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26/05/2010 | FRANCE | N°09/04143

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 26 mai 2010, 09/04143


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 26/05/2010



***



N° de MINUTE :

N° RG : 09/04143



Jugement (N° 08/00593)

rendu le 07 Avril 2009

par le Tribunal de Grande Instance de DOUAI



REF : FB/AMD





APPELANTS



Monsieur [N] [V]

né le [Date naissance 3] 1931 à [Localité 18]

Madame [F] [G] épouse [V]

née le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 20]

[Localité 6]



Repré

sentés par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour

Assistés de Maître David-franck PAWLETTA, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉS



Monsieur [S] [H]

né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 22]

Madame [P] [U] épou...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 26/05/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 09/04143

Jugement (N° 08/00593)

rendu le 07 Avril 2009

par le Tribunal de Grande Instance de DOUAI

REF : FB/AMD

APPELANTS

Monsieur [N] [V]

né le [Date naissance 3] 1931 à [Localité 18]

Madame [F] [G] épouse [V]

née le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 20]

[Localité 6]

Représentés par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour

Assistés de Maître David-franck PAWLETTA, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS

Monsieur [S] [H]

né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 22]

Madame [P] [U] épouse [H]

née le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 16]

demeurant [Adresse 17]

[Localité 6]

Représentés par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Assistés de Maître Bruno BUFQUIN, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS à l'audience publique du 24 Mars 2010 tenue par Fabienne BONNEMAISON magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Claudine POPEK

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bernard MERICQ, Président de chambre

Fabienne BONNEMAISON, Conseiller

Véronique MULLER, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bernard MERICQ, Président et Claudine POPEK, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 08 mars 2010

*****

Par jugement du 7 Avril 2009, le Tribunal de Grande Instance de DOUAI a déclaré irrecevables l'action possessoire exercée par les époux [V] à l'encontre des époux [H] et la demande reconventionnelle de ces derniers tendant à faire défense aux époux [V] de pénétrer sur leur fonds, a débouté les parties de leurs demandes respectives en dommages et intérêts et indemnités de procédure.

Les époux [V] ont relevé appel le 8 Octobre 2009 de ce jugement dont ils sollicitent la réformation suivant conclusions déposées le 5 Mars 2010 tendant à voir constater qu'ils bénéficient d'un droit de passage sur la propriété des époux [H], interdire à ceux-ci sous astreinte toute entrave à l'exercice de cette servitude, indemniser leur préjudice moral et physique à hauteur de 7000€, sinon ordonner un transport sur les lieux et condamner les époux [H] à leur verser une indemnité de procédure de 3000€.

Au terme de conclusions déposées le 8 Mars 2010, les époux [H] sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il déclare prescrite l'action exercée par les époux [V] sinon demandent de constater que ceux-ci ne disposent d'aucune servitude de passage sur le chemin litigieux et de les débouter de toutes leurs demandes, concluent à la réformation du jugement en ce qu'il déclare irrecevable leur demande reconventionnelle, réclamant de ce chef une somme de 15 000€ à titre de dommages et intérêts outre une indemnité de procédure de 6000€ et sollicitant de la Cour l'autorisation de clôturer leur parcelle à l'intersection des parcelles C [Cadastre 13] et [Cadastre 11] tout en permettant aux propriétaires de la parcelle C [Cadastre 11] d'accéder à la parcelle C [Cadastre 14].

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 Mars 2010.

SUR CE

Les époux [V] sont propriétaires, pour l'avoir acquise le 15 Septembre 2003 des consorts [Y], d'une maison d'habitation sise à [Adresse 21], cadastrée sous les N° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] de la section C, précision étant faite au titre des intéressés que l'accès à l'immeuble se fait par un sentier non carrossable d'une largeur d'1.30 mètre tel que désigné ci-dessus.

Les époux [H] sont propriétaires, pour l'avoir acquise le 21 Mars 1980 des époux [I], d'une maison d'habitation sise à [Localité 19], cadastrée sous le N° C [Cadastre 12], dont l'adresse figurée à l'acte de cession est [Adresse 24] mais que les époux [H] désignent comme étant la [Adresse 23], et dont l'arrière donne sur le [Adresse 21], objet du présent litige

Au prétexte qu'en Septembre 2005, Mr [H], de concert avec une voisine Mme [X] (parcelle [Cadastre 11]), avait entrepris d'obstruer le [Adresse 21], nonobstant l'existence d'une servitude de passage plus que cinquantenaire au profit des riverains, les époux [V] ont assigné le 23 Décembre 2006 les époux [H] devant le Tribunal d'Instance sur le fondement des articles 544 ( au titre des troubles anormaux de voisinage) et 1382 du code civil en indemnisation du préjudice moral et physique subi du fait des agissements des intéressés.

Par jugement du 29 Février 2008, le Tribunal d'Instance de DOUAI, considérant que cette action s'analysait en une action possessoire (réintégrande), s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de DOUAI.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement dont appel qui a déclaré irrecevable cette action possessoire au motif que l'ensemble des pièces produites établissaient une obstruction systématique du passage par les époux [H] depuis Septembre 2005 en sorte que la demande des époux [V] se heurtait à la prescription annale de l'article 1264 du code civil.

