendu que le délai de la prescription décennale a donc commencé à courir le 30 novembre 1995, date de l'exigibilité de l'obligation incombant à la S.C.I. SAINT SAUVEUR d'acquitter l'intégralité des sommes dues au titre du prêt ;
Attendu que l'état de sa créance établi par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE fait mention de cinq règlements opérés par la S.C.I. débitrice, tous imputés sur les intérêts de retard produits par le principal de 73.017,32 € ; que les quatre premiers versements opérés entre le 8 avril 1997 et le 12 mai 1998 consistent en des sommes appréhendées entre les mains de certains locataires de la S.C.I. SAINT SAUVEUR au moyen de deux saisies-attribution des loyers, pratiquées à la requête de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE les 18 et 25 septembre 1995 ; que selon le « détail des versements » dressé par l'huissier de justice de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, le dernier terme de loyer prélevé a été celui de janvier 1998 ;
Attendu que le 24 septembre 2007, moins de dix années après le dernier des versements obtenus par l'effet des procédures d'exécution précédemment mises en oeuvre, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE dénonçait à la S.C.I. SAINT SAUVEUR un nouveau procès-verbal de saisie-attribution des loyers dus à cette société par un nouveau locataire, en date du 20 septembre 2007 ;
Attendu qu'il s'évince de ce qui précède que la prescription a été interrompue le 24 septembre 2007, moins de dix années après le dernier paiement reçu en vertu de la saisie-attribution du 18 septembre 1995 dont la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, de surcroît, n'a donné mainlevée au locataire tiers saisi qu'à la date du 6 octobre 2007 ; que le commandement de payer valant saisie du 12 février 2009 a donc été délivré à la S.C.I. SAINT SAUVEUR dans les deux années qui ont suivi la dénonciation de la dernière saisie-attribution, alors que le nouveau délai quinquennal de prescription de l'article L.110-4 précité du code de commerce, applicable à compter du 18 juin 2008, était en cours ;
Attendu que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la créance de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE doit être par conséquent écartée ;
Attendu que, le délai de prescription courant à compter de la date d'exigibilité du prêt située au jour de la déchéance de son terme, c'est à tort que le premier juge a fixé le point de départ de ce délai à la date d'échéance de chacune des mensualités de remboursement du prêt prévues au contrat ; qu'il convient, partant, d'évaluer la créance de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE dont les modalités de calcul ne sont pas autrement critiquées par les époux [X]/
[R] et la S.C.I. SAINT SAUVEUR, à la somme de 170.527,94 € au 21 mars 2008 visée par le commandement du 12 février 2009 ;
Attendu que ce principal ne saurait produire d'autres intérêts moratoires que les intérêts au taux contractuel, de 11,75 % l'an ;
Attendu que le surplus des dispositions du jugement déféré n'est pas discuté, à l'exception de la mise à prix de l'immeuble saisi qui, conformément à la demande de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, sera portée à la somme de
170.000 € ;
PAR CES MOTIFS ;
Statuant publiquement et contradictoirement ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions autres que celles relatives au montant de la créance du poursuivant et à la mise à prix de l'immeuble saisi ;
Réformant et émendant de ces chefs ;
Evalue la créance dont la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE est titulaire sur la Société Civile Immobilière (S.C.I.) SAINT SAUVEUR à la somme de 170.527,94 € avec intérêts au taux contractuel de 11,75 % l'an à compter du 21 mars 2008, outre les frais ;
Fixe la mise à prix de l'immeuble saisi à la somme de 170.000 € ;
Renvoie la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à poursuivre sa procédure de saisie immobilière devant le juge de première instance ;
Déclare le présent arrêt commun à la Caisse de CRÉDIT MUTUEL de SAINT LAURENT BLANGY, créancier inscrit ;
Condamne les époux [X]/[R] et la S.C.I. SAINT SAUVEUR aux dépens d'appel.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,
P. PAUCHETP. CHARBONNIER