Au soutien de leur appel, les époux [V] font grief au Tribunal d'avoir d'une part omis de statuer sur leur demande tendant à voir reconnaître l'existence à leur profit d'une servitude de passage s'exerçant sur la propriété des époux [H], d'autre part plaident la recevabilité et le bien fondé de l'action possessoire invoquée à titre subsidiaire au motif que le caractère continu de la dépossession reprochée aux époux [H] ne date que de 2007.

Les époux [H] objectent d'une part qu'ils s'opposent depuis leur installation en 1980 au passage de riverains sur le fond de leur propriété en sorte que l'action possessoire des appelants est prescrite de longue date, d'autre part que les titres des parties n'établissent aucune servitude de passage susceptible de fonder l'action possessoire exercée par les époux [V].

Sur la nature de l'action exercée par les époux [V]:

La Cour rappelle que, se prétendant bénéficiaires d'une servitude de passage sur la propriété des époux [H] ( fonds servant) dont le [Adresse 21] constituait l'assiette, les époux [V] (fonds dominant) ont assigné ces derniers en indemnisation du préjudice causé par le non respect de cette servitude et pour voir (conclusions récapitulatives du 27 Juin 2007) consacrer l'existence à leur profit d'une servitude légale de passage pour cause d'enclave au regard de la contestation par les époux [H] (conclusions récapitulatives n°6) de la servitude trentenaire revendiquée.

La même demande est formulée en appel par les époux [V] qui font de l'action possessoire un subsidiaire.

La Cour, au contraire du premier juge, analyse donc l'action exercée par les époux [V] tendant à faire reconnaître à leur profit l'existence d'une servitude, qu'elle soit conventionnelle ou légale, comme étant une action confessoire, de nature pétitoire, en sorte que le jugement doit être réformé en ce qu'il déclare prescrite cette action sur le fondement de l'article 1264 du code civil.

Sur l'existence d'une servitude de passage:

Les époux [V], qui rappellent qu'ils n'ont d'autre accès à la voie publique que celui constitué par le [Adresse 21] comme le précise leur titre, fondent leur servitude de passage sur les actes de cession des parcelles [Cadastre 10] ([E]), [Cadastre 11] ([X]) et [Cadastre 12] ([I] puis [H]) corroborés par le cahier des charges déposé le 30 Octobre 1964 entre les mains de Maître [W] [B], notaire à [Localité 6], par Mr [L] [D], à l'origine propriétaire de l'ensemble de ces parcelles, qui rappelle l'existence d'une servitude de passage s'exerçant à l'extrémité nord des parcelles vendues sur une largeur d'1.30 mètre au profit des riverains.

Les époux [H] objectent que la servitude dont s'agit ne concerne et ne bénéficie qu'aux trois lots du lotissement créé par Mr [D], à savoir les parcelles [Cadastre 11],[Cadastre 12] et [Cadastre 13] et en veulent pour preuve un certain nombre de documents propres selon eux à l'établir.

La Cour rappelle que Mr [D] [L] était propriétaire à [Localité 6] en bordure du [Adresse 15] (aussi appelé [Adresse 24]) d'une parcelle cadastrée sous les N° [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] de 31 a 58 ca qu'il a divisés en cinq lots constituant aujourd'hui les parcelles [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14] ensuite revendus:

-la 933 à [E] selon acte de cession du 22 Mars 1965

- la [Cadastre 11] à [X] le 22 Mars 1966

- la [Cadastre 12] à [I] le 4 Juin 1965

-la [Cadastre 13] semble-t-il à [Z] (acte non produit)

-la [Cadastre 14] aux consorts [C] le 3 Septembre 1965

Il a déposé entre les mains de Maître [W] [B], notaire à [Localité 6], le 3 Août 1964, un cahier des charges pour un lotissement à créer composé des parcelles [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13] et [Cadastre 14].

Celui-ci précise que l'immeuble (à diviser) est assujetti à une servitude de passage 'pour accéder aux propriétés situées au nord de l'immeuble faisant l'objet du présent lotissement, laquelle servitude de passage se situe à l'extrémité nord dudit immeuble sur une largeur de un mètre trente centimètres'.

Il ajoute que les lots 1, 2 et 3 (futurs [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13]) pourront également en profiter pour accéder au lot 4 ([Cadastre 14]).

Mention de cette servitude est également portée dans les mêmes termes:

-à l'acte de vente en faveur de [E] qui fait état d'une servitude de passage 'au profit des riverains à l'extrémité nord de la parcelle présentement vendue sur une largeur d'un mètre trente centimètres' et précise que sa parcelle ([Cadastre 10]) en bénéficiera sur le surplus de la propriété de Mr [D],

- à l'acte de vente en faveur de [I] (l'auteur des époux [H]),

-à l'acte de cession au profit des époux [H] qui rappelle cette servitude de passage instituée au cahier des charges du lotissement.

Cette clause est dépourvue d'ambiguïté:

elle instaure au profit de l'ensemble des immeubles situés au nord de la propriété de Mr [D] et donc à la charge des parcelles qui résulteront de sa division (à savoir les n°933 à [Cadastre 14]) un droit de passage dont l'assiette correspond exactement à la largeur du [Adresse 21] qui est d'ailleurs matérialisé en pointillé sur le plan de masse rectifié du lotissement de Mr [D] daté du 30 Octobre 1964 avec la mention 'sentier'.

Il en résulte que toutes les parcelles situées au nord de l'ancienne propriété [D] (parmi lesquelles celle des époux [V] dont la propriété se trouve en face de la parcelle [Cadastre 11]) bénéficient, sans exclusive, de cette servitude de passage, la thèse des époux [H] selon laquelle elle ne bénéficierait qu'aux parcelles incluses au lotissement étant dépourvue de fondement.

La Cour estime, par ailleurs, inopérante l'argumentation des intéressés tirée de l'analyse des actes relatifs à la parcelle [Cadastre 14] qui ne comporte aucune restriction à la servitude ci-dessus.

Cette parcelle, qui constitue l'assiette du second tronçon du [Adresse 21] (perpendiculaire au petit sentier qui nous occupe et rejoignant la [Adresse 23]), cédée en 1965 par Mr [D] aux consorts [C] puis revendue le 11 Avril 1973 aux consorts [A]-[T], est également assujettie à une servitude de passage au profit des parcelles [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13] de telle manière que celles-ci puissent bénéficier d'un second accès, au nord, en passant par la [Cadastre 14] puis par le petit sentier objet du présent litige.

Cette servitude voulue par Mr [D] est complémentaire des dispositions arrêtées par ce dernier dans le cahier des charges de 1964 qui précisait que les parcelles [Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13] pourraient aussi bénéficier du droit de passage accordé aux riverains du petit sentier objet du présent litige pour accéder à la [Cadastre 14].

Les actes de 1965 et 1973 instaurent donc une seconde servitude, distincte de celle dont il est question dans le présent litige et sans incidence sur cette dernière.

La Cour estime, par suite, fondée la réclamation des époux [V] tendant à voir interdire aux époux [H] toute entrave à l'exercice de leur droit de passage, sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte.

Sur les demandes accessoires des époux [V] :

* L'ensemble des pièces communiquées établissent les atteintes multiples des époux [H] (qui revendiquent un tel comportement depuis leur arrivée en 1980) au droit de passage des propriétaires riverains sur le sentier bordant leur propriété par la pose de rondins, branchages, détritus etc.., ôtés puis remis par intermittence.

Le préjudice moral subi par les époux [V], particulièrement sensibles compte-tenu de leur âge (Mr [V] aura 80 ans en Septembre prochain) à de telles atteintes, sera justement indemnisé à hauteur de 3000€.

* L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des intéressés suivant modalités prévues au dispositif.

Sur les demandes reconventionnelles des époux [H] :

* Succombant dans leurs prétentions, les époux [H] doivent être déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts et d'indemnité de procédure.

* S'agissant de la clôture de leur propriété :

La Cour rappelle que le droit de se clore fait partie intégrante du droit de propriété.

Les époux [H] sont donc en droit de poser toute clôture à leur convenance de part et d'autre de la portion du [Adresse 21] traversant leur fonds, sans autorisation judiciaire, avec cette réserve que le système de clôture posé ne doit pas faire obstacle à la servitude de passage s'exerçant sur leur fonds en sorte que les propriétaires riverains en bénéficiant doivent pouvoir franchir la clôture qui sera installée, ce qui implique de prévoir un système d'ouverture (exemple un portillon) et la remise des clefs aux bénéficiaires de la servitude dans l'éventualité de la pose d'une serrure fermant à clefs ou d'un cadenas, ce aux frais exclusifs des époux [H], la Cour rappelant en tant que de besoin les dispositions de l'article 701 du code civil qui stipule que le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode.

PAR CES MOTIFS

Dit que l'action initiée par les époux [V] s'analyse en une action confessoire exclusive de l'application des dispositions de l'article 1264 du code civil.

Réforme par suite le jugement entrepris.

Dit les parcelles C [Cadastre 4] et [Cadastre 5] sises à [Adresse 20], appartenant aux époux [V], bénéficient d'une servitude de passage s'exerçant sur le fonds des époux [H] cadastré C [Cadastre 12], dont l'assiette est constituée par le [Adresse 21] bordant au nord la propriété de ces derniers.

Fait en conséquence défense aux époux [H] d'entraver le passage dont bénéficient les époux [V] sur leur fonds par l'effet de cette servitude.

Condamne les époux [H] à verser aux époux [V]:

-une somme de 3000€ à titre de dommages et intérêts

-une indemnité de procédure de 2000€.

Dit sans objet la demande des époux [H] tendant à se faire autoriser à clôturer leur fonds, ce droit découlant de leur droit de propriété.

Condamne les époux [H] aux dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement au profit de la SELARL LAFORCE conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

C. POPEK.B. MERICQ.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 09/04143
Date de la décision : 26/05/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 1B, arrêt n°09/04143 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-26;09.04143 ?
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